2639 – Conférence de presse de Vladimir Ermakov, Directeur du Département de la non-prolifération et du Contrôle des armes du Ministère russe des Affaires étrangères, Moscou, 21 mars 2018

Note Sans a priori : Après l’exposé des faits de Londres, ainsi qu’en a eu connaissance la Russie… quelques mises au point sur ce que sait la Russie, l’État des stocks depuis la disparition du bloc URSS … quelques précision sur le Novitchok et son concepteur, et son livre … la façon dont marche la Diplomatie Russe et ses relations avec les Institutions Internationales … Bref ! une mise au point .
Par contre il faut lire les interventions-questions des 7 représentants d’Ambassade … la France y brille « d’une question non pertinente » à croire qu’il n’avait rien écouté ! Attendait-il que les USA lui souffle à l’oreille ?  Ces derniers ressassent leur « Hégémon » en décroissance …

Questions

  1. d’un représentant de l’Ambassade de Slovaquie
  2. d’un représentant de l’Ambassade du Royaume-Uni
  3. d’un représentant de l’Ambassade de Serbie
  4. d’un représentant de l’Ambassade de France
  5. d’une représentante de l’Ambassade de Suède
  6. d’un représentant de l’Ambassade d’Allemagne
  7. d’un représentant de l’Ambassade des USA
  8. de l’Ambassadeur du Venezuela
  9. de l’Ambassadeur de la Bosnie-et-Herzégovine

 

RUSSIE Vladimir Ermakov SPI52c82e_Ermakov1301_26 Vladimir Ermakov

Mesdames et messieurs,

Chers collègues et amis,

Bonjour!

Nous sommes ravis de vous accueillir aujourd’hui chez nous, au Ministère russe des Affaires étrangères, en ce jour encore froid et pratiquement hivernal mais déjà marqué par l’arrivée du printemps.
Nous vous sommes reconnaissants de votre réaction rapide à notre invitation d’hier.
La situation actuelle est en effet extraordinaire. L' »Affaire Skripal » exige d’urgence un débat très professionnel et non politisé. Nous vous avons transmis un document. Nous vous prions d’en informer vos capitales.
Le contenu de l’aide-mémoire a un caractère assez sec, juridique et technique, conformément au genre de ces documents.
Il aurait été injuste de vous réunir seulement pour vous transmettre ce texte. C’est pourquoi je vous propose une discussion ouverte dans le cadre de notre cercle diplomatique étroit.

Prenons les faits concrets et examinons d’abord l’aspect strictement humanitaire de la situation.

Deux personnes, dont la citoyenne russe Ioulia Skripal, ont subi le 4 mars dernier une attaque à Salisbury, banlieue prospère de Londres.

On avance au Royaume-Uni des versions différentes des événements. On met notamment l’accent sur l’utilisation d’une substance chimique que les Britanniques appellent, pour des raisons inconnues, « Novitchok ». Aucune de ces versions ne résiste pourtant à la critique.   

Dans ce contexte, les responsables britanniques s’empressent d’accuser la Russie de manière hystérique et absolument infondée, et de demander des explications de Moscou – je ne sais pour quelle raison.

Je voudrais répéter que c’est sur le territoire britannique qu’on a constaté une attaque contre une citoyenne russe.

Ainsi, la logique dicte qu’il n’existe que deux options possibles:

  1. soit les autorités britanniques sont incapables de protéger le territoire de leur pays contre les attentats de ce genre,
  2. soit elles ont elles-mêmes mis en scène – de manière directe ou indirecte – cette attaque contre la citoyenne russe. Tertium non datur.
Nous sommes très surpris par le fait que les autorités britanniques violent les normes les plus élémentaires des relations interétatiques et ne garantissent pas à la Russie ne serait-ce qu’un accès consulaire à la citoyenne russe en péril.
Elles recherchent des excuses, mais dévoilent en même temps des vidéos tournées prétendument sur les lieux où les Skripal se trouveraient actuellement.

Tout cela ne fait que multiplier nos questions.

Les Britanniques ne partagent pas les informations obtenues par leurs enquêteurs et refusent de répondre à toutes les demandes russes concernant Ioulia Skripal.

Nous n’avons pas de données fiables concernant la situation de la citoyenne russe depuis deux semaines.

Tout cela se passe au XXIe siècle, dans un pays visiblement civilisé. 

Il est évidemment tout à fait absurde d’exiger des explications de Moscou dans ce contexte. La Russie ne doit rien à personne et n’est pas responsable des actions ou de l’inaction des autorités britanniques sur leur propre territoire.
Nous constatons la nervosité grandissante des autorités britanniques, qui est d’ailleurs facilement compréhensible. Le temps passe. Elles se sont coincées. Il existe de plus en plus de questions auxquelles elles devront répondre tôt ou tard. Mais elles n’ont aucune réponse.
La logique du type « nous sommes tombés dans le panneau, mais dans tous les cas c’est votre faute à vous, et c’est donc à vous de répondre » pourrait marcher dans une série télévisée britannique ou américaine, mais elle est absolument impossible dans la vie réelle, surtout dans les relations avec la Russie.
On voit de plus en plus clairement que l’attaque contre les Skripal à Salisbury est très probablement une nouvelle aventure illégale montée grossièrement de toutes pièces. Il reste donc seulement à déterminer qui en étaient les commanditaires et quel était leur motif.

On ne sait qu’une chose: la Russie n’a absolument rien à voir avec ces éléments pour une raison très simple: cette aventure est tout simplement inacceptable et tout à fait désavantageuse pour elle.

Le passé britannique est radicalement différent. Il suffit de se rappeler les propos de l’ancien Premier Ministre Tony Blair, qui a ouvertement reconnu il n’y a pas longtemps que les autorités et les services secrets du pays avait menti au peuple britannique pour impliquer le pays dans l’aventure illégale et sanglante en Irak.

Toutefois, cet aveu ne peut pas dissimuler le fait que personne n’a encore endossé la responsabilité de la mort de centaines de milliers d’Irakiens innocents.

On peut donc seulement essayer de deviner l’identité et les raisons de ceux qui tentent actuellement d’impliquer le Royaume-Uni dans une nouvelle aventure sale et perdue d’avance pour Londres, cette fois contre la Russie. S’agit-il d’une influence hypnotique de la sériée Strike Back de Michael Bassett qui a été diffusée il y a quelques mois et présentait notamment le Novitchok?

Mais passons aux éléments plus sérieux et formels de l’affaire.

Une version de nos collègues britanniques souligne l’utilisation de substances toxiques de combat dans le cas examiné.  

On peut donc déjà se demander si les porte-paroles britanniques comprennent ce qu’est une substance toxique de combat. Tout expert digne de ce nom vous dira que l’utilisation réelle des substances toxiques de combat provoque immédiatement un grand nombre de victimes sur les lieux. Mais, selon les propos de Londres, la situation à Salisbury est tout à fait différente. 

Comme l’objet de l’enquête n’a pas été déterminé, que les faits sont sciemment dissimulés et que les preuves réelles ont pu disparaître depuis – comme on l’a déjà  constaté au Royaume-Uni – on ne comprend pas du tout de quoi il s’agit et pourquoi on évoque telle ou telle obligation dans le cadre de la Convention sur l’interdiction des armes chimiques.

Allons plus loin.

On nous dit que la Grande-Bretagne a saisi l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques le 8 mars dernier. Ce qui nous pousse à constater un autre échec de Londres.
Le Royaume-Uni a refusé de coopérer avec la Russie, bien que la Convention prévoie un mécanisme clair de coopération des États et d’élimination des soupçons à l’aide d’un échange ouvert d’informations et des consultations. Existe-t-il un chemin plus constructif, plus simple et plus logique?

On peut envoyer à la Russie une demande officielle et obtenir sa réponse officielle sous dix jours, comme le stipule la Convention.

Les Britanniques ont pourtant dès le début rejeté cette option. Autrement dit, tout cela montre clairement que Londres n’avait en réalité aucune envie de régler le problème et poursuivait probablement des objectifs tout à fait différents.

Je voudrais souligner encore une fois que la Convention prévoit un mécanisme simple et compréhensible de consultations bilatérales. Si les parties veulent en effet régler les questions existantes, c’est la forme la plus acceptable pour au moins lancer le dialogue. Si l’une des parties ne veut pas régler ces questions, l’affaire se retrouve inévitablement dans une impasse. 
Bien sûr, on peut, au lieu de mener un dialogue constructif d’experts et de rechercher des solutions, sortir sur la place du marché pour hurler que quelqu’un t’a attaqué, que le coupable est bien connu, mais que, pour une raison qu’on ignore, il se trouve à l’autre bout du monde. Cela ne relève plus de la politique, cela ressemble plutôt à un thriller de mauvais goût – mais le cinéma nous en montre déjà plus que suffisamment.

Pourquoi apporter tout ce surréalisme dans la politique réelle et les relations interétatiques réelles? C’est une grande question.

Mais quoi qu’il en soit, la Russie n’a certainement pas l’intention d’encourager ou même de répondre à de tels actes impardonnables de la part d’un État à première vue civilisé.
Néanmoins, nous avons fait un pas de plus en avant. Nous avons proposé aux autorités britanniques de mener une enquête conjointe pour retrouver tout de même les coupables de l’incident de Salisbury.
Pour cela, nous avons évidemment demandé un accès à toutes les données de l’affaire sur laquelle enquête Scotland Yard, sans quoi il sera impossible de dresser un tableau compréhensible de ce qui s’est passé le 4 mars 2018 à Salisbury.

Et que pensez-vous? Un nouveau refus a suivi. Comme avant: un refus sans explications.

Ensuite.

Comme nous l’avons appris, le 19 mars 2018, des experts du Secrétariat technique de l’OIAC sont arrivés au Royaume-Uni à l’invitation officielle de Theresa May pour procéder à une « analyse indépendante des résultats de l’enquête britannique » sur l’incident de Salisbury.

Le Conseil de sécurité s’est réuni hier avec la participation du Directeur général du Secrétariat technique de l’OIAC Ahmet Üzümcü. La chimie syrienne a été évoquée, mais nos collègues britanniques ont également abordé l’incident chimique de Salisbury. Nous avons eu la possibilité de poser à nouveau des questions élémentaires aussi bien au Secrétaire général du Secrétariat technique qu’à nos collègues britanniques. Malheureusement, les réponses n’étaient pas convaincantes. Sur les positions les plus importantes pour nous, les interlocuteurs ont simplement esquivé.

 Nous attendons de Londres et de l’OIAC un rapport officiel détaillé concernant tout ce qui se passe dans l' »affaire Skripal ». Nous avons besoin des conclusions complètes avec une confirmation détaillée du respect de la procédure de base pour toute affaire prévue par la CIAC, c’est-à-dire de la succession des actions et de la préservation des preuves matérielles (« chain of custody »).

De plus, nous avons l’intention d’éclairer, à l’OIAC, dans le cadre de quel paragraphe de l’Article 8 de la CIAC le Secrétariat technique et le Royaume-Uni collaborent. Nous soulignons que l’Article 8 est consacré à la structure de l’OIAC et à la répartition des pouvoirs entre ses organes.

En outre, il ne faut pas oublier que dans le cadre de la CIAC, le Secrétariat technique n’est en droit de procéder à aucune « analyse d’enquêtes nationales », comme l’ont demandé les autorités britanniques.

 

Autre point très important.

Nos collègues britanniques, dans leur conscience enflammée, sont allés jusqu’à oser remettre en question l’efficacité de l’OIAC – l’organisation internationale la plus prestigieuse et efficace dans le domaine du désarmement.

Avec la contribution de 17 États membres d’autorité de l’OIAC et de l’UE dans l’ensemble, sous le contrôle rigoureux de l’OIAC, la Fédération de Russie a rempli avec succès son programme national de destruction de l’arme chimique. Nous avons entièrement détruit le plus grand arsenal d’armes chimiques hérité de l’URSS, qui représentait près de 40 000 tonnes. Les informations sur les données russes ont été minutieusement vérifiées et confirmées par de nombreux groupes d’inspection du Secrétariat technique de l’OIAC.

Le 27 septembre 2017, l’OIAC a officiellement confirmé que la Russie avait terminé en avance la destruction de toutes ses réserves d’armes chimiques. Cette question est définitivement close pour nous.

 

Les tentatives malhonnêtes des politiciens britanniques de semer la confusion dans ce travail noble sont loin d’être honorables. Londres ne réussira pas à torpiller le prestige de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques, ainsi que de la Convention. Nous sommes convaincus que les 192 États membres de plein droit de la Convention ne lui permettront pas de le faire.

Ces mauvaises atteintes de la part de Londres soulèvent d’autres questions.

Ne s’agit-il pas d’une mise en scène dirigée depuis outre-Atlantique? Tout le monde sait que le « partenaire » le plus proche de la Grande-Bretagne est le seul État disposant officiellement du plus grand arsenal d’armes chimiques du monde. La critique grandissante émanant des signataires responsables de la Convention ne leur convient manifestement pas. Est-ce que tout cela pourrait être la véritable raison des manipulations malsaines autour des événements à Salisbury?
Je ne veux pas créer de schémas complotistes. Et nous nous en passerons certainement. Mais le nombre de nos questions adressées au Royaume-Uni ne cesse de grandir et de s’élargir. Qui plus est, nous n’avons pour le moment obtenu aucune réponse concrète.   
Notre question principale n’a pas toujours été éclaircie: que s’est-il réellement passé avec les deux citoyens russes sur le territoire britannique? Pour le moment, nos collègues britanniques se confondent dans leurs propos. Ces derniers contiennent trop d’incohérences.
Je voudrais souligner que nous suivons attentivement l’évolution de l’affaire Skripal. Nous repérons tous les détails. Nous sommes convaincus que les auteurs et les participants à cette provocation seront au final punis.

Pour conclure, je voudrais souligner un autre élément important pour que vous compreniez toute la situation.

La Russie n’accuse personne de rien.

Nous vous prions de ne pas défigurer nos propos réels dans vos capitales.

Oui, nous avons en effet cité le potentiel technologique et chimique de la République tchèque, de la Suède et d’autres États. Il ne s’agit pourtant que d’un exemple du haut niveau de progrès du secteur de la recherche et développement dans le monde.

Je vous prie de fixer encore une fois le fait suivant: dans ce contexte, la Russie n’accuse personne de rien. Nous n’avons pas pour habitude d’accuser les autres sans aucune preuve.

 

Merci de votre attention.     

Cette conférence de presse réunit également mes collègues du Ministère russe de la Défense et du Ministère russe de l’Industrie et du Commerce. Nous avons donc une bonne occasion de mener un dialogue profond, ouvert et substantiel.

Je passe la parole au général Igor Kirillov, représentant du Ministère russe de la Défense et commandant des forces de protection radiologique, chimique et biologique.

 

RUSSIE général Igor Kirillov, igor-kirillov  Général Igor Kirillov

Igor Kirillov: Mesdames et messieurs,

Nous proposons une perspective un peu plus large sur ce problème.

Nous constatons ces derniers temps des accusations de plus en plus fréquentes d’utilisation d’armes chimiques par Damas dans le contexte actuel des événements dans la Ghouta orientale sur le territoire syrien.

En même temps, la communauté internationale préfère ignorer les faits d’utilisation réelle d’armes chimiques par les combattants extrémistes syriens contre les forces gouvernementales et la population civile.

Suite à la libération de plusieurs localités dans la Ghouta orientale, les forces gouvernementales syriennes ont découvert des ateliers clandestins de production d’armes chimiques. Ces derniers créaient évidemment les munitions nécessaires pour lancer des provocations et rejeter ensuite la responsabilité de l’utilisation des armes chimiques sur les troupes gouvernementales.  

 

Début mars 2018, le Ministère syrien des Affaires étrangères a annoncé que les combattants de la Ghouta orientale préparaient une provocation massive contre le Gouvernement syrien.

Damas a officiellement confirmé sa volonté d’aider à organiser toutes les enquêtes sur les attaques chimiques en Syrie. Les organisations internationales ont refusé de coopérer avec le Gouvernement syrien, favorisant ainsi les activités illégales des extrémistes.

Selon le Ministère syrien des Affaires étrangères, plus de 40 tonnes de substances toxiques ont été découvertes dans les zones libérées.

Le Ministère a également souligné que les autorités syriennes avaient plus d’une fois demandé d’envoyer les experts de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques à Alep, à Khan-Cheikhoun et dans la Ghouta orientale.

Le Secrétariat technique de l’Organisation n’a pourtant pas fait suite à ces demandes, jugeant la situation trop dangereuse dans ces villes.

Avant la 87e session du Conseil exécutif de l’Organisation, le Ministère russe de la Défense a repéré les faits soulignant que les organisations terroristes préparaient des provocations impliquant des armes chimiques afin de discréditer le gouvernement de Bachar al-Assad et de favoriser la promotion d’une décision antisyrienne par les États-Unis et leurs alliés.

La révélation concernant ces préparatifs de provocations a évidemment perturbé les projets de la coalition menée par les États-Unis visant à frapper les sites militaires majeurs de l’armée syrienne afin de modifier le rapport de forces en faveur de la prétendue « opposition modérée ».

Le fait que le sujet principal de la 87e session du Conseil exécutif de l’Organisation n’a pas été le dossier chimique syrien mais les accusations infondées selon lesquelles la Fédération de Russie aurait organisé une attaque chimique à Salisbury et violé la Convention sur l’interdiction des armes chimiques, confirment l’échec des objectifs fixés par la coalition.  
La Première Ministre britannique Theresa May a tenu toute une série de propos fermes affirmant que le gaz neuroparalytique Novitchok, qui aurait été utilisé pour empoisonner Sergueï Skripal et sa fille Ioulia, n’avait pu être produit qu’en Russie. Le Royaume-Uni n’a pourtant présenté aucune preuve réelle. Il a également ignoré nos demandes d’organiser des consultations bilatérales, de fournir les explications nécessaires et de présenter les échantillons relevés sur les lieux de la tragédie.

 

Il s’avère donc que la Grande-Bretagne a peur de mener une enquête professionnelle et objective impliquant les experts qualifiés.

En réalité, toutes les accusations infondées contre la Russie se basent uniquement sur l’interview et les propos de Vil Mirzaïanov. Rappelons que Vil Mirzaïanov a émigré aux États-Unis en 1996. Il habite actuellement dans la ville de Princeton (État du New Jersey) et travaille pour le gouvernement américain. Il a plus d’une fois soutenu l’opposition russe et signé la pétition « Poutine doit partir ». En 2008, Vil Mirzaïanov a publié le livre « Secrets d’État: les chroniques d’un initié sur le programme russe d’armes chimiques » qui contenait notamment la formule de la substance présentée par les Britanniques comme Novitchok, et expliquait en détail comment la créer.

Selon Vil Mirzaïanov, la substance toxique neuroparalytique Novitchok est dix fois plus puissante que tous ses analogues connus et développés par le passé. Il suffit d’avoir les formules de ce livre, une éducation chimique, ainsi que les équipements et les composants chimiques nécessaires pour créer facilement une substance toxique de combat très puissante.    

 La Fédération de Russie considère comme un acte de complicité au terrorisme la publication ouverte, par Vil Mirzaïanov, des formules de substances toxiques et de leur processus de synthèse. Par conséquent, toutes les questions sur la prétendue existence du « Novitchok » et ses propriétés doivent être posées à Vil Mirzaïanov qui travaille pour le gouvernement américain. C’est lui qui déclare que le « Novitchok » est une substance militaire hautement toxique.

La Russie n’a rien à voir avec cela.

A partir des années 1970, l’Europe occidentale a mené des programmes pour l’élaboration de substances toxiques de nouvelle génération. Le Royaume-Uni était et reste l’un des États mettant en œuvre ce programme et possède une expérience et une connaissance colossale dans le développement de telles substances. Il convient de rappeler que c’est le Royaume-Uni qui, le 21 juin 1962, a breveté sous le numéro GB1346409A la production de substances toxiques phospho-organiques de type VX. Le brevet a ensuite été vendu aux USA.

L’un des plus grands sites britanniques chargés du développement et de l’étude des substances toxiques est le laboratoire de Porton Down situé « par un heureux hasard » à quelques kilomètres de la ville de Salisbury.

L’organisation par ce pays d’expériences sur Ronald Maddison et sur 360 autres citoyens afin d’étudier l’impact de la substance toxique militaire sarin sur l’homme est un fait connu et officiellement reconnu en 2006 par le gouvernement britannique.
Encore aujourd’hui, le laboratoire de Porton Down est un site très secret dont l’activité consiste officiellement non seulement à recycler les anciens modèles d’armes chimiques, mais également à mener des expériences sous prétexte d’élaborer des mesures de protection contre l’impact de l’arme chimique et biologique – c’est ce qu’on peut lire sur le site officiel de cette organisation. Au vu des récentes annonces concernant l’allocation, à ce laboratoire, d’environ 50 millions de livres par le gouvernement britannique, on se demande si les chercheurs de Porton Down ne s’apprêtent pas à détruire ce fameux « Novitchok » à propos duquel ils crient sur tous les toits et dont le Ministre britannique des Affaires étrangères Boris Johnson a parlé hier en interview.

Les médias rapportent qu’une forte pression est exercée sur les chercheurs du laboratoire de Porton Down pour parvenir à des conclusions sur l’origine russe de la substance toxique utilisée à Salisbury.

Alors que tous les pays du monde aspirent à détruire leurs réserves d’armes chimiques, le Royaume-Uni, lui, développe activement le laboratoire de Porton Down, et, sous prétexte de développer des contremesures efficaces contre l’arme chimique et biologique, continue de mener des expériences et d’exposer son propre peuple à un terrible danger.

 

De son côté, la Fédération de Russie est un État consciencieux qui respecte rigoureusement les termes de la Convention sur l’interdiction des armes chimiques (CIAC). Cela est confirmé par la déclaration du Directeur général du Secrétariat technique de l’OIAC Ahmet Üzümcü faite le 27 septembre 2017, qui a constaté la destruction complète de toutes les armes chimiques sur le territoire russe. En dépit de la confirmation de la destruction de tout son arsenal chimique par la Russie, le Royaume-Uni et les USA continuent d’accuser de manière infondée notre pays d’avoir violé la Convention.

Les accusations des USA paraissent d’autant plus cyniques que ces derniers n’ont toujours pas détruit leur arsenal chimique, se référant à un prétendu manque d’argent.

 Cela suscite une consternation et une profonde indignation. Est-ce que le pays ayant le plus grand budget militaire n’est vraiment pas capable d’allouer des fonds et de remplir dûment ses engagements dans le cadre de la Convention?

C’est incroyable étant donné que les USA se réfèrent à chaque fois à un manque d’argent précisément concernant les engagements internationaux qui ne sont pas dans l’intérêt de l’État en dépit de la ratification des accords internationaux en la matière.

La comparaison de l’évolution de la situation à Salisbury avec les provocations antérieures organisées dans la Ghouta orientale et à Khan Cheikhoun conduit à la conclusion claire que les pays occidentaux, sont prêts à recourir à tous les moyens et méthodes douteux et illégaux pour discréditer la Fédération de Russie et son gouvernement légitime afin de parvenir à leurs fins.

RUSSIE Vladimir Ermakov jarvis_564ca52b498e8f4b1bc2da55  Vladimir Ermakov

Vladimir Ermakov: Vous allez recevoir l’aide-mémoire en anglais. Ce que nous venons de dire dans nos discours est un complément à celui-ci. Ce qui vient d’être dit n’était certainement pas nouveau pour certains, car en principe nous nous appuyons sur les déclarations déjà faites par le Ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov et par nos représentants permanents auprès de l’OIAC à La Haye et auprès de l’Onu à New York.

Il est primordial qu’aucune question ne reste en suspens sur des sujets aussi graves.

Si nous poursuivons réellement l’objectif de résorber les problèmes existants, alors il faut les percer, discuter et trouver une solution. C’est le seul moyen de parvenir à un résultat positif. Malheureusement, pour l’instant, nous ne constatons rien de tel côté britannique. J’espère que ce moment viendra et que nos collègues britanniques reviendront à leur grand professionnalisme diplomatique et à leur très bon niveau d’experts. C’est personnellement ma vision du Royaume-Uni et des experts britanniques. Je suis choqué par les propos de leurs prétendus politiciens (il est très difficile de les appeler politiciens). J’ai honte, pour les diplomates et les experts britanniques avec lesquels je communique depuis des années, que de tels individus parlent au nom de Londres.

1

(d’un représentant de l’Ambassade de Slovaquie): La porte-parole du Ministère russe des Affaires étrangères Maria Zakharova a énuméré certains pays élaborant des armes chimiques, notamment la Slovaquie. Pouvez-vous faire un commentaire à ce sujet?
Réponse: Heureusement ou malheureusement, la Slovaquie a été mentionnée comme faisant partie de la Tchécoslovaquie. Par la suite, nous avons vérifié dans notre base de données: c’est la Tchécoslovaquie qui possédait un potentiel élevé d’élaborations technologiques chimiques. Je répète: cela ne signifie en aucun cas que nous accusons la Tchécoslovaquie de quoi que ce soit. Au contraire, nous avons parlé positivement du haut niveau de l’industrie chimique de ce pays. Accidentellement, par notre omission, ce n’est pas seulement la Tchéquie qui a été mentionnée, mais aussi la Slovaquie. Nous présentons nos excuses pour cette omission. Je souligne à nouveau que nous n’avons aucun reproche visant la Tchéquie.

2

(d’un représentant de l’Ambassade du Royaume-Uni) (traduite de l’anglais): Dans le contexte de cette conférence de presse, il serait utile d’exposer brièvement la situation et les actions que nous avons entreprises par rapport au gouvernement russe du point de vue du Royaume-Uni.

Après l’incident mentionné, nous avons proposé à la Russie d’évoquer ce thème au format bilatéral mais aucune réaction constructive n’a suivi jusqu’à présent. Sergueï Skripal et sa fille Ioulia Skripal ont été empoisonnés par la substance « Novitchok », ce que nous considérons comme une tentative d’assassinat. Le Royaume-Uni a conclu que la responsabilité de la Russie était très probable en s’appuyant sur l’identification de la substance chimique par nos principaux chercheurs, qui disposent d’informations selon lesquelles la Russie a produit cette substance par le passé et qu’elle était capable de la fabriquer encore aujourd’hui. La Russie n’a donné aucune explication permettant de comprendre comment cette substance a pu être utilisée au Royaume-Uni, ni pourquoi elle disposait d’un programme chimique non déclaré violant le droit international. Nous avons vu de fausses informations, des tentatives de brouiller les faits et avons conclu que la force avait été utilisée contre le Royaume-Uni, que la société britannique était menacée, ce qui sape la CIAC et le droit international

Nous avons besoin d’explications pour comprendre pourquoi, si la Russie fabriquait cette substance, elle ne l’a pas déclarée conformément à la CIAC. Nous avons demandé à la Russie d’expliquer comment cette substance s’était retrouvée sur le territoire britannique. Nous n’avons pas reçu de réponse

 

Réponse: C’est très agréable d’avoir la possibilité d’entendre la partie britannique. Je pense que c’est très utile pour tout le monde et confirme à quel point nous sommes éloignés dans nos avis et approches.
Nous parlons du fait que deux citoyens russes ont été attaqués sur le territoire britannique. Nous demandons de nous fournir toutes les informations concernant ce que nous considérons comme un attentat terroriste contre des citoyens russes sur le territoire britannique.

On ne nous donne rien.

On parle seulement d’un prétendu « Novitchok », d’une prétendue « attaque » de la Russie contre le Royaume-Uni, on nous dit que la Russie doit quelque chose. Nous ne devons rien présenter au Royaume-Uni car c’est une attaque contre deux citoyens russes sur le territoire britannique. Menons une enquête conjointe avec des informations entièrement ouvertes au lieu de citer des liens complètement incompréhensibles avec la substance « Novitchok » ou autres. C’est une terminologie propre aux séries britanniques. Vous-même, n’avez-vous pas honte de l’utiliser devant un tel auditoire, en présence d’ambassadeurs de 150 États? C’est ridicule. J’ai honte pour la diplomatie britannique.

La Russie a des tâches et des objectifs complètement différents dans le monde.

Sortez donc un peu de votre russophobie, de votre mentalité insulaire (je ne veux pas vous offenser, je tiens en grande estime la diplomatie britannique et j’ai honte quand j’entends tout ça). Nous avons beaucoup appris de nos collègues britanniques, des experts – vous avez un niveau d’expertise très élevé. Que nos experts s’assoient avec les vôtres pour découvrir ce qui s’est passé. Pourquoi vous enfermez-vous dans une « coquille », nous montrez-vous du doigt et dites-vous que nous sommes responsables de tout? Et ensuite? Nous n’allons certainement pas réagir à cela.
Je voudrais donner la parole à Viktor Kholstov, directeur du Centre d’études analytiques des conventions sur l’interdiction des armes chimiques et biologiques du Ministère russe de l’Industrie et du Commerce.

RUSSIE Viktor Kholstov 016  Viktor Kholstov

Viktor Kholstov: Suite à la question du représentant de l’ambassade britannique, je voudrais souligner ce qui suit. J’affirme de manière tout à fait officielle que la Russie n’a jamais produit aucune arme chimique hormis celles dont elle a transmis la liste en 1997 dans le cadre de la Convention sur l’interdiction des armes chimiques. Aucune de ces substances ne repose dans les dépôts russes. Tous les dépôts ont été déclarés par la Fédération de Russie, vérifiés par les représentants mandatés du Secrétariat technique de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques et les substances ont été détruites sous le contrôle permanent des inspecteurs du Secrétariat.   

La question a certainement été soulevée en raison de la publication de Vil Mirzaïanov, qui a émigré aux États-Unis probablement pour améliorer sa situation financière suite au démembrement de l’URSS qui avait entraîné des problèmes dans l’économie russe.

 Analysons donc ce qu’il a écrit.

Ses premières publications n’ont présenté aucune formule relative aux nouvelles substances toxiques. Sa première grande œuvre a été publiée en russe au début des années 2000. Elle ne contenait aucune formule ni technologie, alors qu’on connaissait déjà beaucoup d’autres substances chimiques faisant partie de la catégorie qu’il a indiquée plus tard.

Plus précisément, je peux vous citer les exemples suivants.

On a déjà mentionné aujourd’hui la Slovaquie en rapport avec la Tchécoslovaquie. Je respecte sincèrement le scientifique qui a travaillé en Tchéquie dans le domaine de la protection de la population contre une attaque chimique éventuelle. Il s’agit du professeur Ivan Matoušek.

TCHEQUIE PROFESSEUR Ivan Matoušek. hqdefault  Ivan Matoušek.

C’est un chercheur éminent. Je le respecte sincèrement. Il a pourtant indiqué, dans ses travaux de 1994, tout un nombre de substances chimiques qui pourraient représenter une menace du point de vue de la protection contre les armes chimiques.
D’autres scientifiques et notamment I. Maček ont présenté plusieurs dizaines de ces substances chimiques. Je vais vous montrer sa table de 1994. Sans aucun lien avec la Russie ou les événements actuels. Il y a ici toutes les données relatives à la toxicologie de ces substances et leurs formules structurelles générales. Il en existe plusieurs dizaines.
La Convention a été présentée à la signature des États déjà en 1993. Bien que la Convention prévoie la possibilité de modifier les listes de substances chimiques, tout changement aurait retardé son entrée en vigueur. C’est pourquoi aucun État qui avait des informations sur les substances de ce genre n’a engagé aucune action en ce sens.   

Qui plus est, je voudrais mentionner qu’on a organisé, à l’arsenal d’Edgewood du Ministère américain de la Défense, des études liées aux substances chimiques de ce genre.

Pas forcément sur la base des études d’Ivan Matoušek, mais sur la base d’autres études. Il existe une base de données concernant l’une de ces substances spectrales qui venaient seulement d’apparaître à l’époque. Ivan Matoušek ne les a même pas mentionnées. Il ne présentait que la toxicologie etc. Ces bases de données sont officielles. Je cite les informations concernant une de ces substances.

Ce sont les données de 1998, fixées par l’arsenal d’Edgewood du Ministère américain de la Défense.

Vil Mirzaïanov n’avait donc aucune formule au début des années 2000. Comme il lui fallait gagner sa vie et améliorer sa situation économique, il a probablement rédigé avec l’arsenal sa nouvelle œuvre intitulée « Secrets d’État », qu’on vient de mentionner aujourd’hui. Elle a pour la première fois présentée une formule. Il l’a évidemment liée à la Russie pour des raisons politiques – pour recevoir une récompense. Cela soulève une question légitime: pourquoi n’a-t-il pas présenté cette formule par le passé, s’il la connaissait? Parce qu’il fallait confirmer les données citées ici. Ce livre a été envoyé par les États-Unis au Secrétariat technique de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques. Le Conseil scientifique et consultatif de l’Organisation a étudié très attentivement ce problème et présenté ensuite ses conclusions.   

Les substances chimiques attirent ces dernières années de plus en plus d’attention, notamment de la part des ONG. Bien qu’on n’ait publié que des informations très limitées, on souligne la création d’une nouvelle classe de substances neuroparalytiques baptisée « Novitchok ». En décembre 2008, un ancien scientifique du secteur militaro-industriel a publié un livre indiquant que la toxicité de certaines substances de type « Novitchok » pourrait dépasser celle des armes chimiques. Il n’existe pourtant aucun fait fiable susceptible de confirmer la réalité de ces nouvelles substances chimiques

Dans ce contexte, le Conseil scientifique et consultatif a déclaré que comme l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques s’occupait de la mise en œuvre de la Convention sur l’interdiction des armes chimiques, elle devrait élargir ses connaissances concernant ces substances afin de favoriser la mise en œuvre de la Convention.

Chaque État a le droit de prendre la parole s’il a les données nécessaires pour créer une base de données et l’intégrer à la Convention. On a ensuite confirmé les informations obtenues grâce aux études des chercheurs tchèques menées dans un cadre légal et normal, et reçu celles de l’arsenal d’Edgewood.

Ce n’est qu’après tout cela que Vil Mirzaïanov a écrit cette formule sous l’influence de ces données et, visiblement, de ses collègues américains.

 

Comme l’a justement indiqué le général Igor Kirillov, commandant des forces de protection radiologique, chimique et biologique, l’article 1 de la Convention stipule que tout État signataire de la Convention s’engage à ne jamais, en aucune circonstance, « mettre au point, fabriquer, acquérir d’une autre manière, stocker ou conserver des armes chimiques, ou transférer, directement ou indirectement, des armes chimiques à qui que ce soit ».
La publication de ces informations indique qu’on transfère indirectement les connaissances concernant les armes chimiques, ce qui constitue un transfert indirect d’armes chimiques. Pourquoi le Gouvernement américain a-t-il publié ce livre? Est-ce que quelqu’un dans l’audience peut répondre à cette question? J’en doute. Car il s’agit d’une violation pure et grossière de l’article 1 de la Convention.
Cette question a été plus tard évoquée à plusieurs reprises pendant la conférence de synthèse de l’Organisation, qui a adopté des décisions similaires.     

3

(d’un représentant de l’Ambassade de Serbie): La Serbie a également dû supporter l’hystérie de plusieurs pays occidentaux dans les années 1990. Beaucoup de fakes et de mensonges circulaient à l’époque. Je voudrais tracer un parallèle avec les faits qui ont servi de prétexte pour bombarder la Bosnie-Herzégovine, puis la Serbie: un marché de Sarajevo a été bombardé, et les Serbes ont été accusés. Ensuite, en 1999, quand on a voulu prendre à la Serbie le Kosovo et la Métochie, les Britanniques et les Américains ont ramassé des corps de combattants de l’armée albanaise de libération du Kosovo et invité les journalistes de CNN pour leur dire que les Serbes tuaient des gens. Cela a servi de prétexte aux bombardements de la Yougoslavie en 1999, avec des armes non conventionnelles contenant de l’uranium appauvri. Le nombre de maladies oncologiques a été multiplié par 12 dans le pays suite à ces attaques. Ceux qui nous ont bombardés n’y prêtent pas attention. Vous vous souvenez de 2003, quand Colin Powell a présenté une fiole contenant une prétendue substance chimique en accusant Saddam Hussein de fabriquer des armes chimiques, ce qui a servi de prétexte pour bombarder l’Irak, notamment, selon les informations des médias, avec l’usage de l’arme chimique. Tracez-vous des parallèles avec la situation actuelle autour de l’empoisonnement de Sergueï Skripal?

Réponse: Selon moi, il est possible de tracer de nombreux parallèles. Nous comprenons les arguments de nos camarades et frères serbes, de qui nous sommes évidemment solidaires. Nous les avons aidé et continuerons de le faire. D’ailleurs, j’apprécie Colin Powell en tant que professionnel. Je le connaissais personnellement, nous communiquions quand je travaillais à l’Ambassade de Russie à Washington. J’étais alors responsable de l’aspect militaro-politique des relations entre nos pays. Bien sûr, c’était de la politique de haut niveau quand Colin Powell a trouvé en lui la force de reconnaître son erreur. On voudrait qu’au Royaume-Uni également plus de politiciens tentent de vraiment comprendre ce qui s’est passé avant de tirer des conclusions hâtives, pour ne pas avoir à rougir de leurs actes. En l’occurrence ce parallèle convient probablement mieux. Il est très facile de coller des étiquettes. Notre objectif est différent: construire des relations mutuellement bénéfiques avec tous les États, Royaume-Uni compris, évidemment. Il serait probablement plus utile pour tous que ces cas soient le moins nombreux possibles dans nos relations interétatiques afin que nous nous réunissions avec vous sur des questions complètement différentes pour dire à quel point notre coopération est productive dans le règlement des problèmes réels, et non fictifs.
Merci à nos amis serbes de se souvenir des événements qui ne doivent pas être oubliés. Les bombardements de l’Otan en Yougoslavie sont une tache noire sur les relations interétatiques. Personne ne doit l’oublier parce que, malheureusement, à l’époque, le monde évoluait de telle manière que grâce à des « éprouvettes » il était possible de bombarder n’importe quel pays. Mais nous espérons que ce monde est révolu et qu’aujourd’hui personne n’a de telles intentions, même par la pensée. Au centre de l’Europe, des pays démocratiques civilisés, des membres de l’UE, utilisent des bombes contenant de l’uranium. C’est un grand niveau de manifestation de la démocratie, d’humanisme, un sommet des valeurs européennes. Nous pourrions parler très longtemps à ce sujet – nous avons des choses à dire.

4

d’un représentant de l’Ambassade de France en Russie (traduite de l’anglais): Premièrement, je voudrais exprimer ma solidarité avec notre collègue britannique concernant les attaques chimiques qui ont eu lieu sur le territoire britannique. Nous souhaitons qu’une enquête soit menée par les autorités britanniques. Nous nous devons de rappeler qu’aucune arme chimique n’a été utilisée sur le territoire de l’UE depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. C’est pourquoi l’incident de Salisbury représente pour nous une question de sécurité nationale. Je pense que nous sommes d’accord sur le fait que l’OIAC est l’une des organisations internationales les plus respectées. Ferez-vous confiance aux résultats du travail mené actuellement par les experts de l’OIAC conjointement avec les experts britanniques sur l’incident de Salisbury?

Réponse: J’ai déjà répondu à cette question aujourd’hui. Je peux seulement rappeler que l’OIAC et la CIAC n’offrent pas la possibilité de déterminer ce qui s’est passé à Salisbury. Quoi qu’il en soit, des examens d’experts plus poussés seront nécessaires pour que la Russie puisse tirer des conclusions. Nous devons mener notre propre enquête. Disons clairement que de telles intentions douteuses – mener une enquête quelque part sans dévoiler les faits, puis présenter les résultats comme la vérité de dernière instance – ne marcheront pas avec nous.
Nous savons comment ont travaillé certains mécanismes que vous considérez comme véridiques en Syrie. Cependant, comme cela a été entièrement confirmé, c’était une activité fictive.
C’est pourquoi il est impossible de vous dire aujourd’hui que des actions entreprises par les experts de l’OIAC et ce qui a été examiné à Salisbury seront pris par la Russie pour une vérité de dernière instance. Nous ne le ferons pas. Vous voulez enquêter: nous sommes prêts à mener un travail conjoint. Vous ne voulez pas – c’est une autre question. Je suis un peu surpris par votre phrase selon laquelle la France soutient entièrement le Royaume-Uni et l’enquête. C’est très bien. Nous comprenons que vous avez été forcés à le faire. Mais pourquoi le dire ici? C’est tout simplement ridicule. Chez vous, en France, vous n’avez pas la moindre information sur cette affaire. C’est une sorte de manifestation maladive de solidarité dans le cadre de l’Otan et de l’UE.
Igor Kirillov: Je voudrais ajouter que nous sommes étonnés par la position du Royaume-Uni sur la question très sérieuse qu’il a évoquée. Le Secrétariat technique de l’OIAC a prouvé que sur le territoire syrien et irakien, les terroristes de Daech utilisaient et fabriquaient des substances toxiques – l’ypérite soufrée.
Est-ce que les accusations contre la Russie sont plus importantes pour vous qu’une enquête minutieuse sur l’incident? Est-ce que le Royaume-Uni en tant que pays ne se préoccupe pas de sa population?
Les capacités des terroristes sont très grandes, nous le voyons tous et c’est confirmé. Alors menons une enquête au niveau des professionnels au lieu de simplement accuser la Russie du fait qu’il y a longtemps, on y fabriquait ledit « Novitchok ». C’est quoi, « Novitchok »?
Je sais ce qu’est du fluor anhydride d’éther isopropylique d’acide méthylphosphonique. Mais qu’entendez-vous par « Novitchok »? Faisons en sorte que l’enquête soit menée par des professionnels.

5

(d’une représentante de l’Ambassade de Suède) (traduite de l’anglais): J’ai deux commentaires qui pourraient être utiles, à mon avis. Le premier concerne ce que vient de dire mon collègue slovaque – la Suède a été également mentionnée dans ce contexte. Je voudrais souligner que la Suède a clairement affiché sa position à ce sujet. Nous avons rejeté les accusations inadmissibles de la porte-parole du Ministère russe des Affaires étrangères Maria Zakharova, qui a dit que le gaz neuro-paralytique utilisé à Salisbury pouvait être d’origine suédoise. Deuxième chose. Je voudrais souligner, comme l’a fait ma collègue française, que la Suède, tout comme l’UE, a annoncé sa solidarité avec le Royaume-Uni et son soutien.

Réponse: Merci beaucoup à la représentante suédoise. Si vous avez trouvé dans le discours de notre Directrice du Département de l’information et de la presse Maria Zakharova des accusations visant la Suède, je suis prêt à vous présenter mes excuses, parce qu’il n’y avait certainement aucune accusation contre la Suède de notre part.
Que vous soyez solidaires avec le Royaume-Uni est probablement une bonne chose – il faut s’entraider. Solidarisons-nous et commençons une enquête vraiment professionnelle à ce sujet, sans utilisation déplacée de termes comme « Novitchok » et autres. Nous en avons beaucoup en russe.

6

(d’un représentant de l’Ambassade d’Allemagne) (traduite de l’anglais): Vous avez dit plus tôt que pour régler ce problème, le Royaume-Uni devait, conformément à la CIAC, aborder cette question bilatéralement. La première déclaration faite par le Ministère russe des Affaires étrangères à ce sujet le 13 mars, si je ne m’abuse, est que le Ministère russe des Affaires étrangères a annoncé que la réaction des autorités britanniques était une provocation claire visant à discréditer la Russie.

D’après vous, est-ce que cette déclaration est conforme aux engagements de Moscou dans le cadre de la CIAC pour régler la question de bonne foi, bilatéralement, notamment compte tenu des questions légitimes qui ont été posées la veille à la Russie par la Première ministre britannique Theresa May?

Réponse: Honnêtement, j’ignore ce que vous faites. Tout expert chargé des questions de contrôle des armements est au courant de la manière dont est établie une position, du déroulement des négociations internationales. Il est évident que quand on souhaite obtenir quelque chose, il faut d’abord apporter des arguments et aller ensemble vers des conclusions. Quand le représentant d’un autre État s’approche pour t’accuser de quelque chose sans apporter la moindre preuve, alors on ne peut pas compter sur un règlement rapide du problème.
Je ne comprends pas très bien la formulation de votre question. Je souligne encore une fois que la Russie prône instamment et successivement une enquête exhaustive sur l’incident de Salisbury. Nous sommes prêts à y participer très activement. Si on nous dit que quelqu’un, quelque part, a trouvé quelque chose et que nous en sommes responsables, alors rien n’avancera. C’est un problème britannique si vous vous comportez ainsi. Nous ne réagirons tout simplement pas à une telle formulation de la question. Vous voulez une enquête – invitez-nous, dévoilez toutes les informations et nous vous assurons qu’ensemble nous arriverons à la vérité. C’est tout, c’est simple et clair. C’est la seule manière de régler les graves problèmes interétatiques. On n’arrive à rien autrement.

7

(d’un représentant de l’Ambassade des USA) (traduite de l’anglais): Il est très important, dans le format d’aujourd’hui, de montrer que les USA sont également entièrement solidaires de leurs partenaires au Royaume-Uni, en UE et au sein de l’Otan.

Vous avez déjà mentionné l’ex-Secrétaire d’État américain Colin Powell qui a fait preuve de courage, selon vous. Il est très intéressant et important, notamment dans ce format, qu’au lieu de faire preuve du même courage vous attaquiez votre collègue britannique.

La Fédération de Russie poursuit sa tactique de déni de responsabilité en détournant l’attention et en désinformant. Nous voulons de nouveau exprimer notre solidarité avec nos collègues britanniques.

Nous, tout comme nos collègues, tenons la Russie pour responsable de ses actions illégales.

Réponse: Merci pour l’intervention du respectable représentant des États-Unis. Je voudrais bien savoir quelle note donneraient des juristes américains à votre discours. Vous avez probablement travaillé au Département d’État américain? Nous ne sommes probablement jamais rencontrés? Il fut un temps où je connaissais tout le monde au Département d’État américain, et tout le monde me connaissait. Cela fait donc très longtemps. Mais personne n’a jamais osé me reprocher quoi que ce soit en lançant de telles insinuations. Vous avez probablement une telle consigne de Washington – chacun remplit sa mission.
En ce qui concerne la solidarité. Je voudrais qu’un jour les USA expriment leur solidarité avec le peuple serbe touché par les bombardements de l’Otan. Personne ne comprend ce qui vient d’arriver à Salisbury. C’est évidemment très bien que vous soyez solidaire avec votre allié et l’Otan, votre allié le plus proche. Dans l’ensemble, c’est digne de respect. Je parle sans ironie – c’est très bien, c’est juste. Mais allons plus loin, enquêtons réellement sur les faits. Nous avons entendu tellement d’accusations de votre part visant la Russie qu’honnêtement cela n’inquiète plus du tout. C’est pourquoi, si vous voulez enquêtez sur les faits à Salisbury: enquêtons. Ce serait une vraie solidarité.
Je répète que nous n’avons pas à répondre de quoi que ce soit pour l’instant car la question n’est pas formulée. Il faut dévoiler toutes les informations de cette enquête qui, je l’espère, se déroule tout de même à Salisbury – à commencer par le visionnage des enregistrements des caméras de surveillance. Après tout, nous vivons au XXIe siècle, le Royaume-Uni est l’un des pays les plus avancés sur le plan technologique. Absolument tout est enregistré chez vous. Partagez, et nous vous aiderons dans votre enquête.
Notre camarade serbe a dit à juste titre qu’on pouvait tracer des parallèles. Souvenons-nous du crash du Boeing malaisien.
Vous aviez obtenu des informations accusant la Russie, disant que les autorités russes étaient impliquées dans cette tragédie, avant que le Boeing ne s’écrase. Vous l’avez oublié? Vous n’avez pas honte? Et vous, aux USA, n’avez-vous pas toutes les informations enregistrées concernant ceux qui ont réellement abattu le Boeing? Je comprends que maintenant vous allez dire que vous travaillez au Département d’État américain et que cela n’a rien à voir avec vous. Mais tout est enregistré chez vous, votre satellite était en place. Vous avez clairement enregistré qui a abattu le Boeing malaisien. Et tout le monde s’est tu après cela. L’enquête est arrivée dans une impasse. A nouveau, la Russie n’y était pas invitée. Je répète, la Russie a été accusée avant que le Boeing ne s’écrase, cela a été confirmé. Les USA ont toutes les informations sur celui qui l’a fait et comment. Les avez-vous partagées avec la Malaisie et les Pays-Bas?

8

(de l’Ambassadeur du Venezuela): Je voudrais exprimer notre soutien à la volonté du Gouvernement russe de résoudre ce problème de manière responsable et transparente et d’y inviter le Gouvernement britannique.

Nous voudrions également savoir qui sont tous ces gens qui avancent des accusations. Comme l’a déjà dit notre ami serbe, il a vu dans son pays des bombardiers, tout comme en Syrie, en Libye, en Irak et en Afghanistan.

Pourquoi l’ont-ils fait, selon vous?

 

 

Réponse: Vous posez des questions intéressantes qui ne correspondent pas tout à fait à mon « portefeuille ». Je travaille sur les problèmes liés au contrôle des armes, alors que vos questions sont plutôt philosophiques. Qui plus est, elles contiennent déjà des éléments de réponse. Vous avez certainement déjà pris connaissance des estimations sur cet incident qui ont été exprimées à un niveau politique élevé. Je ne vais donc pas les répéter, afin qu’on n’interprète pas mes propos de manière erronée.
Notre objectif principal n’est pas de définir si quelqu’un voulait porter un coup dur contre la Russie à l’aide de cet incident. Franchement, ces derniers temps, nous nous sommes déjà habitués aux attaques antirusses pénibles de la part de nos collègues américains et britanniques, et aujourd’hui on constate même des actions difficilement compréhensibles de la part de la France. Nous n’y réagissons plus tellement. Nous évoquons et examinons le développement de nouvelles relations interétatiques dans le contexte actuel, qui a subi des mutations considérables. Le monde n’est certainement plus unipolaire et l’influence des États-Unis n’est plus celle des années 1990, quand pratiquement tout était décidé par Washington sans que personne n’ose le contredire. Il y avait au sommet du pouvoir russe et du Ministère russe des Affaires étrangères des personnes qui ne pouvaient pas, même en théorie, aller à l’encontre de la politique du Département d’État américain. Chacun est libre de juger si c’était pour le meilleur ou pour le pire. Dans tous les cas, cette époque est révolue. Il nous faut donc construire nos relations interétatiques en nous basant sur les réalités actuelles de 2018, au lieu de nous appuyer sur les schémas élaborés par Colin Powell ou Tony Blair, pour lesquels ces derniers ont été obligés de s’excuser publiquement.
Franchement, en ce qui concerne ma vision personnelle de ce qui s’est passé et des raisons probables de l’incident à Salisbury, il s’agit probablement d’une opération antirusse planifiée d’avance, qui n’a pas pu stopper cette tendance. Tout cela s’est donc révélé dans un endroit et d’une certaine manière. J’espère que la raison prendra finalement le dessus à Londres. Il peut même ne pas reconnaître son erreur. Nous n’en avons pas vraiment besoin. Nous ne demanderons pas vos excuses. S’il existe un problème, il faut le résoudre. S’il n’y a pas de problème, fermez tranquillement le dossier. Le problème principal réside dans la souffrance humaine. Deux citoyens russes ont souffert sur le territoire britannique. Nous doutons fortement que les responsables seront punis. C’est n’est pas le premier cas de ce genre.        
En ce qui concerne les analogies, nous pouvons rappeler le cas de Boris Berezovski qui a demandé au Président russe Vladimir Poutine de créer les conditions de son retour en Russie, mais s’est ensuite suicidé à Londres. On constate sans cesse des « coïncidences » de ce genre chez nos collègues britanniques. Il ne s’agit pas d’un cas isolé mais d’une tendance qui pourrait nous mener à des théories du complot. Nous voudrions éviter ces coïncidences. Si elles se produisaient, on pourrait enquêter sur ces cas – si vous en aviez envie. Si vous êtes un État civilisé, ouvrez toutes les données pour que nous menions une enquête commune. Il est stupide d’accuser la Russie. Elle ne va pas vous rendre de comptes.

9

(de l’Ambassadeur de la Bosnie-et-Herzégovine): Je demande à mes collègues de ne pas convoquer la situation en Bosnie-et-Herzégovine.

 

Réponse: Nous le comprenons absolument. Chacun a sa position et c’est juste. Heureusement, on n’a pas évoqué le conflit entre la Corée du Nord et la Corée du Sud. Sinon, notre conversation aurait pu prendre encore trois ou quatre heures. Je le dis sans aucune moquerie. Chaque État a sa propre position, qu’il doit exprimer. Nous n’évoquerons certainement pas le conflit en Bosnie-et-Herzégovine dans ce contexte.
Nous avons déjà dépassé tous les délais fixés pour notre rencontre. Je voudrais vous remercier encore une fois. Merci beaucoup d’être venus et d’avoir participé aux débats de manière si active. J’espère que notre conférence d’aujourd’hui aidera nos collègues britanniques à trouver des moyens de coopération. Je ne peux pas dire que nous avons contribué à l’enquête. Son organisation est certainement votre affaire à vous, mais nous demanderons néanmoins de nous présenter toutes les données, car les victimes sont des citoyens russes.

russie ministère de la défense 1019843552  Russie Ministère de la Défense

 


SOURCE/http://www.mid.ru/fr/foreign_policy/news/-/asset_publisher/cKNonkJE02Bw/content/id/3134581

Une réflexion au sujet de « 2639 – Conférence de presse de Vladimir Ermakov, Directeur du Département de la non-prolifération et du Contrôle des armes du Ministère russe des Affaires étrangères, Moscou, 21 mars 2018 »

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