Eva-Maria Föllmer-Müller
N° 9 &10 – 9 mai 2023 – Horizons & Débats
Le 3 avril 2023, le Conseil des droits de l’homme des Nations unies a adopté la résolution (A/HRC/52/L.18) concernant les «[…] effets négatifs des mesures coercitives unilatérales sur le respect des droits de l’homme» à une écrasante majorité. La résolution demande la levée des mesures coercitives unilatérales se trouvant en enfreinte du droit international. Il condamne avec la plus grande fermeté ces méthodes inhumaines Ce verdict s’applique à toutes sanctions prises sans l’aval du Conseil de sécurité de l’ONU. |
Selon cette résolution, le Conseil «demande instamment à tous les Etats de ne plus adopter, maintenir, appliquer ou respecter des mesures coercitives unilatérales qui ne sont pas conformes au droit international, au droit international humanitaire, à la Charte des Nations unies et aux normes et principes régissant les relations pacifiques entre les Etats». Le Conseil des droits de l’homme demande à «la rapporteuse spéciale des Nations unies sur les effets négatifs des mesures coercitives unilatérales» de poursuivre son travail et de proposer des mesures concrètes pour garantir l’é limination des mesures coercitives unilatérales […] en se concentrant sur les ressources et les compensations nécessaires pour faire avancer la responsabilisation et la réparation des victimes». (résumé de l’Assemblé plénière ONU du 3 avril 23)

La résolution a été présentée par l’Azerbaïdjan, au nom des pays non-alignés, et par la Fédération de Russie, en tant que non-membre du Conseil des droits de l’homme.
Le résultat du vote ou l’Occident versus le «reste du monde»
Sur les 47 membres du Conseil des droits de l’homme, 33 pays ont voté pour la résolution, 13 contre, une abstention:
Pour (33): Algérie, Argentine, Bangladesh, Bénin, Bolivie, Cameroun, Chili, Chine, Costa Rica, Côte d’Ivoire, Cuba, Érythrée, Gabon, Gambie, Honduras, Inde, Kazakhstan, Kirghizistan, Malawi, Malaisie, Maldives, Maroc, Népal, Pakistan, Paraguay, Qatar, Sénégal, Somalie, Afrique du Sud, Soudan, Emirats arabes unis, Ouzbékistan et Vietnam.
Contre (13): Belgique, République tchèque, Finlande, France, Géorgie, Allemagne, Lituanie, Luxembourg, Monténégro, Roumanie, Ukraine, Royaume-Uni et Etats-Unis.
Abstention (1): Mexique.

Ben Norten – journaliste d’investigation et éditeur de «Geopolitical Economy Report», écrit: «Selon un rapport du Trésor américain datant de 2021, 9421 parties [individus ou organisations] ont été sanctionnées par le gouvernement américain à la fin de l’année, soit une augmentation stupéfiante de 933 % depuis 2000. Entre-temps, plus d’un tiers de la population mondiale vit dans des pays qui subissent des sanctions.» (geopoliticaleconomy.com du 6 avril 2023)
Rien qu’en 2022, l’OFAC (Office of Foreign Assets Control), l’autorité de surveillance du département du Trésor américain, a prononcé 2549 nouvelles désignations (c’est-à-dire l’imposition de sanctions globales à des personnes ou des organisations). Sur les 2549 nouvelles désignations de l’année dernière, 1772 visaient spécifiquement la Russie.
En fait, la résolution adoptée n’a rien d’extraordinaire, car les États qui l’ont approuvée n’exigent rien de plus que le respect du droit international. Depuis son entrée en vigueur en mars 2020, la rapporteuse spéciale des Nations unies sur les effets négatifs des mesures coercitives unilatérales, Alena Douhan, ne cesse de dénoncer les effets dévastateurs et meurtriers des sanctions dans ses rapports et ses prises de position. Il en va de même pour de nombreux spécialistes du droit international, scientifiques et journalistes tels que Hans Köchler, Alfred de Zayas, Hans von Sponeck, Hannes Hofbauer, Karin Leukefeld, pour ne citer que quelques-uns. Ils interviennent aussi régulièrement dans des questions d’actualité.
La politique étrangère en question
Il existe déjà de nombreuses résolutions appelant à la suppression des sanctions: de la part de l’Assemblée générale des Nations unies, du Conseil des droits de l’homme et de son prédécesseur, la Commission des droits de l’homme, ainsi que lors des conférences de l’ONU des années 1990, qui condamnent également les sanctions contraires au droit international. Leurs effets dévastateurs sont connus depuis longtemps. Il est d’autant plus important de noter qu’en plus de leur abolition, tous les États sont appelés d’urgence à ne pas respecter les sanctions unilatérales et à ce que les victimes aient droit à une réparation. L’accent est explicitement mis sur le caractère enfreignant le droit international inné à tout acte législatifs résultant de l’application extraterritoriale de législations nationales (sous la formule de «rules based order»). De manière explicite, la résolution nie leur légitimité aux sanctions qui ne doivent pas être utilisées comme moyen de pression politique ou économique. Le fait qu’Alena Douhan soit ainsi soutenue dans sa difficile tâche par cette résolution est un grand soulagement pour toutes les personnes, tous les peuples et tous les pays victimes de sanctions. •
Nations unies, Assemblée générale, Conseil des droits de l’homme, Résolution 52, 03/04/2023 (extraits)«Le conseil des droits de l’homme approuvée à la grande majorité […]
Source: Nations Unies, Conseil des droits de l’homme, Résolution A/HRC/52/L.18; texte intégral sur www.A/HRC/52/L.18/français |
Karl Nehammer Chancelier Autrichien
Selon une enquête réalisée début avril 2023 par l’institut de sondage autrichien INSA, 41 % des Autrichiens demandent la fin des sanctions de l’UE contre la Russie. On note qu’un nombre remarquablement élevé de jeunes Autrichiens (16-29 ans), à savoir 39 %, demandent que les sanctions antirusses soient supprimées.
Source: www.express.at du 7 avril 2023