Viktor Orbán au Sommet social de Porto – 16 mai 2021
16 mai 2021
Remarques de Viktor Orbán en marge du sommet
Porto, 7 mai 2021
En tout état de cause, je vous remercie de nous donner la possibilité de nous exprimer.
Je voudrais juste vous faire profiter de certaines de mes expériences. Comme vous le savez, j’ai été Premier ministre pendant 16 ans, et tout au long de ces seize années,
j’ai eu une idée fixe : trouver le moyen de concilier le plein emploi avec une économie de marché moderne et compétitive. En théorie, c’était censé être impossible, mais j’ai consacré 16 années à la recherche d’une solution qui fonctionne dans la pratique. Et la conclusion que je peux vous communiquer en bref, c’est que c’est possible. Nous avons fait passer le taux de chômage de 12% à près de 3%, et maintenant, alors que nous commençons à peine à sortir de cette pandémie, nous nous approchons à nouveau de ce chiffre.
Ma réponse est donc : pour concilier une bonne politique sociale avec une économie compétitive, il faut harmoniser correctement – en tenant certes aussi compte du contexte culturel – la politique fiscale et la politique sociale.
C’est ainsi que nous avons à la fois une politique sociale ambitieuse et, en même temps, une politique très agressive de réduction d’impôts : un taux unique (flat tax) de 15% sur le chiffre d’affaires. Quinze. Plus un impôt sur les sociétés de 9%. Or, quand vous souhaitez avoir en même temps le plein emploi – ce que nous appelons la « société du bien-être par le travail » (workfare society) –, il faut trouver moyen d’harmoniser cela avec une politique familiale ambitieuse.
En Hongrie, nous consacrons 5% du PIB à aider les familles, parce que la famille crée un contexte optimal en vue d’inciter l’individu à participer au marché du travail. Par conséquent, l’assistance aux familles profite aussi au marché du travail.
Ma réponse est donc que la combinaison d’une politique sociale adéquate, de réductions d’impôt agressives et d’une politique d’aide aux familles peut nous amener à la société du plein emploi.
Et tel est bien le résultat que nous avons obtenu. Prenant en compte des remarques d’une grande importance faites par le Premier ministre polonais, nous allons en outre introduire une exemption d’impôt sur le revenu pour les moins de 25 ans.
En Pologne, cela s’est avéré être une bonne pratique, qui, je l’espère, fonctionnera aussi en Hongrie.
En conclusion, j’aimerais faire une dernière remarque : n’oublions pas qu’au cours de la période actuelle, la question sociale la plus importante est celle de la vaccination, des acquisitions de vaccins. Car si nous ne sommes pas capables de fournir aux gens des vaccins, nous ne serons pas capables non plus de poursuivre nos politiques sociales. C’est pourquoi je voudrais proposer d’accélérer le rythme des acquisitions, de façon à pouvoir fournir le plus de vaccins possible, et de ne pas en faire un combat d’idéologies. Tous les vaccins sont bons, du moment qu’ils sont sûrs, et qu’ils sont placés à la disposition des gens.
Je vous remercie !
Réponses de Viktor Orbán à la presse
Porto, 8 mai 2021
Les conclusions de ce sommet constituent-elles pour vous un engagement plein et entier ?
Nous avons notre propre modèle. Nous ne croyons pas aux solutions omnibus : nous avons notre propre modèle social dont l’objectif principal est le plein emploi, que nous sommes très près d’atteindre de toute façon.
Ce que nous construisons, je pense que cela pourrait s’appeler « société du bien-être par le travail » (workfare society)… Vous comprenez ? Workfare society. C’est un modèle fondé sur le plein emploi et des politiques familiales ambitieuses – 5% du PIB en aides aux familles. Notre système fonctionne plutôt bien, et nous sommes disposés à faire profiter les autres de notre expérience.
Et l’objectif de réduction de « l’écart entre hommes et femmes », cela doit être difficile à mettre en place chez vous ?
Non, pas du tout. Le fait est qu’hommes et femmes devraient être traités sur un pied d’égalité, et c’est une chose facile à comprendre pour nous, parce que cela fait partie de nos principes.
La seule difficulté que nous ayons rencontrée, c’est l’usage du terme « genre », parce que, pour nous autres Chrétiens, le « genre » est une expression à motivation idéologique, dont le sens n’est pas clair du tout.
Comme vous le savez, on s’en sert souvent pour faire référence à l’existence de quelque-chose qui ne relève ni du masculin, ni du féminin. Nous préférerions donc ne pas nous retrouver, sous prétexte de prendre des engagements univoques en faveur de l’égalité hommes-femmes, mêlés à une querelle idéologique. Nous proposons donc de remplacer systématiquement l’expression « égalité de genre » par celle d’« égalité entre hommes et femmes ». Mais cette proposition est rejetée à chaque fois. On n’aime pas l’approche chrétienne du problème. Je pense que c’est la raison de ce rejet systématique. Mais bon, cela fait partie intégrante de la politique européenne.
Cela va-t-il constituer un obstacle dans le contexte actuel ?
Pardon ?
La sémantique. Va-t-elle constituer un obstacle au cours des prochains jours ?
Non, je ne pense pas. On arrive toujours à s’arranger. On commence par quelques dissensions, mais en fin de compte, on trouve un compromis.
—
Traduit de l’anglais par le Visegrád Post https://visegradpost.com/fr/2021/05/16/viktor-orban-au-sommet-de-porto-remarques-et-reponses-a-la-presse/
L’Europe et le « Grand Jeu » du XXIe siècle 14 mai 2021
14 mai 2021 – par David Engels – VisegradPost –
Lorsqu’il y a quelques jours, le Premier ministre hongrois Viktor Orbán a refusé de signer l’une des usuelles « déclarations préoccupées » de l’UE concernant la situation des droits de l’homme à Hong Kong, le tollé habituel a parcouru les médias occidentaux, qui y ont vu un nouvel exemple des tendances « illibérales » de l’État voyou hongrois.
Loin de moi l’idée de banaliser les événements en Chine ou d’approuver les mesures prises par Pékin pour contrôler ses provinces périphériques. Toutefois, au vu des violentes émeutes aux États-Unis, en Espagne ou en France, et de la perte croissante des valeurs démocratiques fondamentales partout en Occident, la question se pose de savoir « s’il faut jeter des pierres lorsque l’on est assis dans une maison de verre », comme le dit un dicton allemand – cela est d’autant plus vrai si l’on considère la sélectivité avec laquelle l’Occident, chaque fois que cela est opportun dans les médias, se présente comme le défenseur des droits de l’homme, alors qu’en même temps, lorsque personne n’y prête attention de trop près, il conclut des contrats économiques de plusieurs milliards avec les mêmes gouvernements et est très heureux de pactiser avec des dictateurs pour autant qu’ils soient de « notre » côté. Ces considérations ne doivent pas être interprétées comme un appel cynique au relativisme moral ; au contraire, je suis plutôt préoccupé par l’idée que
l’Occident devrait se mettre à une certaine cohérence idéologique afin d’être enfin crédible tant à l’extérieur qu’à l’intérieur et d’empêcher que de nombreux citoyens tout comme nos voisins soient de plus en plus dégoûtés par le « deux poids – deux mesures » occidental, voire conspirent ensemble pour nous renverser.
Si la politique étrangère devait se fonder uniquement sur les droits de l’homme, comme le veut l’auto-représentation actuelle de l’Europe, ces derniers devraient alors tout d’abord être véritablement mis en œuvre à l’intérieur (il y aurait beaucoup à faire dans ce domaine), puis de manière cohérente et juste à l’extérieur – avec la conséquence probable que presque toutes les relations avec l’Asie ainsi qu’avec l’Afrique devraient être complètement rompues, sans parler des conséquences catastrophiques à prévoir, notamment en matière de politique économique, étant donné que notre dépendance à l’industrie de l’Asie de l’Est fait que le développement de structures industrielles équivalentes chez nous est devenu presque impossible, du moins à court et à moyen terme. Voulons-nous payer ce prix ? Si oui, allons-y !
Une autre solution consisterait à donner la priorité absolue à la protection des intérêts européens plutôt qu’à ces « droits de l’homme » usuellement fort sélectifs, et à fonder la politique étrangère de notre continent, du moins dans un premier temps, sur la garantie de notre indépendance stratégique et de notre autonomie économique maximale,
mais en s’abstenant de cet interventionnisme verbal édenté et peu crédible, afin de pouvoir ensuite, sur une base solide et dans une position de force et de crédibilité réelles, défendre le droit et la justice également à l’étranger.
Or, nous en sommes très loin, d’autant plus que l’élite politique européenne actuelle a perdu tout sens de la géopolitique ou s’est laissée instrumentaliser par des
lobbies influents qui poursuivent leurs propres objectifs et n’ont que très rarement à cœur le bien de la civilisation occidentale dans son ensemble.
Le monde de l’avenir, voire déjà du présent, est dominé par de grandes zones économico-politiques qui s’efforcent certes d’exercer une hégémonie relative sur leurs périphéries, mais n’ont aucune possibilité de parvenir à une véritable domination mondiale à long terme. La Chine, l’Inde, la Russie, les États-Unis et le Brésil sont devenus les cœurs de nouveaux empires multilatéraux qui, au mieux, maintiennent un équilibre précaire et ne se frottent qu’à leur périphérie, mais qui, au pire, pourraient plonger dans des conflits autodestructeurs.
L’Europe doit reconnaître cette situation ; qu’elle le veuille ou non, elle doit se considérer comme un autre joueur dans ce nouveau « Grand Jeu » très dangereux et se doter des institutions appropriées pour jouer ce jeu activement et efficacement afin de ne pas devenir une quantité négligeable. Pour ce faire, il est bien sûr nécessaire d’éclairer ces irréductibles qui croient encore qu’une Europe de 40 minuscules États-nations en brouille permanente aurait la moindre chance dans cette situation, et de
démasquer au grand jour le fait que ceux qui, aujourd’hui, prétendent protéger l’Europe vendent en fait les intérêts occidentaux au plus offrant.
Mais cela ne peut se réaliser que par une prise de conscience collective de notre identité historique commune, car sans cette identité, l’espoir de solidarité et ainsi de cohésion politique restera chimérique. Il s’agit donc là du véritable levier du futur de l’Europe au XXIe siècle.
Le parti nationaliste polonais Droit et justice (PiS) et son allié eurosceptique, le Premier ministre hongrois Viktor Orban, promeuvent ce qu’ils appellent les valeurs sociales traditionnelles chez eux et se sont à plusieurs reprises affrontés avec leurs pairs occidentaux plus libéraux sur les droits des femmes, des homosexuels et des migrants. CF/https://www.fr24news.com/fr/a/2021/05/la-pologne-et-la-hongrie-bloquent-legalite-des-genres-au-sommet-social-de-lue.html
David Engels
David Engels est un historien belge, travaillant actuellement à Poznan en Pologne, à l’Institut Zachodni. Spécialiste de l’histoire antique, et plus particulièrement romaine et séleucide, il est également un penseur du conservatisme européen, abordant depuis plus d’une décennie les questions relatives à l’identité dans la presse francophone et germanophone en particulier. Il publie en 2013 Le Déclin, où il compare méthodiquement l’Union européenne actuelle et la République romaine déclinante. En 2019, il publie Renovatio Europae, suivi de Que faire ?, deux ouvrages tournés vers le futur de l’Europe ; le premier concernant la réforme de ses institutions, et le second s’adressant aux individus.
https://visegradpost.com/fr/2021/05/14/leurope-et-le-grand-jeu-du-xxie-siecle/