3825 – Climat – 1/La Russie ordonne un examen de ses infrastructures bâties sur le pergélisol… + 4 autres articles sur le dégel du «permafrost»

  • 1/La Russie ordonne un examen de ses infrastructures bâties sur le pergélisol – le devoir.com 6 juin 2020

  • 2/La fonte du permafrost, boîte de Pandore climatique et sanitaire – la voix du nord.fr  05/06/2020

  • 3/Le dégel du «permafrost», une bombe climatique encore mal quantifiée  – le figaro.fr  25 septembre 2019

  • 4/En Arctique, le permafrost fond 70 ans plus tôt que prévu – futura-sciences.com 22/06/2019

  • 5/La «bombe» méthane va exploser, et ça ne sera pas beau – Génération Bethune 10/12/2016

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1/La Russie ordonne un examen de ses infrastructures bâties sur le pergélisol le devoir.com

Le 29 mai, 21 000 tonnes de carburant contenu dans un réservoir appartenant au groupe minier russe Norilsk Nickel se sont déversées dans la rivière Ambarnaïa et les terrains alentour, après la rupture des piliers soutenant l’édifice. Cette image aérienne montre la dispersion du diésel.
Photo: Planet Labs Inc. via Agence France-Presse Le 29 mai, 21 000 tonnes de carburant contenu dans un réservoir appartenant au groupe minier russe Norilsk Nickel se sont déversées dans la rivière Ambarnaïa et les terrains alentour, après la rupture des piliers soutenant l’édifice. Cette image aérienne montre la dispersion du diésel.

La Russie a ordonné vendredi une vérification complète de ses infrastructures à risque bâties sur le pergélisol, fragilisé par les changements climatiques, après l’effondrement d’un réservoir de carburant ayant entraîné une grave pollution en Arctique.

Vendredi, une semaine jour pour jour après le drame, les autorités russes ont dit avoir enfin stoppé la progression des hydrocarbures qui se sont déversés en particulier dans la rivière Ambarnaïa. Il s’agit de la pire catastrophe écologique du genre dans la région, visible depuis l’espace.

Pour éviter la « répétition »d’un tel incident, le Parquet général a ordonné une « vérification complète » à travers la Russie des « infrastructures dangereuses situées dans des zones sujettes à la fonte du pergélisol », le sous-sol habituellement gelé toute l’année des régions arctiques et sibériennes, selon un communiqué.

Le 29 mai, un réservoir de diesel d’une centrale thermique appartenant au géant minier Norilsk Nickel s’est effondré près de la ville arctique de Norilsk, provoquant une fuite de 15 000 tonnes d’hydrocarbures dans le cours d’eau voisin et de 6000 tonnes sur le terrain environnant.

Les piliers soutenant l’édifice ont cédé et le dégel du sous-sol apparaît comme une cause possible de la catastrophe. Celle-ci a été qualifiée de « sans précédent » dans la région, selon l’autorité environnementale fédérale Rosprirodnadzor.

La fonte du pergélisol sous les effets des changements climatiques est considérée en Russie comme un défi majeur, car elle fragilise les villes et les infrastructures, notamment minières, gazières et pétrolières, bâties dessus depuis des décennies.

Le gouvernement russe considère ce dégel dans l’Arctique, où l’exploitation des ressources naturelles est une priorité stratégique du Kremlin, comme un risque majeur aux conséquences imprévisibles.

Autre cause possible de l’incident : l’organisme de contrôle des infrastructures Rostekhnadzor, cité par l’agence TASS, a indiqué n’avoir pas pu vérifier depuis 2016 l’état du réservoir, en exploitation depuis 35 ans, car Norilsk Nickel affirmait qu’il était en réparation.

« Pas un seul rouble »

Le président Vladimir Poutine a réprimandé vendredi Vladimir Potanine, le richissime patron de Norilsk Nickel, dont le groupe devra payer le nettoyage.

[voir le3817 — Kremlin — et/ou https://sansapriori.net/2020/06/04/3817-kremlin-1-reunion-sur-la-situation-dans-lindustrie-legere-03-06-2020-15h30-2-reunion-sur-le-nettoyage-dune-fuite-de-carburant-diesel-dans-le-territoire-de-krasnoiarsk-03-06-2020/%5D

« Pas un seul rouble du budget fédéral ne sortira », a promis M. Potanine, estimant le coût des opérations à 10 milliards de roubles plus de 195 millions de dollars canadiens).

« Si vous aviez changé en temps et en heure [ce réservoir], il n’y aurait eu aucun dommage », a rétorqué M. Poutine lors d’une visioconférence.

Eaux rouges

La progression de la pollution a été stoppée grâce au déploiement d’un barrage de confinement flottant, selon un représentant du ministère russe des Situations d’urgence de la région de Krasnoïarsk.

Et les polluants ont commencé à être pompés de la rivière Ambarnaïa qui alimente le lac et le fleuve Piassino, très importants pour l’écosystème et les populations locales.

Les agences spatiales européenne (ESA) et russe (Roskosmos) ont publié des images satellites de l’accident. Sur celles de l’ESA, qui datent du 1er juin, on voit plusieurs branches de la rivière teintées de rouge sur une longueur supérieure à deux kilomètres.

Les secours sont à pied d’œuvre pour tenter de limiter les dégâts, dans un contexte compliqué par les difficultés d’accès, la faible profondeur de la rivière empêchant les opérations en bateau, et le terrain marécageux au printemps.

Ils prévoient de pomper les hydrocarbures et de les stocker sur place dans des conteneurs en attendant l’hiver, lorsque le gel aura rendu le terrain plus praticable. Jusqu’ici, 200 tonnes ont pu être sorties des eaux.

Norilsk Nickel, un des premiers producteurs mondiaux de nickel et de palladium, n’en est pas à son premier accident écologique : en 2016, une de ses usines avait déversé par inadvertance des produits chimiques dans une rivière proche de l’actuelle catastrophe.

La Russie est particulièrement exposée aux changements climatiques. L’été dernier, de gigantesques feux de forêt et des inondations, attribués à l’évolution du climat, avaient notamment meurtri la Sibérie.

Si M. Poutine s’est engagé à réduire les émissions russes de gaz à effet de serre, il a aussi affirmé en décembre que « personne » ne connaissait « les causes des changements climatiques », jugeant « très difficile » d’évaluer l’influence humaine sur le climat.


SOURCE/https://www.ledevoir.com/monde/580313/environnement-la-russie-ordonne-un-examen-de-ses-infrastructures-baties-sur-le-pergelisol?fbclid=IwAR11ShoCCmeE5u_CbboS-g4kuR352Dbd5P1nE6hEsA2Jn6qSl_1azPz8SP4


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2/La fonte du permafrost, boîte de Pandore climatique et sanitaire – la voix du nord.fr 

La fonte du permafrost, boîte de Pandore climatique et sanitaire

Le 29 mai, 21 000 tonnes de carburant contenu dans un réservoir, appartenant au grand groupe minier russe Norilsk Nickel, se sont déversées dans une rivière et les terrains alentour, après la rupture des piliers soutenant l’édifice.

Qu’est-ce que le permafrost ?

Pergélisol en français, permafrost en anglais, ces sols gelés toute l’année recouvrent un quart des terres émergées de l’hémisphère nord, notamment en Russie, au Canada et en Alaska. Ils peuvent être composés de micro-lentilles de glace ou de grosses masses de glace pure, sur une épaisseur de quelques mètres à plusieurs centaines de mètres.

Ils renferment quelque 1 700 milliards de tonnes de carbone, soit environ le double du dioxyde de carbone (CO2) déjà présent dans l’atmosphère.

– Une accélération du réchauffement

Avec la hausse des températures, le permafrost se réchauffe et commence à fondre, libérant progressivement les gaz qu’il neutralisait jusque-là. Et le phénomène devrait s’accélérer, selon les scientifiques, qui décrivent un cercle vicieux : les gaz émis par le permafrost accélèrent le réchauffement, qui accélère la fonte du permafrost.

Selon le rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) sur les océans et la cryosphère dévoilé en septembre 2019, une fonte « importante » du permafrost pourrait se produire d’ici 2100 si les émissions de CO2 ne sont pas réduites, ce qui provoquerait le relâchement de dizaines voire de centaines de milliards de tonnes de gaz à effet de serre.

– Des virus millénaires sous la glace

Outre ses effets climatiques, la fonte du permafrost, qui abrite des bactéries et virus parfois oubliés, représente aussi une menace sanitaire.

Pendant l’été 2016, un enfant est mort en Sibérie de la maladie du charbon (anthrax), pourtant disparue depuis 75 ans dans cette région. Pour les scientifiques, l’origine remontait très probablement au dégel d’un cadavre de renne mort de l’anthrax il y a plusieurs dizaines d’années. Libérée, la bactérie mortelle, qui se conserve dans le permafrost pendant plus d’un siècle, a réinfecté des troupeaux.

Et la menace ne se limite pas à l’anthrax. Des chercheurs ont découvert ces dernières années deux types de virus géants, dont l’un vieux de 30 000 ans, conservés dans le permafrost.


SOURCE/https://www.lavoixdunord.fr/761928/article/2020-06-05/la-fonte-du-permafrost-boite-de-pandore-climatique-et-sanitaire


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3/Le dégel du «permafrost», une bombe climatique encore mal quantifiée  – le figaro.fr 

En gelant, ces sols ont emprisonné des quantités colossales de carbone qui n’attendent que le dégel pour être émis vers l’atmosphère.

Par Cyrille Vanlerberghe
Le Giec rapporte que le permafrost des régions arctiques et boréales contient entre 1460 et 1600 milliards de tonnes de carbone organique.
Le Giec rapporte que le permafrost des régions arctiques et boréales contient entre 1460 et 1600 milliards de tonnes de carbone organique. JOE RAEDLE/AFP 

1600 milliards de tonnes de carbone organique. JOE RAEDLE/AFP

Le dégel du «permafrost», ou pergélisol en français, est peut-être l’un des points les plus inquiétants du dernier rapport du Giec consacré aux mers et aux glaces. Le devenir de ces sols gelés en permanence, en grande majorité dans les régions arctiques, Grand Nord canadien, Alaska et Sibérie, mais aussi en haute montagne, est assez fondamental pour l’avenir du climat de notre planète. Car en gelant, ces sols ont emprisonné des quantités colossales de carbone, des débris végétaux qui ne sont pas complètement décomposés, et n’attendent que le dégel pour être émis vers l’atmosphère.

» LIRE AUSSI – Tout comprendre sur la fonte des glaces et la montée des océans

Le Giec rapporte que le permafrost des régions arctiques et boréales contient entre 1460 et 1600 milliards de tonnes de carbone organique!

Pour mieux comprendre l’ampleur de ces chiffres astronomiques, cela correspond presque au double du carbone présent aujourd’hui dans l’atmosphère. «Il y a un gros risque que le pergélisol participe à une accélération du réchauffement à une échelle de 20 à 30 ans», avertit Florent Dominé, directeur de recherche CNRS détaché à l’université Laval à Québec pour étudier le dégel des sols.

Pour les scientifiques, la grande question est donc de savoir à quelle vitesse, et dans quelle proportion, le carbone piégé dans les sols gelés va finir dans l’atmosphère. À chaque étape, les processus sont complexes et les incertitudes nombreuses, rendant les projections difficiles.

Le «scénario du pire»

Seule certitude, les régions arctiques se réchauffent déjà, et plus vite que l’ensemble de la planète. La couverture neigeuse décroît rapidement, ce qui est dramatique car les sols nus captent 4 fois plus vite la chaleur du soleil que ceux recouverts par la neige! Les projections données par le Giec comportent de très importantes marges d’erreur, de plus ou moins 20 %, qui montrent les forts niveaux d’incertitudes. Si rien n’est fait pour limiter les émissions de gaz à effet de serre, le «scénario du pire» donné par le Giec envisage le dégel de 69 % des sols arctiques d’ici 2100. Pour le scénario «optimiste», avec des émissions de CO2 très réduites, le permafrost perdrait 24 % de sa surface actuelle à la fin du siècle.

 

Le seul espoir, mis en avant par certains scientifiques, est que le verdissement de la toundra dans l’Arctique, vienne piéger assez de carbone pour compenser les émissions

 

L’écart entre les deux scénarios est important, et d’autres inconnues, comme la manière dont le carbone va partir vers l’atmosphère, s’y ajoutent.

«Il ne faut pas imaginer qu’on a du méthane et du dioxyde de carbone dans le pergélisol qui vont dégazer directement avec le dégel», précise Florent Dominé.

«Pour que le carbone des anciens débris végétaux se retrouve dans l’atmosphère, il faut qu’il se fasse métaboliser par des micro-organismes. Et c’est un processus qui est long dans des sols qui restent quand même assez froids.»

Mais un phénomène difficile à prévoir pourrait grandement accélérer le processus: certains sols contiennent beaucoup d’eau gelée, qui, en fondant d’un coup, entraînerait un effondrement des sols, provoquant un départ rapide du carbone dans les rivières, où il se décompose plus vite.

Le seul espoir, mis en avant par certains scientifiques, est que le verdissement de la toundra dans l’Arctique, avec l’apparition de végétations sur d’anciens sols gelés, vienne piéger assez de carbone pour compenser les émissions. L’effet pourrait suffire, à court terme, «mais ne pourra pas contrebalancer les rejets sur le long terme», avertit le Giec.

source/https://www.lefigaro.fr/sciences/le-degel-du-permafrost-une-bombe-climatique-encore-mal-quantifiee-20190925
 
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4/En Arctique, le permafrost fond 70 ans plus tôt que prévu – futura-sciences.com 22/06/2019

Notre planète se réchauffe dangereusement. De plus en plus d’études le confirment. Mais aujourd’hui, une nouvelle découverte, celle de la fonte du permafrost des îles arctiques du Canada, pourrait indiquer que la crise climatique s’installe plus rapidement encore que les scientifiques ne l’avaient craint.

 

Ce que les chercheurs appellent permafrost – ou encore pergélisol – c’est une couche de terre, de roche ou de sédiments qui présente la particularité de rester gelée pendant plus de deux années consécutives. Il recouvre aujourd’hui environ un quart de notre hémisphère Nord. Et des chercheurs de l’université d’Alaska Fairbanks (États-Unis) viennent de découvrir que le permafrost des îles arctiques du Canada a commencé à fondre.

Une nouvelle qui suscite l’inquiétude pour deux raisons. D’abord parce que les modèles climatiques établis par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) ne prévoyaient pas un tel dégel avant… 2090 ! Ensuite parce que cette fonte du permafrost pourrait bien accélérer encore un peu plus le réchauffement climatique en libérant dans l’atmosphère une grande quantité de gaz à effet de serre.

Entre 2003 et 2016, les îles arctiques du Canada ont connu une succession d’étés anormalement chauds. Résultat, des indices de dégels moyens de 150 à 240 % supérieurs à la normale de 1979-2000. « Nous avons été sidérés en découvrant que le permafrost avait réagi aussi rapidement aux températures élevées de l’air », raconte Louise Farquharson, chercheuse à l’université d’Alaska. Une conséquence aussi, semble-t-il, du faible amortissement thermique des couches organiques et de la végétation présentes au sol dans la région et de la présence de glace de sol près de la surface.

Des lacs créés par le dégel du permafrost arctique comme autant de sources d’émission de gaz à effet de serre. © Louise Farquharson, Université d’Alaska Fairbanks

La menace des gaz à effet de serre

C’est grâce à un avion à hélice modifiée que les chercheurs ont pu explorer des sites situés parfois à plusieurs centaines de kilomètres des sites habituellement explorés. « Le paysage que nous avons découvert en 2016 était méconnaissable », rapporte Vladimir Romanovsky, professeur de géophysique. Sans rapport avec celui qui prévalait il y a dix ans seulement, lors de leur dernière visite. Car lorsque les couches supérieures du permafrost disparaissent, le sol s’enfonce. Dans certains endroits de quelque 90 centimètres, présentent les chercheurs. Et la végétation commence à se développer.

« Rien ne dit que le phénomène n’affecte pas une région beaucoup plus vaste que celle que nous avons étudiée », poursuit Louise Farquharson. Une situation inquiétante, car un dégel rapide du permafrost pourrait libérer dans l’atmosphère, une importante quantité de gaz à effet de serre, créant une boucle de rétroaction qui alimenterait une montée en température encore plus rapide.

C’est comme si vous ouvriez la porte d’un congélateur géant

« Le permafrost est rempli de matières organiques et végétales. S’il se met à fondre, c’est comme si vous ouvriez la porte d’un congélateur géant. Les microbes vont dégrader ces matières et les transformer en CO2. » Un problème majeur lorsque l’on sait que la quantité de CO2 piégée dans le permafrost équivaut à quatre fois celle que les activités humaines ont émise depuis le milieu du XIXe siècle.

  • Le permafrost des îles arctiques du Canada a commencé à fondre.

  • C’est 70 ans plus tôt que ce qu’avaient prévu les scénarios climatiques du GIEC.

  • Un constat inquiétant, car ce dégel pourrait libérer dans l’atmosphère, une grande quantité de gaz à effet de serre, provoquant ainsi une montée des températures encore plus rapide.

Pour en savoir plus

La fonte du permafrost est une bombe climatique et sanitaire à retardement

Les sols gelés du permafrost menacent, en fondant, de libérer des virus oubliés et des milliards de tonnes de gaz à effet de serre (GES) qu’ils emprisonnent depuis des millénaires, au risque notamment de provoquer un emballement du réchauffement climatique.

Article de Futura avec l’AFP-Relaxnews paru le 08/12/2018

Les pergélisols sont souvent permanents au-delà du 60e degré de latitude nord. La congélation du sol provoque de nombreux changements de ses propriétés physiques. © Fotolia


Pergélisol en français, permafrost en anglais, ces sols gelés toute l’année recouvrent 25 % des terres émergées de l’hémisphère Nord, notamment en Russie, au Canada et en Alaska. Ils peuvent être composés de microlentilles de glace ou de grosses masses de glace pure, sur une épaisseur de quelques mètres à plusieurs centaines de mètres.

Ils renferment pas moins de 1.700 milliards de tonnes de carbone, soit environ le double du dioxyde de carbone (CO2) déjà présent dans l’atmosphère.

Avec la hausse des températures, le permafrost se réchauffe et commence à fondre, libérant progressivement les gaz qu’il neutralisait jusque-là. Et le phénomène devrait s’accélérer avec le changement climatique en cours, selon les scientifiques.

Accélération du réchauffement climatique

La fonte du permafrost hypothèque déjà l’objectif, énoncé par l’accord de Paris, de contenir le réchauffement climatique à moins de +1,5 °C par rapport à l’ère préindustrielle, selon une étude scientifique publiée en septembre.

Ses auteurs décrivent un cercle vicieux : les gaz émis par le permafrost accélèrent le réchauffement, qui accélère la fonte du permafrost. D’ici à 2100, ce dernier pourrait, selon le scénario le moins noir, diminuer de 30 % et libérer jusqu’à 160 milliards de tonnes de GES, alertait en 2015 la chercheuse Susan Natali, du Woods Hole Research Center.

De nombreuses habitations de Iakoutsk en Sibérie sont abîmées ou fissurées, comme le montre Edouard Romanov, le 26 novembre 2018. © Mladen Antonov, AFP

Virus oubliés-libérés du pergélisol

Outre ses effets climatiques, la fonte du permafrost, qui abrite des bactéries et des virus parfois oubliés, représente aussi une menace sanitaire.

Pendant l’été 2016, un enfant est mort en Sibérie de la maladie du charbon (anthrax), pourtant disparue depuis 75 ans dans cette région. Pour les scientifiques, l’origine remontait très probablement au dégel d’un cadavre de renne mort de l’anthrax il y a plusieurs dizaines d’années. Libérée, la bactérie mortelle, qui se conserve dans le permafrost pendant plus d’un siècle, a réinfecté des troupeaux.

Et la menace ne se limite pas à l’anthrax. Des chercheurs ont découvert ces dernières années deux types de virus géants, dont l’un vieux de 30.000 ans, conservés dans le permafrost. Dans ces régions arctiques, que la fonte du permafrost a rendues plus accessibles pour l’industrie minière et pétrolière, les scientifiques préviennent que certains de ces virus pourraient se réveiller un jour si les Hommes remuent trop en profondeur les sous-sols.

Enfin, la fonte du permafrost cause également de coûteux dégâts matériels : bâtiments écroulés, glissements de terrain, routes et tarmacs instables. Selon un rapport de Greenpeace publié en 2009, les compagnies russes dépensaient à l’époque jusqu’à 1,3 milliard d’euros par an pour réparer les pipelines, immeubles et ponts déformés par les effets du réchauffement et de la fonte des terres gelées.


Pergélisols arctiques : une bombe climatique plus grosse que prévue ?

Article de Quentin Mauduit publié le 13 décembre 2012

Les pergélisols s’étendraient sur un quart des terres émergées de l’hémisphère nord. Ils se caractérisent par la présence de sous-sols gelés depuis plus de 2 ans. Ils font actuellement l’objet de nombreuses attentions. En effet, le réchauffement climatique induit par diverses pollutions d’origine anthropique pourrait les faire fondre progressivement dans les décennies à venir. Or, ils abritent d’importantes quantités de carbone qui, si elles sont libérées, amplifieront le réchauffement climatique. La boucle est pour le moins vicieuse.

Afin d’estimer les risques qui pourraient accompagner la fonte de ces territoires, les quantités de carbone qu’ils abritent doivent être connues. Leur caractérisation est cependant ardue car de nombreux forages sont requis au sein de régions reculées du globe, notamment en Alaska, au Canada ou en Sibérie. En 2009, une étude a été basée sur des sondages réalisés jusqu’à 3 m de profondeur sur 45 sites pour fournir une estimation se voulant précise du carbone emprisonné dans les sous-sols gelés de l’Arctique : environ 1.600 milliards de tonnes.

Ce chiffre vient d’être remis en cause par Gustaf Hugelius de l’université de Stockholm lors de la rencontre automnale de l’American Geophysical Union (AGU). Ce chercheur a analysé 405 sites supplémentaires en étudiant des archives ou en réalisant de nouveaux forages sur le terrain. Selon lui, les pergélisols renfermeraient 1.894 milliards de tonnes de carbone, soit 13 % de plus que la précédente estimation.

Cette vidéo séquentielle montre la fonte d’un pergélisol en Alaska durant l’été 2010, ainsi que ses conséquences sur les sols. Le dégel des pergélisols de l’Arctique pourrait libérer environ 20 % de leur carbone en 50 ans. © sarahegodsey, Youtube

Les pergélisols, une bombe climatique à retardement

Connaître les réserves de cet élément ne suffit pas pour estimer le risque climatique. La surface totale des pergélisols amenés à fondre à l’avenir doit également être connue, tout comme la quantité de CO2 qu’émettront les micro-organismes dans l’atmosphère en consommant le carbone libéré. Selon une étude parue plus tôt cette année, et si les émissions de gaz à effet de serre se maintiennent à leur niveau actuel, 436 milliards de tonnes de carbone pourraient être ainsi libérées d’ici 2100.

Durant la même réunion, Christina Schaedel de l’université de Floride à Gainesville a présenté ses conclusions quant à la proportion de carbone qui va être libérée dans l’atmosphère. Pour ce faire, elle a compilé des informations récoltées dans 9 articles scientifiques relatant des résultats d’expériences similaires. Des échantillons de sous-sols gelés ont été prélevés puis placés dans des bouteilles maintenues à température constante durant une ou plusieurs années. Le CO2 émis a été récolté puis quantifié. Selon une estimation dite conservative, les pergélisols dégelés pourraient libérer environ 20 % de leur carbone en 50 ans.

Au final, la fonte des sols gelés de l’Arctique pourrait provoquer une libération rapide de CO2 équivalente à environ deux fois les émissions annuelles mondiales d’origine anthropique de dioxyde de carbone. Si elle survient, cette impulsion accélérerait le réchauffement climatique, tout comme l’augmentation du niveau des mers et l’acidification des océans qui en découlent. La fonte de l’Arctique représenterait donc une bombe climatique à retardement encore plus puissante qu’on le pensait jusqu’alors.

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La fonte du pergélisol favorise le réchauffement climatique  Le pergélisol, ou permafrost en anglais, regroupe les sols de notre planète qui sont gelés en permanence. Il est menacé de fonte définitive par le réchauffement climatique. Sa disparition inquiète les scientifiques. Le Cnes nous en dit plus au cours de cette vidéo.