- 1°/Soutenir France Nature Environnement ou les paysans de notre département ! [par Jean-Paul Pelras]
- 2°/Lettre à Marine Tondelier (EELV) qui était à Sainte Soline et qui s’est trompée de combat [par J.-P. Pelras]
1°/Soutenir France Nature Environnement ou les paysans de notre département ! par Jean-Paul Pelras
photo La création du barrage de Vinca a connu un long parcours. Sa conception fut particulièrement influencée par la rupture du barrage de Malpasset le soir du 2 décembre 1959 – Le barrage de Vinca a été achevé en 1978 pour contenir les eaux de la Têt et harmoniser l’agriculture. Haut de 55 mètres, il a englouti l’ancien village de Nossa, dont les murettes et les jardins redeviennent visibles lors du destockage… les basses-eaux, du 1er juillet au 30 septembre, dévoilent cette Atlantide.
4 avril 2023
Le monde agricole local est confronté à deux menaces.
La première concerne l’irrigation avec la mise en place des débits réservés qui hypothèquent le devenir de toutes nos productions.
La seconde concerne la stigmatisation dont les agriculteurs sont victimes et la remise en cause de leurs pratiques.
Car si l’eau vient à manquer dans nos campagnes, il faut, avant d’accuser systématiquement l’arboriculteur, le vigneron, l’éleveur ou le maraicher, se demander pourquoi les décideurs du moment préfèrent à notre agriculture les idéaux de quelques marchands de raisonnement.
Oui, se demander pourquoi une association environnementale est parvenue, en utilisant le biais juridique, à obtenir l’annulation d’un arrêté préfectoral. Lequel fixait le débit réservé à 1.200 litres/seconde pour la période hivernale et à 600 litres/seconde pour la période estivale. Un débit réservé qui, depuis la décision du tribunal administratif de Montpellier en faveur de France Nature Environnement, est passé à 1.500 litres/seconde pour toute l’année. Ce qui laisse aux agriculteurs – l’eau en amont du barrage de Vinça captée par les canaux repartant à la Têt – uniquement de quoi satisfaire 30 % des besoins, y compris en période de fructification.
Lac de Vinca
Du jamais vu dans l’histoire de notre agriculture départementale. Avec, concernant le barrage de Vinça, une capacité de stockage qui aurait pu être optimisée si le débit réservé hivernal de 2.000 litres/seconde avait pu être abaissé à 1.500 l/s, voire 1.000 l/s. De 8 millions de litres – dont 6 millions utilisables – retenus actuellement, nous aurions pu passer à plus de 16 millions. Et bien non, car la pression des environnementalistes, soutenus par la loi, l’a encore emporté sur le bon sens et la responsabilité.
Le saccage !
À côté de cela, nous entendons parler, ces jours-ci du côté de Port-Vendres, de désalinisation de l’eau de mer.
Pourquoi envisager un tel procédé, de surcroît très couteux, alors, que pour ne pas avoir à dessaler l’eau afin de la réutiliser in fine sur terre, il suffit de ne pas la laisser partir en mer ?
Les exemples ne manquent pas où la conscience politique a perdu ses quatre points cardinaux alors que notre agriculture départementale, malmenée de toutes parts, est réduite à sa portion congrue. Nous n’allons pas revenir ici sur les chiffres de la terrible érosion champêtre évoquée, semaine après semaine et depuis des années, dans les colonnes de notre journal.
Le saccage de notre économie agricole dû aux importations déloyales cautionné et, parfois, sournoisement accompagné par ceux qui ont fermé les yeux sur l’usurpation de nos marchés et sur la paupérisation de nos territoires doit-il, à présent, continuer avec une réglementation destructrice et inacceptable ?
Après avoir bradé notre agriculture roussillonnaise sur l’autel des tractations géopolitiques, va-t-on la sacrifier pour satisfaire les lobbies et les lubies de quelques associations écologistes ?
Et ce, uniquement car “l’affaire de l’eau” est devenue, dans ce pays, une opportunité politicienne dont s’emparent ceux qui, à coup de slogans anxiogènes, font feu de tout bois pour vendre leurs idéaux ?
Quitte, et nous l’avons vu avec les “bassines” de Sainte Soline, à saccager l’outil de travail dont ils ne savent ni l’usage, ni le prix.
Alors oui, une mise au point est nécessaire par les agriculteurs, pour les élus et les pouvoirs publics qui doivent désormais se positionner clairement. Soutenir France Nature Environnement ou les paysans de notre département !
2°/Lettre à Marine Tondelier (EELV) qui était à Sainte Soline et qui s’est trompée de combat [par J.-P. Pelras]
27 mars 2023
Madame,
vous étiez le week-end dernier aux côtés des activistes venus dénoncer la construction des réserves d’eau dans les Deux-Sèvres.
Une manifestation que vous avez soutenue en tant que secrétaire générale d’Europe Écologie les Verts.
Et un rassemblement, est-il nécessaire de le rappeler, qui donna lieu à des scènes d’extrême violence et à un épilogue dramatique. Loin de partager vos opinions, et nous avons eu l’occasion d’échanger brièvement sur twitter à ce propos voici quelques temps, je pense que vous vous trompez, ici, de combat. D’une part, car vous vous êtes transportée au mauvais endroit.
D’autre part, car la cause que vous défendez pourrait, si elle était utilisée différemment, au lieu de les stigmatiser, servir à soutenir les agriculteurs français.
Pour illustrer ce propos, je vais vous raconter une histoire. Voilà une trentaine d’années, dans le Midi de la France, des paysans se sont battus contre les distorsions déloyales et le rouleau compresseur des marchandises importées.
Maraicher et arboriculteur, j’appartenais à ce peuple de producteurs transfrontaliers qui, de surcroît, ne percevaient aucune prime car historiquement non éligibles aux aides PAC. Pendant des décennies, nous nous sommes mobilisés contre vents et préfets, nous avons vidé des camions, nous en avons incendiés d’autres qui arrivaient chargés de marchandises en provenance du Sud de l’Espagne ou du Maghreb.
Nous nous sommes retrouvés allongés sur des civières, dans des camions de pompiers ou sur des lits d’hôpitaux. En 1993, je fus emprisonné pendant 14 jours pour avoir manifesté contre ces importations qui venaient dégrader nos marchés, car le coût de la main d’œuvre variait du simple au double selon que l’on se situait d’un côté ou de l’autre des Pyrénées. En 1999, toujours dans les P.-O., un autre arboriculteur fut arrêté et passa 69 jours derrière les barreaux. Au décès de son vieux père, il fallut négocier avec les forces de l’ordre pour que les menottes lui soient retirées le temps de l’inhumation…
Et puis, les années ont passé, comme les camions sur l’autoroute A9. Nous en comptions 5.000 par jour dans les années 1980 contre plus de 18.000 actuellement. Dans le même temps, le potentiel des secteurs arboricoles, maraichers, viticoles a été divisé par trois dans les P.-O. Et ce sont les friches qui ont pris le relais, désormais recouvertes de ces coquelicots que vous affectionnez tant.
Ensuite, les écologistes sont arrivés pour contraindre l’agriculteur, comme vous l’avez fait dans le Nord avec l’interdiction d’utiliser des néonicotinoïdes où les usines sucrières sont en train de fermer, comme vous l’avez fait un peu partout en France pour prohiber l’usage du glyphosate et, de facto, faire grimper nos coûts de production tout en impactant une fois encore notre compétitivité, comme le font certaines associations environnementales qui veulent, prétextant le manque d’eau, interdire à nos agriculteurs d’arroser alors que la fructification arrive, comme vous le faites en encourageant la réintroduction des grands prédateurs sur nos estives et jusqu’aux portes des étables ou des bergeries, comme vous le faites en désignant celui qui produit comme étant celui qui pollue, empoisonne, assoiffe, détruit. Comme l’ont fait ces activistes masqués, venus parfois de l’étranger à Sainte Soline, sans rien connaître du métier, uniquement car l’écologie est devenue ce fonds de commerce politiquement correct auquel il faudrait tout pardonner.
Seulement voilà, Madame Tondelier, il existe une grande différence entre les agriculteurs qui se font matraquer par les gardes du cardinal de service parce qu’ils défendent leur métier et les activistes qui se font déloger car ils sont uniquement venus pour détruire et piétiner un outil de travail, avant de repartir alimenter d’autres écrans de fumée.
N’avez-vous pas, Madame la secrétaire générale d’EELV, plutôt que de vous fourvoyer avec ces gens-là, d’autres combats à mener ?
Intéressez-vous, comme nous l’avons fait seuls pendant des années, sans l’aide du moindre environnementaliste, à la provenance des marchandises importées, à la façon dont elles sont produites, aux pollutions que leur transport suscite, à ces ouvriers exploités pour moins de dix euros par jour au Sahara occidental, aux conditions de travail en Andalousie, à cette viande issue d’élevages réellement intensifs importée du Mercosur, à cette eau utilisée sans aucun contrôle quantitatif et qualitatif par ceux qui viennent usurper nos marchés traditionnels.
Car, accablés par les normes, nous sommes devenus trop chers et allons devenir, sur le plan alimentaire, dépendants de marchandises produites dans ces contrées où aucun d’entre vous n’ose s’aventurer pour démonter les bassines, interdire les phytosanitaires, contrôler les exploitations, accabler les agriculteurs sur toutes les chaines de télévision et critiquer ceux qui en Chine, en Inde, aux États-Unis, en Amérique du Sud, au Maghreb, en Europe même et dans les pays émergeants, font exploser les chiffres de l’exportation.
Oui, Madame Tondelier, avant de critiquer le modèle agricole français, celui qui peut encore garantir notre autonomie alimentaire, essayez de vous demander pourquoi il est de plus en plus menacé.
Et vous vous apercevrez que le problème ne vient pas des champs cultivés dans notre pays. Mais de ces autoroutes et de ces ports par lesquels transite tout ce qui, partout ailleurs, n’est jamais inquiété, suspecté, saccagé par l’écologie.
Jean-Paul Pelras