5007 – France… Nucléaire… Hydrogène… Planification Électrique… EDF… État & Prévisions fait en Juin 2022 vers « l’Hiver »

1 Nucléaire … entre idéologie et réalités Publié le 22.06.2022     par Hervé Machenaud

2 Pour une approche « colorblind » de l’hydrogène du 17.06.2022     par Maxime Sagot

3 « De sujet politique majeur… la performance du parc nucléaire français est devenu une question technique… quasiment anecdotique » Publié le 14.06.2022     par Julien Teddé

4 La planification électrique … une histoire d’œuf et de poule Publié le 08.06.2022     par Ivan Saillard

5 EDF a recommencé à gagner des clients et mise sur les services Publié le 30.06.2022     par AFP

1 Nucléaire … entre idéologie et réalités Publié le 22.06.2022     par Hervé Machenaud

Publié le 22.06.2022     par Hervé Machenaud

Un tribune signée par Hervé Machenaud – administrateur du Cérémé et ancien directeur de la branche Asie-Pacifique du groupe EDF.

 Hervé Machenaud

Si, à la simple évocation du mot « nucléaire », beaucoup de nos concitoyens font encore un rapprochement avec danger et déchets, de plus en plus de Français ont pris conscience qu’il s’agit au contraire d’une énergie décarbonée, fiable et bon marché, comme le montrent plusieurs études d’opinion récentes. Le retournement est spectaculaire. Cela malgré les approximations, voire contre-vérités que continuent à diffuser les adversaires de l’énergie nucléaire.

Nucléaire et opinion publique … histoire d’un malentendu

Si notre pays a historiquement choisi de faire reposer son mix électrique sur le nucléaire, celui-ci est la plus controversée des énergies. En cause : la persistance d’idées reçues sur cette énergie pourtant décarbonée, pilotable, sûre et peu chère.

Une partie de l’opinion continue d’être marquée par la catastrophe de Tchernobyl ou l’accident de Fukushima. Le sondage d’opinion 2020 réalisé par l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire révèle en effet que la majorité des interrogés associent la notion de « nucléaire » à celle de « danger ». Or, toutes les études montrent que l’énergie nucléaire est celle qui a causé le moins de victimes dans le monde et que c’est la plus sûre.

La question des déchets vient s’ajouter au lot des fausses vérités. Pour beaucoup, ces déchets constituent un fardeau toxique qui menacerait les générations futures. Or, le volume total des déchets dangereux produits par l’industrie nucléaire depuis sa création en France ne représente en réalité que la taille d’une piscine olympique. De plus ces déchets peuvent être conditionnés, et stockés dans des couches d’argile qui n’ont pas bougé pendant des millions d’années. A terme, l’évolution des technologies permettra de les recycler.

Dernier élément qui explique les controverses autour du nucléaire : la structuration des partis écologistes, en Allemagne puis en France, des Verts à EELV, autour d’un combat contre cette énergie, dès les années 70 et notamment la lutte contre la construction d’une centrale bretonne à Plogoff. Face à l’urgence climatique, toutefois, plusieurs écologistes historiques sont revenus sur leurs positions initiales et deviennent des défenseurs réalistes du nucléaire, tels qu’Antoine Waechter ou François de Rugy. Il en va de même en Allemagne et en Finlande.

Le résultat est qu’aujourd’hui, lorsque l’on évoque l’énergie nucléaire, on parle au mieux d’un « mal nécessaire » ou d’un « pari nucléaire ». Veut-on illustrer un article sur la pollution, on y fait figurer la photo d’une centrale nucléaire avec de la fumée qui se dégage du réacteur, alors qu’en réalité, il ne s’agit que de vapeur d’eau. La confusion est si grande qu’elle laisse le champ libre à des minorités idéologiques. La question est devenue fortement politique, ce qui rend inéluctable la nécessité de rétablir les vérités scientifiques et la rationalité dans ce domaine.

L’énergie de la raison pour concilier efficacité énergétique et protection de l’environnement

En dépit des craintes qu’il inspire, le nucléaire est un atout dans la lutte contre le dérèglement climatique. En France, toute l’énergie consommée depuis les années 1970 en provient principalement, ce qui permet à notre pays de produire une électricité 12,5 fois moins carbonée que la moyenne des principaux pays européens. Outre son caractère bas carbone, le nucléaire civil présente le triple avantage d’être pilotable, générateur d’emplois industriels non délocalisables et protecteur de notre indépendance énergétique.

Le Cérémé met en évidence à travers ses travaux un constat partagé par plusieurs experts : la priorité donnée au développement des énergies renouvelables intermittentes est coûteuse, dangereuse pour le climat et pour la souveraineté énergétique, car elle impose de compenser l’intermittence par des centrales à énergie fossile ou des importations.

https://archivephase1.concertation-strategie-energie-climat.gouv.fr/sites/default/files/cereme.png

Afin d’enrichir le débat public, le Cérémé a élaboré un scénario alternatif à ceux présentés par RTE en décembre dernier, qui consisterait à augmenter la part du nucléaire dans le mix électrique à 80% en 2050 contre 70% aujourd’hui. Et il n’y aurait plus de nouveaux développements d’énergie éolienne, compte tenu de son inutilité.

Confié au cabinet Roland Berger qui l’a modélisé, le scénario du Cérémé permettrait non seulement de décarboner la production électrique à hauteur de 95% mais aussi d’économiser près de 319 milliards d’euros d’investissement par rapport aux orientations présentées par le Président de la République à Belfort le 10 février dernier, tout en répondant à l’électrification des usages et en garantissant la sécurité d’approvisionnement électrique et l’indépendance énergétique de la France.


Nous avons fondé notre mix électrique sur le nucléaire et de ce fait notre électricité est à ce jour la plus décarbonée et la plus compétitive des pays du G7. Le recours aux énergies intermittentes, qui peut se justifier dans d’autres pays en raison de leur situation spécifique, s’avère contreproductif, coûteux et inefficace en France. Telles sont les vérités qui méritent d’être rétablies et affirmées pour permettre à notre pays de rompre avec les idéologies et de faire en conscience le choix de l’énergie de la raison.


https://www.lemondedelenergie.com/nucleaire-entre-ideologie-realites/2022/06/22/

https://prix-elec.com/sites/prix-elec.com/files/images/prix-elec_energie_comprendre_statistiques-consommation-france.png

2 Pour une approche « colorblind » de l’hydrogène du 17.06.2022     par Maxime Sagot

Publié le 17.06.2022     par Maxime Sagot

Tribune signée par Maxime Sagot, de France Hydrogène.

Hydrogène vert, bleu, jaune ou gris, le paysage de l’hydrogène apparait à première vue très coloré. A l’heure où des politiques ambitieuses sont encouragées à Paris comme à Bruxelles, on adopte plus volontiers une approche « colorblind » pour parler d’hydrogène renouvelable et d’hydrogène bas-carbone. Petit tour d’horizon de cet arc-en-ciel de l’hydrogène.

Dans le monde, près de 90 millions de tonnes d’hydrogène sont aujourd’hui produites et consommées, principalement par des raffineries, l’industrie des engrais (ammoniac) et la chimie.

En quasi-totalité, cet hydrogène conventionnel est produit à partir d’énergies fossiles. Il est dit noir ou marron lorsqu’il est issu de la gazéification du charbon (houille ou lignite). C’est le cas en Australie ou en Chine, qui produit jusqu’à 33 millions de tonnes d’hydrogène carboné.

L’hydrogène gris est lui produit par vaporeformage du gaz naturel, comme en France où environ 800 000 tonnes/an sont consommées. Sa production est particulièrement émettrice de gaz à effet de serre : plus de 20 kgCO2eq/kgH2 produit pour de l’hydrogène noir ou marron et 11 kgCO2eq/kgH2 pour l’hydrogène gris.

En France, la production d’hydrogène émet ainsi près de 10 Mt de CO2 par an, soit près de 3 % des émissions nationales. A l’heure où l’AIE, l’IRENA et plus d’une quarantaine de pays dans le monde s’intéressent au développement de cette molécule pour la transition énergétique, l’enjeu est de substituer l’hydrogène marron ou gris par d’autres formes d’hydrogène.

L’hydrogène peut ainsi non seulement servir à décarboner les secteurs industriels où il est déjà consommé comme matière première, mais aussi être un candidat pour de nouveaux usages dans la sidérurgie par exemple, en remplacement du charbon (procédé de réduction directe du minerai de fer, DRI), ou encore dans les transports où il peut alimenter et décarboner des modes de transports routiers, ferroviaires, maritimes, fluviaux et aériens, soit directement, soit sous la forme de dérivés (ammoniac, méthanol, carburants de synthèse).

L’hydrogène bas-carbone, pilier de la transition énergétique

Connue de longue date, l’électrolyse de l’eau est la principale technologie de production décarbonée d’hydrogène en développement partout dans le monde. Matures techniquement, diverses technologies, comme les électrolyseurs alcalins ou PEM, sont prêtes au déploiement, malgré des coûts encore onéreux. L’hydrogène produit par électrolyse était, avant la crise de l’énergie, trois à quatre fois plus cher que l’hydrogène gris. Ce procédé totalement décarboné ne consomme que de l’électricité et de l’eau, et ne rejette que de l’hydrogène et de l’oxygène. Si l’électrolyseur est alimenté en électricité générée par du solaire, de l’éolien, ou de l’hydraulique, « l’hydrogène vert » qui en résulte est alors considéré comme renouvelable. Pour être qualifié de tel selon l’UE, son bilan carbone devra se situer en deçà de 3,38 kgCO2eq/kgH2, soit une réduction de 70% des émissions par rapport à l’hydrogène gris. Plus généralement, l’hydrogène est dit vert lorsqu’il est issu de sources renouvelables, y compris grâce à d’autres procédés utilisant de la biomasse ou du biogaz.

La crise énergétique amplifiée par le conflit russo-ukrainien change la donne pour le monde de l’énergie. L’augmentation du prix du gaz naturel laisse entrevoir une meilleure compétitivité de l’hydrogène renouvelable, plus rapidement atteignable. C’est pourquoi l’Europe s’est fixée l’objectif ambitieux de produire 10 millions de tonnes d’hydrogène renouvelable à 2030 dans son nouveau plan RePowerEU de sorties des hydrocarbures russes.

Une telle ambition nécessite des investissements massifs dans des capacités renouvelables additionnelles : jusqu’à + 300 GW de solaire ou + 135 GW d’éolien offshore si cet effort devait reposer sur une filière uniquement. Pour alléger cette pression, d’autres formes d’hydrogène doivent pouvoir être encouragées. L’hydrogène rose est produit en alimentant un électrolyseur par de l’électricité nucléaire, tandis qu’il devient jaune lorsqu’il s’approvisionne en électricité de réseaux électriques abondamment déjà décarbonés comme en Norvège, en Suède, ou en France, qui combine nucléaire et EnR. S’il n’est pas « vert », cet hydrogène bas-carbone répond à des exigences de décarbonation similaires.

A Bruxelles, la taxonomie européenne des activités durables définit un seuil de 3,0 kgCO2eq/kgH2 pour guider les investisseurs privés.

Capture, séquestration ou valorisation du CO2 dans la production d’hydrogène

Les techniques de capture, séquestration ou valorisation du CO2 (CCUS) constituent une autre grande voie pour décarboner la production actuelle d’hydrogène. L’hydrogène bleu est produit à partir d’énergies fossiles mais en captant les émissions de CO2 qui en résultent, avant de les séquestrer ensuite sous terre ou de les valoriser dans l’industrie, pour produire des carburants de synthèse par exemple. L’avantage est que les équipements de CCUS peuvent être installés sur les installations existantes. Mais les performances réelles de décarbonation de l’hydrogène bleu font l’objet d’un intense débat de la communauté scientifique. Comme l’explique l’ADEME, dans une publication récente, les émissions fugitives le long des chaines d’approvisionnement en gaz naturel ou encore les différents procédés de CCUS sont des variables importantes qui peuvent alourdir le bilan carbone de l’hydrogène bleu.

Ce panel ne serait pas complet sans évoquer encore l’hydrogène turquoise. Produit par la pyrolyse du méthane, ce procédé fournit un co-produit de carbone solide, valorisable dans l’industrie. Prometteuse, la technologie n’est toutefois aujourd’hui pas encore suffisamment mature.

Enfin, l’hydrogène natif, présent à l’état naturel sous forme gazeuse dans des couches géologiques, est quant à lui dit blanc et constitue une dernière voie en cours d’exploration un peu partout dans le monde comme au Mali, où un puits d’hydrogène blanc est déjà exploité au village de Bourakébougou.


https://www.lemondedelenergie.com/pour-approche-colorblind-hydrogene-soutenons-formes-renouvelables-bas-carbone/2022/06/17/

https://prix-elec.com/sites/prix-elec.com/files/images/prix-elec_energie_comprendre_statistiques-consommation-france.png

  De sujet politique majeur, la performance du parc nucléaire français est devenu une question technique, quasiment anecdotique » Publié le 14.06.2022     par Julien Teddé

Publié le 14.06.2022     par Julien Teddé

Les soucis de disponibilité du parc nucléaire français, suite au problème de corrosion sous contrainte, fragilisent l’approvisionnement électrique, dès cet été, et plus encore pour cet hiver. Le Monde de l’Énergie a rencontré Julien Teddé, directeur général de la start-up Opéra Energie, courtier en électricité et gaz pour les professionnels, pour qu’il nous apporte son éclairage sur la situation du nucléaire en France

Le Monde de l’Énergie —Vous estimez que la filière nucléaire paye aujourd’hui le prix d’un abandon politique de longue date. De quand date ce déclin ?

Julien Teddé Le dernier réacteur nucléaire a été mis en service en France il y a 20 ans ! Depuis, la question de la performance de notre parc historique est passée de sujet politique majeur (François Fillon, en 2009, fixait encore des objectifs de taux de disponibilité à EDF) à question technique, quasiment anecdotique.

Plusieurs précédents ministre de l’énergie, ayant notamment en charge la tutelle d’EDF, étaient quasi-ouvertement hostiles au nucléaire. Dès lors, comment s’étonner que les choses tournent mal ?

Le Monde de l’Énergie —Dans quelle mesure ce renoncement politique constitue un facteur d’affaiblissement pour la France ?

Julien Teddé La faible performance actuelle de notre parc est historique. Elle a un impact considérable, que nous estimons à 20 Md€, sur le pouvoir d’achat des ménages, la compétitivité des entreprises, et la balance commerciale française.

Aussi, le nucléaire était une industrie de pointe française. Il faut se souvenir que le plan Messmer de construction de notre parc nucléaire prévoyait, en 1973, “200 réacteurs pour l’an 2000” !

Sans viser un tel scénario extrême, un parc nucléaire performant, c’est l’assurance d’une sécurité d’approvisionnement, à prix compétitif, et également la possibilité de développer une industrie d’export. Force est de constater que les réussites de l’export du nucléaire français sont rares.

Le Monde de l’Énergie —Sans un parc nucléaire à son plein potentiel, le système électrique sera-t-il en mesure de passer l’hiver ?

Julien Teddé —Cela sera très compliqué. Les deux hivers précédents ont été tendus : RTE avait d’ailleurs appelé à la vigilance. Or, la situation s’est aggravée, avec en particulier le sujet de la corrosion qui a mis à l’arrêt 12 réacteurs. Plus de la moitié des réacteurs français sont actuellement arrêtés. Pour la première fois depuis plus de 20 ans, la France pourrait devenir importatrice nette d’électricité cet été. Rien n’indique que la situation pourrait s’améliorer structurellement d’ici l’hiver prochain. Pire : si on ajoute les incertitudes sur l’approvisionnement en gaz russe l’hiver prochain, la situation pourrait être catastrophique.

Emmanuel Macron rappelait que les interconnexions européennes devraient écarter tout risque de coupure d’électricité pour l’hiver prochain. Puisse-t-il avoir raison ! Un bémol toutefois, la demande de pointe en hiver dépasse usuellement les 90 GW, alors que la capacité totale d’interconnexion électrique avec nos voisins est de 13 GW.

Le Monde de l’Énergie —A l’exception de quelques pays, on assiste à un revirement concernant l’énergie nucléaire en Europe. Comment percevez-vous les débats autour de la taxonomie ?

Julien TeddéÉtant favorable au développement du nucléaire, énergie pilotable et décarbonée, je vois d’un bon œil le revirement actuel en sa faveur. Et, bien sûr, j’ai du mal à comprendre la position de certains pays, dont l’Allemagne, qui s’opposent à son développement via l’exclusion de la taxonomie.

Malheureusement, les problèmes actuels du parc historique français, ainsi que les errements de Flamanville et Hinkley Point me semblent être aussi des obstacles aux partisans du nouveau nucléaire. En ce moment, on peut se demander si le principal ennemi de la filière nucléaire ne serait pas elle-même.

Le Monde de l’Énergie —Quelles devraient être selon vous les priorités du gouvernement en matière d’énergie pour assurer la souveraineté énergétique du pays dans un contexte de réchauffement climatique et compte tenu de la guerre en Ukraine ?

Julien TeddéA moyen et long terme : investir dans des moyens de production d’électricité décarbonés. Le nucléaire, bien sûr, mais attention : le nouveau nucléaire ne sera pas mis en service avant 2035. Il est donc également essentiel de continuer à développer les énergies renouvelables.

A plus court terme, et pour l’hiver prochain en particulier, la priorité me semble être la sobriété énergétique. Pour cela, il faut dire clairement que notre approvisionnement énergétique est en risque, et accepter de faire fonctionner, au moins partiellement, l’outil le plus efficace : le prix. Soit l’inverse de la politique actuelle, avec le blocage des prix généralisé pour les particuliers  !


https://www.lemondedelenergie.com/performance-parc-nucleaire-francais-question-anecdotique/2022/06/14/

https://prix-elec.com/sites/prix-elec.com/files/images/prix-elec_energie_comprendre_statistiques-consommation-france.png

4 La planification électrique : une histoire d’œuf et de poule Publié le 08.06.2022     par Ivan Saillard

Tribune signée par Ivan Saillard.

Ivan Saillard. 

Sous la pression de l’urgence climatique et géopolitique, la nécessité d’adapter à un rythme effréné nos systèmes énergétiques se fait plus que jamais sentir, ouvrant la voie à une nouvelle ère pour nos systèmes électriques, restés relativement inchangés depuis au moins cinquante ans. Dans de telles périodes, certaines évidences un peu oubliées refont surface par la force des choses :

Pas de centrales électriques sans réseau pour en « évacuer » l’énergie comme disent les connaisseurs.

Pas de réseau sans centrales électriques pour l’alimenter…

Réseaux et centrales électriques … les deux faces d’une même pièce…

Et quand il s’agit de construire en des temps record toute une nouvelle génération de centrales à électricité renouvelable, comme pour l’histoire de l’œuf et la poule, les responsables sont en permanence face à cette question essentielle : qui des centrales ou du réseau doit naître en premier ? Comment articuler dans le temps et dans l’espace les gigantesques adaptations de ces deux ensembles industriels, en apparence distincts, mais qui sont en réalité comme les deux faces d’une même pièce ?

L’histoire du XXème siècle nous fournit des exemples édifiants d’évolutions comparables qui ont forgé le système électrique d’aujourd’hui : L’ossature du réseau de grand transport à 400 kV a été construite dans tout l’Hexagone, simultanément et de manière coordonnée avec le programme nucléaire français, ce furent les grandes directions (Direction Production Transport et Direction de l’Equipement) de l’EDF des années 1970 à 1990 qui réalisèrent ce qui apparaît désormais comme un tour de force difficilement concevable dans le monde d’aujourd’hui.

Avant la seconde guerre mondiale, dans un tout autre contexte, les conglomérats industriels privés de l’époque réussirent de manière analogue à équiper simultanément les vallées alpines, pyrénéennes et du Massif central de centrales hydrauliques et d’un réseau de transport électrique à haute tension interconnecté avec le reste de l’Hexagone, tout en développant parallèlement un réseau ferroviaire grand consommateur d’énergie électrique. L’épopée industrielle de l’Union des Producteurs d’Électricité des Pyrénées Orientales (UPEPO), abondamment documentée, est par exemple passionnante à reconsidérer aujourd’hui (*).

L’univers concurrentiel des années 2000 imposait une séparation de gestion des réseaux et des centrales électriques, qui s’est avérée génératrice de freins…

C’est dans un univers encore bien différent que le défi de la transition énergétique nous est aujourd’hui lancé :

Depuis le début des années 2000, l’ouverture à la concurrence du secteur électrique a imposé la séparation entre les producteurs-fournisseurs d’électricité d’une part (donc développeurs et gestionnaires de centrales électriques) et les gestionnaires de réseaux d’autre part.

Les premiers sont entièrement gouvernés par les logiques de marché et de concurrence à l’échelle européenne, tandis que les seconds sont régulés par les États selon une pratique quasi-administrative (leurs ressources et activités sont encadrées par un tarif régulé et un catalogue de prestations déterminés par une autorité administrative par exemple).

Les règles d’usage des réseaux en termes de financements, de neutralité, d’accès au réseau, de sécurité d’alimentation, etc… entre ces deux types d’acteurs aux logiques si différentes, ont donné lieu à plusieurs « paquets législatifs » européens et ajustements successifs des législations nationales. Ces derniers ont permis de concrétiser le marché européen de l’électricité tout en n’affaiblissant pas les performances économiques et techniques des infrastructures communes que sont les réseaux.

Néanmoins force est de constater qu’au moins pour l’Hexagone, les règles de fonctionnement en vigueur, peut-être plus théoriques que pratiques, ne permettent pas de développer simultanément, de manière accélérée, fluide et anticipée les évolutions des réseaux et des moyens de production électriques qui seraient aujourd’hui nécessaires.

Sur le terrain en effet les logiques différenciées des acteurs de la production et des réseaux sont génératrices de freins de tous ordres dont on peut citer quelques exemples :

Un premier type de freins bien connu concerne les travaux de connexion au réseau des nouveaux producteurs.

Les gestionnaires de réseaux, comptables d’un argent quasi-public, ne sont autorisés à investir que sur la base d’informations certaines et vérifiables, toute prise de risque leur est interdite. Or, dans l’exercice de leur responsabilité première de délivrance des accès au réseau, ces gestionnaires sont confrontés à des investisseurs en concurrence, menant simultanément de nombreux portefeuilles de projets dans un contexte économique et régulatoire très évolutif, cachant souvent « leur jeu » à leurs rivaux et adaptant leurs stratégies très rapidement.

Dans un tel contexte il s’est toujours avéré très difficile d’obtenir en temps utile les informations nécessaires pour déclencher à temps les travaux de réseau et garantir leur concomitance avec les travaux des producteurs.

Autre type de frein : La logique intrinsèque du développement des réseaux électriques impose très souvent qu’un nouvel entrant doive payer pour les autres : le producteur qui génère par son arrivée sur le réseau la saturation d’un transformateur électrique doit en toute logique financer entièrement son remplacement par un transformateur plus puissant mais il permet de ce fait un accès au réseau facilité et bien moins cher à ses suivants. Comment réguler et lisser ces financements pour les rendre équitables dans un monde incertain et évolutif ? Cela a été l’objet de la mise en place des complexes Schémas Régionaux de Raccordement au Réseau des Énergies Renouvelables (S3REnR), aujourd’hui considérés comme peu compatibles dans leur forme actuelle avec le rythme souhaité de développement du système électrique.

L’impérieuse nécessité de la planification électrique

Dès le début de l’année 2020 le Conseil Économique Social et Environnemental (CESE) attirait l’attention du gouvernement et des acteurs économiques sur l’importance majeure des infrastructures de réseaux dans l’économie nationale (**). Précisément, l’assemblée du Palais d’Iéna pointait « les objectifs assignés aux réseaux, multiples et fragmentés (économiques, sociaux, environnementaux, territoriaux » et préconisait officiellement face à ces enjeux « une vision stratégique transverse portée par l’Etat ».

C’est ce type de constat qui conduit probablement aujourd’hui les pouvoirs publics à préparer des évolutions vers une « planification écologique et énergétique » renouvelée. Pour ce qui concerne le secteur électrique, parvenir à coordonner efficacement le développement des réseaux et des sites de production dans l’univers concurrentiel d’aujourd’hui sera probablement le défi majeur de la conception de cette nouvelle planification.

Ce ne sont plus les mêmes réseaux qu’hier qu’il faut construire…

Autre caractéristique inédite de la période qui s’ouvre : ce ne sont plus les mêmes réseaux qu’hier qu’il faut aujourd’hui développer : Le caractère diffus et de relative faible puissance des énergies renouvelables électriques brouille la frontière technique et fonctionnelle entre les historiques réseaux de transport et de distribution (cf. « La grande mue des réseaux électriques. De la distribution à la collecte et à la répartition de l’énergie »).

Par ailleurs les sites électriques off-shore font naître une industrie entièrement nouvelle, celle des réseaux électriques maritimes et de leur interconnexion avec les réseaux terrestres. Des mutations majeures rendues possibles par le progrès des techniques, notamment l’entière numérisation de la conception et de l’exploitation de ces réseaux.

Cette nouvelle ère de planification électrique revêt donc un caractère historique. Elle est absolument nécessaire. Nous conduira-t-elle à construire les réseaux avant les centrales ? L’œuf avant la poule ?


https://prix-elec.com/sites/prix-elec.com/files/images/prix-elec_energie_comprendre_statistiques-consommation-france.png

(*) : « L’UPEPO 1922 – 1946 : genèse et logique de l’interconnexion » – Bulletin de l’histoire de l’électricité – Christophe Bouneau.

(**) : Avis du CESE n°2020-08. « L’impact des infrastructures de réseaux dans l’économie » – Rapporteur : Mme Fanny Arav.


https://www.lemondedelenergie.com/planification-electrique-histoire-oeuf-poule/2022/06/08/

https://prix-elec.com/sites/prix-elec.com/files/images/prix-elec_energie_comprendre_statistiques-consommation-france.png

5 EDF a recommencé à gagner des clients et mise sur les services Publié le 30.06.2022  par AFP

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Publié le 30.06.2022     par AFP

EDF a recommencé à gagner des clients particuliers en France avec ses offres notamment dans les services, un secteur sur lequel le groupe compte pour sa croissance future, a annoncé mercredi un responsable du groupe.

Marc Benayoun

« A l’érosion succède un rebond commercial », a indiqué lors d’une conférence de presse Marc Benayoun, directeur en charge des clients, services et territoires, en faisant état d’une hausse nette de 550.000 clients depuis septembre 2021.

Leur nombre est ainsi passé de 25,7 millions à cette date à 26,2 millions en mai 2022. Selon les chiffres fournis par EDF, le nombre de contrats est ainsi repassé au-dessus des niveaux de janvier 2021 (26 millions).

L’essentiel de cette croissance du nombre de clients est lié au gaz et aux services, a souligné Marc Benayoun.

Le nombre de contrats dans l’électricité est pour sa part resté globalement stable, une situation toutefois meilleure que les années précédentes durant lesquelles EDF perdait beaucoup de clients.

Cette meilleure fortune s’inscrit dans un contexte de difficulté pour nombre de fournisseurs alternatifs avec la crise des marchés de l’énergie, ainsi que dans la perspective de la fin prochaine des tarifs réglementés du gaz, actuellement fournis par Engie.

Pour l’avenir, EDF ne compte par sur une hausse importante de son activité de fourniture d’énergie (électricité et gaz) pour assurer sa croissance mais plutôt sur le développement des services énergétiques aux particuliers comme aux entreprises.

Le groupe prévoit une hausse de quelque 50% de son Ebitda (excédent brut d’exploitation) du pôle clients, services et territoires à l’horizon 2030: il doit passer d’un peu moins d’un milliard d’euros en 2021 (sur un total de 18 milliards pour le groupe EDF) à un montant compris entre 1,3 et 1,5 milliard en 2030.

L’essentiel de la croissance proviendra donc des activités de services énergétiques, dont l’Ebitda doit doubler à l’horizon 2030.

EDF compte pour cela s’appuyer sur sa filiale Dalkia, qui propose déjà des services aux entreprises et aux collectivités, mais aussi sur l’émergence de services sur des marchés jugés porteurs, comme la rénovation énergétique, la mobilité électrique ou encore le photovoltaïque.


https://www.lemondedelenergie.com/edf-recommence-gagner-clients-mise-sur-services/2022/06/30/

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