5350 – Conférence annuelle de l’OSCE à Vienne – Le gouvernement autrichien tient bon – par Marianne Wüthrich – Horizons & Débats – 28 Février 2023

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Horizons & Débats du 28 Février 2023 – par Marianne Wüthrich Docteur en droit
Les 23 et 24 février 2023, l’Assemblée parlementaire de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) s’est réunie à Vienne pour sa session annuelle. L’Assemblée compte 323 députés, de provenance diverse entre Vancouver et Vladivostok.

Siège OSCE – Vienne – Autriche


   Lors de sa session annuelle de 2023, l’Assemblée parlementaire de l’OSCE a tenu un débat sur le thème (à univocité voulue) «Un an après: la guerre généralisée et continue de la Russie contre l’Ukraine», avec des discours de plusieurs représentants spéciaux de l’OSCE.
Au lieu de se montrer prêts à écouter le point de vue de la Russie, 81 députés de 20 pays se sont récemment adressé au gouvernement fédéral autrichien par lettre pour le solliciter «d’empêcher la participation de la délégation russe à la réunion de l’OSCE à Vienne». L’Autriche ne devait pas délivrer de visas aux députés russes (et biélorusses) qui font l’objet de sanctions occidentales, ont déclaré les expéditeurs.
« Le droit international doit être respecté, même si cela n’est pas populaire»

Alexandre Schallenberg – Ministre Affaires Étrangères d’Autriche


Le gouvernement autrichien ne s’est toutefois pas laissé détourner de sa ligne de conduite légitime. Le 3 février 2023, Alexander Schallenberg, Ministre autrichien des Affaires étrangères, a déclaré devant une commission du Conseil national que l’Autriche était tenue de délivrer des visas en vertu du droit international et qu’elle ne comptait certainement pas le violer. Selon lui, «le droit international doit être respecté, même si cela n’est pas populaire.»1
    L’Assemblée parlementaire de l’OSCE elle-même vient de réaffirmer cette position. Selon les nouvelles médiatiques récentes, l’organisation internationale avance que l’accord sur l’Etat hôte de l’Organisation internationale (Autriche) exige de l’Autriche qu’elle facilite l’entrée des délégations participantes, «ce qui signifie que la délivrance de visas n’est pas une question d’appréciation, mais relève de ses obligations juridiques».2
    Lors d’un entretien avec l’ORF, Schallenberg a également souligné l’importance due à l’OSCE en tant que plateforme:
«L’OSCE n’a jamais été une organisation de personnes partageant les mêmes idées. […] Mais nous devons rester en contact. Car nous espérons qu’un jour la diplomatie retrouvera sa place».
    Suite à cela est survenu la menace bruyante de la Lituanie de boycotter la réunion car, comme elle a dit, on ne pouvait pas exiger de sa délégation qu’elle soit «assise dans la même salle avec des personnes qui devraient être transférées devant un tribunal militaire spécial», car ces personnes étaient «directement responsables du déclenchement de la guerre» comme disaient ses porte-paroles.

https://topwar.ru/uploads/posts/2023-01/mid-avstrii.jpg  Le ministre autrichien des Affaires étrangères Alexander Schallenberg 


Sur ce, le Ministre autrichien des Affaires étrangères a calmement déclaré son «regret» que l’Assemblée parlementaire de l’OSCE, qui réunit les délégués parlementaires des pays membres de l’OSCE, se montre si «éprise d’émotions», alors que l’Assemblée des ambassadeurs de l’OSCE avait lieu chaque mardi à la Hofburg de Vienne.3

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    En tant que citoyenne suisse, on ne peut s’empêcher d’éprouver un certain moment de jalousie. L’Autriche qui, après la Seconde Guerre mondiale, a érigé son statut de neutralité armée perpétuelle sur le modèle suisse, ne se laisse pas détourner d’un iota de la voie de la neutralité ni de l’État de droit (malgré son appartenance à l’UE!).
Pour le gouvernement autrichien, les devoirs d’un État neutre sont apparemment clairs: ne pas livrer d’armes à l’Ukraine, ne pas autoriser le transport du matériel de guerre en utilisant l’espace aérien autrichien et, en tant qu’État hôte du Siège de l’OSCE, traiter tous les États membres de la même manière.
Peut-être devrions-nous envoyer notre Ministre des Affaires étrangères à Vienne pour lui faire suivre quelques leçons particulières en droit international?
Car le CICR dont le siège international se trouve en Suisse (Genève) et qui dépend de la confiance de toutes les parties en guerre et en conflit doit lui aussi pouvoir compter, pour ses activités humanitaires bénéfiques, sans exceptions sur la neutralité de la Suisse en tant qu’Etat dépositaire.

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«Quelque part, il faut qu’il existe un lieu garantissant que l’on puisse se parler»

Lors d’une émission récente du magazine politique suisse «Echo der Zeit», Manfred Nowak – Professeur de droit international et de droits de l’homme à l’université de Vienne, s’est prononcé dans le même sens:
en tant que siège de l’OSCE, Vienne a conclu «un accord sur le siège officiel entre l’Autriche et l’OSCE» qui la somme d’accorder aux 57 membres de l’OSCE, y compris la Russie et la Biélorussie, le droit de participer aux réunions de l’OSCE à Vienne.
Selon Nowak, cet accord d’État d’hôte doit être considéré comme plus contraignant que les sanctions de l’UE, par exemple l’interdiction d’entrée pour les hommes politiques et les diplomates russes.
Contrairement au Conseil de l’Europe, l’OSCE ne pourrait pas exclure la Russie, car elle ne prévoit pas de mécanisme d’exclusion:
«Cela s’explique par le fait que l’OSCE [à l’époque la CSCE] a été fondéeà Helsinki en 1975, pendant la Guerre froide, pour essayer de trouver une base de discussion entre les Etats-Unis et l’Union soviétique ainsi que les Etats européens».
    Le professeur Nowak ne plaiderait pas non plus pour une clause d’exclusion au sein des Nations Unies,
«car il doit encore y avoir un lieu où l’on puisse se parle. Exclure la Russie seule conduirait à l’impossibilité de conclure la paix, cette paix qui est précisément le but de l’OSCE en tant qu’organisation internationale la plus importante, ensemble avec l’ONU, car il s’agit de sécurité et de coopération en Europe. Il s’agit de faire en sorte que l’OSCE, qui avait une grande mission d’observation en Ukraine, redevienne une plateforme où des négociations de paix pourraient être possibles.»4
Un regard en arrière: à  qui profitait l’affaiblissement de l’OSCE par l’Occident?

Manfred Nowak

On ne peut qu’être d’accord avec Manfred Nowak: l’OSCE pourrait jouer un rôle important dans les terribles guerres se déroulant aujourd’hui en Europe, comme en Ukraine ou au Haut-Karabakh, afin de réunir les parties autour d’une table.
Comme l’a rapporté Horizons et débats en juillet 2020, les États membres de l’OTAN et de l’UE ne montraient pas beaucoup d’intérêt à avoir une OSCE forte. Au contraire, certains d’entre eux, comme la Norvège et le Canada, ont activement œuvré à la destitution de l’énergique équipe dirigeante de l’OSCE, y compris du secrétaire général suisse Thomas Greminger, qui avait proposé des instruments plus efficaces pour désamorcer les tensions entre les Etats.5

secrétaire général suisse Thomas Greminger


    L’un de ces instruments était la mission d’observation mentionnée par le professeur Nowak, qui avait été mise en place après le coup d’État de Maïdan en 2014. Cette mission a enregistré les violations du cessez-le-feu dans le Donbass.
Chaque explosion y est documentée avec une photo et une indication précise de l’heure. Comme indique le rapport de 2020, celles-ci provenaient en majorité de l’armée ukrainienne. Le fait que les observateurs soient si impartiaux a manifestement déplu à certaines puissances occidentales.

https://cdnuploads.aa.com.tr/uploads/Contents/2022/12/25/thumbs_b_c_1edac7badfc16bc41ab11071331cd9ef.jpg?v=181406  Sergueï Lavrov Ministre Affaires Étrangères de Russie

 

    Depuis décembre 2019, face à l’avancée de l’OTAN vers la frontière russe, au développement massif de son potentiel militaire en Europe de l’Est et à la création d’une image d’ennemi de la Russie, le Ministre russe des Affaires étrangères – Sergueï Lavrov, a appelé l’OSCE à agir lors de la réunion ministérielle de l’organisation:
«Il est important d’enrayer cette tendance dangereuse et d’arrêter la poursuite de la tendance à la confrontation. […] L’OSCE pourra et devra jouer un rôle important dans la résolution de ces problèmes en raison de sa vaste portée géographique et de son approche globale de la sécurité, du principe de consensus et du dialogue culturel.»6
    La CSCE/OSCE a été créée en tant que forum pour les échanges et la construction de ponts entre les États participants, en dépit de leurs vues politiques différentes. Lors de l’Assemblée parlementaire à Vienne, avancer uniquement selon les vues d’une seule partie aura certes pu servir la volonté de l’unique superpuissance et l’ambiance surchauffée d’aujourd’hui, mais certes nullement l’idée fondamentale de l’OSCE.

1Parlament autrichien. Parlamentskorrespondenz (Correspondance parlementaire) no 111 du 03/02/2023. «Aussenminister Schallenberg verteidigt Einreiseerlaubnis für russische OSZE-Delegation» (Le ministre des Affaires étrangères Schallenberg défend l’autorisation d’entré e pour la délégation russe de l’OSCE)
2«OSZE: Österreich rechtlich verpflichtet, allen Delegationen für Tagung Visa auszustellen» (L’Autriche est juridiquement tenue de délivrer des visas à toutes les délégations pour la réunion). dans: Der Standard du 07/02/2023
3Swaton, Chiara. «Österreich verteidigt Teilnahme Russlands an OSZE-Plenartagung». (L’Autriche défend la participation de la Russie à la réunion plénière de l’OSCE) dans: Euractiv.de du 07/02/2023
4Scheidegger, Christina. «Diplomatische Turbulenzen vor OSZE-Tagung in Wien». Ds: Radio SRF, Echo der Zeit du 10/02/2023
5Wüthrich, Marianne. «Le climat politique mondial détermine le degré de force de l’OSCE». dans: Horizons et débats du 04/08/2020
6«Lawrow will OSZE-Friedensinitiative: Die Nato steht an unseren Grenzen und erklärt uns zum Feind». (Lavrov veut une initiative de paix de l’OSCE: l’OTAN se déploie à  nos frontières et nous traite d’ennemi) dans: RT deutsch du 06/12/201




La confiscation des avoirs privés russes serait une enfreinte à la Constitution suisse!
L’administration fédérale vient de le réaffirmer
https://cdn.unitycms.io/images/8pyXvUvLandBISl730iixU.jpg?op=ocroped&val=1200,1200,1000,1000,0,0&sum=P8jYS863JEM  Le Conseil Fédéral 2023 – Voir détails sur https://fr.wikipedia.org/wiki/Conseil_f%C3%A9d%C3%A9ral_%28Suisse%29

mw. Le Conseil fédéral a récemment chargé un groupe de travail interne à l’administration de clarifier si les avoirs russes bloqués pouvaient être utilisés pour la reconstruction de l’Ukraine.
En date du 15 février 2023, le groupe de travail du Secrétariat d’Etat à l’économie (Seco), du Secrétariat d’Etat aux questions financières internationales (SFI) et de la Direction du droit international public (DDIP), sous la direction de l’Office fédéral de la justice (OFJ), a communiqué au Conseil fédéral les résultats de son enquête.
    Cela fait du bien de constater que l’administration fédérale vient de rappeler, à elle-même et à nous autres citoyens suisses, les fondements de notre Etat de droit. Le groupe de travail cité ci-dessus conclut dans son rapport
«que l’expropriation sans indemnisation de la propriété privée d’origine licite n’est pas autorisée par le droit suisse. La confiscation d’avoirs privés gelés est contraire à la Constitution fédérale, selon l’ordre juridique en vigueur, et constituerait une enfreinte des obligations internationales imposées à la Suisse». (Communiqué de presse du Conseil fédéral du 15 février 2023)
Un document du Seco dirigeant le travail de la commission citée, ayant été disponible en octobre 2022 déjà, détaille pourquoi, en vertu du droit suisse, les ressortissants russes ne peuvent pas être expropriés du seul fait qu’ils figurent sur une liste de sanctions.
  • Il affirme par contre que, selon le droit suisse, la condition préalable à la confiscation de valeurs patrimoniales présuppose une procédure pénale ayant établi l’origine illicite de ces valeurs. (Code pénal, art. 70).
  • La même instance met en évidence les données relevantes suivantes: «L’inscription sur une liste de sanctions ne signifie pas en soi que la personne aura commis un délit, de même que ce même acte de blocage ne signifie non plus, en tel, qu’ils aient été acquis de manière illicite. C’est pourquoi, du point de vue de l’Etat de droit, il serait très discutable de confisquer les avoirs d’entreprises ou de citoyens russes uniquement en raison de leur proximité de l’Etat […] ou sur la base de sanctions existantes. […] «En fait, les personnes sanctionnées conservent la propriété de leurs avoirs et ressources économiques bloqués […]. Elles récupèrent leurs avoirs lors
  • que les mesures de sanction sont levées».
  • La même source insiste sur le fait que la confiscation des avoirs constitue «une atteinte grave à la garantie de la propriété et aux autres droits fondamentaux des personnes concernées, garantis par la Constitution». Il ajoute, citant la Constitution suisse (Cst.), que «la compatibilité d’une telle mesure avec les principes de légalité et de proportionnalité (art. 5 Cst.) et avec la garantie de la propriété (art. 26 Cst.) est remise en question». En droit suisse, «il n’existe pas de base légale pour la restitution à l’Ukraine d’avoirs bloqués».
Avec sa prise de position limpide, le texte issu de la Berne fédérale souligne un reste de rappel de la souveraineté suisse (qui mériterait davantage de considération), en la résumant ainsi:
  • «Dans de nombreux cas, la Suisse a certes repris les mesures de sanction de l’UE, mais elle se réserve le droit de régler les dispositions pénales de manière autonome. Elle n’a aucune obligation juridique ou politique de s’aligner sur les dispositions pénales actuelles ou futures de l’UE».

Source: Département fédéral de l’économie, de la formation et de la recherche DEFR. Secrétariat d’Etat à l’économie (Seco). Sanctions. «22-07. Blocage et confiscation des avoirs. Limites du cadre juridique. Prise de position à l’attention de la Commission des affaires juridiques du Conseil des Etats du 26/10/22                   

https://www.zeit-fragen.ch/fr/archiv/2023/nr-4-21-februar-2023/osze-jahrestagung-in-wien-oesterreichische-regierung-bleibt-standhaft

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