Publié le 25.07.2022 par Alain Desgranges
Une tribune signée Alain Desgranges – ingénieur en génie atomique et membre de l’ONG PNC-France. Après des années de valse-hésitation, le temps de la mobilisation générale pour sauver EDF serait-il enfin venu ? Une OPA sera lancée afin que l’Etat détienne 100 % du capital d’EDF. C’est la méthode choisie par le gouvernement pour donner à notre champion de l’Energie les moyens de son sauvetage, mais aussi de ses ambitions. Mais quelles seront les contreparties de ce projet ?… |

Les dirigeants d’ENGIE, Total-Energie et EDF, prenant prétexte de la guerre en Ukraine, ont appelé les français à réduire leur consommation d’électricité sous peine de coupures cet hiver. Une perspective qui pose question tant la réponse paraît dérisoire devant l’ampleur de la crise énergétique.
Comment en est-on arrivé là ?…
Il serait trop facile de mettre sur le dos du seul Poutine une situation que l’on doit d’abord aux errements de nos gouvernements successifs, incapables de résister aux apprentis sorciers qui pullulent dans les couloirs de l’Union européenne, dans certaines agences d’État ou dans les rangs des partis écologistes.
La centrale nucléaire de Fessenheim, ici en 2015. (AFP)
La mise sous le tapis des nécessaires décisions de relance du nucléaire, pendant plus de quinze longues années, explique d’ailleurs pour partie les pertes de compétence et les déboire de l’EPR de Flamanville. L’arrêt de Fessenheim, que rien ne justifiait, reste aussi une erreur magistrale dont on mesure aujourd’hui les conséquences.
Par ailleurs, la Commission européenne, dans son obsession d’interdire au nucléaire l’accès aux ressources financières indispensables à son développement, aura compliqué sérieusement la situation d’EDF, qui doit faire face à un véritable mur d’investissements nécessaires au grand carénage et au programme de construction de six EPR.
L’énergéticien d’État reste le contre-exemple de l’Allemagne, et lui fait de l’ombre en produisant une électricité moins chère, répondant à tout moment aux besoins du réseau et en émettant beaucoup moins de CO2 coupable du réchauffement climatique – comme chacun le mesure en ces temps de canicule.
Un marché de l’électricité à réformer d’urgence
Tous les spécialistes conviennent que le marché de l’électricité européen et la « Loi NOME », sa déclinaison française, seraient l’une des raisons de cette gabegie. Ce marché est inadapté à la situation de crise que nous vivons, d’après un récent rapport de la Cour des Comptes, qui dénonce « une réorganisation progressivement devenue illisible et ses effets difficilement compréhensibles » (1).
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Dès lors, ne serait-il pas temps d’entrer en résistance devant les exigences de la Commission européenne, qui exige la séparation des différentes entités d’EDF au nom de la sacro-sainte concurrence, alors que l’urgence climatique et la guerre en Ukraine donnent à la France de solides arguments pour faire valoir l’intérêt du modèle d’une EDF intégrée ?
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Ne faudrait-il pas aussi avoir le courage de nous opposer aux agissements de nos voisins allemands, égarés dans une stratégie fondée sur le développement massif de l’éolien, qui conduit leur pays dans une impasse, obligés qu’ils sont de recourir soit au gaz russe dont le robinet va se fermer, soit au charbon pour pallier l’intermittence de production de leurs éoliennes ?
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Ne faudrait-il pas enfin arrêter de vouloir tuer EDF, cette « poule aux œufs d’or » qui n’en finit pas d’être spoliée par l’Etat avec une hausse de 4% du tarif de l’électricité en février 2022 alors que la CRE préconisait 35%, la non revalorisation du niveau de l’ARENH, ou encore l’obligation de mettre 20 TWh d’ARENH supplémentaires à disposition de ses concurrents, même si une timide revalorisation du niveau de l’ARENH vient d’être votée par les députés (2) ?
Une loi pour une transition énergétique autant responsable que pragmatique
La Première ministre a fait de ce chantier l’un de ses objectifs prioritaires. Le Président de la République n’a pas manqué d’y faire référence le 14 Juillet lors de son interview télévisée.
La future Loi de Programmation sur l’Énergie et le Climat devrait ainsi définir les mesures qui permettront à la France de retrouver son indépendance et sa sécurité d’approvisionnement énergétique, de reconstruire sa capacité industrielle et d’espérer atteindre ses objectifs de réduction de CO2.
De bonne augure à la condition que ce programme ne soit pas prétexte à un démantèlement d’EDF, mais au contraire qu’il ait pour objectif le renforcement de son intégrité, la synergie du nucléaire avec les autres activités du groupe dans un service public « à la française » ayant fait la preuve de son efficacité dans un passé pas si lointain.
A la condition aussi de rendre les « clés de la maison » à leurs dirigeants dans le cadre d’une politique ambitieuse établie par la loi, l’Etat restant décidément un bien mauvais gestionnaire.
Carte de France des fermetures d’agences EDF
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https://www.ccomptes.fr/fr/publications/lorganisation-des-marches-de-lelectricite
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ARENH « Accès Régulé à l’Electricité Nucléaire Historique ». Ce dispositif permet à tous les fournisseurs alternatifs de s’approvisionner en électricité nucléaire auprès d’EDF dans des conditions fixées par les pouvoirs publics.
https://www.lemondedelenergie.com/mobilisation-generale-pour-sauver-edf/2022/07/25/