Sergueï Lavrov – Ministre des Affaires étrangères de la Fédération de Russie avec Aleksandar Vučić – Président de la Serbie, – 10.10.2021
Mesdames et messieurs,
Je voudrais remercier le Président serbe Aleksandar Vučić pour la rencontre d’aujourd’hui, qui a souligné le caractère stratégique de notre partenariat.
J’ai transmis au Président serbe Aleksandar Vučić les plus chaleureuses salutations et les meilleurs vœux du Président russe Vladimir Poutine. Ce dernier est disposé à poursuivre le dialogue au sommet. Nous avons évoqué les différentes possibilités de contact au niveau des présidents à court terme. Je suis certain que nous trouverons une entente sur la date de cette future rencontre.
Nous entretenons un dialogue de confiance non seulement au niveau des présidents, mais également au niveau des gouvernements, des ministères et départements, et évidemment entre les ministères des Affaires étrangères. La semaine dernière, la réunion du Comité intergouvernemental russo-serbe sur le commerce – la coopération économique – scientifique et technique a confirmé le développement progressif des relations bilatérales et du partenariat stratégique.
Pendant cette réunion, comme vient de le dire le Président serbe Aleksandar Vučić, ont été déterminées des démarches concrètes et importantes pour promouvoir l’interaction commerciale, économique et d’investissement au profit de nos populations, au profit de la coopération entre la Russie et la Serbie.
Malgré le coronavirus, au cours des sept premiers mois de l’année 2021 les échanges ont augmenté, selon nos statistiques, de plus de 16% et approchent des 1,5 milliard de dollars. Ce résultat sera encore plus palpable à la fin de l’année.
Nous continuons de coopérer dans la lutte contre le coronavirus. En plus de la livraison de vaccins et de l’envoi de nos spécialistes pour apporter leur aide, nos présidents ont ouvert en juillet dernier un projet pour la coproduction du vaccin Spoutnik V en Serbie. Je suis certain que cela apportera une grande contribution à la garantie des intérêts de la population de ce pays ami.
Nous avons également parlé des affaires régionales et du problème du Kosovo. La Russie prône immuablement le règlement de cette situation en s’appuyant uniquement sur la résolution 1244 du Conseil de sécurité des Nations unies, que la solution soit trouvée dans le cadre d’un dialogue direct entre Belgrade et Pristina et que cette solution définitive soit soumise à l’approbation du Conseil de sécurité des Nations unies.
Le Président russe Vladimir Poutine a souligné plusieurs fois, et cela reste notre position ferme, que nous accepterons toute solution qui conviendra à la Serbie et à la population serbe. Bien évidemment, nous sommes préoccupés par la provocation organisée dans le Nord du Kosovo fin septembre. Nous avons apprécié la retenue et la fermeté du gouvernement serbe et du Président serbe Aleksandar Vučić personnellement, ce qui a permis de régler cette crise et de stopper les provocations des Kosovars.
À chacun de nos contacts avec l’UE, nous rappelons la responsabilité de Bruxelles pour les fonctions de médiation qu’il a initiées, qui ont été attribuées à l’UE sur décision de l’Assemblée générale des Nations unies. Il est temps de remplir les accords conclus il y a plusieurs années, notamment sur la création de municipalités serbes du Kosovo. Cela a été officiellement convenu en 2013. La complaisance avec les tentatives des Kosovars de freiner cette solution primordiale pour la population serbe du Kosovo ne fait pas honneur à l’UE.
Nous partons du principe que les partenaires américains useront également de leur influence sur Pristina, qui est grande, pour garantir un déroulement normal des négociations et déboucher sur une entente qui s’inscrira dans la continuité de la résolution 1244 du Conseil de sécurité des Nations unies et satisfera nos amis serbes.
Le démembrement de la Yougoslavie est toujours en cours. L’indépendance du Kosovo, proclamée en 2008 et reconnue par 33 pays européens, ne l’a toujours pas été par la Serbie. Le Kosovo n’est pas membre de l’ONU cf/ https://sansapriori.net/2019/07/31/yougoslavie-le-pays-disparu/
Avec le Président serbe Aleksandar Vučić, nous avons échangé nos avis sur la situation dans les Balkans dans l’ensemble. Nous partons du principe que la Serbie reste un facteur primordial de paix et de stabilité dans cette région. Son avis doit être pris en compte dans tous les formats de pourparlers et de discussions.
Je remercie sincèrement le Président serbe Aleksandar Vučić pour son hospitalité. Je voudrais souligner encore une fois le caractère stratégique de nos relations.
DEMEURE ACTUELLE DES PRÉSIDENTS SERBES
Question: Certains Russes partent actuellement en Serbie pour recevoir des injections du vaccin Pfizer. C’est le seul moyen pour eux de recommencer à voyager. Tout le monde comprend depuis longtemps que l’histoire des vaccins et de leur reconnaissance n’est rien d’autre que de la politique. À quelle étape se trouve actuellement la reconnaissance des certificats de vaccination entre les différents pays, notamment entre la Russie et l’Europe? Notre pays peut-il accélérer ce processus?
Sergueï Lavrov: L’histoire des vaccins n’est pas seulement politique, mais aussi commerciale. Bien des choses le confirment. En ce qui concerne notre position, en avril dernier déjà (quand s’est tenu en ligne le sommet du G20 sur la lutte contre le coronavirus), le Président russe Vladimir Poutine s’est prononcé publiquement pour que les pays producteurs de vaccins renoncent aux brevets sur ces derniers. Cela aurait permis de renforcer au maximum la production des vaccins appeler à sauver des vies contre cette infection. Notre position n’a pas changé. Malheureusement, les autres pays fabriquant des vaccins n’ont pas partagé cette idée. Cette position n’a pas changé.
Nous menons depuis assez longtemps avec l’UE des négociations sur la reconnaissance réciproque des certificats de vaccination. Différentes raisons expliquent le fait qu’il n’y a toujours pas d’entente. Il existe des motifs objectifs relatifs à la mise au point des procédures nécessaires. Nous constatons une attitude préconçue envers les vaccins russes pour des raisons politiques. Nos collègues européens le disent sans gêne. Mais dans la plupart des pays de l’UE nous constatons un intérêt à ce que nous garantissions les conditions les plus favorables aux contacts entre les gens. J’espère que le bon sens prévaudra.
Question (traduite du serbe): Que pouvez-vous dire au sujet des accusations de plus en plus fréquentes visant certains dirigeants dans les Balkans et en Europe selon lesquelles la Russie exercerait prétendument une forte influence sur la situation dans la région par des moyens énergétiques et d’autres? Comment voyez-vous l’avenir du dialogue entre Belgrade et Pristina étant donné que Pristina refuse de remplir ce qui a été convenu à Bruxelles? Vous avez déjà mentionné la résolution 1244 du Conseil de sécurité des Nations unies, qui devrait constituer une base pour chaque solution.
Sergueï Lavrov: Nous sommes habitués aux craintes et aux « incantations » selon lesquelles la Russie « tente de s’ingérer » dans la vie des Balkans occidentaux. Dans les relations avec la Serbie et d’autres pays de la région, nous sommes guidés uniquement par le profit mutuel, par l’équilibre des intérêts. C’est la base de toutes nos ententes avec la Serbie et d’autres pays des Balkans occidentaux.
Nous savons depuis longtemps que l’UE tente de revendiquer ses droits sur cette région. L’ancienne Haute représentante de l’UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité Federica Mogherini disait que quand l’UE était présente quelque part, les autres n’avaient rien à y faire. Elle faisait directement allusion aux Balkans occidentaux. Sachant que l’UE s’estime souvent en droit de mener une ligne non constructive dans les régions aussi éloignées de l’Europe que l’Asie centrale. L’UE possède ses propres approches dans les régions encore plus éloignées de notre planète. Ils disent que dans les régions où l’UE possède ses intérêts nous ne devons prendre aucune initiative. Inutile d’expliquer que c’est une réflexion néocoloniale.
Sergueï Lavrov & Joseph Borell
Il y a quelques semaines, pendant la session de l’Assemblée générale des Nations unies à New York, j’ai rencontré Josep Borrell – Haut représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, qui menait la même ligne. Je lui ai clairement tout expliqué. Si quelqu’un possède des faits concrets confirmant les accusations infondées selon lesquelles la Russie enfreindrait les normes du droit international, dans les Balkans occidentaux ou ailleurs, nous le prions de les présenter.
En ce qui concerne le dialogue entre Belgrade et Pristina, je ne peux que confirmer qu’il doit s’appuyer sur la résolution 1244 du Conseil de sécurité des Nations unies. Quand cette résolution a été adoptée en juin 1999, la délégation russe avait insisté au Conseil de sécurité des Nations unies pour ajouter dans le document la confirmation de l’intégrité territoriale et de la souveraineté de la Serbie. Nous insisterons sur ce point. Nous accepterons seulement la solution qui conviendra aux Serbes eux-mêmes.
En ce qui concerne le dialogue entre Belgrade et Pristina, nous partons du principe que l’UE assume une responsabilité particulière parce que l’Assemblée générale des Nations unies a attribué à l’UE des pouvoirs de médiation. A minima, les accords déjà conclus, notamment sur la Communauté des municipalités serbes au Kosovo, doivent être mis en œuvre sans plus attendre. Nous exigerons la mise en œuvre de l’entente entre Pristina et Belgrade.
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