2540 – Il faut aller en Suisse pour parler sérieusement de la monnaie

suisse - Rüschlikon_GDI_Aussenansicht-9_Eventlocation_au Gottlier Duttweiler Institute de Zurich_Seminarraum_hotelbooker  Gottlier Duttweiler Institute de Zurich,

« Our Money, Our Banks, Our Country »

tel est le titre du colloque qui s’est tenu ce  5 février 2018 au Gottlier Duttweiler Institute de Zurich, un Think Tank  aussi libéral que notre Institut Montaigne.

Rappelons que le peuple suisse se prononcera sur un référendum concernant l’organisation monétaire du Pays.

La  création monétaire  serait désormais le monopole de la Banque Nationale de Suisse. C’est dire que « l’argent – dette », à savoir la création de monnaie à partir d’un crédit serait désormais interdit à toutes les banques*.

Il s’agit d’un projet  révolutionnaire. Le référendum se déroulera le 10 juin prochain

Pour  avoir participé au colloque, nous présentons ci-dessous un très bref résumé de cette journée de réflexion, une réflexion hélas interdite en France.

Le titre retenu évoque immédiatement la culture du pays : une forte tradition démocratique, un goût particulier pour le débat, un respect des points de vue de chacun, et la volonté de débattre en profondeur des grands défis qui concernent le pays.

La journée de présentation du projet de monnaie pleine en vue de son adoption soumise au référendum du 10 juin prochain a rassemblé 230 participants dont 170 suisses, 19 américains, quelques britanniques, quelques allemands et seulement 4 français. Parmi les intervenants on notera, outre le représentant du GDI, 7 universitaires (2 américains, 1 britannique, 1 allemand, 3 suisses), un représentant de la Banque des Règlements Internationaux, 2 représentants de la presse économique dont Martin Wolf du Financial Times et un conseiller des États ( Chambre haute de la confédération Suisse).

La conférence fut bien introduite en rappelant les enjeux de la digitalisation et ses conséquences sociétales : une confiance qui s’éloigne des institutions traditionnelles pour se rapprocher de la technologie et au final un respect plus grand pour le « code numérique » que pour la « loi ».

C’est dans ce contexte qu’est abordée la critique du fonctionnement du système financier et de l’émission monétaire telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui. Et devant l’excessive liberté du système, les régulateurs, malgré leur nombre, malgré la quantité de règles émises sont très largement impuissants.

  • Propos très pessimistes concernant les échecs réguliers des accords de Bâle,
  • l’impossible réglementation des comportements,
  • l’impossible pondération correcte des risques,
  • l’invisible frontière avec le Shadow Banking,
  • l’impossible limitation du gigantisme financier
  • et ses effets de rente sur l’économie réelle (comparaison avec le pessimisme ricardien du début du 19ième siècle),
  • la chute de la croissance,
  • la mauvaise allocation des investissements,
  • le déclassement de l’euro zone, etc.

Au final l’échec de la régulation serait aussi provoqué par les nouvelles technologies qui autorisent le développement d’un brouillard épais dans des bilans connectés en temps réel et à cheval sur les juridictions multiples engendrées par la mondialisation.

SUISSE CONFÉRENCE INTERNATIONALE MONNAIE PLEINE Mindful-Leadership-Symposium_GDI

La présentation par les intervenants du dispositif législatif nouveau est peu détaillée et commentée malgré son importance dans la hiérarchie des normes.

On notera que le référendum concerne un article de la Constitution fédérale, c’est dire son importance.

Peu de développements et peu de démonstrations concernant le contrôle du stock de monnaie (base monétaire). Quelques développements concernant le maintien d’un authentique libéralisme (le monopole de la Banque centrale ne met pas fin à un libéralisme qui fait complètement consensus), également affirmation selon laquelle la régulation pourra largement disparaitre et avec elle la spéculation. Quelques développements plus idéologiques concernant le caractère aliénant de « l’argent dette » et ses conséquences sur la nécessaire croissance et ses menaces sur l’environnement. Pas d’analyse approfondie sur la croissance de la dette et ses déterminants macroéconomiques[1].

La dernière partie de la rencontre fut consacrée à la présentation des arguments du vote négatif au référendum du 10 juin 2018.

Arguments intéressants concernant la substitution du champ réglementaire par un autre tout aussi lourd. Réflexions sur les conséquences du passage à la monnaie pleine dans un seul pays :

  • quel impact sur le taux de change, sachant que le maintien de la libre circulation des capitaux fera se rencontrer des mouvements opposés entre non-résidents désirant profiter de la sécurité monétaire et banques résidentes cherchant à échapper à la contrainte nouvelle ?
  • Quel impact sur le Shadow Banking ?
  • Comment lutter contre  la création monétaire  illicite ?

Reprise des arguments en faveur d’un Glass-Steagal Act nouveau.  Quelques confusions concernant une fin probable du libéralisme avec contrôle clientéliste des opérations de crédit, l’impossible politique monétaire, la difficulté de la phase de transition ou le désastre d’un « helicopter money ».

Au final le mode choisi, c’est-à-dire une présentation grand public, n’a pas autorisé les approfondissements souhaités. En particulier on aimerait une étude relativement exhaustive –  certes très difficile – privilégiant une analyse coûts/avantage du projet de passage à la monnaie pleine.

On terminera par un salut envers la confiance démocratique des habitants de la confédération. Les participants ont été invités à se prononcer sur le projet en début de matinée et en fin de journée après les débats. Le vote oui l’a emporté à 52% le matin et à 58% le soir, ce qui peut signifier que les partisans de la monnaie pleine ont été convaincants.

On reste au final impressionné par un « Think-Tank » (le GDI) à priori aussi libéral que notre Institut Montaigne, qui pour autant, ose aborder des questions frappées d’un interdit radical en France, interdit scrupuleusement respecté par tous les médias[2]. Nous souhaitons vivement qu’un groupe de réflexion franchisse le Rubicon et se propose d’organiser un débat en France avant le 10 juin prochain.

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*Nous avons déjà eu l’occasion d’aborder cette question sur le blog: http://www.lacrisedesannees2010.com/2017/10/la-monnaie-pleine-une-voie-inexploree-pour-sauver-l-euro.html

Note sans a priori je vous incite à aller voir  …. http://www.initiative-monnaie-pleine.ch/nouvelles/detail/le-conseil-national-met-en-danger-la-democratie-en-privatisant-le-franc-suisse/

[1] On pourra obtenir davantage d’informations sur le site : www.monnaie-pleine.ch et www.voogeld.ch/fr/

En particulier on pourra se procurer le livret écrit par Joseph Huber : « Réforme Monnaie pleine ». « Une réforme de la création monétaire par la transformation de la monnaie scripturale en monnaie pleine et la création d’une banque centrale étatique indépendante ».

 


SOURCE/http://www.lacrisedesannees2010.com/2018/02/il-faut-aller-en-suisse-pour-parler-serieusement-de-la-monnaie.html