par René Roca – Institut de recherche pour la démocratie directe (www.fidd.ch)
«Les communes d’Oberrohrdorf-Staretschwil et Niederrohrdorf près du Rohrdorferberg. Bien que les deux municipalités aient grandi ensemble, elles sont fières de leur propre histoire et de leurs particularités. Les deux communes se développent à merveille, sans fusion, et la coopération (par exemple dans le domaine des pompiers) fonctionne très bien.» (Photo: High Photo Technology 2009)
Chaque année, le Département de l’économie et des affaires intérieures du canton d’Argovie (Suisse) organise une conférence des communes. Les conseils municipaux (instances exécutives) du canton d’Argovie, comptant aujourd’hui 210 communes, sont invités à y participer. Après une présentation introductive, une discussion de podium passionnante est organisée à chaque événement au cours de laquelle des experts s’expriment sur un sujet particulier. Ensuite, les membres des autorités communales présentes profitent de l’occasion de discuter. L’événement se terminera par un apéritif où les discussions informelles se poursuivent.Cette année, tout était différent à cause de la pandémie. Malgré les circonstances difficiles, l’administration cantonale d’Aarau a réalisé l’événement de manière professionnelle par le biais d’un streaming en direct. Cette année, la conférence municipale était consacrée au thème «Opportunités et risques des fusions municipales». Toutes les présentations ainsi que la discussion ultérieure du panel sont à disposition sur le site web du canton d’Argovie (www.ag.ch; Aargauer Gemeindetagung 2020).Bien que le texte suivant se réfère au canton d’Argovie, les résultats scientifiques et les considérations s’y référant s’appliquent à d’autres cantons suisses aussi et à de pareilles évolutions ailleurs. |
Carrière politique typiquement suisse
Je suis conseiller municipal, sans appartenir à un parti, à Oberrohrdorf-Staretschwil depuis près de quinze ans, adjoint au maire depuis cinq ans. J’ai commencé ma carrière politique involontairement lorsque j’ai assisté à une manifestation d’information dans ma nouvelle commune peu après un changement de résidence, le sujet étant la possible fusion avec Niederrohrdorf, commune avoisinante. Je suis rapidement entré en contact avec d’autres citoyens critiques de la commune et nous avons fondé l’association «Pro Oberrohrdorf-Staretschwil». Nous disposions de bons arguments pour que notre commune reste indépendante. Au cours de nos engagements, nous nous sommes défendus avec succès contre une expertise coûteuse entreprenant d’examiner les effets de la fusion avec notre commune voisine. Nous avons eu du succès, aussi bien à l’assemblée communale préalable à la votation aux urnes. Pour l’élection suivante au conseil municipal, je fus proposé candidat par notre association et je fus élu. Les deux communes se développent, sans fusion jusqu’à présent, à pleine satisfaction.
Entre-temps, je me suis impliqué davantage dans la question des fusions, notamment en tant que conseiller municipal au sein du comité «Pour l’autonomie communale et une Argovie solidaire» se dressant contre les plans de la «Réforme communale argovienne» (GerAG) qui incite aux fusions, même en y aboutissant par la contrainte. Nous avons également réussi à remporter la victoire lors d’autres votations à ce sujet. Néanmoins, le canton continue ses avances soutenant malheureusement les fusions communales par le biais des conseillers et le fait d’y débloquer beaucoup d’argent, même si les résultats scientifiques montrent que ces fusions ne tiennent pas les promesses
René Roca, Institut de recherche pour la démocratie directe
Fusions de communes –
résultats scientifiques
Lors des débats sur la création éventuelle d’une fusion communale, les partisans en vantent généralement trois prétendus atouts: structures plus efficaces, professionnalisation des services communales et économies de coûts.
Ce sont donc principalement des considérations administratives et financières qui devraient inciter deux ou plusieurs municipalités à décider d’unir leurs forces en vue d’un avenir commun. Cependant, les implications politico-démocratiques et leurs effets négatifs sur la vie communale sont souvent éclipsés. A tort, parce qu’ils jouent un rôle important, même s’ils sont constamment sous-estimés et dénommés «facteurs doux», donc négligeables. Face à ce raisonnement, il est de mise de tenir compte des études scientifiques.
Réfutation de l’argument financier
En théorie comme en pratique, les fusions de communes sont souvent motivées par des prétendus effets d’épargne. On s’attend à ce que divers effets conduisent à de plus grandes synergies, ce qui réduirait les coûts. Les études sur les effets des fusions de communes sur l’efficacité, se basant jusqu’à présent sur des études de cas de fusions particulières réalisées et à des enquêtes auprès de représentants municipaux.
Christoph A. Schaltegger, professeur àl’Université de Lucerne, a mené un vaste projet de recherche visant à examiner 142 fusions de communes en dix cantons divers, entre 2001 et 2014. M. Schaltegger explique les résultats de son étude en disant:
«L’analyse montre qu’aucun effet d’économie systématique n’est perceptible, et ce pour l’ensemble des fusions de communes analysées. Par conséquent, on ne peut pas prétendre que des économies de coûts résultent automatiquement des fusions de communes».
Dans le domaine des tâches administratives, un léger effet d’économie est perceptible, il est vrai, mais aucun effet d’économie systématique n’est évident en considérant les dépenses totales.
M. Schaltegger poursuit en affirmant:
«On peut donc supposer que les économies réalisées dans le domaine de l’administration seront compensées par les augmentations de dépenses dans d’autres postes budgétaires. Aucune différence systématique entre les municipalités fusionnées et non fusionnées n’a pu être constatée, ni dans les indicateurs de développement de la population» et de «prix de l’immobilier».
Le résultat n’est donc que décevant, un «résultat zéro», le déclare M. Schaltegger. L’affirmation selon laquelle une fusion de municipalités génère des effets d’économie appartient donc plutôt aux «mythes de la fusion». A titre d’exemple, certains médias ont fait état, ces derniers temps, que les habitants du pays de Glaris, ayant connu une fusion d’envergure avec plusieurs communes, souffre d’une «gueule de bois» dorénavant, car au lieu d’économies promises il se voit confronter avec des chiffres rouges.
La démocratie communale sous le choc
