3639 – Allocution et 12 réponses à la presse de Sergueï Lavrov, Ministre des Affaires étrangères de la Fédération de Russie, à l’issue de son entretien avec Marcelo Ebrard Casaubon, Ministre des Affaires étrangères du Mexique, Mexico, 6 février 2020

Mesdames et messieurs,

La visite de la délégation du Ministre russe des Affaires étrangères au Mexique touche à sa fin. J’estime qu’elle a été très productive, nous avons mené des pourparlers très constructifs et utiles avec mon homologue mexicain Marcelo Ebrard Casaubon.

mexique marcelo-ebrard-casaubon-sre-mexico Marcelo Ebrard Casaubon.

Vous le savez, les liens entre nos deux États sont riches d’une longue histoire. Ils ont été officiellement formalisés il y a 130 ans – l’anniversaire est en décembre – et nous sommes convenus aujourd’hui avec mon homologue mexicain de célébrer dignement cette date mémorable.

Nous avons réaffirmé notre intérêt mutuel à renforcer la coopération dans tous les domaines sans exception. Nous avons parlé du développement et de l’intensification du dialogue politique, notamment à haut niveau et au sommet. Nous sommes convenus d’intensifier le travail pour enrichir la base juridique et contractuelle, notamment pour accélérer la mise au point des documents à l’étude des parties dont

  • l’Accord d’ouverture de centres culturels,
  • l’Accord de coopération dans l’exploitation pacifique de l’espace
  • l’Accord entre les forces de l’ordre ayant une signification pratique dans la lutte contre le terrorisme, entre autres.

Nous avons également évoqué l’utilité d’un régime sans visa pour les voyages réciproques de nos citoyens.

La grande majorité des pays de l’Amérique latine et des Caraïbes ont déjà signé avec la Fédération de Russie des accords intergouvernementaux sur les voyages sans visa.

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Nous avons accordé beaucoup d’attention à la coopération commerciale et économique.

Les échanges augmentent, et même si une tendance à la baisse a été enregistrée l’an dernier, le Mexique reste le deuxième plus grand partenaire de la Russie dans la région après le Brésil. Nous avons salué le développement des contacts entre les milieux d’affaires.

Nous avons noté en particulier qu’en avril dernier s’était tenue la première réunion du Comité des entrepreneurs Russie-Mexique auprès de la Chambre de commerce et d’industrie russe.

Nous avons également dit que nos compagnies s’installaient activement sur leurs marchés respectifs:

la compagnie Lukoil élargit sa présence au Mexique; et chez nous en Russie, dans la région d’Oulianovsk, travaille la compagnie mexicaine Nemak qui fabrique des pièces automobiles, et dans la région de Moscou a été ouverte une usine de la compagnie Gruma International Food.

Ce ne sont que quelques exemples, ils sont nombreux.

Comme nous l’avons réaffirmé aujourd’hui, il existe de bonnes perspectives dans les secteurs énergétique, de la construction automobile, de la construction navale, de l’industrie aéronautique et chimique, pharmaceutique, du transport ferroviaire et de l’agriculture. Nous enregistrons déjà de bons progrès dans la coopération militaro-technique: près de 50 hélicoptères de fabrication russe travaillent au Mexique, ainsi qu’un centre pour leur maintenance, et, sur sa base, un centre de formation de pilotes. Il existe également des perspectives en ce sens.

Dans l’ensemble, selon notre avis général, il faut diversifier les liens commerciaux et d’investissement, notamment exploiter plus activement le potentiel de la Commission russo-mexicaine mixte pour la coopération économique, commerciale, scientifique et technique et la navigation maritime. Malheureusement, la dernière réunion de cette commission a eu lieu en décembre 2011, mais le gouvernement mexicain actuel souhaite relancer cet instrument. Nous sommes convenus que la prochaine session de la commission intergouvernementale pour la coopération économique se tiendra cette année à Mexico.

Nous promouvons les échanges sociaux. En plus de la Commission mixte pour la coopération économique, commerciale, scientifique et technique et la navigation maritime, il existe la Commission mixte pour la coopération dans le domaine de la culture, de l’éducation et du sport. En 2018 s’est déroulée une nouvelle réunion qui a permis d’adopter un programme sur trois ans pour le développement de la coopération et des contacts dans tous ces domaines.

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Nous avons reçu une invitation de nos collègues mexicains à participer au 48e Festival international des arts Cervantino, qui aura lieu à Guanajuato en octobre 2020. Nous comptons sur une représentation digne de la Russie à cet événement important.

Nous avons noté également les contacts entre les capitales de nos deux pays. En décembre 2019, une délégation du gouvernement de Moscou s’est rendue à Mexico et a signé le nouveau Programme de coopération à l’horizon 2022.

Nos collègues ont noté avec satisfaction une hausse du nombre de touristes russes au Mexique. Je pense que quand nous réglerons le problème du régime sans visa ces chiffres seront encore plus impressionnants.

Les échanges éducatifs se développent bien. La Russie accorde régulièrement aux étudiants mexicains des bourses du budget fédéral pour qu’ils puissent suivre leurs études dans notre pays. Nous avons attribué une note positive à une nouvelle forme de coopération entre l’Académie diplomatique du Ministère russe des Affaires étrangères et l’Institut Matias Romero: depuis 2016, l’Académie diplomatique russe organise régulièrement des stages d’amélioration des compétences pour les diplomates d’Amérique latine. Des collaborateurs du Ministère des Affaires étrangères mexicain ont participé aux stages de l’automne dernier.

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Nous avons beaucoup parlé des problèmes internationaux. Nos approches coïncident en ce sens. Comme nos amis mexicains, nous nous appuyons sur la base solide de la Charte de l’Onu, les principes de respect de la souveraineté, d’égalité des États, de non-ingérence dans leurs affaires intérieures, et de règlement des litiges uniquement par des moyens pacifiques.

Nous avons remis les pendules à l’heure sur l’ordre du jour de l’Assemblée générale des Nations unies.

Le Mexique soutient la plupart des initiatives russes, y compris la résolution sur l’inadmissibilité de la glorification du nazisme, sur le non-déploiement d’armes dans l’espace, sur la coopération afin de renforcer la confiance dans l’espace extra-atmosphérique, la sécurité de l’information internationale et notre nouvelle résolution, soumise pour la première fois pendant la dernière session de l’Assemblée générale et activement soutenue par le Mexique, sur les mesures pratiques visant à renforcer et à développer le système d’accords pour la maîtrise des armements, le désarmement et la non-prolifération.

Nous avons également parlé de la situation en Amérique latine et dans les Caraïbes.

La Russie souhaite que cette région poursuive son développement en tant que centre important de l’ordre mondial multipolaire. Nous avons échangé nos avis sur les crises concrètes qui perdurent en Amérique latine, et nous nous sommes entendus sur le fait que toutes les tentatives de réanimer les doctrines néocoloniales comme la « doctrine de Monroe » et la reproduction de scénarios tristement célèbres de révolutions de couleur risquaient d’accroître dangereusement la tension. Nous adoptons notamment la même position par rapport à la situation au Venezuela et autour. Tout comme la Russie, le Mexique prône le règlement de tous les problèmes qui existent et s’accumulent dans ce pays uniquement à travers un dialogue entre le gouvernement et l’opposition, à travers un dialogue inclusif de toutes les forces politiques significatives de ce pays.

Nous avons exprimé notre disposition mutuelle à promouvoir le dialogue entre la Russie et les différentes associations d’intégration en Amérique latine et dans les Caraïbes, nous avons accordé une attention particulière à la présidence du Mexique au sein de la Communauté d’États latino-américains et caraïbes (Celac), et nous avons salué les plans de nos collègues mexicains de profiter de leur présidence pour renforcer la Celac et élargir ses liens extérieurs, notamment avec notre pays.

Dans le cadre de nos efforts pour renforcer la coordination sur les questions internationales, nous sommes convenus de préparer et de signer dans un avenir proche le plan des consultations entre nos ministères des Affaires étrangères.

J’ai invité mon homologue à se rendre en visite en Fédération de Russie. L’invitation a été acceptée, nous conviendrons de la date ultérieurement.

12 Questions

  1. Question (traduite de l’espagnol): Le Mexique et la Russie comptent-ils lancer un dialogue entre le Président vénézuélien Nicolas Maduro et l’opposition afin de régler la crise dans ce pays?
  2. Question (traduite de l’espagnol): Quelles entreprises sont intéressées par une participation de la Russie aux « mégaprojets » du Président mexicain Andrés Manuel Lopez Obrador?
  3. Question (traduite de l’espagnol): Vous avez parlé de développement et de changements dans le domaine économique. Pendant cet entretien, avez-vous parlé également du développement de la Commission mixte russo-mexicaine pour la coopération économique, commerciale, scientifique et technique et la navigation maritime?
  4. Question (traduite de l’anglais): Vous vous envolez ensuite pour le Venezuela. La Russie est-elle intéressée par un accord sur les conditions du départ de Nicolas Maduro? Le Mexique pourrait-il y jouer un rôle? Car contrairement à d’autres pays de la région, le Mexique s’est abstenu de prendre parti – soutenir Nicolas Maduro ou Juan Guaido. Avec quelle proposition partez-vous à Caracas?
  5. Question (traduite de l’anglais): Pouvez-vous commenter l’information sur la mort de soldats russes et turcs au Nord de la Syrie?
  6. Question (traduite de l’espagnol): La Russie compte-t-elle appeler l’Opep+ à réduire la production pétrolière, comme cela avait été avancé pendant la récente réunion extraordinaire? Que pouvez-vous dire de l’information selon laquelle les États-Unis s’apprêteraient à décréter des sanctions contre plusieurs compagnies pétrolières, notamment la compagnie russe Rosneft?
  7. Question (traduite de l’anglais): Que pouvez-vous dire des récentes attaques des forces armées turques contre l’armée syrienne, dont la Russie est un allié?
  8. Question (traduite de l’espagnol): Quels sont les objectifs de votre visite en Amérique latine et dans les Caraïbes? Quelle est votre position concernant l’aide que la Russie pourrait fournir au Président vénézuélien Nicolas Maduro?
  9. Question: Il a été annoncé plus tôt que la Russie et le Mexique renforçaient leur coopération militaro-technique. A-t-on réussi aujourd’hui à conclure de nouveaux accords en la matière? Et quelle place occupent actuellement les produits de l’industrie de l’armement russe sur le marché latino-américain?
  10. Question (traduite de l’espagnol): Avez-vous parlé de l’avancement de la candidature du Mexique au statut de membre non permanent du Conseil de sécurité des Nations unies? Cette candidature du Mexique sera-t-elle soutenue par la Russie?
  11. Question (traduite de l’espagnol): Est-il possible de garantir que le développement des relations entre la Russie et les États-Unis n’affectera pas les relations entre la Russie et le Mexique?
  12. Question (traduite de l’espagnol): La présence de Donald Trump à la tête des États-Unis représente-t-elle une menace pour la paix internationale?

lavrov 05.12.2019. LAVROV 5 décembre 2019184412040131

 

Question 1 (traduite de l’espagnol): Le Mexique et la Russie comptent-ils lancer un dialogue entre le Président vénézuélien Nicolas Maduro et l’opposition afin de régler la crise dans ce pays?
640_000_1cz115Le Venezuela voit  deux présidents se concurrencer : Nicolas Maduro et Juan Guaido © AFP / Juan Barreto, Yuri Cortez

Sergueï Lavrov: La Russie et le Mexique prônent le règlement de tous les problèmes du Venezuela non pas en s’appuyant sur la « doctrine de Monroe », comme nous l’entendons exprimer par certains à Washington, ou les tentatives de provoquer une confrontation armée pour avoir un prétexte pour intervenir militairement, mais uniquement sur des moyens pacifiques à travers un dialogue entre toutes les forces politiques.

Le Mexique était à l’origine de ce que nous appelons le « mécanisme de Montevideo » et a soutenu l’initiative de la Norvège pour promouvoir le processus d’Oslo.

Malheureusement, à cause des caprices de Juan Guaido qui s’est autoproclamé, ce processus est actuellement bloqué.

Il y a des progrès positifs. Je fais allusion au dialogue national qui a été lancé par le gouvernement du Président Nicolas Maduro et les opposants patriotes.

Certes, il n’englobe pas toutes les forces politiques du pays. Comme le Mexique, nous prônons un dialogue plus inclusif. Personne ne pourra régler les problèmes des Vénézuéliens à leur place, mais il est tout à fait possible de les empêcher de trouver un terrain d’entente. Comme je l’ai dit, nous constatons des tentatives de créer des prétextes pour une intervention militaire. La Russie et le Mexique estiment tous les deux que c’est absolument inadmissible.

Question 2 (traduite de l’espagnol): Quelles entreprises sont intéressées par une participation de la Russie aux « mégaprojets » du Président mexicain Andrés Manuel Lopez Obrador?

MEXIQUE andres-manuel-lopez-obrador  Président mexicain Andrés Manuel Lopez Obrador

Sergueï Lavrov: La question du rôle de la Russie dans les projets du Président mexicain Andrés Manuel Lopez Obrador pour le développement de l’économie et du secteur social sera évoquée pendant la réunion de la Commission mixte russo-mexicaine pour la coopération économique, commerciale, scientifique et technique et la navigation maritime.

Le plus important est de recevoir de la part de nos amis mexicains des propositions concrètes dans les domaines où ils verraient une contribution utile des compagnies russes. Les Mexicains sont bien informés des capacités des compagnies russes. Nous espérons que les propositions qui permettraient de réaliser les projets mexicains avec la participation de compagnies russes seront formulées et évoqués pendant la participation de délégations mexicaines aux forums en Russie. Je fais notamment allusion au Forum économique international de Saint-Pétersbourg, au Forum économique oriental, à l’Exposition industrielle internationale INNOPROM, ainsi qu’à la Semaine énergétique russe. Toutes ces activités annuelles sont très populaires. Des délégations mexicaines ont déjà participé à certaines d’entre elles.

Aujourd’hui, nous avons invité nos collègues à envoyer leurs représentants aux forums en question cette année. Nous serons ravis de recevoir des propositions concernant les domaines auxquels les Mexicains souhaiteraient que les compagnies participent pour réaliser les plans de développement économique du Mexique.

Question 3 (traduite de l’espagnol): Vous avez parlé de développement et de changements dans le domaine économique. Pendant cet entretien, avez-vous parlé également du développement de la Commission mixte russo-mexicaine pour la coopération économique, commerciale, scientifique et technique et la navigation maritime?

Sergueï Lavrov: La Commission mixte pour la coopération économique, commerciale, scientifique et technique et la navigation maritime ne s’est pas réunie depuis 2011. Nous sommes convenus aujourd’hui de la nécessité de relancer son travail. La réunion se tiendra cette année à Mexico. Les délais concrets seront fixés par nos ministères de l’Économie.

Question 4 (traduite de l’anglais): Vous vous envolez ensuite pour le Venezuela. La Russie est-elle intéressée par un accord sur les conditions du départ de Nicolas Maduro? Le Mexique pourrait-il y jouer un rôle? Car contrairement à d’autres pays de la région, le Mexique s’est abstenu de prendre parti – soutenir Nicolas Maduro ou Juan Guaido. Avec quelle proposition partez-vous à Caracas?
image_20200207phf9200 Sergueï Lavrov estime « illégales » les sanctions américaines.EYSTONE/AP/Matias Delacroix (sda-ats)

 

Sergueï Lavrov: Nous n’apportons aucune proposition à d’autres capitales. Nous respectons toujours les partenaires avec lesquels nous dialoguons. Vous avez commencé votre question en demandant si la Russie pourrait convenir de conditions pour le départ du Président vénézuélien Nicolas Maduro. C’est du déjà-vu. L’initiative de l’UE, ce qu’on appelle le Groupe de Lima, tournait autour de cela. Nous ne jugeons pas que de telles initiatives sont utiles ou productives.

En ce qui concerne la nécessité d’un dialogue national sans conditions préalables, c’est notre position commune avec le Mexique.

Ceux qui pensent (comme nos collègues occidentaux) qu’un dialogue est nécessaire dans le seul but d’évoquer les critères de changement de régime, alors, pardonnez-moi, ce n’est pas de la médiation, c’est l’imposition de recettes de l’extérieur.

Nous entendons les déclarations de Washington selon lesquelles il ne peut y avoir d’autres solutions à part le changement du gouvernement et du Président actuels. Les autorités américaines brandissent ouvertement la menace de recourir à toutes les options qui restent « sur la table ».

Washington organise régulièrement des provocations, comme avec ladite commission des droits de l’homme. Ce n’est pas notre approche, ni celle de nos partenaires mexicains. Il faut un dialogue sans conditions préalables. C’est seulement dans ce cas que toutes les parties pourront s’entendre sur les décisions mutuellement acceptables pour surmonter la crise actuelle. Si le résultat du dialogue est prédéterminé, alors ce n’est pas de la médiation, c’est du diktat. Voilà ce que je voulais dire.

Question 5 (traduite de l’anglais): Pouvez-vous commenter l’information sur la mort de soldats russes et turcs au Nord de la Syrie?

Sergueï Lavrov: Tous les commentaires ont déjà été faits à Moscou. Je n’ai rien à ajouter.

Question 6 (traduite de l’espagnol): La Russie compte-t-elle appeler l’Opep+ à réduire la production pétrolière, comme cela avait été avancé pendant la récente réunion extraordinaire? Que pouvez-vous dire de l’information selon laquelle les États-Unis s’apprêteraient à décréter des sanctions contre plusieurs compagnies pétrolières, notamment la compagnie russe Rosneft?
opep Certains ministres de l’Energie des membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) et leurs partenaires se sont réunis le week-end dernier à Djeddah, en Arabie saoudite, pour discuter de leur accord de limitation de la production. (Crédits : Reuters)
reduction-production-petrole-opep-2017 L’accord de l’OPEP+, conclu fin 2016 et reconduit à Vienne le 30 novembre 2017, concerne 24 pays qui comptent pour plus de la moitié de la production pétrolière mondiale. (©Connaissance des Énergies) – https://www.connaissancedesenergies.org/opep-un-compromis-et-des-incertitudes-180625

 

Sergueï Lavrov: Nous soutenons activement la coopération dans le cadre de l’accord Opep+, l’interaction entre les pays exportateurs qui font partie de l’Opep ainsi qu’en dehors du cartel. Le Président russe Vladimir Poutine s’est entretenu récemment par téléphone avec le Roi saoudien Salmane ben Abdelaziz Al-Saoud et ils ont évoqué ce sujet, notamment au vu des conséquences de l’épidémie de coronavirus sur l’économie mondiale, qui ralentit, ce qui impactera forcément le marché pétrolier.

Nous souhaitons poursuivre les consultations, qui devront déterminer les mesures optimales et acceptables pour tous les exportateurs pétroliers afin de réguler le marché dans le but d’éviter de fortes fluctuations – nuisibles aussi bien pour les producteurs que pour les consommateurs.

En ce qui concerne la seconde partie de la question, je n’ai pas très bien compris de quels « companeros » il était question. J’ai entendu les nouvelles menaces de Washington de punir tous ceux qui coopéraient d’une manière ou d’une autre avec le Venezuela. Nous y sommes habitués. Nous sommes habitués à ce que les représentants officiels américains ne se gênent pas pour dire que Washington est attaché à la « doctrine de Monroe » et qu’elle doit être mise en œuvre. Si les pays latino-américains se sentent à l’aise avec une telle tutelle, c’est votre droit souverain.

Je trouve que c’est outrageant pour tous les pays d’Amérique latine, quelle que soit leur position sur le Venezuela ou tout autre problème international.

Question 7 (traduite de l’anglais): Que pouvez-vous dire des récentes attaques des forces armées turques contre l’armée syrienne, dont la Russie est un allié?

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Sergueï Lavrov: Cette question a déjà été posée, j’y ai répondu. Tous les commentaires ont été faits à Moscou. Je peux seulement dire que nous sommes en contact avec les collègues turcs. Nous avons des accords avec eux, qui définissent clairement le régime de la zone de désescalade d’Idleb où nos collègues turcs se sont engagés à opérer une séparation entre l’opposition qui coopère avec eux, et les terroristes du Front al-Nosra et de Hayat Tahrir al-Cham.

Malheureusement, pour l’instant, ces terroristes mènent encore le bal dans la zone d’Idleb, c’est pourquoi il faut tenir cet engagement.

le Ministre turc des Affaires étrangères Mevlüt Cavusoglu 5e3157bc48614 le Ministre turc des Affaires étrangères Mevlüt Cavusoglu

Nous en avons parlé avec mon homologue le Ministre turc des Affaires étrangères Mevlüt Cavusoglu: il m’a téléphoné récemment. Le lendemain, le Président russe Vladimir Poutine s’est entretenu par téléphone avec le Président turc Recep Tayyip Erdogan.

Le deuxième engagement concerne la nécessité de créer, à l’intérieur de la zone de désescalade d’Idleb, une « bande » dépourvue d’armements.

C’est également convenu. Cet objectif n’a pas encore été atteint. Suite à la directive de Vladimir Poutine et de Recep Tayyip Erdogan, nos militaires remplissent sur le terrain ces missions concrètes. Tout ce qui est fait pour éliminer les terroristes est fait légalement, parce que tous les accords sur Idleb qui concernent le cessez-le-feu et la trêve ne s’appliquent pas aux terroristes.

Les terroristes sont hors-la-loi et hors de tout accord.

Question 8 (traduite de l’espagnol): Quels sont les objectifs de votre visite en Amérique latine et dans les Caraïbes? Quelle est votre position concernant l’aide que la Russie pourrait fournir au Président vénézuélien Nicolas Maduro?

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Sergueï Lavrov: Le but de ma visite est très prosaïque. Quand nous nous sommes rencontrés avec le Ministre mexicain des Affaires étrangères Marcelo Ebrard Casaubon en septembre 2019 à New York en marge de l’Assemblée générale des Nations unies, il m’a cordialement invité à me rendre en visite au Mexique. Je suis venu sur son invitation. Il est de coutume chez nous de répondre favorablement à une invitation.

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En ce qui concerne nos relations avec le Venezuela, nous ne proposons aucune méthode de soutien aux autorités vénézuéliennes autre que le rétablissement de relations commerciales et économiques normales. Par contre, les collègues américains sont obsédés par l’idée du diktat dans cette région. J’ai déjà mentionné les déclarations officielles selon lesquelles la « doctrine de Monroe » serait absolument légitime et légale.

Cependant, cette dernière – et toutes les actions des États-Unis sous ce « parapluie »visent à saper les liens commerciaux et économiques légaux et légitimes en violant grossièrement la Charte de l’Onu et les normes de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

Nous n’entreprenons rien qui soit interdit par le droit international.

J’espère que tous ceux qui sont conscients de l’inadmissibilité des actions des États-Unis vis-à-vis du Venezuela et de bien d’autres pays enverront des signaux appropriés. Parce qu’il ne s’agit pas de la crise concrète au Venezuela ou ailleurs, mais du sort du système commercial international ouvert.

Ces principes sont grossièrement ignorés et sapés par nos collègues américains.

Nous discutons également avec eux à ce sujet. Malheureusement, à un certain niveau, ils font preuve de compréhension, puis l’aspiration à empêcher qui que ce soit de contredire les États-Unis par tous les moyens prend le dessus. Une telle position ne permettra pas d’aller bien loin, et un jour les réalités du monde contemporain devront forcer les Américains à comprendre qu’il faut travailler au format multilatéral au lieu d’essayer de faire renaître le modèle unipolaire d’ordre mondial sans aucune perspective. Il n’existe plus, et n’existera plus jamais.

Question 9: Il a été annoncé plus tôt que la Russie et le Mexique renforçaient leur coopération militaro-technique. A-t-on réussi aujourd’hui à conclure de nouveaux accords en la matière? Et quelle place occupent actuellement les produits de l’industrie de l’armement russe sur le marché latino-américain?

la Russie et le Mexique renforçaient leur coopération militaro-technique 1019778330 la Russie et le Mexique renforçaient leur coopération militaro-technique

Sergueï Lavrov: Je trouve que nos produits militaro-techniques occupent une place digne sur le marché latino-américain. Ils jouissent d’une bonne réputation. Nombre de pays latino-américains apprécient la qualité, le prix et la possibilité de la maintenance sous garantie – qui sont les conditions sous lesquelles ce matériel est vendu. Au Mexique, l’objet le plus significatif de notre coopération en la matière est le centre de maintenance d’hélicoptères: à une époque ce pays a reçu une cinquantaine d’hélicoptères Mi-8 et Mi-17. Dans la ville de Veracruz se trouve un centre où ces hélicoptères sont entretenus, et les pilotes mexicains reçoivent la formation nécessaire.

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Quant aux perspectives, les autorités mexicaines étudient les propositions concrètes de l’agence Rosoboronexport, notamment au sujet de contrats supplémentaires pour la vente d’hélicoptères.

Question 10 (traduite de l’espagnol): Avez-vous parlé de l’avancement de la candidature du Mexique au statut de membre non permanent du Conseil de sécurité des Nations unies? Cette candidature du Mexique sera-t-elle soutenue par la Russie?

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Sergueï Lavrov: Le Mexique fait partie des principaux pays de la région.

Il possède une réputation irréprochable en ce qui concerne les approches des problèmes internationaux en matière de stabilité stratégique et de non-prolifération de l’arme nucléaire, et, surtout, de respect des principes fondamentaux de la Charte de l’Onu.

La candidature du Mexique au siège de membre non permanent du Conseil de sécurité des Nations unies pour 2021-2022 a été approuvée par le groupe d’États latino-américains et caraïbes.

Rien n’empêche l’adoption d’une résolution sur l’adhésion du Mexique au Conseil de sécurité des Nations unies par consensus.

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Nous espérons que nous coopérerons encore plus étroitement avec nos amis mexicains à l’Onu quand, en plus du règlement des problèmes examinés à l’Assemblée générale des Nations unies et d’autres structures de l’Onu, ils participeront également au travail du Conseil de sécurité directement.

Question 11 (traduite de l’espagnol): Est-il possible de garantir que le développement des relations entre la Russie et les États-Unis n’affectera pas les relations entre la Russie et le Mexique?

Sergueï Lavrov: J’ai spécialement apporté avec moi une citation qui a attiré mon attention. Elle contient probablement une réponse à votre question.

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C’est un extrait de la déclaration de Lisa Curtis, directrice pour l’Asie du Sud et centrale au Conseil de sécurité nationale des États-Unis. Elle a récemment prononcé un discours lors d’une conférence organisée par l’Heritage Foundation à Washington.

En particulier, à la question de savoir ce que pensait Washington des résultats de la visite du Secrétaire d’État américain Mike Pompeo dans les pays d’Asie centrale (il s’est rendu récemment au Kazakhstan, en Ouzbékistan, et avant cela en Ukraine et au Belarus), elle a répondu ceci:

« La Russie a toujours eu une immense influence dans cette région. Nous ne nous attendons pas à ce que cela change et n’essayons pas de la rattraper. Nous voulons simplement être présents en Asie centrale, apporter des alternatives aux pays. Nous voulons continuer de défendre leur capacité à rester souverains et indépendants, comme nous l’avons toujours fait depuis que ces pays ont acquis leur indépendance. »

Si l’on place les États-Unis à la place de la Russie et l’Amérique latine à la place de l’Asie centrale, alors je persiste et signe.

En revanche, dans la pratique, nos collègues américains, en avançant de telles thèses parfaitement justes, pensent avoir le droit d’être présents là où ils veulent, et qu’ils sont les seuls à pouvoir être présents dans l’hémisphère Ouest.

En lisant et en écoutant les affabulations écrites et dites sur le rôle de la Russie dans le déclenchement de chaque crise en Amérique latine, vous comprendrez certainement qu’il faut adopter une approche plus sérieuse de l’analyse des événements internationaux.

Mais quand le fameux John Bolton, se trouvant encore à la Maison blanche, déclare que personne (en faisant allusion à la Russie, à la Chine et aux autres pays en dehors de la région) ne doit même songer à s’immiscer dans l’hémisphère Ouest où les Américains décident de tout, cela devrait déclencher la fierté instinctive des pays de la région – pour leur indépendance, pour les exploits des pays de l’Amérique latine et des Caraïbes après l’obtention de l’indépendance.

La Russie ne se lie d’amitié avec personne contre qui que ce soit, en Amérique latine ou ailleurs dans le monde.

Les collègues américains pensent, malheureusement, que tout leur est permis, tout en dressant tous leurs interlocuteurs probablement contre la Chine et clairement contre la Russie.

Ce ne sont certainement pas des méthodes qui permettent de gagner de l’autorité sur la scène internationale. Cette dernière peut être obtenue seulement en montrant l’exemple, par la force de la conviction, et non par un grossier chantage, le diktat et les sanctions. Pour le moment, je ne vois rien d’autre dans l’arsenal de la diplomatie américaine.

Question 12 (traduite de l’espagnol): La présence de Donald Trump à la tête des États-Unis représente-t-elle une menace pour la paix internationale?

Sergueï Lavrov: Nous faisons tout pour que les grandes puissances, notamment la Russie et les États-Unis, prennent conscience de leur responsabilité dans l’empêchement d’un conflit mondial.

8 décembre 1987, Mikhaïl Gorbatchev et Ronald Reagan signaient le traité qui allait éliminer du territoire européen l’ensemble des missiles nucléaires américains et soviétiques B9720433786Z.1_20190801184512_000+G38E668K0.1-0  Le 8 décembre 1987, Mikhaïl Gorbatchev et Ronald Reagan signaient le traité qui allait éliminer du territoire européen l’ensemble des missiles nucléaires américains et soviétiques d’une portée de 500 à 5.500 kilomètres. – Reuters.

Il y a environ un an et demi, nous avons proposé aux États-Unis de répéter ce qu’avaient dit l’URSS et les États-Unis à la fin de la Guerre froide, quand le Secrétaire général du Comité central du PCUS Mikhaïl Gorbatchev et le Président américain Ronald Reagan avaient signé une déclaration affirmant que la guerre nucléaire ne pouvait pas être gagnée, qu’il ne pouvait y avoir de vainqueur, c’est pourquoi elle ne devait jamais être déclenchée.

Il y a un an et demi nous avons proposé aux États-Unis, afin de rassurer l’opinion publique mondiale, de répéter littéralement ce qui avait déjà été déclaré par nos pays à cette époque.

La proposition reste sur la table. Washington nous promet de donner bientôt sa réponse. Nous espérons qu’elle sera positive.


source/ https://www.mid.ru/fr/foreign_policy/news/-/asset_publisher/cKNonkJE02Bw/content/id/4025776