4777 – 1 – Réponse à la presse de Sergueï Lavrov suite son entretien téléphonique avec Antony Blinken – & – 2 – Texte du message écrit du ministre des Affaires étrangères de la Russie – du 01.02.2022

1 – Réponse à la presse de Sergueï Lavrov, Ministre des Affaires étrangères de la Fédération de Russie, à l’issue de son entretien téléphonique avec Antony Blinken, Secrétaire d’État des États-Unis, Moscou, 1er février 2022 -19h46 –
2 – Texte du message écrit du ministre des Affaires étrangères de la Russie, M. Sergueï Lavrov, sur l’indivisibilité de la sécurité, adressé aux chefs des ministres des Affaires étrangères / des Affaires extérieures / secrétaires des États-Unis, du Canada et de plusieurs pays européens – 1er février 2022 – 20h56 –

1 – Réponse à la presse de Sergueï Lavrov, Ministre des Affaires étrangères de la Fédération de Russie, à l’issue de son entretien téléphonique avec Antony Blinken, Secrétaire d’État des États-Unis, Moscou, 1er février 2022

Question: Moscou a-t-il transmis aux autorités américaines les réponses à leurs documents écrits envoyés suite aux propositions de la Russie concernant les garanties de sécurité? Quels étaient les sujets de l’entretien téléphonique d’aujourd’hui avec Antony Blinken? Quels contacts sont prévus à cet égard à terme?

Sergueï Lavrov: Nous avons entendu aujourd’hui des communiqués du Département d’État américain d’avoir reçu de la part de Moscou une réponse au document envoyé par les Américains à titre de réaction à notre proposition initiale sur les garanties de sécurité en Europe.
Il y a un malentendu. Quand nous avons reçu la réaction américaine il y a environ une semaine, nous avons commencé à l’étudier. Il était clair dès le départ que les Américains préfèrent se concentrer sur la discussion de questions importantes mais secondaires:
– est-il possible de s’entendre sur le non-déploiement d’armements de frappe à titre mutuel, y compris les missiles terrestres à courte et moyenne portée, qui tombaient sous le coup du Traité FNI, détruit par les États-Unis, la transparence dans l’organisation d’exercices, les mesures de prévention d’incidents imprévus entre les actions de guerre, les navires et d’autres démarches similaires pour renforcer la confiance.
Mais la réaction a été négative à la question clé qui nous avait incité à adresser nos initiatives aux États-Unis et à l’Otan. Je fais allusion à nos exigences que tout le monde remplisse de bonne foi les accords sur la sécurité indivisible, qui ont été conclus dans le cadre de l’OSCE en 1999 à Istanbul en 2010 à Astana.
Ces accords prévoient non seulement le libre choix des alliés, mais conditionnent cette liberté par la nécessité d’éviter toute démarche qui renforcerait la sécurité d’un État au détriment de la sécurité des autres. Nous avons vu une attitude très négative dans la réaction des États-Unis et de l’Otan envers cette question clé. Ils placent au premier rang uniquement le principe de liberté du choix des alliés, tout en ignorant la condition convenue au sommet sur l’inadmissibilité de porter atteinte à la sécurité d’autres États.
Nous sommes également préoccupés par le fait que les pays de l’Otan, par exemple la France, en la personne de son Ministre des Affaires étrangères, ait récemment déclaré qu’ils insistent sur la nécessité de garantir la sécurité sur la base des documents qui précédaient l’adoption de la Charte d’Istanbul et la Déclaration d’Astana. Tout en citant le document du Sommet de l’OSCE de Paris en 1990, qui ne comportait pas l’exigence de ne pas renforcer sa sécurité au détriment des autres.
En d’autres termes, nos collègues occidentaux tentent simplement d’ignorer, voire de faire tomber dans l’oubli ce principe clé du droit international convenu dans l’espace euro-atlantique. Pour l’éviter, quand nous avons reçu la réaction de Washington à nos propositions initiales, j’ai décrit en détail ce dont nous parlons actuellement dans un message à part et l’ai envoyé à tous les ministres des Affaires étrangères des pays de l’OSCE et à plusieurs autres États pour qu’ils connaissent notre position.
J’ai confirmé aujourd’hui au Secrétaire d’État américain Antony Blinken que nous ne permettrons pas d’atermoyer ce thème. Nous insisterons sur une conversation honnête et des explications pour savoir pourquoi l’Occident ne veut pas remplir ses engagements ou le faire de manière sélective et à son avantage. Antony Blinken a reconnu que cela faisait l’objet d’une conversation à poursuivre. Nous verrons comment les choses se dérouleront. À l’étape actuelle, nous terminons la discussion interministérielle sur les propositions faites par les États-Unis sur d’autres questions. Nous rendrons compte à notre Président.

https://mid.ru/fr/foreign_policy/news/1796663/

2 – Texte du message écrit du ministre des Affaires étrangères de la Russie, M. Sergueï Lavrov, sur l’indivisibilité de la sécurité, adressé aux chefs des ministres des Affaires étrangères / des Affaires extérieures / secrétaires des États-Unis, du Canada et de plusieurs pays européens – 1er février 2022 – 20h56

Vous n’êtes pas sans savoir que la Russie est sérieusement préoccupée par l’aggravation des tensions politico-militaires aux abords immédiats de ses frontières occidentales.
Afin d’éviter toute nouvelle escalade, la partie russe a présenté le 15 décembre 2021 les projets de deux documents juridiques internationaux interconnectés – un traité entre la Fédération de Russie et les États-Unis d’Amérique sur les garanties de sécurité et un accord sur des mesures visant à assurer la sécurité de la Fédération de Russie et des États membres de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord.
Les réponses des États-Unis et de l’OTAN à nos propositions reçues le 26 janvier 2022 démontrent de sérieuses différences dans la compréhension du principe de sécurité égale et indivisible qui est fondamental pour l’ensemble de l’architecture de sécurité européenne . Nous pensons qu’il est nécessaire de clarifier immédiatement cette question, car elle déterminera les perspectives d’un dialogue futur.
La Charte de sécurité européenne signée lors du Sommet de l’OSCE à Istanbul en novembre 1999 énonçait les principaux droits et obligations des États participants de l’OSCE en matière d’indivisibilité de la sécurité.
Elle a souligné le droit de chaque État participant d’être libre de choisir ou de modifier ses accords de sécurité, y compris les traités d’alliances, à mesure qu’ils évoluent, ainsi que le droit de chaque État à la neutralité.
Le même paragraphe de la Charte conditionne directement ces droits à l’obligation de chaque État de ne pas renforcer sa sécurité au détriment de la sécurité des autres États.
Il précise en outre qu’aucun État, groupe d’États ou organisation ne peut assumer la responsabilité prééminente du maintien de la paix et de la stabilité dans l’espace de l’OSCE ou ne peut considérer aucune partie de l’espace de l’OSCE comme sa sphère d’influence.
Lors du Sommet de l’OSCE à Astana en En décembre 2010, les dirigeants de nos nations ont approuvé une déclaration qui a réaffirmé cet ensemble complet d’obligations interconnectées.
Cependant, les pays occidentaux continuent à n’en retenir que les éléments qui leur conviennent, à savoir – le droit des États à être libres de choisir des alliances pour assurer exclusivement leur propre sécurité. Les mots « au fur et à mesure de leur évolution » sont honteusement omis, car cette disposition faisait également partie intégrante de la compréhension de la « sécurité indivisible », et plus particulièrement dans le sens où les alliances militaires doivent abandonner leur fonction initiale de dissuasion et s’intégrer dans l’architecture pan-européenne sur la base d’approches collectives plutôt qu’en groupes étroits. Le principe de sécurité indivisible est interprété de manière sélective comme une justification de la course en cours vers un élargissement irresponsable de l’OTAN.
Il est révélateur que les représentants occidentaux, tout en se déclarant prêts à engager un dialogue sur l’architecture de sécurité européenne, évitent délibérément de faire référence à la Charte de sécurité européenne et à la déclaration d’Astana dans leurs commentaires. Ils ne mentionnent que des documents antérieurs de l’OSCE, particulièrement souvent – la Charte de Paris de 1990 pour une nouvelle Europe qui ne contient pas l’obligation de plus en plus « gênante » de ne pas renforcer sa propre sécurité au détriment de la sécurité des autres États.
Les capitales occidentales tentent également d’ignorer un document clé de l’OSCE – le Code de conduite de 1994 sur les aspects politico-militaires de la sécurité, qui dit clairement que les États choisiront leurs arrangements de sécurité, y compris l’adhésion à des alliances, « en gardant à l’esprit les préoccupations légitimes de sécurité des d’autres États». Cela ne fonctionnera pas ainsi.
L’essence même des accords sur la sécurité indivisible est que soit il y a sécurité pour tous, soit il n’y a de sécurité pour personne.
La Charte d’Istanbul prévoit que chaque État participant de l’OSCE a un droit égal à la sécurité, et pas seulement les pays de l’OTAN qui interprètent ce droit comme un privilège exceptionnel d’appartenance au club « exclusif » de l’Atlantique Nord.
Je ne commenterai pas les autres lignes directrices et actions de l’OTAN qui reflètent l’aspiration du bloc « défensif » à la suprématie militaire et à l’usage de la force en contournant les prérogatives du Conseil de sécurité de l’ONU.
Qu’il suffise de dire que de telles actions contreviennent aux obligations fondamentales pan-européennes, y compris les engagements pris en vertu des documents susmentionnés de ne maintenir que des capacités militaires proportionnées aux besoins de sécurité individuels ou collectifs, compte tenu des obligations découlant du droit international, ainsi que des les intérêts sécuritaires légitimes d’autres États.
En discutant de la situation actuelle en Europe, nos collègues des États-Unis, de l’OTAN et de l’Union européenne lancent des appels constants à la « désescalade » et appellent la Russie à « choisir la voie de la diplomatie ».
Nous tenons à rappeler : nous avançons sur cette voie depuis des décennies. Les étapes clés, telles que les documents des sommets d’Istanbul et d’Astana, sont exactement le résultat direct de la diplomatie. Le fait même que l’Occident essaie maintenant de réviser à son avantage ces réalisations diplomatiques des dirigeants de tous les pays de l’OSCE suscite de vives inquiétudes. La situation exige une franche clarification des positions.
Nous voulons recevoir une réponse claire à la question de savoir comment nos partenaires comprennent leur obligation de ne pas renforcer leur propre sécurité aux dépens de la sécurité des autres États sur la base de l’attachement au principe de sécurité indivisible. Comment concrètement votre gouvernement entend-il s’acquitter concrètement de cette obligation dans les circonstances actuelles ?
Si vous renoncez à cette obligation, nous vous demandons de l’indiquer clairement.
Sans une clarté totale sur cette question clé liée à l’interconnexion des droits et obligations approuvée au plus haut niveau, il est impossible d’assurer l’équilibre des intérêts incarnés dans les instruments des sommets d’Istanbul et d’Astana. Votre réponse permettra de mieux comprendre l’étendue de la capacité de nos partenaires à rester fidèles à leurs engagements, ainsi que les perspectives d’avancées communes vers la diminution des tensions et le renforcement de la sécurité européenne.
Nous nous réjouissons de votre réponse rapide. Cela ne devrait pas tarder car il s’agit de clarifier l’accord sur la base duquel Votre Président/Premier Ministre a signé les obligations correspondantes.
Nous espérons également que la réponse à cette lettre sera donnée à titre national, car les engagements susmentionnés ont été pris par chacun de nos États individuellement et non au sein d’un bloc ou au nom de celui-ci.

https://mid.ru/fr/foreign_policy/news/1796663/