4791 – Allocution et réponses à la presse de Sergueï Lavrov, lors d’une conférence de presse avec Zbigniew Rau – Ministre des Affaires étrangères de Pologne & Président de l’OSCE – 15 février 2022 –

Allocution et réponses à la presse de Sergueï Lavrov, Ministre des Affaires étrangères de la Fédération de Russie, lors d’une conférence de presse conjointe avec Zbigniew Rau, Ministre des Affaires étrangères de la Pologne, Président en exercice de l’OSCE, à l’issue des pourparlers, Moscou, 15 février 2022 – 19H09

Sergueï Lavrov & Zbigniew Rau, Ministre des Affaires étrangères de la Pologne


Mesdames et messieurs,
Nous avons eu un entretien utile et substantiel avec le Ministre polonais des Affaires étrangères Zbigniew Rau, qui s’est rendu en Russie en tant que Président en exercice de l’OSCE.
Nous étions d’accord que plusieurs problèmes s’étaient accumulés dans l’espace de l’OSCE nécessitant des solutions urgentes et forcément collectives. La confiance entre les États membres se trouve au niveau le plus bas. Les approches conflictuelles et la rhétorique agressive ont rempli notre espace commun. Malheureusement, elles dominent clairement sur l’esprit de la coopération, sur la culture du dialogue dans le respect mutuel, qui était toujours inhérent à l’OSCE après sa création. Nous voulons tous le rétablir.
De mon côté, j’ai souligné que dans les conditions actuelles difficiles l’accomplissement des fonctions présidentielles avait une importance particulière. C’est une grande responsabilité. Monsieur le Ministre présentait le 13 janvier 2022 pendant la réunion du Conseil permanent de l’OSCE les priorités de la Pologne et parlait de l’importance d’une approche positive et proactive, de la recherche de solutions, de renoncer aux accusations réciproques. Je salue une telle disposition. Nous l’avons réaffirmé aujourd’hui. Je suis certain que la présidence doit contribuer à former un agenda unificateur, à trouver des compromis. Pour cela, il est important de rester dans le cadre du mandat du Président, de respecter des approches de statut neutres, d’éviter des formulations non consensuelles, ce qu’on appelle l’accomplissement du rôle d’« honnête médiateur ». Monsieur le Président a confirmé aujourd’hui cette disposition.
Nous partons du principe que l’un des principaux défis de l’OSCE consiste à déboucher sur une compréhension commune du principe de l’indivisibilité de la sécurité qui est fondamental pour toute l’architecture de la sécurité européenne. Il exige d’éviter des actions qui renforceraient la sécurité d’un pays au détriment de tout autre pays.

Tout cela est fixé dans plusieurs documents de l’OSCE depuis 1994, quand a été adopté le Code de conduite relatif aux aspects politico-militaires. Ensuite, la Charte de la sécurité européenne a été approuvée au sommet d’Istanbul en 1999. En décembre 2010, au sommet de l’OSCE à Astana, ce principe a été réaffirmé dans une forme développée et claire. Maintenant il est question de l’appliquer. Ce n’est pas comme nos collègues occidentaux cherchent à présenter les choses que chaque pays a le droit de choisir des alliances, alors qu’ils s’efforcent de ne pas se rappeler que cela ne doit pas être fait au détriment de la sécurité des autres.

Afin de clarifier les approches de nos collègues, dont les dirigeants ont signé ces documents, j’ai envoyé aux ministres des Affaires étrangères des pays concernés en Europe un message demandant de préciser comment ils comprennent l’ensemble de ces engagements, appelés le principe de l’indivisibilité de la sécurité. J’espère recevoir absolument des réponses sur le fond. Du moins, j’ai demandé à Zbigniew Rau de ne pas oublier de le faire.
Dans le contexte de la recherche des solutions pour surmonter une tension grandissante dans la région euro-atlantique, nous avons évoqué l’initiative de la présidence polonaise proposant de lancer à l’OSCE un « Dialogue renouvelé sur la sécurité en Europe » informel. Nous trouvons cette proposition intéressante parce qu’elle témoigne de la compréhension des problèmes actuels et de la volonté de faire quelque chose pour que ces problèmes soient levés de l’ordre du jour.
J’ai rappelé que le plus important à l’étape actuelle était notre dialogue avec les États-Unis et avec l’Otan, où nous discutons des garanties de sécurité juridiques à long terme, telles qu’elles sont formulées dans les projets d’accords que nous avons transmis à Washington et à Bruxelles.
En l’absence de progrès avec les États-Unis et l’Otan, la conversation à Vienne n’apportera manifestement aucun résultat. Tout le monde en est conscient. D’autant que ce serait un format de discussion supplémentaire en plus du Forum de l’OSCE pour la coopération en matière de sécurité ainsi que du « dialogue structuré » créé il y a cinq ans (décembre 2016).
Nous risquons (j’ai partagé mes doutes avec le Ministre et sa délégation) de nous retrouver dans une situation où tout ce dialogue se dissipera en « ruisseaux », nous ne ferons qu’imiter une activité, mais le fond du problème ne sera pas réglé.
Une autre notion à prendre en compte: contrairement à l’Otan et aux États-Unis, l’OSCE ne possède pas une personnalité juridique internationale malgré les initiatives de longue date avancées par la Russie avec ses alliés, notamment le projet de charte de l’OSCE. Les collègues occidentaux ne veulent absolument pas faire de l’OSCE une organisation claire et structurée. Il est important pour eux de l’avoir sous cette forme flexible et floue parce qu’une telle structure est plus facile à manipuler.
Néanmoins, l’OSCE conserve un grand potentiel unificateur. Le renforcement de l’efficacité de l’OSCE dans l’ensemble doit faire l’objet d’un large dialogue: redresser les inégalités géographiques et thématiques, trouver un équilibre juste et durable entre trois « paniers »(politico-militaire; économique et écologique; social). Nous espérons qu’en période de présidence polonaise nous pourrons parler honnêtement sur ces sujets avec tous les pays membres.
Nous sommes prêts à la coopération la plus étroite avec la Présidence, notamment dans d’autres secteurs. Je fais allusion à la lutte contre les menaces transnationales, l’élimination des conséquences socioéconomiques de l’infection de coronavirus, la protection des valeurs traditionnelles et des droits des minorités nationales, la lutte contre les tentatives de falsifier l’histoire et de glorifier le nazisme. Tous ces thèmes sont sur la table des négociations. Nous trouvons primordial de maintenir l’attention sur les discussions pour trouver des moyens d’empêcher des manifestations négatives dans notre région commune.
Nous avons parlé du rôle de l’OSCE dans le règlement de différents conflits dans l’espace européen. Pour des raisons évidentes, nous avons accordé une attention particulière à la crise ukrainienne. Nous avons réaffirmé l’absence d’alternative à la mise en œuvre à part entière et successive des Accords de Minsk.
Nous espérons que le Président en exercice contribuera, notamment via son Représentant spécial en Ukraine et dans le Groupe de contact, aux progrès dans ce sens le plus vite possible et avec responsabilité, parce que le plus important consiste à assurer un dialogue direct entre Kiev, Donetsk et Lougansk.
Il faut également assurer l’impartialité de l’observation de la situation par la Mission spéciale d’observation de l’OSCE. Nous attendons de sa direction une collaboration constructive avec les autorités de Donetsk et de Lougansk, comme l’exige le mandat de cette Mission approuvé par le Conseil permanent de l’OSCE.
Conformément à ce mandat, la Mission ne doit pas négliger les violations des droits de l’homme et des libertés des médias sur tout le territoire ukrainien, ce qui n’est, malheureusement, pas souvent le cas dans les rapports diffusés par la Mission. Il ne faut pas non plus omettre les faits criants qui témoignent du déchaînement du nationalisme agressif, du néonazisme et de nombreux faits de discrimination de la population russophone.
Par conséquent, les objectifs de l’OSCE et de la Présidence en exercice sont très conséquents. Je voudrais souhaiter à Zbigniew Rau et toute son « équipe » un travail productif.

Question 1: Les États-Unis s’attendent à une « attaque » de la Russie contre l’Ukraine d’un jour à l’autre. Dans le même temps, il y a littéralement une heure, le Ministère russe de la Défense a annoncé le retour des unités participant aux exercices sur leurs sites de stationnement. A-t-on changé d’avis d' »attaquer »? Ou ce n’était pas prévu?
Sergueï Lavrov: Les exercices menés par la Russie, je le souligne, sur son propre territoire et conformément à ses propres plans commencent, se déroulent et se terminent comme prévu.
Je l’ai dit à plusieurs reprises en ce qui concerne les exercices dans l’Ouest du pays, en Extrême-Orient ou les exercices russo-biélorusses, qui se déroulent également en parfaite conformité avec le calendrier convenu à l’avance. C’est fait indépendamment des paroles et des hystéries de qui que ce soit à ce sujet, de ceux qui organisent un véritable terrorisme de l’information. Je n’ai pas peur de ce mot.
Bref, la caravane passe.
Question 2: Les États-Unis et l’Otan proposent déjà eux-mêmes à la Russie d’évoquer certaines mesures de désescalade, de renforcer la confiance, la maîtrise des armements, chose que Moscou proposait depuis 2014, notamment au Conseil Otan-Russie. Ils ne voulaient pas en parler à l’époque. À présent, la Russie exige davantage (par exemple, que l’Otan revienne à ses positions de 1997). Qu’est-ce que cela signifie: ce n’est plus intéressant de parler du passé ou y a-t-il une chance que cela soit évoqué?

Sergueï Lavrov: La rapidité avec laquelle l’Otan a changé de position indique que tout n’est pas perdu dans cette alliance. Elle peut reconnaître l’évidence quand on fait sérieusement pression.
Pas besoin de « revenir » en 2014. En 2019, quand les Américains ont détruit le Traité FNI, le Président russe Vladimir Poutine avait souligné dans ses messages adressés à tous les dirigeants européens que nous avions décrété un moratoire unilatéral sur le déploiement de tels missiles terrestres. Il a dit que le moratoire serait respecté dans ces régions tant qu’il n’y aurait pas de tels systèmes américains.
Le Président Poutine a également proposé d’annoncer entre la Russie et les membres de l’Otan un moratoire mutuel sur le déploiement de tels missiles en Europe. Il a proposé à ces fins de mettre au point un mécanisme de vérification des actions de la Russie et de l’Alliance. Ils ne voulaient même pas nous écouter.
Personne n’a répondu à l’exception du Président français Emmanuel Macron. Mais lui aussi a seulement dit que c’était une « bonne idée« . En gros, « dommage que les autres pays de l’Otan ne veuillent pas en parler ».
Peu de temps après cela, l’état-major des forces armées russes a envoyé encore une fois une série de propositions concrètes visant à réduire les risques militaires. Elles impliquaient la mise au point d’une distance à laquelle les exercices devaient être écartés de la ligne de contact Otan-Russie. Nous avons transféré la phase principale des exercices Zapad 2020 (Ouest 2020) dans la région de Nijni Novgorod pour illustrer ce que nous voulions dire et à titre de geste de bonne volonté. Ce qui n’a pas non plus été apprécié.
Nous n’avons vu aucune réaction. Tout comme aucune réaction n’a suivi les propositions de convenir d’une distance maximale de rapprochement entre les avions et les navires.
À première vue, qu’y a-t-il de plus pratique que des engagements de ce genre? Nous avons proposé de nous entendre sur l’utilisation de transpondeurs dans l’aviation militaire, avant tout dans la région de la mer Baltique. Nous partions du principe que les pays de l’Otan déclaraient constamment et nous appelaient à prendre des mesures de confiance et de réduction des risques militaires. Mais tout ce que je viens de mentionner a été ignoré pendant des années.
À présent que nous avons reçu les réponses de l’Otan et des États-Unis, pratiquement toutes les idées sous telle ou telle forme, notamment la nécessité de limiter et de ne pas déployer des missiles terrestres à portée intermédiaire, sont reprises cette fois comme une initiative de nos partenaires.
J’en parle en détail parce que certains de nos « bienfaiteurs » commencent à jubiler. Ils ont lu ce qui a été dit par les Américains et l’Otan. Selon eux, cela signifie seulement que désormais nous parlerons uniquement selon les conditions dictées par le Président américain Joe Biden. Je laisse de côté les « objectifs » visés par les « analystes » de ce genre.
Je dirai seulement qu’au final l’Occident n’a répondu que quand il a compris que nous parlions sérieusement de la nécessité de changements radicaux dans le secteur de la sécurité européenne. Il a répondu de manière positive aux initiatives longtemps rejetées.
En ce qui concerne le fait de savoir si cela signifie « la fin de l’histoire ». Non. J’ai rendu compte hier au Président russe Vladimir Poutine. J’ai souligné que nos propositions, qu’il avait approuvées, seraient très prochainement mises au point et transmises aux partenaires américains et otaniens.
Elles se basent sur le maintien de l’intégrité de la position russe. Les choses que nous énumérons actuellement sont importantes en tant que démarches pratiques pour la désescalade.
Ces démarches seront efficaces seulement sur la base de fondations juridiques solides. Avant tout en ce qui concerne l’interprétation du principe d’indivisibilité de la sécurité. Les collègues occidentaux le déforment sans gêne et l’interprètent uniquement comme la liberté de choisir des alliances militaires. C’est complètement faux. Il suffit de lire les documents des sommets d’Istanbul de 1999 et d’Astana de 2010 et le Code de conduite de l’OSCE relatif aux aspects politico-militaires de 1994.

Le Code stipule clairement que dans son choix des alliés il ne faut pas porter atteinte aux intérêts de sécurité de tout autre pays.

Nous poursuivrons notre dialogue pour tirer au clair les positions de l’Occident pour savoir dans quelle mesure les membres de l’Otan sont aptes à trouver une entente pour remplir d’un contenu réel le principe de l’indivisibilité de la sécurité.
Nous mènerons des consultations d’experts pour convenir des approches des questions spécifiques, que ce soit les missiles à portée intermédiaire ou les mesures pour réduire les risques militaires. Je pense qu’il est possible de déboucher sur un bon résultat d’ensemble dans tous ces secteurs.
Question 3 (adressée à Zbigniew Rau): La Russie a critiqué la décision d’un certain nombre de pays de retirer leurs observateurs de la Mission spéciale d’observation de l’OSCE en Ukraine (MSO), notamment parce que cette décision intervient à un moment important, quand le monde entier espère obtenir des informations véridiques en provenance de la région. La décision de ces Etats ne vous semble-t-elle pas étrange et illogique?
Sergueï Lavrov (ajoute après Zbigniew Rau): C’est une question importante. Nous en avons discuté aujourd’hui. J’espère que les raisons qui ont poussé certains participants de l’OSCE à retirer leurs observateurs de cette mission sont uniquement liées à des facteurs tels que la maladie à coronavirus ou un repos. Mais sachant que les pays en question sont à l’avant-garde d’une « campagne de terrorisme de l’information », on ne peut s’empêcher de penser qu’ils pourraient avoir des arrière-pensées.

https://www.arabnews.fr/sites/default/files/styles/670x395/public/2022-01/Capture%20d%E2%80%99e%CC%81cran%202022-01-18%20a%CC%80%2013.21.54_0.png?h=a6a3a5b8&itok=PkrwquFF

Les guerres yougoslaves ont été marquées par de nombreux massacres, comme celui de Rezallë, au cours duquel quatre-vingt-dix-huit Albanais du Kosovo ont été tués par les forces serbes. (AFP) CF/ https://www.arabnews.fr/node/194091/international

Je ne voudrais pas répéter la triste expérience de l’OSCE en 1999, quand le chef de la mission de l’OSCE dans la province serbe du Kosovo, William Volker, citoyen américain, a monté en épingle l’histoire totalement fausse du prétendu meurtre de civils dans le village de Račak.
Il a ensuite été prouvé que ces civils étaient en fait des combattants armés et ont été tués au combat. L’Union européenne s’est ensuite exprimée clairement à ce sujet. William Volker a ensuite déclaré publiquement qu’il s’agissait d’un acte de génocide, avant d’annoncer unilatéralement qu’il retirait la mission de l’OSCE du Kosovo. Dans les faits, cela a servi de déclencheur à l’agression de l’Otan contre l’ex-Yougoslavie. Il n’a consulté personne. Même si le déploiement et le « repli » d’une mission est la prérogative du Conseil permanent de l’OSCE.
J’espère que l’approche dont vient de parler Monsieur le Ministre sera mise en œuvre dans la pratique.
Question 4 (traduite du polonais): Pourquoi, selon vous, les États qui se sont formés après l’effondrement de l’URSS, comme l’Ukraine et la Géorgie, au lieu de maintenir des relations avec la Russie, ont choisi l’intégration à l’Ouest (UE et Otan), même au prix d’une guerre avec la Russie? Je pose cette question en raison de l’intervention militaire russe en Géorgie, ainsi que de la présence de troupes russes en Biélorussie et de la persécution d’associations telles que « Mémorial » en Russie. Serait-il plus efficace d’opter pour un dialogue avec la Pologne, comme cela a été proposé dans le cadre de la présidence polonaise de l’OSCE? Je voudrais demander si la Russie y serait prête dans le contexte des sanctions qui pourraient frapper l’économie russe, déjà promises par l’Occident?
Sergueï Lavrov: La principale raison est que les autorités de ces pays ont montré leur inconsistance et l’ont fait à un moment où l’on cherchait à établir un contrôle extérieur sur eux (et c’est ce qui s’est passé).
Le seul objectif était de les arracher à la Russie, de les faire entrer dans la sphère d’influence de l’Otan. Cela entre également en contradiction directe avec le principe d’indivisibilité de la sécurité, dont l’abandon des sphères d’influence est l’une des composantes.
En 2008, lorsque des « incantations » ont été faites lors du sommet de l’Otan à Bucarest, selon lesquelles la Géorgie et l’Ukraine rejoindraient l’Otan, Mikhaïl Saakachvili a tout simplement « perdu la tête », il a perdu la raison. Quelques semaines avant qu’il ne donne l’ordre d’attaquer la ville paisible de Tskhinval et la position des casques bleus russes,la Secrétaire d’État américaine Condoleezza Rice lui a rendu visite.

https://s.france24.com/media/display/72309c54-14d1-11e9-aa81-005056bff430/w:1280/p:1x1/FR_0.jpg Ivo Daalder


A une époque, il y avait un représentant américain à l’Otan, Ivo Daalder. Il a explicitement qualifié de plus grande erreur de l’Alliance du Traité de l’Atlantique Nord la décision proclamant la perspective d’admettre la Géorgie et l’Ukraine au sein de l’Otan.
Les casques bleus russes ont été attaqués à une période où ni le Président ni le Premier ministre n’étaient à Moscou.
La Géorgie voulait sérieusement s’emparer de l’Ossétie du Sud et y mettre en œuvre ce qu’elle envisageait depuis longtemps .Zviad Gamsakhourdia proclamait déjà la nécessité, comme il le disait, de faire disparaître les Ossètes et les Abkhazes.
Afin d’empêcher cet acte de génocide, en réponse à l’attaque contre les casques bleus russes qui se trouvaient sur le territoire géorgien dans le cadre d’un mandat approuvé par l’OSCE avec le consentement de   Tbilissi, nous avons envoyé des troupes sur place dans le plein respect du droit international.
C’était une déclaration de guerre. Il n’y a pas d’autre interprétation possible en droit international. Afin de protéger ensuite ces peuples dans leur quête d’indépendance, lorsqu’ils ont organisé les référendums à ce sujet et demandé la reconnaissance – nous les avons reconnus. Oui, nous y avons déployé des bases militaires à leur demande, afin qu’il ne vienne même pas à l’esprit des Géorgiens de commettre de tels crimes.
En ce qui concerne l’Ukraine, nous n’avons pas manqué de « bonne volonté » non plus. Les collègues occidentaux, surtout les membres de l’UE, se sont montrés extrêmement arrogants. Cela a jeté les bases des processus qui ont finalement « explosé »sur le Maïdan en février 2014.
Je voudrais vous rappeler que tout au long de l’année 2013, l’Ukraine a négocié avec l’UE pour préparer l’accord d’association qui devait être signé début décembre 2013.

Quand la partie russe l’a appris, nous avons simplement dit à nos collègues ukrainiens que si cet accord comprenait des éléments d’une zone de libre-échange, il fallait prendre en compte que nous avions déjà une zone de libre-échange avec l’Ukraine au sein de la Communauté des États indépendants depuis longtemps. Nous devions nous assurer que les régimes de ces zones de libre-échange ne se contrediraient pas, car, par exemple, nous n’appliquions pas de droits de douane avec l’Ukraine alors que nous en appliquions avec l’Europe.

Lors des négociations sur notre adhésion à l’OMC, nous avons négocié pour nous-mêmes une protection assez sérieuse sur de nombreuses positions.
Si l’Ukraine avait soudainement supprimé ses barrières avec l’UE, alors que nous n’avions pas non plus de barrières avec l’Ukraine, les marchandises en provenance d’Europe auraient afflué, contrairement aux accords que nous avions conclus en adhérant à l’OMC. Nous les avons prévenus en toute honnêteté. Nous avons également averti vos dirigeants au sein de l’UE, je veux dire la Pologne, en tant que membre de cette association.
https://www.euractiv.fr/wp-content/uploads/sites/3/2012/12/putin%20barroso.jpeg  José Manuel Barroso & Vladimir Poutine

Le Président russe Vladimir Poutine s’est entretenu avec le président de la Commission européenne Jean-Michel Barroso et a suggéré la création d’un groupe trilatéral réunissant la Russie, l’Ukraine et l’UE afin d’éviter tout « chevauchement » dans la sphère purement commerciale. Jean-Michel Barroso, fidèle à sa condescendance habituelle, a déclaré que l’UE ne discuterait pas avec la Russie de la manière dont elle construit ses relations avec l’Ukraine, car la Russie ne discute pas avec l’UE de la manière dont elle construit ses relations avec la République populaire de Chine.
C’est l’UE qui a « stimulé » le Maïdan de toutes les manières possibles, ce qui a commencé par la mobilisation d’une « équipe » qui a condamné la décision du Président Viktor Ianoukovitch de reporter la signature de l’accord avec l’UE jusqu’à ce que le sujet des éventuelles contradictions entre les régimes commerciaux soit clarifié. C’est tout. Certains Européens en ont profité. Les ministres européens des Affaires étrangères, en particulier de la Belgique,avaient déjà dit et répété que les Ukrainiens devaient choisir leur camp: la Russie ou l’Europe. C’est le genre de mentalité qui sème les « graines » que vous avez mentionnées.

Pourquoi les représentants de certains pays veulent-ils être amis avec l’Otan et non avec la Russie? Parce que ces représentants n’avancent pas dans cette direction de manière indépendante, mais sur ordre de marionnettistes qui sont plus intéressés par la division de l’Europe que par l’application des principes de l’OSCE.

Quand le Maïdan a conduit à une effusion de sang, la Pologne représentée par Radoslaw Sikorski, l’Allemagne représentée par Frank-Walter Steinmeier et la France représentée par le Ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius ont tenu des pourparlers à Kiev et ont convaincu l’opposition et le Président Viktor Ianoukovitch de signer un accord de paix.
Ils ont garanti cet accord de paix par leur signature. La « junte de Kiev », qui est arrivée au pouvoir à peine 24 heures plus tard et a violé toutes ses obligations, a « craché » sur ces signatures. Quand le Président allemand Frank-Walter Steinmeier, a déclaré, dans le discours qu’il a prononcé après sa réélection, qu’il appelait la Russie à « retirer la corde du cou » de l’Ukraine, c’est incorrect du point de vue de la gnoséologie de l’ensemble de ce conflit.
Ce dernier aurait pu être arrêté immédiatement si l’Europe, et surtout les trois pays qui ont garanti l’accord entre Viktor Ianoukovitch et l’opposition, avaient émis un rappel à l’ordre et insisté pour qu’ils mettent en œuvre ce qu’ils avaient signé.

Quand ce putsch a eu lieu, le premier réflexe de ceux qui sont arrivés au pouvoir a été d’exiger des revendications russophobes: abolir le statut que les lois ukrainiennes avaient accordé à la langue russe, expulser les Russes de Crimée.

Ces appels ont été accompagnés de l’envoi de bandes armées pour prendre d’assaut le Conseil suprême de Crimée.

Tout cela est dans les livres d’histoire. Je comprends que vous ayez besoin de « vendre » les nouvelles du jour: n’êtes-vous pas triste que tout le monde vous fuit pour aller dans les bras de l’Otan et de l’UE? C’est une approche simpliste qui vous permettra de rassembler des lecteurs avides de ce genre de sensationnalisme et de russophobie – qui fleurit en Pologne aussi, à mon grand regret. Nous avons dit aujourd’hui que nous étions intéressés par des relations normales avec la Pologne, d’autant plus que nous n’avons jamais cessé les contacts au niveau de la société civile, du monde de l’art et de la culture, à la grande satisfaction des deux parties.

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Quand tout cela s’est produit, les Criméens, afin de se protéger des néonazis purs et simples, qui, avec les drapeaux de Bandera, Petliura et Choukhevitch, défilent toujours autour de Kiev avec des torches et reçoivent le soutien de leur direction officielle – le Président de l’Ukraine.
Quand le peuple de Crimée a refusé d’obéir à ces bandits qui avaient pris le pouvoir de manière inconstitutionnelle et a organisé son propre référendum, ce n’est qu’à ce moment-là que l’Europe s’est agitée et a commencé à dire: pourquoi la Russie a-t-elle « pris la Crimée sous son aile »? Pourquoi l’Europe est-elle restée silencieuse et indifférente au coup d’État?
Apparemment parce que ces capitales, y compris les trois pays dont les ministres avaient signé l’accord déchiré par les putschistes, étaient aussi probablement dominées par le désir de se ranger du côté de personnes qui proclamaient être pour l’Occident et non pour la Russie, malgré le fait qu’il y avait eu un coup d’État anticonstitutionnel et que du sang avait été versé. C’est tout. C’est, comme on dit, une rue à double sens. Il y a partout des gens qui sont prêts à spéculer sur les intentions géopolitiques de l’Occident, et ces plans, malheureusement, visent le désengagement plutôt que la mise en œuvre des principes fondamentaux de l’OSCE.
Question 5: L’ambassadeur d’Ukraine à Londres a récemment déclaré que son pays pourrait renoncer à une éventuelle adhésion à l’Otan si cela permettait d’éviter une guerre. Le Ministère ukrainien des Affaires étrangères a rapidement déclaré que ces déclarations n’étaient « pas sérieuses ». L’establishment ukrainien pense-t-il que cela aurait valu la peine d’y renoncer? Cela aurait-il aidé à désamorcer la situation actuelle?

Ministère -de -la -Défense -du-Royaume-Uni.


Sergueï Lavrov: Je peux seulement dire qu’il y a des gens sensés là-bas. Je suis convaincu que si cela se produisait, beaucoup pousseraient un soupir de soulagement, y compris en Europe. Je parle de ceux qui ont une attitude honnête vis-à-vis des signatures sur les documents de l’OSCE,plutôt que d’essayer de se cacher derrière eux pour poursuivre secrètement une politique visant à diviser l’Europe et à tracer de nouvelles lignes de démarcation. De nombreux politiciens et analystes politiques ukrainiens partagent ces évaluations. Ils n’hésitent pas à les exprimer.
Plus concrètement sur le Royaume-Uni. Après les propos de l’ambassadeur ukrainien, on peut comprendre la réaction de Kiev, où le pouvoir n’appartient plus au peuple dont il faudrait s’occuper.
Si nous parlons de paix, c’est avant tout le peuple ukrainien qui en a besoin, et les politiciens de ce pays, qui ont perdu leur indépendance depuis longtemps, jouent sur les « instruments de musique »que leur a légués l’Occident. A Londres, le vice-Ministre de la Défense James Heappey a déclaré que si l’Ukraine prenait une telle décision, la Grande-Bretagne la soutiendrait. Je pense que cette idée va progressivement faire son chemin. Je souligne qu’il montre un chemin que beaucoup voudraient emprunter, y compris en Europe.
Question 6: Vous avez dit que le projet de réponse de la Russie aux documents sur les garantie de sécurité des États-Unis et de l’Otan était prêt. Quand allez-vous le transmettre? Sera-t-il communiqué aux médias et au grand public?
Sergueï Lavrov: Il faut maintenant observer des éléments protocolaires et techniques. Il sera publié prochainement.
Nous n’avons rien à cacher.
Question 7 (traduite du polonais): Comment évaluez-vous la possibilité qu’une guerre éclate? Pouvez-vous confirmer qu’il n’y aura pas d’invasion russe en Ukraine?

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Sergueï Lavrov: Tout a déjà été dit de nombreuses fois. J’ai déjà commenté les spéculations selon lesquelles les exercices russo-biélorusses auraient été conçus pour attaquer l’Ukraine par le Nord, afin de prendre le contrôle de Kiev. Tous ces« scénarios paranoïaques » ont été publiés à de nombreuses reprises et, malheureusement, par des médias réputés. Apparemment, l’excitation et le besoin des chefs d’orchestre et des scénaristes de toutes ces actions se sont également emparés des médias.
Quelle est la position de l’Occident en ce moment? Exiger que la Russie arrête ses exercices, retire ses troupes. La Russie exécute ses plans comme elle l’avait prévu. Le temps est venu de mettre fin partiellement à ces exercices, les troupes commencent à retourner à leurs bases permanentes. Je vous assure que si l’Occident ne l’a pas encore dit, il le fera: vous voyez, nous avons fait pression sur eux, comme l’a « suggéré » Joe Biden, et ils ont immédiatement pris peur et se sont pliés à nos exigences. C’est ce qu’on appelle « brasser de l’air ». Nos collègues occidentaux y sont parvenus. Nous devons « apprendre » des astuces qu’ils utilisent.
Je le souligne encore une fois: nous ferons sur notre propre territoire ce dont nous avons besoin, ce que nous considérons comme nécessaire pour notre sécurité. Nous rejetons la tentative de nos collègues occidentaux d’interpréter les principes des engagements de l’OSCE sur l’indivisibilité de la sécurité de manière à suggérer qu’ils savent mieux comment assurer la sécurité de la Russie. Cette arrogance et cette russophobie doivent cesser.
Quand l’Otan s’est de nouveau élargie et que les républiques baltes l’ont rejointe, nous avons demandé à nos collègues occidentaux pourquoi agir ainsi s’il n’y avait plus de menaces. Ils ont proclamé publiquement que nous n’étions plus des adversaires, que nous construisions une sorte d’« avenir commun » de manière transparente, que nous luttions ensemble contre le terrorisme, et bien d’autres choses encore. Ils nous ont répondu: vous voyez, des phobies sont restées après la période soviétique, ces phobies doivent être calmées, nous les accepterons à l’Otan et ils se calmeront immédiatement, deviendront vos bons voisins.
On nous a dit la même chose à propos de la Pologne lorsque celle-ci a rejoint l’Otan. Mais c’est exactement le contraire qui s’est produit. Nous sommes bien conscients des capacités des marionnettistes occidentaux. Malheureusement, ils contredisent directement ce qui est écrit dans les documents fondateurs de l’OSCE.
Question 8: Le fait que l’Occident et la Russie parlent des langues tout à fait différentes ne vous inquiète-t-il pas? Sommes pas destinés à être en désaccord, même lorsqu’une transaction parfaite a lieu?

Sergueï Lavrov: Je sens que vous êtes un fan de Rudyard Kipling – « L’Ouest est l’Ouest, l’Est est l’Est, et ils ne s’uniront jamais ».L’OSCE professe une philosophie différente. J’espère que cette philosophie se concrétisera.

https://mid.ru/fr/foreign_policy/news/1798511/