
Par : Aline Robert et Ama Lorenz | EURACTIV.fr
Ni Berlin ni Paris ne sont prêts à reconnaître officiellement le rafraîchissement de leur relation. Mais l’absence totale de concession du nouveau gouvernement allemand crispe clairement côté français.
Posée lors de la conférence commune France-Allemagne du Conseil européen le 23 mars dernier, la question était directe. « N’y a-t-il pas un peu trop d’Allemands à la tête des institutions avec trois secrétaires généraux (Commission, Parlement, Cour des comptes), plus la tête des partis politiques du Parlement européen ?», avait demandé Jean Quatremer, du journal Libération.
« Je laisserai la chancelière répondre à l’hommage appuyé que vous faites à son efficacité et son organisation », avait répondu Emmanuel Macron. Le ton du Président français était certes celui de l’humour. Mais la pique n’en est pas moins réelle. Cette conférence de presse commune des deux chefs d’État – une nouveauté depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron à l’Élysée – ne respirait pas la franche camaraderie.
« C’est dommage, ces conférences en commun, ça écrase le chef de l’Etat, il ne raconte rien » grogne-t-on au sein du gouvernement français. Du côté de l’Élysée, on refuse toutefois de remettre la formule des conférences communes en question. « La question ne se pose pas du tout », assure une porte-parole.
Germany First
La crispation entre les deux pays semble néanmoins aller croissant ces dernières semaines, et sur un nombre de sujets multiples. « On est à un point bas de la relation », reconnait un diplomate.
Après avoir patiemment attendu des mois et des mois que l’Allemagne forme une coalition puis un gouvernement, avoir tendu la main en proposant un nouveau traité de l’Élysée, des conseils des ministres communs, l’Hexagone a de quoi être déçu par les premiers pas du gouvernement allemand, qui ne semble pas faire prêt à faire réellement cas de la France.
Ainsi, le 18 mars dernier, avant même que la commissaire européenne au commerce, Cecilia Mälmstrom, ne parte à Washington pour tenter de calmer les amorces d’une guerre commerciale sur l’acier avec les États-Unis, le ministre allemand de l’économie, Peter Altmaier, était déjà sur place à défendre les intérêts allemands. Un affront direct, à la fois pour la Commission européenne et la France, la venue du ministre allemand tendant à démontrer que l’Allemagne continue de se comporter en leader incontesté.
« Ça a été très mal vécu côté français », assure Sébastien Maillard, directeur de l’institut Jacques Delors. « La France s’est montrée très germanophile, a vraiment investi la relation avec l’Allemagne, et se retrouve très déçue de ne pas avoir de répondant ».
Interrogé par Euractiv.de, l’eurodéputé Reimer Böge, vice président du Parlement européen, défend son ministre. « Peter Altmeier ne pouvait reste à se tourner les pouces ! Et il défend avec conviction l’intégration européenne, s’il y avait la même conviction chez les autres gouvernements européens, on pourrait avancer beaucoup mieux », tacle l’élu.
Et cette échauffourée n’est pas isolée. Sur le budget potentiel de la zone euro, projet sur lequel la France fondait de grands espoirs, l’heure est surtout à l’attentisme. Le calendrier a été rallongé, puisqu’il est désormais question d’avancer sur l’Union bancaire d’ici la fin du premier semestre, mais pas sur l’enjeu budgétaire. Quand elle est interrogée sur la question, Angela Merkel évoque systématiquement la question de protection de la compétitivité. Sous-entendu de l’Allemagne par rapport à ses concurrents internationaux. Sans se placer dans une perspective européenne : de quoi clore le sujet de facto.
Invitée à Berlin fin mars, Christine Lagarde a de plus porté un coup fatal au projet de budget européen sous prétexte de le défendre. En le chiffrant à 100 milliards d’euros par an, soit une addition de 10 milliards d’euros pour l’Allemagne, l’ex-ministre des Finances française a immédiatement provoqué une levée de boucliers côté allemand.
Budget de la zone euro, prix plancher du CO2 : l’Allemagne ne lâche rien
La discorde France Allemagne sur le sujet est d’autant plus éclatante que l’Allemagne s’est en revanche trouvé un allié auprès du ministre des finances italien, Pier Carlo Padoan. Les deux pays se sont fendus d’un communiqué commun sur le sujet. Rien de tel avec la France.
« Bien sûr qu’on attend une initiative franco-allemande de la même sorte. Mais cette initiative italo-allemande montre qu’il est important de trouver des alliés pour porter des projets à leur terme », commente Reimer Böge.
Enfin l’idée d’Emmanuel Macron sur le prix du carbone laisse l’Allemagne de marbre. Le président français tente d’établir une coalition de pays qui introduiraient un prix plancher du CO2 sur le marché du carbone autour de 30 euros par tonne.
Là encore, l’Allemagne ne suit pas, estimant qu’il s’agit surtout d’un moyen de remplir les caisses bien vides d’EDF : le prix du carbone plus élevé devrait renchérir le prix de l’électricité, ce qui bénéficierait aux producteurs d’électricité économes en CO2 comme le nucléaire. Ce qui n’arrange pas certains énergéticiens allemands encore très dépendants du charbon.
La relation entre les deux mastodontes de l’UE devrait toutefois rester solide sur les dossiers les plus politiques, comme l’immigration, la taxation du numérique ou la bataille pour le respect de l’Etat de droit. « La France reste plus allante que l’Allemagne sur ces sujets politiques, mais l’Allemagne partage globalement le sentiment français d’urgence, ce qui devrait permettre de faire bouger les lignes », espère Sébastien Maillard.
Mais sur la zone euro ou sur la défense européenne à court terme, force est de constater que la France n’a plus qu’à gérer sa déception.
source/ https://www.euractiv.fr/section/elections/news/coup-de-frais-sur-la-relation-entre-paris-et-berlin/?content_urlfrom=news_republic_fr
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