Pap Ndiaye en a fait la promesse : il y aurait un prof dans chaque classe à la rentrée. Mais chacun sait que le jour J les classes sans enseignant seront nombreuses.
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Publié le 28 août 2022
Pap Ndiaye en a fait la promesse : il y aurait un prof dans chaque classe à la rentrée. Mais chacun sait que le jour J les classes sans enseignant seront nombreuses. Pire, elles risquent de se peupler d’enseignants « au rabais », paumés, parachutés là en dernière minute sans en avoir ni le niveau ni la préparation, tels des figurants de « Village Potemkine ».
Le drame est qu’une école sans enseignants n’est plus une école. C’est une garderie.
Comment en sommes-nous arrivés là ?
De quoi la crise des vocations enseignantes est-elle le nom ?
Plusieurs constats s’imposent.
En primaire d’abord, les enseignants manquent à l’appel en Île-de-France avant tout. Au secondaire ensuite, la pénurie frappe désormais la plupart des matières principales, à savoir l’allemand, la physique-chimie, les mathématiques, et même les lettres – classiques ou modernes. Excusez du peu ! Mais face à la bérézina, le chef de l’État se perd encore en considérations cosmétiques et annonce une énième refondation. Il promet des augmentations salariales aussi incertaines qu’insuffisantes au regard du déficit budgétaire et de l’inflation. Il invite à davantage de considération sociale pour les enseignants. Compte-t-il la leur en offrir par décret ?
L’État n’a rien fait depuis des décennies pour faire de l’étude, de la science, de la recherche et de la transmission, le sommet de notre système de valeurs. Il a même encouragé la jeunesse à vomir l’autorité. Pour faire moderne, il a acclamé les bouffons iconoclastes et laissé les bons élèves se faire harceler. Alors que notre temps célèbre le matérialisme et l’immédiateté, la figure du professeur, ce gagne-petit laborieux, ne fait plus rêver. Il faut aussi dire qu’elle s’est déconnectée tant de celle du savant que du notable. Le prof’, l’enseignant-gnan-gnan s’est prolétarisé à ses propres yeux comme à ceux de la société. Déconnecté de la sphère productive comme de la recherche, il s’est perdu. On ne pourra pas le ressusciter à l’identique.
En quoi le recrutement d’enseignants dans des « postes sur profil » initié par le président Macron à Marseille suffira-t-il à remotiver les troupes, quand cela ne concerne qu’une minorité des effectifs d’un établissement donné ? On voit bien que la « méthode » présidentielle rend impossible la constitution d’un corps professoral uni par un projet pédagogique clair et collectivement choisi dans la durée.
Alors ?
Fuite en avant
Le gouvernement a choisi de continuer la fuite en avant : recruter davantage de contractuels et titulariser en masse les contractuels déjà en poste.
Pourtant, comme le dit le SNESUP-FSU :
« Les élèves méritent des professeurs formés, pas des « faisant-fonction » (sic), recrutés comme contractuels en moins de 30 minutes »…
La titularisation ne serait-elle pas une nouvelle savonnette à vilain ?
La pénurie d’enseignants est en fait semblable à la désertion des soldats. Elle arrive quand les troupes n’ont plus la foi, qu’elles considèrent la cause comme perdue ou illégitime. Mais… quelle cause, au juste ? Ce n’est pas celle de l’école qui est perdue, ni même celle de la transmission, mais bien celle de l’Éducation nationale qui s’est perdue, malgré les centaines de milliers de bons professeurs qui demeurent dans le système et font de leur mieux. Ces derniers sont écrasés et désespérés par la lourdeur technocratique de cette institution inhumaine comme par sa propension à nier le réel au profit de l’idéologie.
Si les enseignants pouvaient enseigner librement, dans la confiance et la considération, en adaptant spontanément leur savoir aux besoins des élèves et à leur intuition professionnelle, alors les choses iraient mieux.
S’ils étaient libres de leurs moyens pédagogiques, mais aussi régulièrement évalués non sur leur docilité aux instructions mais sur les progrès effectifs de leurs élèves, alors ils retrouveraient le goût du métier, qui est aujourd’hui comme hier un métier de vocation.
C’est cette pleine liberté pédagogique qui nourrit aujourd’hui la croissance des écoles indépendantes et de l’instruction en famille dans le monde entier. Et c’est cette alternative que nos gouvernements successifs cherchent obstinément à détruire en France, à coups de régulations abusives et d’injustices…
Demain sera-t-il un autre jour ?
Par : Anne Coffinier