1961 – Derrière la Crise du Qatar … ce qui se joue de la Chine au Moyen Orient, de l’Iran à Israël en passant par la Turquie, la Syrie, l’Irak …

1/- Le chaos qatari : du sang sur les rails de la nouvelle Route de la soie

2/- Voici l’histoire véritable derrière la crise qui se déroule au Qatar

3/- La guerre saoudienne contre le Qatar rapproche la Turquie « sunnite » de l’Iran « chiite », les deux poids lourds de la région

4/- L’axe de la résistance Iran-Irak-Syrie-Hezbollah se concrétise

1/- Le chaos qatari : du sang sur les rails de la nouvelle Route de la soie

Publié par: Pepe Escobar le 19 juin, 2017

Le bras de fer Arabie Saoudite-Qatar provoque des vagues d’anxiété économique à travers la région

L‘impératif majeur de la politique étrangère de la Chine est notoirement de se retenir d’interférer dans les politiques des autres pays, tout en nouant des bonnes relations avec des acteurs-clés de la politique – même dans les cas où ceux-ci s’entre-égorgent.

Malgré tout, il est consternant pour Pékin d’observer les phases de l’affrontement incertain entre l’Arabie Saoudite et le Qatar. Aucun dénouement n’est en vue ; les scénarios plausibles comprennent même un changement de régime et un bouleversement sismique en Asie du Sud-Ouest – ce que la vision occidentale ethnocentrique appelle le Moyen-Orient.

Et du sang sur les rails en Asie du Sud-Ouest ne peut que se traduire par des problèmes futurs majeurs pour la nouvelle Route de la soie, aujourd’hui rebaptisée Initiative Belt and Road.

Quand il a déclaré publiquement, « J’ai décidé… que le moment est venu d’exiger que le Qatar cesse de financer [le terrorisme] », le président Trump a essentiellement endossé la responsabilité de l’excommunication de Doha orchestrée par l’Arabie Saoudite et les EAU, une retombée directe de sa célèbre danse du sabre à Riyad.

Malgré tout, l’entourage immédiat de Trump affirme que le sujet du Qatar n’a pas fait partie des discussions avec l’Arabie Saoudite. Le Secrétaire d’État Rex Tillerson, ex-PDG d’Exxon Mobil et en tant que tel, expert certifié du Moyen-Orient, a fait de son mieux pour désamorcer le drame – sachant que, si les USA se révélaient une puissance hostile au Qatar, il n’y aurait plus la moindre raison pour qu’il continue d’héberger la base militaire aérienne du CENTCOM d’Al Udeid. [1]

Pendant ce temps, la Russie – l’entité maléfique préférée du Congrès des USA – se rapproche insensiblement du Qatar, surtout depuis le changement de donne de l’acquisition de 19,5% du géant énergétique Rosfnet par le Qatar Investment Authority (QIA, le fonds d’investissement souverain du Qatar) au début décembre 2016.

Cela se traduit par une alliance économique/politique des deux principaux exportateurs mondiaux de gaz ; et cela explique pourquoi Doha – qui conserve un bureau permanent dans le quartier général de l’OTAN – a abruptement abandonné ses « rebelles modérés » de Syrie.

La Russie et la Chine son liées par un partenariat complexe, multi-vectoriel ; Pékin, qui privilégie les intérêts économiques, adopte une approche pragmatique et évite autant que faire se peut tout rôle politique. En tant que principal producteur et exportateur, la devise de Pékin est claire comme de l’eau de roche : Faites du Commerce, Pas la Guerre.

Mais que se passe-t-il si l’Asie du Sud-Ouest s’enlise dans un pied de guerre permanent, sans limite de durée ?

Le meilleur copain de la Chine et 
de l’Initiative One Belt, One Road : l’Iran

La Chine est le principal partenaire commercial du Qatar. Pékin était en train de négocier un accord de libre-échange avec le Conseil de coopération du Golfe juste avant l’impasse actuelle. Pour avancer, l’un des scénarios possibles serait un retrait du Qatar du Conseil de coopération du Golfe.

Le Qatar est également la seconde source de gaz naturel de la Chine, alors que l’Arabie Saoudite est sa troisième source de pétrole. Depuis 2010, la Chine est devant les USA en termes d’exportations vers l’Asie du Sud-Ouest, et a solidifié sa position de principale importatrice d’énergie d’Asie du Sud-Ouest.

Lors de la récente visite du roi Salmane à Pékin, la Maison des Saoud a parlé sur le ton de l’extase d’un « partenariat stratégique sino-saoudien » fondé sur la signature d’accords d’une valeur de 65 milliards de dollars.

Le partenariat, en fait, repose sur un accord de coopération sino-saoudien qui comprend du contre-terrorisme et des exercices militaires conjoints. L’ensemble offre un rapport étroit avec la préservation de la paix et de la stabilité sur le corridor rentable Mer rouge-Golfe d’Aden.

Bien sûr, des sourcils peuvent se froncer quant à un certain fait :

le wahhabisme de l’Arabie Saoudite est la matrice idéologique du djihadisme salafiste qui menace non seulement l’Asie du Sud-Ouest et l’Occident, mais aussi la Chine elle-même.

La nouvelle Route de la soie (BRI), dans ses différentes ramifications, implique un rôle-clé pour le Conseil de coopération du Golfe – dans un cadre « gagnant-gagnant » d’investissements mutuels à la chinoise. Dans un monde parfait, le plan de modernisation « Saudi Vision 2030 » vendu avec entrain par le prince belliqueux Mohammed ben Salmane Al Saoud pourrait, en théorie, mitiger l’attrait du djihadisme salafiste de la variété Daech à travers toute l’Asie du Sud-Ouest.

Ce que l’iranophobe Mohammed ben Salmane ne semble pas comprendre est que Pékin privilégie ses relations économiques (liées aux Routes de la soie) avec l’Iran.

Au début de l’année dernière, quand le président Xi Jinping a visité Téhéran, le président Rohani et lui se sont engagés à augmenter le volume du commerce entre les deux pays jusqu’à la somme monumentale de 600 milliards de dollars en dix ans, dont la plus grande partie proviendra de l’expansion de l’Initiative Belt and Road.

La Chine et l’Iran ont fait de très sérieuses affaires. Depuis plus d’un an aujourd’hui, des trains de fret directs Chine-Iran traversent l’Asie Centrale en seulement douze jours. Et c’est juste un avant-goût de la connectivité prévue par le rail à haute vitesse qui couvrira l’arc de la Chine jusqu’à la Turquie via l’Iran au début 2020.

Et dans un avenir (lointain ?), une Syrie en paix sera également configurée en plateforme de l’Initiative Belt and Road ; avant la guerre, les marchands syriens étaient des acteurs majeurs du petit commerce de la nouvelle Route de la soie, entre le Levant et Yiwu dans la Chine de l’est.

 One Belt, One Road en Turquie, en Égypte et en Israël

La Route de la soie maritime chinoise ne constitue pas une menace de type « stratégie du collier de perles » – mais principalement des infrastructures portuaires construites par des compagnies chinoises appelées à configurer des étapes-clé de la nouvelle Route de la soie à partir de l’Océan indien, via la Mer rouge et Suez jusqu’au port du Pirée en Méditerranée grecque.

Le Pirée et détenu et opéré par la compagnie chinoise COSCO depuis août 2016 ; cette plateforme modernisée de containers de marchandises entre l’Asie de l’Est et l’Occident est déjà celle qui se développe le plus vite en Europe.

Pour sa part, le président de Turquie Recep Tayyip Erdogan a déjà clairement exposé que les intérêts nationaux de la Turquie impliquent « le canal de Suez, les mers adjacentes et de là, une extension à l’Océan indien ». Ankara a beau s’être installée au Qatar – avec des soldats acheminés par voir aérienne – elle a également établi un Conseil de coopération stratégique avec l’Arabie Saoudite.

Ankara peut bien avoir s’être lentement, mais sûrement engagée dans un recentrage stratégique sur la Russie – comme concrétisé par l’accord sur le pipeline Turkish Stream. Pourtant, cela marque aussi un recentrage sur la Chine – appelé à se développer, avec tous les cahots que cela implique, dans toutes les régions-clés, du statut de membre de la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures (AIIB) jusqu’à son accès à l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS).

La Turquie et l’Iran un membre à part entière possible de l’OSC dès l’année prochainesoutiennent activement le Qatar dans l’impasse actuelle, y compris par des livraisons régulières de nourriture. Cela démontre encore une fois que Pékin ne peut en aucun cas se laisser entraîner dans ce qui est essentiellement un bras de fer insoluble entre entre l’Arabie Saoudite et le Qatar. Encore une fois : la nouvelle Route de la soie détermine tout.

L’Égypte pose un problème supplémentaire. Elle s’aligne sur Riyad dans l’impasse actuelle ; après tout, le Field marshal al-Sissi dépend des “largesses” de la Maison des Saoud.

En Égypte, la nouvelle capitale de l’est du Caire, qui a la taille de Singapour, est essentiellement financée par des investissements chinois ; 35 milliards à la fin de l’année dernière, et plus à venir. Les bonus comprennent la facilitation par Pékin d’échanges de taux d’intérêt interdevises – qui apportera un stimulus bienvenu à l’économie égyptienne. Ahmed Darwish, secrétaire de la Zone économique du canal de Suez, n’a que des louanges à la bouche à propos du principal investisseur du corridor du canal de Suez, qui se trouve être Pékin.

Et ensuite, il y a la toute nouvelle connexion Israël-Chine. Israël soutient le blitzkrieg Saoudien-Emirati contre le Qatar essentiellement en tant que nouveau front de sa guerre par procuration contre l’Iran.

La Chine offre de construire le rail à haute vitesse Mer rouge-Méditerranée. Si la marée à venir de conteneurs de marchandises peut être accueillie près d’Eilat, les Chinois pourront envoyer leurs trains de marchandises via le rail Mer rouge-Méditerranée directement vers le Pirée – une route alternative qui s’ajoutera au corridor du canal de Suez.

La connectivité avance dans une ambiance d’activité frénétique sur tous les fronts.

  • La compagnie Shanghai International Port Group dirige le port de Haifat.
  • Une autre compagnie, China Harbor Engineering, construira un nouveau port à Ashdod, pour une somme de 876 millions de dollars.
  • Israël est déjà le principal fournisseur de technologies de pointe agroalimentaires de la Chine – ce qui comprend de la désalinisation, de l’aquaculture et de l’élevage de bétail, par exemple.
  • Pékin demande plus d’importations en bio-médecine, énergies renouvelables et technologies de télécommunications en provenance d’Israël.

Et le facteur décisif est l’accès imminent d’Israël au statut de membre de l’ AIIB.

Il serait logique d’avancer qu’à compter de ce jour, tout ce qui se passera en Asie du Sud-Ouest sera conditionné par, et interconnecté avec le marché de la super-autoroute terre-mer de la nouvelle Route de la soie, de l’Asie de l’Est et du Sud-Est jusqu’au sud-est de l’Europe.

Alors qu’ils se concentre sur ses efforts pour une mondialisation 2.0 « inclusive » multipolaire, et l’expansion rapide des technologies de l’information, la dernière chose dont Pékin ait besoin est un retour vers le passé ; un bras de fer stupide, monté de toutes pièces pour servir de nouveau front à une guerre existentielle par procuration entre la Maison des Saoud et l’Iran, avec l’Arabie Saoudite, les EAU, l’Égypte et Israël faisant bloc contre le Qatar, la Turquie, l’Iran – et la Russie.

Quelques nuits d’insomnie sont à prévoir au Zhongnanhai [2] ces jours-ci.

 

Pepe Escobar 
Paru sur Asia Times sous le titre Blood on the tracks of the New Silk Roads

Traduction Entelekheia

Notes de la traduction 

[1] Al Udeid, au Qatar, héberge la plus grande base aérienne américaine au monde.

[2] NdT : Le Zhongnanhai ou « nouvelle Cité interdite », à l’ouest de la Cité interdite, est le siège du gouvernement de la République populaire de Chine.


http://www.afrique-asie.fr/le-chaos-qatari-du-sang-sur-les-rails-de-la-nouvelle-route-de-la-soie/


2/- Voici l’histoire véritable derrière la crise qui se déroule au Qatar

Publié par Robert Fiskle  – 14 juin, 2017

Seules les pièces de Shakespeare peuvent s’approcher de décrire une telle traîtrise – comme dans cette comédie, bien sûr.

La crise du Qatar prouve deux choses :

  1. l’infantilisation continue des états arabes,
  2. l’effondrement total de l’unité musulmane sunnite soi-disant créée par la présence grotesque de Donald Trump au sommet saoudien, il y a deux semaines.

Après avoir promis de combattre jusqu’à la mort « la terreur » chiite iranienne, l’Arabie saoudite et ses copains les plus proches se sont ligués contre un de leur voisins, le plus riche, le Qatar, accusé d’être à l’origine de la « terreur ».

Seules les pièces de Shakespeare peuvent s’approcher de décrire une telle traîtrise – les comédies, bien sûr.

Parce que, vraiment, il y a quelque chose de grandement fantastique au sujet de cette parodie. Les citoyens du Qatar ont certainement contribué à la création de Daech. Mais il en va de même pour les citoyens d’Arabie saoudite.

Aucun Qatari n’a volé dans les avions du 9/11 à New York et Washington. Tous sauf quatre des 19 tueurs étaient saoudiens. Bin Laden n’était pas un Qatari. Il était un Saoudien.

Mais Bin Laden a favorisé la chaîne al-Jazeera du Qatar avec ses émissions personnelles, et c’est al-Jazeera qui a essayé de donner une moralité fallacieuse aux desperados d’al-Qaïda/ Jabhat al-Nusrah de Syrie en offrant à leurs dirigeants des heures de temps d’antenne gratuites pour expliquer quelle sorte de groupe modéré, aimant la paix, ils sont.

L’Arabie saoudite coupe les liens avec le Qatar au sujet de liens avec la terreur.

Premièrement, débarrassons-nous simplement des séquences hystériquement drôles de cette histoire. Je vois que le Yémen brise les liens aériens avec le Qatar. Un grand choc pour le pauvre émir du Qatar, le Cheikh Tamim bin Hamad al-Thani, alors que le Yémen – sous bombardement constant par ses anciens copains, saoudiens et des Emirats – n’a plus le moindre avion de ligne utilisable pour créer, et encore moins briser un lien aérien.

Les Maldives ont aussi brisé les relations avec le Qatar. Pour sûr, ceci n’a rien à voir avec la promesse récente saoudienne

  • d’une facilité de prêt de $300 millions aux Maldives,
  • la proposition d’une compagnie immobilière d’investir $100 millions dans un hôtel familial aux Maldives
  • une promesse par des intellectuels islamiques saoudiens de dépenser $100.000 dans 10 mosquées de « classe mondiale » aux Maldives.

Et ne mentionnons pas le nombre relativement grand d’adeptes d’Isis et autres Islamistes qui sont arrivés pour combattre pour Isis en Irak et en Syrie venant, eh bien, des Maldives.

Maintenant, l’Émir qatari n’a pas assez de troupes pour défendre son petit pays si les Saoudiens décidaient de requérir qu’il demande que leur armée entre au Qatar pour restaurer la stabilité – comme les Saoudiens avaient persuadé le Roi du Bahreïn de le faire, en 2011. Mais le Cheikh Tamim espère sans aucun doute que la base aérienne militaire massive US au Qatar dissuadera une telle générosité saoudienne.

Quand j’avais demandé à son père, le Cheikh Hamad (plus tard déposé de manière peu charitable par Tamim) pourquoi il ne foutait pas les Américains hors du Qatar, il avait répliqué : « Parce que si je le faisais, mes frères arabes m’envahiraient. »

Tel père, tel fils, je suppose. Dieu bénisse l’Amérique.

Tout ceci a commencé – c’est ce qu’on est supposé croire – avec un soi-disant hacking de l’Agence d’information Qatar, qui avait produit certaines remarques peu flatteuses mais fâcheusement vraies par l’émir du Qatar sur la nécessité de maintenir une relation avec l’Iran.

Le Qatar a nié la véracité de l’histoire. Les Saoudiens ont décidé qu’elle était vraie et diffusent le contenu sur leur propre réseau de télévision d’état normalement banal (et immensément ennuyeux). L’émir arriviste, disait le message, était allé trop loin cette fois-ci. Les Saoudiens ont décidé de la politique dans le Golfe, pas le minuscule Qatar. N’est-ce pas ce qu’a prouvé la visite de Donald Trump ?

Mais les Saoudiens avaient d’autres problèmes qui les préoccupent. Le Koweït, loin de couper les relations avec le Qatar, agit maintenant comme un conciliateur entre le Qatar et les Saoudiens et les Émirats. L’émirat de Dubaï est très proche de l’Iran, a des dizaines de milliers d’expatriés iraniens et suit à peine l’exemple de courroux anti-Qatar d’Abu Dhabi.

Oman avait même mis en place des manœuvres navales conjointe avec l’Iran, il y a deux mois.

Le Pakistan, il y a longtemps, avait refusé d’envoyer une armée pour aider les Saoudiens au Yémen, parce que les Saoudiens demandaient des soldats exclusivement sunnites et pas de soldats chiites ; l’armée pakistanaise était  indignée de réaliser que l’Arabie saoudite essayait de sectariser son personnel militaire. L’ancien commandant de l’armée du Pakistan, le Général Raheel Sharif, est supposé être sur le point de démissionner comme chef de l’Alliance musulmane sponsorisée par les Saoudiens pour combattre « la terreur ».

Cinq choses à savoir au sujet du premier stade de la Coupe du monde en 2022 au Qatar.

1/ – Le Président –maréchal al-Sissi d’Égypte a hurlé contre le Qatar pour son soutien aux Frères musulmans égyptiens – et le Qatar soutient effectivement le groupe maintenant interdit que Sissi prétend faussement faire partie de Daech – mais significativement l’Égypte, bien que bénéficiaire de millions saoudiens, n’a pas non plus l’intention de fournir ses propres troupes pour appuyer les Saoudiens dans leur guerre catastrophique au Yémen. De plus, Sissi a besoins de ses soldats égyptiens à domicile pour résister aux attaques d’Isis et maintenir, avec Israël, le siège de la Bande palestinienne de Gaza.

2/- Mais si on regarde un peu plus loin, il n’est pas difficile de voir ce qui préoccupe vraiment les Saoudiens. Le Qatar maintient aussi des liens tranquilles avec le régime d’Assad. Il a aidé à assurer la libération de nonnes chrétiennes syriennes aux mains de Jabhat al-Nusrah et a aidé à libérer des soldats libanais aux mains de Daech en Syrie occidentale. Quand les nonnes ont émergé de captivité, elles ont remercié à la fois Bachar al-Assad et le Qatar.

3/- Et il y a des soupçons croissants dans le Golfe que le Qatar a des ambitions beaucoup plus grandes : de financer la reconstruction de la Syrie post-guerre. Même si Assad restait président, la dette de la Syrie au Qatar placerait la nation sous le contrôle économique du Qatar.

4/- Et cela donnerait au minuscule Qatar deux récompenses en or.

  • Cela donnerait au pays un empire pour égaler son empire médiatique al-Jazeera.
  • Et cela étendrait sa largesse aux territoires syriens, que beaucoup de compagnies pétrolières aimeraient utiliser comme une route de pipeline depuis le Golfe vers l’Europe via la Turquie, ou via des pétroliers du port syrien de Lattakia.

Pour les Européens, une telle route réduirait les chances de chantage du pétrole russe, et rendrait les routes par mer du pétrole moins vulnérables si les vaisseaux ne devaient pas passer par le Golfe d’Hormuz.

5/- Des grappillages si riches pour le Qatar – ou pour l’Arabie saoudite, bien sûr, si les suppositions des deux émirs Hamad et Tamim sur le pouvoir US, s’avèrent sans valeur. Une force militaire saoudienne au Qatar permettrait à Riad d’enfourner tout le gaz liquide dans l’émirat.

Mais sûrement, « l’anti-terreur » des Saoudiens aimant la paix – oublions pour un moment le coupage de tête – n’envisagerait jamais un tel destin pour un autre frère arabe.

Alors, espérons que pour le moment, les routes du Qatar Airways soient les seules parties du corps politique qatari à être coupées.

D’où les supporters d’ISIS tweetent-ils.

Lieux principaux déclarés par des utilisateurs de Twitter soutenant Isis en 2015

Cet article a d’abord été publié par The Independent –


http://www.afrique-asie.fr/voici-lhistoire-veritable-derriere-la-crise-qui-se-deroule-au-qatar/


3/- La guerre saoudienne contre le Qatar rapproche la Turquie « sunnite » de l’Iran « chiite », les deux poids lourds de la région

Publié par M K Bhadrakumar le 15 juin, 2017

Quatre jours se sont écoulés depuis les attentats terroristes de Téhéran, mais l’Iran n’a riposté par aucune « frappe chirurgicale » contre l’Arabie Saoudite – et, en principe, il n’y en aura aucune. La direction politique a pointé un doigt accusateur en direction de l’Arabie Saoudite, des États-Unis et d’Israël. Le guide suprême Ali Khamenei a déclaré que les attentats terroristes « ne feront qu’augmenter la haine pour les gouvernements des États-Unis et de leurs larbins dans la région comme les Saoudiens. » Cependant, l’Iran ne se précipite pas pour réagir, compte tenu de la crise générée par le bras de fer Arabie-Qatar qui est lourd de conséquences profondes pour la politique régionale.

Fait intéressant, l’Iran a signé un nouvel accord samedi avec Boeing, l’avionneur américain, pour l’achat de 30 avions de passagers dans un contrat de 3 milliards $, avec une option pour acheter 30 autres avions ultérieurement.

  • Ce contrat se place au sommet des transactions de 16,6 milliards $ négociées en Décembre par Boeing. Téhéran accumule la pression sur l’administration Trump parce que Boeing avait besoin de l’approbation du Trésor des États-Unis pour l’accord avec l’Iran.
  • En d’autres termes, Téhéran espère attirer les États-Unis dans un processus d’engagement qui se renforce et s’élargit progressivement, ce qui fait dérailler le programme saoudo-israélien qui consiste à inciter une confrontation américano-iranienne.

L’Iran génère des affaires d’exportation pour les entreprises américaines, ce qui représente un potentiel de création de milliers d’emplois dans l’économie américaine.

Ironiquement, cela devient un modèle de la doctrine de « l’Amérique d’abord » du président Trump.

C’est une formule « gagnant-gagnant », parce que l’économie iranienne a également grand besoin des investissements et des capitaux occidentaux, en particulier l’industrie pétrolière.

Sans compter que si les entreprises américaines commencent à opérer sur le marché iranien, cela donnera une nouvelle impulsion aux entreprises européennes et à l’industrie également.

Cela dit, la politique régionale de l’Iran reste sur la bonne voie, quelles que soient la tactique et la rhétorique de l’administration Trump pour maintenir la pression.

L’Iran a marqué une victoire importante durant le week-end avec les forces gouvernementales syriennes appuyées par des milices soutenues par l’Iran en atteignant le point de passage stratégique à la frontière de l’Irak à Al-Tanf. (Voir l’article La lutte pour le contrôle de la frontière syro-irakienne.)

Pour l’instant, la route qui pouvait permettre aux combattants du sud soutenus par les Américains de se déplacer dans la province stratégique de Deir Ezzur (qui est aussi riche en gisements de pétrole) tombe maintenant sous le contrôle des forces du gouvernement syrien.

Pendant ce temps, Téhéran rétablit des contacts de haut niveau avec les dirigeants du Hamas.

Le samedi, le Hamas a annoncé qu’une délégation dirigée par son chef nouvellement élu Ismail Haniyeh (qui a récemment remplacé Khaled Mechaal) se rendra à Téhéran. Les liens de l’Iran avec le Hamas avaient été mis à rude épreuve après le départ de Meshaal de Damas (où il vivait en exil depuis plusieurs années) pour aller à Doha, une façon d’afficher sa solidarité avec le Qatar et la Turquie dans le conflit syrien.

La réunion du Hamas avec « l’axe de la résistance » de Téhéran est très importante, puisque le Hamas est une émanation des Frères musulmans et que le Qatar a été mis sous pression par l’Arabie Saoudite pour rompre ses liens avec les Frères.

Cette rencontre cadre avec le soutien de l’Iran au Qatar dans son désaccord avec l’Arabie Saoudite, et renforce également la volonté de l’Iran pour un partenariat avec la Turquie. Le président turc Recep Erdogan continue à patronner le Hamas, bien que cela soit la principale pomme de discorde dans les relations turco-israéliennes.

D’autre part, le réchauffement des relations de l’Iran avec le Hamas exerce une pression sur l’Arabie Saoudite et Israël à un moment où le niveau d’entente mutuelle entre Riyad et Tel-Aviv a augmenté ces derniers temps, avec l’administration Trump cherchant à promouvoir activement l’idée d’une normalisation arabo-israélienne.

La thèse de Jared Kushner (gendre Juif orthodoxe de Trump et son principal conseiller sur la politique étrangère), sur la politique actuelle des États-Unis au Moyen-Orient ; consiste en une approche de la paix au Moyen Orient « venant de l’extérieur » à savoir, la signature des traités de paix entre les États arabes et Israël pour générer une bonne volonté et des nouvelles relations diplomatiques, qui à leur tour contribueront à faire progresser le règlement palestino-israélien plutôt que l’approche traditionnelle « partant de l’intérieur » qui donne la primauté à la paix entre  Palestiniens et  Israéliens comme première étape nécessaire pour aboutir à la fin du conflit arabo-israélien.

La mission de Trump à Riyad le mois dernier était à la demande d’Israël, ce qui a créé la narrative qui veut que la peur existentielle de l’Iran pousse les monarchies arabes du Golfe et Israël à se rapprocher. Bien sûr, le calcul israélien est que les traités de paix entre les régimes arabes du Golfe et Israël (sur le modèle des traités de paix d’Israël avec l’Égypte et la Jordanie) finiront par rendre la cause palestinienne obsolète et apaiseront complètement la pression sur Israël pour accueillir les aspirations des Palestiniens et leur demande d’un état complètement indépendant.

De manière significative, en rendant compte de la prochaine visite du chef du Hamas, Haniyeh en Iran, l’influent journal Téhéran Times a fait l’observation suivante :

Alors que la crise syrienne a créé un fossé entre Téhéran et la Turquie depuis 2011, la querelle entre les califats arabes les ont conduits dans une alliance ad hoc que certains croient qu’elle représente la meilleure chance de se raccommoder.
La Turquie et l’Iran soutiennent le Qatar et ont des liens avec les Frères musulmans.

Qu’il suffise de dire que la volonté de l’Iran d’amener le Hamas dans « l’axe de résistance » risque de saper les plans qu’Israël était en train d’élaborer (via Kushner et Jason Greenblatt, autre Juif orthodoxe, associé à l’organisation de Trump.)

Tous les trois pays – le Qatar, la Turquie et l’Iransentent que l’offensive actuelle américano-israélo-saoudienne contre le « terrorisme » est en fait la métaphore d’un tout assaut sur les Frères musulmans, l’étiquetant comme une organisation « terroriste », ce qui vise à terme à conduire le Hamas dans un vide politique et de ce fait éparpiller le mouvement de résistance palestinienne une fois pour toutes.

Ce qui est sûr, c’est que la Turquie et l’Iran ont pris note que, en fin de compte, le Moyen-Orient musulman a montré la réticence à se joindre au front anti-Qatar de l’Arabie Saouditey compris la Jordanie, qui reste neutre, recourant simplement à des décisions cosmétiques visant à la baisse des relations diplomatiques avec le Qatar, en dépit de son besoin de la bienveillance des Saoudiens.

Bien sûr, la Turquie, l’Irak, le Liban, la Jordanie, le Koweït, Oman, l’Algérie, le Maroc, le Soudan et la Tunisie se sont ostensiblement dissociés de la stratégie saoudienne pour isoler le Qatar. En effet, la Turquie a rejeté avec force l’embargo saoudien contre le Qatar « Nous n’abandonnerons pas nos frères qataris », a déclaré M. Erdogan lors d’un repas d’Iftar à Istanbul vendredi, dans un discours devant ses collègues du parti.

M K Bhadrakumar

Source : Indian Punchline
(Mauvaise :j’ai rectifié quelques non-sens)Traduction : Avic – Réseau International
12 juin 2017


http://www.afrique-asie.fr/la-guerre-saoudienne-contre-le-qatar-rapproche-la-turquie-sunnite-de-liran-chiite-les-deux-poids-lourds-de-la-region/


4/- L’axe de la résistance Iran-Irak-Syrie-Hezbollah se concrétise

Publié par  Alain Rodier le 10 juin, 2017

Le major-général Qassem Souleimani, le légendaire chef de la Force Al-Qods – le « service Action » des pasdarans iraniens -, traîne ses bottes sur le front syro-irakien depuis des années. Il a été aperçu pour la dernière fois fin mai dans la province de Ninive aux côtés des milices chiites irakiennes (Unités de mobilisation populaires).

Ces dernières ont atteint la frontière syrienne à hauteur de Umm Jaris, en face de la localité d’Al-Hawl qui est tenue par les Forces démocratiques syriennes (FDS) épaulées par les Américains. Cette victoire entre dans le cadre de l’opération Muhammad Rasulollah (Mahomet, messager d’Allah) lancée à l’ouest de Mossoul fin avril afin d’isoler la ville de Tal Afar – dont une partie est toujours aux mains de Daech – de la frontière syrienne.


Le général Souleimani est surtout devenu « visible » depuis le début de la guerre civile en Syrie. En fait, même cette manière de procéder a étonné les observateurs avertis.

  • Pourquoi un maître espion qui avait pour règle de ne jamais apparaître personnellement sur le devant la scène a-t-il tout d’un coup été médiatisé ?
  • C’est évidemment sur ordre du Guide suprême de la Révolution, l’ayatollah Ali Khamenei, dont il dépend directement.

L’explication comme quoi il était là pour galvaniser les milices chiites syriennes, irakiennes, afghanes et le Hezbollah libanais est véridique mais incomplète.


En fait sa principale mission est de créer un corridor sécurisé qui relierait l’Iran à la côte méditerranéenne syrienne dans la région de Lattaquié.

Ce projet jugé vital pour l’Iran et ses alliés du « croissant chiite » (Irak, Syrie et Liban via le Hezbollah) a commencé à connaître un début d’exécution en 2014. Il devrait être complété par la constitution d’une base navale iranienne sur la côte syrienne, ce qui lui permettrait d’assurer une présence permanente en Méditerranée[1].

Ce corridor pénètre en Irak depuis l’Iran par une route de contrebandiers qui date de 2003, tracée juste après l’invasion américaine.

Elle servait à approvisionner les mouvements chiites qui luttaient contre l’armée américaine. Les plus connus, le Asa’ib Ahl al-Haq et le Kata’ib Hezbollah sont encore actifs aujourd’hui sauf que leur premier adversaire est maintenant Daech[2].

Passant par Baqouba, cette route rejoint ensuite Shirqat puis Tal Afar avant de s’orienter au sud dans la province du Sinjar.

Cette route n’étant alors pas en zone chiite,

  • Qassem Souleimani a été contraint de négocier avec les tribus locales dont celles du cheikh Abdulrahim al-Shamari, lui-même un important membre du Conseil de la province de Ninive.
  • Des contacts ont aussi été établis avec le mouvement séparatiste kurde de Turquie, le PKK, qui est devenu incontournable dans cette zone tout comme en Syrie voisine.
  • En effet, une fois entré en Syrie, le corridor suit d’est en ouest le sud du Rojava, le Kurdistan syrien. Or cette zone, qui peut être qualifiée d’autonome, est de fait placée sous la coupe du Parti de l’union démocratique (PYD, Partiya Yekîtiya Demokrat), un cousin germain du PKK[3].
  • Initialement, le corridor devait traverser les localités de Qashmili, la « capitale » du Rojava, et Kobané, la ville symbole de la première défaite de Daech. Mais un tracé plus au sud a été choisi pour éviter autant que faire se peut de rencontrer les forces spéciales américaines qui épaulent les FDS au nord de Raqqa.

  • Il lui faut aussi contourner la zone tenue, depuis l’été 2016, par l’armée turque et des mouvements rebelles qu’elle soutient entre Jarablus à l’est et Azaz à l’ouest.
Il est à remarquer que la Turquie a l’ambition de transformer les groupes rebelles qu’elle appuie dans cette région en une véritable « armée » dont la mission serait de combattre le régime de Bachar el-Assad, Daech et le PYD !
  • Le tracé s’oriente ensuite vers le sud en évitant la province d’Idlibcontrôlée par des mouvements rebelles syriens affilés plus ou moins ouvertement à Al-Qaida « canal historique »pour rejoindre Homs puis Lattaquié, le fief des Alaouites, proche des chiites.

Selon le journal britannique The Guardian, la route passerait beaucoup plus au sud, ce qui semble impossible aujourd’hui car Daech tient encore fermement la région de Deir ez-Zor.

Israël surveille de près ce projet iranien qui pourrait être utilisé pour approvisionner en armes le Hezbollah libanais. Les États-Unis et la Turquie y sont également farouchement opposés et feront tout pour l’empêcher ce qui risque de provoquer de nouveaux affrontements dans l’avenir.

Notes
[1] A noter que Téhéran souhaite aussi construire dans l’avenir une base navale au Yémen, sur la mer Rouge.
[2] Ces milices sont toujours désignées comme terroristes par Washington. Il est parfaitement exact qu’elles peuvent se retourner demain contre les Etats-Unis si l’ordre en est donné.
[3] Le président turc Reccep Tayyip Erdoğan est furieux de cet accord secret dont on ne connaît pas les termes.

NOTE D’ACTUALITÉ N°474 
IRAN–IRAK–SYRIE : LE PROJET DU MAÎTRE ESPION SE RÉALISE
Centre française de recherche sur le renseignement (CF2R)
http://www.cf2r.org/fr/notes-actualite/iran-irak-syrie-le-projet-du-maitre-espion-se-realise.php

Illustrations :
– L’axe Iran-Syrie via l’Irak
– Le général major Qassem Souleimani sur le terrain commandant de la redoutable Force Al-Qods
– Le général major Qassem Souleimani reçu par l’ayatollah Khamenei

http://www.afrique-asie.fr/laxe-de-la-resistance-iran-irak-syrie-hezbollah-se-concretise/

Une réflexion au sujet de « 1961 – Derrière la Crise du Qatar … ce qui se joue de la Chine au Moyen Orient, de l’Iran à Israël en passant par la Turquie, la Syrie, l’Irak … »

Les commentaires sont fermés.