

Les chiens sont lâchés, et ce n’est pas l’Otan qui leur mettra la muselière. Ce week-end, l’Atlantic Council, le très influent think tank néoconservateur proche de l’OTAN, a appelé le gouvernement américain à envisager d’« utiliser des armes nucléaires pour répondre et dissuader toute nouvelle utilisation nucléaire russe en Ukraine ».
Utiliser l’arme nucléaire contre la Russie ?

Jeudi dernier, le commandant en chef des forces armées ukrainiennes, le général Valeriy Zaluzhnyi, a cosigné un article publié le 7 septembre sur le site d’information ukrainien Ukrinform, dans lequel il affirmait qu’il existait des indications selon lesquelles la Russie préparait une frappe nucléaire en Ukraine, et qu’il était donc
« extrêmement nécessaire (…) [que] toute tentative russe d’utiliser concrètement des armes nucléaires tactiques soit empêchée par l’utilisation de tout l’arsenal de moyens à la disposition des puissances mondiales… ».
Soulignons qu’un tel article aussi provocateur n’aurait jamais pu être écrit, et encore moins publié, sans l’approbation préalable des forces américaines, britanniques et de l’Otan qui mènent la dynamique d’escalade.
Au cours du week-end dernier, l’Atlantic Council — un groupe de réflexion basé à Washington et financé par le Foreign Office britannique, l’Otan et le Département d’État américain [1], et qui a joué un rôle de premier plan dans la promotion ouverte de la guerre contre la Russie et la Chine — a publié un « mémo au président » des États-Unis préconisant justement cette politique de guerre nucléaire préventive, sous le titre « Comment dissuader l’utilisation du nucléaire russe en Ukraine – et réagir si la dissuasion échoue ». L’auteur du mémo se nomme Matthew Kroenig ; cet ancien analyste de la CIA et du ministère de la Défense dirige actuellement le Scowcroft Center for Strategy and Security de l’Atlantic Council. L’homme est un partisan ardent et malheureusement très influent de la guerre contre la Russie, sous couvert de la « théorie de la dissuasion ». En mai 2022, il a été nommé commissaire au sein de la Commission du Congrès sur la posture stratégique des États-Unis.
Le mémo de Kroenig présente diverses options politiques dans le cas où les États-Unis ne parviennent pas à « dissuader » la Russie d’utiliser l’arme nucléaire, notamment :
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l’augmentation des livraisons d’armes à l’Ukraine ;
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« une frappe conventionnelle limitée sur les forces ou les bases russes directement impliquées dans l’attaque » ; et
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« les États-Unis pourraient utiliser des armes nucléaires pour répondre et dissuader toute nouvelle utilisation nucléaire russe en Ukraine ».
Kroenig suggère d’envisager une combinaison des options 1 et 2, mais laisse ouverte la possibilité que la « dissuasion » complète puisse nécessiter l’option 3, c’est-à-dire une guerre thermonucléaire à grande échelle entre les États-Unis et la Russie.
Un empire britannique dans les cordes
Au même moment, le magazine The Economist de Londres, l’un des principaux porte-voix de l’Empire britannique, a appelé les États-Unis d’expédier à l’Ukraine « des munitions ATACMS à plus longue portée pour les lanceurs HIMARS qui se sont avérés si efficaces, qu’ils hésitaient auparavant à fournir ». The Economist affirme, visiblement sans rire, que l’escalade avec la Russie peut être évitée en ne tirant pas ces missiles à plus longue portée sur le territoire russe, et que « l’Ukraine s’y pliera sûrement ».
Faut-il rappeler aux rédacteurs de The Economist l’avertissement explicite lancé par l’ambassadeur de Russie aux États-Unis, Anatoly Antonov, le 14 septembre ? « Combien voyez-vous de croix gammées et de symboles nazis sur les équipements militaires ukrainiens ? » a-t-il lancé en effet, ajoutant que « si ces guerriers disposent de missiles américains à longue portée, ils les utiliseront sans hésiter contre notre pays. Un tel scénario signifierait une implication directe des États-Unis dans une confrontation militaire avec la Russie ».
Plusieurs officiers militaires américains de haut niveau – tel que le général Anthony J. Cotton, qui est sur le point de devenir commandant du commandement stratégique américain — répètent déjà comme des perroquets des menaces comme celles proférées par l’Atlantic Council et The Economist contre la Chine et la Russie. Le parti de la guerre pro-britannique aux États-Unis lance même des provocations sous la forme de « gaffes » du président Biden, qui a confirmé hier dans une interview télévisée sur CBS que les États-Unis enverraient des soldats américains pour « défendre Taïwan en cas d’invasion chinoise » — une violation claire de la politique américaine de respect du principe « Une Chine, deux systèmes » que l’Occident accepte depuis des décennies.
Pendant ce temps, la propagande atlantiste se poursuit, en allant plus loi chaque jour. En France, suite au sommet de l’OCS (Organisation de la Coopération de Shanghai), qui s’est tenue à Samarcande (Ouzbékistan) les 15 et 16 septembre, les médias – France info, BFMTV, Ouest-France en tête – ont porté leurs attaques contre l’ensemble des pays qui y participaient, dont l’Inde, le Pakistan et l’Iran, qui en font désormais partie. Ouest-France a publié un entretien avec un soi-disant expert – manifestement très mal renseigné — affirmant que Poutine, qui se trouvait à Samarcande, s’est trouvé dans une situation de « soumission » à l’égard des autres membres de l’OCS – un exemple parfait de « fausse information ».
Jean Luc Mélenchon
Derrière cette fuite en avant vers la guerre, il y a la volonté de l’Establishment financier d’imposer une austérité schachtienne criminelle sur l’ensemble de la région transatlantique afin de maintenir leur système en plein effondrement. C’est ce que reconnaît, sans y apporter de solution, Jean-Luc Mélenchon sur son blog le 18 septembre dans son texte Le krach qui vient où, avec une certaine lucidité, il estime qu’il « faut se préparer à l’effondrement possible non seulement de l’État et des services publics en cours, mais de l’économie de notre temps tout simplement ».
Ce nouvel âge des ténèbres est déjà en train de déferler sur l’Europe, où des parties de la population dans un certain nombre de pays ont commencé à protester et où nos élites, face au tsunami économique, financier et social qui menace, au lieu d’explorer les solutions que leur offrirait la perspective d’un Nouveau Bretton Woods (voir l’appel de l’Institut Schiller), font des commentaires savants et se contentent de renouveler les rustines sur leur zodiacs percés.
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[1] En 2021, les donateurs ayant donné plus d’un million de dollars à l’Atlantic Council étaient la firme financière American Securities Foundation, le milliardaire libanais Bahaa Hariri, l’ambassade des Émirats arabes unis, Facebook, Goldman Sachs, la Fondation Rockefeller et le ministère britannique des Affaires étrangères, du Commonwealth et du Développement.