Déclaration de Belgrade
Niemals vergessen! 1999–2024
Belgrade, le 23 mars 2024
Nous, les participants à la Conférence internationale qui s’est tenue à Belgrade du 22 au 24 mars 2024 pour commémorer les 25 ans de l’agression de l’OTAN contre la République Fédérale de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) et qui a réuni des représentants venus du monde entier sur le thème «De l’agression vers un nouvel ordre équitable», déclarons par la présente:
Appartenant à différents pays, nations, idéologies, religions et civilisations, nous sommes néanmoins fermement unis dans notre engagement en faveur de la paix, de l’égalité et de la prospérité pour tous les peuples, ainsi que dans notre condamnation de l’interventionnisme, de l’expansionnisme, de la domination et de l’hégémonisme.
Nous condamnons fermement l’agression armée injustifiée de l’OTAN contre la RFY (Serbie et Monténégro) en 1999 comme étant une guerre illégale, invasive et criminelle à l’encontre d’un pays européen souverain et pacifique, menée sans mandat du Conseil de sécurité des Nations Unies, en violation flagrante de la Charte des Nations Unies, de l’Acte final d’Helsinki de l’OSCE (1975) et des principes fondamentaux du droit international.
Nous soulignons que cette agression a été menée sous de faux prétextes et que, par conséquent, la responsabilité de l’OTAN ne peut en être minimisée. Ce ne sont pas des puissances nationales, mais au contraire l’expansionnisme de l’OTAN qui a en fait provoqué un «désastre humanitaire». Ce qui s’est passé à Rachak n’a pas été un «massacre de civils», mais une réponse légitime de l’Etat au terrorisme. Il n’y a pas eu de plan «Fer à cheval». Les guerres ou interventions «humanitaires» n’existent pas. On ne peut guère prévenir la souffrance humaine en détruisant des maisons et des hôpitaux, en utilisant de l’uranium appauvri et des bombes à fragmentation, en empoisonnant l’air, le sol et l’eau.
En 1999, l’OTAN a réintroduit la guerre sur le sol européen, paradoxalement une guerre que l’Europe a menée contre elle-même. Il ne s’agissait pas d’une «petite guerre du Kosovo», mais plutôt d’une guerre visant à atteindre ces objectifs géopolitiques:
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le découpage de la province autonome du Kosovo et de Metohija en Serbie et le contrôle total des Balkans;
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le déploiement des troupes américaines dans les Balkans dans le cadre de sa stratégie d’expansion vers l’Est;
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la création d’un précédent pour des interventions ultérieures menées en violation du droit international et de l’inviolabilité du Conseil de sécurité des Nations unies;
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justifier l’existence de l’OTAN et son action au-delà de la zone définie dans son Acte fondateur de 1949. «Chaque fois que la loi fait obstacle à la politique d’expansion, elle doit être abrogée», telle est la nouvelle règle de l’OTAN.
L’agression de l’OTAN incarne la défaite de l’ordre établi à l’issue de la Seconde Guerre mondiale en matière de paix et de sécurité en Europe et dans le monde. Aujourd’hui, les Balkans sont plus instables, l’Europe s’est remilitarisée sur des bases dangereuses, sans autonomie, sans identité et sans vision.
L’agression a coûté la vie à 1139 soldats et policiers, à environ 3000 civils, dont 89enfants, et a fait quelque 10000 blessés.
Cependant, les conséquences des effets persistants des armes contenant de l’uranium appauvri et des composés toxiques sont de loin plus importantes. L’OTAN a également bombardé l’ambassade de la République populaire de Chine à Belgrade, tuant trois journalistes chinois et détruisant le bâtiment de l’ambassade chinoise. Nous rendons hommage à toutes les personnes innocentes tombées au combat et exprimons nos condoléances les plus sincères à leurs familles.
L’agresseur a systématiquement détruit ou gravement endommagé les infrastructures civiles, telles que les chemins de fer, les routes, les ponts, les aéroports, le système énergétique, ainsi que les immeubles d’habitation, les installations industrielles, les écoles, les hôpitaux, les jardins d’enfants et bien d’autres équipements. Les bombardements ont touché plus de trente stations et émetteurs de radio et de télévision, dont la télévision publique nationale RTS, tuant 16 professionnels en service. Les dommages directs s’élèvent à quelque 100 milliards de dollars.
Nous insistons sur le fait que l’OTAN et ses Etats membres, qui ont participé à cet acte de guerre illégal, sont tenus d’indemniser la Serbie pour les dommages de guerre qu’ils lui ont infligés. Nous demandons à ce que les instances spéciales gouvernementales et les organismes d’experts, chargés de déterminer les conséquences de l’agression sur la santé des personnes et l’environnement, reprennent leurs travaux, et que les crimes de guerre contre les civils et les crimes de non-respect des conventions relatives à la guerre soient poursuivis et sanctionnés.
Nous soutenons fermement les efforts déployés par la Serbie pour atténuer les conséquences de l’agression et pour empêcher la poursuite de l’agression armée de l’OTAN par d’autres moyens, et exprimons notre solidarité à cet égard.
Nous exprimons notre soutien total à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de la Serbie dans ses frontières internationalement reconnues, à l’intérieur desquelles elle continue d’être membre des Nations Unies, de l’OSCE et d’autres organisations internationales. Nous sommes extrêmement inquiets face à la violation massive des droits fondamentaux de la communauté serbe au Kosovo et en Métochie, qui se traduit par une expulsion systématique de plus de 250.000 Serbes expulsés et d’autres non-Albanais de leurs maisons et de leurs biens, et par le fait qu’on les empêche d’y retourner librement et en toute sécurité.
Nous sommes fermement convaincus qu’une solution au futur statut de la province du Kosovo-Metohija ne peut être trouvée que dans le respect du droit international et, en particulier, de la Résolution 1244 du Conseil de sécurité des Nations unies du 10 juin 1999, laquelle constitue un document juridiquement contraignant et pérenne. Nous exigeons que toutes les dispositions de la Résolution 1244 du Conseil de sécurité de l’ONU soient pleinement respectées et mises en œuvre.
Nous condamnons toutes les violations de cette Résolution ainsi que les politiques de chantage et de pression, et toutes les mesures unilatérales visant à légaliser la confiscation du territoire de l’Etat et à achever le nettoyage ethnique de la population serbe encore présente, en vue de la création de la soi-disant Grande Albanie.
Nous nous opposons à l’ordre mondial unipolaire fondé sur la stratégie de l’hégémonisme et de la domination mondiale dont l’OTAN est le bouclier militaire. En 1999, l’agression contre la RFY a accéléré cette stratégie d’expansion vers l’Est et a constitué une menace pour la paix en Europe et dans le monde. A l’époque de l’agression, l’OTAN ne comptait que 19 membres, contre 32 aujourd’hui. Suite à la création de la base militaire américaine Camp Bondsteel au Kosovo-Metohija, des douzaines de nouvelles bases de l’OTAN ont vu le jour. Aujourd’hui, l’Europe accueille un nombre bien plus important de bases militaires étrangères et de stocks d’armes nucléaires qu’à l’époque du monde bipolaire et de la guerre froide.
Nous souhaitons manifester nos plus vives inquiétudes face à l’escalade accélérée des hostilités et des conflits dans les relations internationales, qui ne font que jeter de l’huile sur le feu, aux provocations incessantes et au danger imminent d’un conflit mondial. Le monde est au bord du gouffre. L’humanité devra soit freiner l’agressivité effrénée des puissances excentriques, soit tomber dans l’abîme.
C’est pourquoi nous sommes tous unis pour exiger l’ouverture immédiate d’un dialogue au niveau stratégique, sous les auspices de l’ONU, afin de mettre un terme à l’escalade, à la prolifération des armes conventionnelles et nucléaires et à la violation des accords internationaux. Nous exigeons la fermeture des bases militaires étrangères, le retrait complet d’Europe des armes nucléaires tactiques américaines et des installations des soi-disant défenses anti-missiles qui aggravent la vulnérabilité de la sécurité.
Nous appelons à mettre fin à la rhétorique belliciste et invitons tous les responsables politiques à recourir au dialogue et à trouver des solutions pacifiques, justes et durables aux conflits et aux crises en cours. Nous appelons toutes les forces pacifistes dans le monde à unir leurs voix dans la lutte pour le respect du droit international, la souveraineté et l’intégrité territoriale de tous les pays, le renforcement de l’autorité et du rôle des Nations Unies et d’autres organisations internationales, le respect des principes d’égalité, de souveraineté et d’intégrité territoriale, et pour la coopération et la coordination dans la lutte contre le terrorisme et le séparatisme en tant que menaces globales.
Nous soutenons le processus de multipolarisation des relations mondiales et leur démocratisation sur la base de l’égalité souveraine de tous les Etats et de tous les peuples. Nous soutenons les initiatives en faveur de la paix, de la sécurité et du développement, lorsqu’elles sont fondées sur le principe de l’indivisibilité mutuelle de la paix, de la sécurité et du développement, et lorsqu’elles prennent en compte les causes profondes des problèmes.
Les BRICS, l’EAEU, l’initiative mondiale «Belt and Road», l’Organisation de coopération de Shanghai et le Mouvement des pays non alignés jouent un rôle clé dans ce processus. Nous soutenons l’abolition de tous les monopoles et privilèges fondés sur l’«exceptionnalisme». Nous refusons les sanctions unilatérales, la création de nouveaux «murs» ou de nouvelles divisions. La tentative de diviser le monde en «démocraties» et «autocraties» est une ruse des puissances centrales destinée à prolonger la pérennité de l’ordre mondial unipolaire.
La politique de confrontation, d’interventionnisme et d’ingérence dans les affaires intérieures, soutenue par le complexe militaro-industriel et le Grand Capital financier, doit céder la place au dialogue, au partenariat, au respect des normes fondamentales du droit international et à l’ordre mondial multipolaire.
La paix, la stabilité, la démocratie et le développement solidaire exigent des changements radicaux dans les relations mondiales actuelles, le respect de l’égalité souveraine, la non-ingérence dans les affaires intérieures des autres pays, le multilatéralisme, le respect des intérêts communs et l’exclusion de tout égoïsme, du protectionnisme et des privilèges du passé.
Les vestiges de la guerre froide constituent l’obstacle majeur à l’ordre mondial des nations souveraines et équitables. C’est pourquoi l’OTAN doit être dissoute et la doctrine de l’hégémonisme, de l’expansionnisme et du néocolonialisme doit être reléguée aux oubliettes de l’histoire.
Nous condamnons le massacre collectif de la population palestinienne innocente, en particulier celui des enfants, et appelons à un cessez-le-feu immédiat dans la bande de Gaza et dans les autres zones où vit le peuple palestinien, afin de mettre enfin un terme à cette souffrance humaine sans précédent dans l’histoire récente, et de permettre le ravitaillement sans entrave de la population vulnérable en nourriture, en médicaments, en eau potable et en autres produits de première nécessité.
Nous soutenons une solution à deux Etats, la possibilité du retour en toute liberté et en toute sécurité de toutes les personnes expulsées, la fin de l’occupation et la création d’un Etat palestinien dans les frontières d’avant le 4 juin 1967, avec Jérusalem-Est comme capitale, le tout conformément aux résolutions des Nations unies.
Nous exprimons notre solidarité avec le peuple cubain qui subit depuis de nombreuses années les conséquences dévastatrices de l’embargo unilatéral des Etats-Unis. Le peuple cubain a le droit inaliénable de choisir lui-même les voies de son développement interne, sans ingérence extérieure. Nous exigeons le respect des positions de l’ONU sur la levée du blocus américain de Cuba et le retrait de Cuba de la liste des «Etats soutenant le terrorisme» parce qu’elle y a été inscrite sans fondement.
Nous estimons que la crise ukrainienne n’est autre que le corollaire de la stratégie d’expansion de l’OTAN vers l’Est, au mépris de tous les accords conclus par ailleurs.
Nous pensons qu’il est possible de résoudre cette crise de manière pacifique, en reconnaissant et en éliminant les causes et en garantissant la même sécurité à tous les pays. Il n’y a pas de place pour l’égoïsme et les approches égocentriques dans le style de la thèse complotiste du «milliard doré» dans l’avenir commun de l’humanité.
Nous exprimons notre reconnaissance et notre gratitude à nos hôtes – le Forum de Belgrade pour un monde d’égaux, le Club des généraux et amiraux de Serbie, le SUBNOR de Serbie, le Fonds de la diaspora pour la Serbie et l’Association des vétérans du service de renseignement militaire, ainsi qu’aux citoyens de Serbie – pour leur hospitalité et la bonne gestion du Forum. Les organisateurs expriment leur reconnaissance aux participants de cette Conférence, y compris au Conseil mondial de la paix et à tous ses membres, pour leur solidarité et leur soutien à la Serbie et au peuple serbe depuis des décennies, ainsi que pour leur contribution extraordinaire aux résultats de cette Conférence. •
(Traduction Horizons et débats)
«La majorité des peuples du monde entier opte pour la multipolarité et un ordre mondial inclusif»
Congrès international «De l’agression à un nouvel ordre mondial plus équitable» en mémoire du 25e annuaire de l’agression armée de l’OTAN contre la République fédérale de Yougoslavie, conférence d’ouverture (extraits) par par Živadin Jovanović
Je vous remercie tous d’avoir répondu à l’invitation à participer au Congrès international intitulé «De l’agression à un nouvel ordre mondial plus juste» et aux autres événements du programme constituant notre commémoration du 25e anniversaire du début de l’agression armée de l’OTAN contre la République fédérale de Yougoslavie.
Nous sommes très honorés et reconnaissants envers tous nos amis qui, par leur présence, expriment leur solidarité avec la Serbie et le peuple serbe, comme ils l’ont fait au cours des dernières décennies. Cela nous réconforte et renforce notre conviction que nous sommes sur la bonne voie, tant dans la défense de nos intérêts légitimes que dans la lutte pour la paix, l’égalité et un ordre européen et mondial plus juste et équitable.
Aujourd’hui, nous sommes réunis ici dans une sorte d’Assemblée populaire mondiale, avec nos amis accourus de toutes les parties du monde. Appartenant à des nations, des religions, des orientations politiques et des civilisations différentes, nous nous inclinons tous unis dans notre besoin d’honorer les victimes humaines anéanties par une puissance belliqueuse. Dans le même consentement partagé de nous tous, nous nous redressons pour accuser l’agression et l’expansionnisme de l’OTAN. Nous le faisons pourtant dans une perspective orientée vers l’avenir, unis dans nos efforts pour contribuer à la paix, à la liberté et au progrès de tous les pays et de tous les peuples. Nous nous sommes réunis ici parce que nous voulons contribuer à préserver la vérité, renforcer la valeur du droit et de la justice et rechercher un avenir plus humain et plus sécurisé pour tous.
Aujourd’hui, nous rendons hommage aux défenseurs d’un pays indépendant et épris de liberté, qui a été attaqué alors qu’il ne représentait pas une menace pour aucun autre pays, et encore moins pour les membres de l’OTAN. L’agression armée a pris fin il y a deux décennies et demie, mais ses initiateurs la poursuivent encore aujourd’hui misant sur d’autres moyens. C’est pourquoi nous continuons à condamner toute forme d’agression et affirmons que nous nous y opposerons fermement, quels que soient les «outils» savamment préparés.
Le peuple serbe n’oubliera pas et ne pourra pas oublier les victimes humaines et les souffrances dont l’agresseur est responsable. Les crimes commis contre le peuple serbe ne doivent jamais et nulle part se répéter. La paix, l’égalité en matière de sécurité, l’égalité dans notre coopération et efforts pour le progrès nous animent en tant que droits universels, ce qui fait que nous ne permettrons à personne de les piétiner ou de nous en priver. Nos efforts visent à construire un nouvel ordre mondial centré sur les êtres humains eux-mêmes, leur autonomie, leur égalité, leur sécurité et leur progrès. Nous nous engageons en faveur d’un ordre basé sur la liberté, la compréhension et l’ouverture, sans permettre que les intérêts, les valeurs et les vues des uns s’imposent aux autres. Nous demandons que les spécificités historiques, culturelles et spirituelles soient respectées, que les différences entre les habitants de notre terre unique soient considérées comme des richesses et non comme des pierres d’achoppement aboutissant à de nouvelles scissions, confrontations et guerres. Nous luttons pour un nouvel ordre réel, basé sur les principes universels d’égalité, de coexistence et de non-ingérence dans les affaires intérieures.
La majorité globale de l’humanité n’accepte pas un ordre basé sur la violence, les privilèges et les «règles» dans l’intérêt de la minorité. Le temps est révolu où il était possible pour une minorité de masquer son hégémonie et son néocolonialisme sous les atours de la démocratie et des droits de l’homme et de les imposer à la majorité mondiale par l’agression et les révolutions de couleur. Le piège de la division entre «démocraties et «autocraties» existe toujours. Mais la majorité mondiale opte pour la multipolarité et un ordre mondial inclusif, dans lequel les intérêts de l’humanité et non ceux du «milliard d’or» sont au centre des préoccupations.
(Traduction de l’anglais Horizons et débats)
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