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1/La gestion du COVID-19 à Cuba … Neuf millions de visites à domicile et un maximum de soins pour toutes et tous … 14/04/2020 …
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2/Cuba face au coronavirus, dans l’île et dans le monde …05/04/2020

1/La gestion du COVID-19 à Cuba … Neuf millions de visites à domicile et un maximum de soins pour toutes et tous … 14/04/2020
Nous avons un objectif : ne pas attendre que les gens viennent se faire soigner, mais rechercher consciemment les personnes infectées et les traquer à temps. Notre message est « restez chez vous, mais ouvrez aussi votre porte », explique la stagiaire Laura Perez Joglar.
Les brigades médicales envoyées par Cuba en Europe, entre autres en Italie et à Andorre, font l’objet d’un grand respect au niveau international. L’île n’est pas non plus épargnée par le COVID-19. Une première infection avait été détectée le 11 mars chez un touriste italien, dans la ville animée de Trinidad.
Plus de trois semaines plus tard (3 avril 2020), Cuba comptait 233 patients infectés par le coronavirus COVID-19/SARS-CoV-2, dont six sont malheureusement décédés. 2 742 personnes sont hospitalisées en observation, et 26 000 autres sont suivies à domicile par un service de soins de santé de première ligne.
Un des systèmes de santé publique les mieux développés au monde
La manière dont chaque pays gère la crise du coronavirus dépend directement de son contexte politique et social. À cet égard, le contexte socialiste cubain est tout à fait unique. Cuba a en effet mis sur pied l’un des systèmes de santé publique les plus développés au monde et ce, avec un produit intérieur brut (PIB) 10 fois inférieur à celui de la Belgique. Le pays consacre environ 30 % de son budget national aux soins de santé. À titre de comparaison, en Belgique, ce chiffre est d’environ 13 %
C’est grâce à ce système de santé basé sur la prévention et axé sur une participation massive de la population, que Cuba est mieux armée que d’autres pays à la lutte contre le COVID-19
À Cuba, tous les indicateurs de santé se situent au niveau de l’UE, et bien au-dessus des valeurs des États-Unis. Pourquoi ? Parce que l’accent est mis sur la prévention et les soins de santé de première ligne. Privilégier une approche préventive de la santé permet d’alléger le coût des soins. C’est grâce à ce système de santé basé sur la prévention et axé sur une participation massive de la population, que Cuba est mieux armée que d’autres pays à la lutte contre le COVID-19.
José Angel Portal Miranda, ministre cubain de la Santé.
Bien sûr, Cuba est également confrontée à des défis majeurs, ne serait-ce qu’en raison de la létalité du virus. L’impact économique du durcissement des sanctions américaines contre l’île complique encore gravement les choses. « Le virus Sars-CoV-2 est l’un des plus grands défis de l’humanité dans notre histoire. Or Cuba doit y fait face alors que le blocus impose d’énormes restrictions économiques et financières à notre pays », a déclaré José Angel Portal Miranda, ministre cubain de la Santé.
Suivi et isolement
Cuba gère la pandémie tout autrement que la Belgique. Le traçage et l’isolement sont essentiels, et ce, alors même que les capacités de test sont limitées. Les services de santé cubains entendent interrompre immédiatement toute chaîne de contamination. Tout cas suspect est testé immédiatement et, si le résultat est positif, l’individu est complètement isolé et l’ensemble de son réseau est cartographié (contact tracing), afin de détecter d’autres infections potentielles, les tester et les isoler le cas échéant.
Les personnes présentant des symptômes modérés pouvant indiquer une infection sont immédiatement hospitalisées et soignées, sans même attendre de savoir si elles sont infectées ou non. Un groupe beaucoup plus large de personnes asymptomatiques ou présentant des symptômes légers sont sous surveillance médicale quotidienne, en confinement à domicile, ou dans des centres d’isolement créés récemment. Ces quelque 26 000 personnes actuellement confinées et suivies ont été en contact avec des cas suspects, viennent de rentrer de l’étranger ou ont été dépistées comme « potentiellement infectées » par les services sanitaires.
Pourtant, Cuba a des capacités de test limitées, en raison du coût des tests mais aussi de la disponibilité des réactifs (produits chimiques) et de matériaux de test tels que des écouvillons. Le blocus économique et financier des États-Unis pèse lourdement sur les services de santé cubains. Ainsi, un stock important de kits de tests et d’équipements de protection en provenance de Chine n’a pas pu être livré à Cuba car la société de transport américaine chargée de la livraison a préféré éviter une amende pour avoir violé la législation américaine sur le blocus.
Une bonne préparation
Cuba a mis en place un plan de prévention dès le début de l’épidémie à Wuhan, en Chine. Des réunions d’information spéciales ont été organisées dans tous les districts, entreprises et comités par des organisations sociales telles que le département syndical, l’organisation des femmes ou les comités de quartier. Cuba compte beaucoup sur la participation du peuple cubain. Depuis qu’Internet est davantage accessible sur l’île, les Cubains sont tout aussi accros à leur smartphone que nous. Cuba a dès lors développé une application COVID-19 où sont présentées quantités d’informations médicales et de mises à jour.
Le pays a également mis l’accent sur la formation et le perfectionnement de tous les travailleurs de la santé du pays, des cabinets de proximité aux polycliniques et aux hôpitaux généraux en passant par les hôpitaux de référence spécialisés. Cuba compte deux instituts tropicaux renommés qui ont immédiatement commencé à centraliser toutes les informations sur le COVID-19.
Un important chargement de kits de tests et d’équipements de protection en provenance de Chine n’a pas pu être livré à Cuba en raison du blocus américain.
Des visites à domicile en masse
Cuba compte un médecin pour 150 personnes. Les centres de santé de district, où officient des médecins généralistes et des infirmières, sont au cœur des soins de santé. Ces médecins et infirmières vivent dans le quartier ou le village et connaissent bien leurs patients. Cuba s’enorgueillit de connaître en détail l’état de santé de toute sa population. L’île dispose d’une énorme quantité de données statistiques, non seulement pour les personnes qui souffrent fréquemment de problèmes de santé, mais aussi pour la population en bonne santé. Chaque Cubain passe plusieurs fois par an un examen préventif chez son généraliste, qui travaille dans le poste de santé de son quartier.
Cette approche axée sur la prévention constitue en soi une base solide lorsqu’une situation hors-norme se produit. Ce même réseau de professionnels de la santé qui assure le suivi proactif de la population en temps normal est aujourd’hui déployéen masse pour détecter les infections au coronavirus. Les services de santé cubains connaissent leurs groupes de population « les plus vulnérables » et peuvent donc travailler plus spécifiquement avec eux.
La majorité des patients actuellement isolés à domicile ont été détectés dans le cadre d’une vaste campagne de visites à domicile, organisées dans un seul but : ne pas attendre que les gens viennent se faire soigner, mais chercher activement les personnes contaminées et les trouver le plus vite possible, avant qu’elles n’en infectent d’autres.
Les agents de santé locaux sont aidés par 28 000 étudiants en médecine, travailleurs sociaux et militants de la fédération des femmes, mais aussi des organisations de jeunesse et des comités de quartier. Ils font du porte à porte, sans aucun contact physique et en restant à une distance adéquate. Ils interrogent les citoyens à l’aide d’un questionnaire et leur demandent comment ils vont. Si une personne présente une toux sèche ou de la fièvre elle est immédiatement envoyée au poste de santé. Grâce à ce type de visite médicale sur le seuil de la porte, les Cubains se sentent aussi un peu rassurés.
Dans la mesure du possible, elles sont quotidiennes. Parallèlement à la détection proactive de problèmes de santé, elles servent également à mettre un peu de baume au cœur à tous les Cubains, en particulier les groupes vulnérables. C’est par exemple l’occasion de proposer de l’aide pour faire des courses. Jusqu’à présent, neuf millions de personnes, soit environ les trois quarts de la population cubaine, ont reçu ce type de visite.
| Bonjour, comment allez-vous aujourd’hui ?
Laura Pérez Joglar est interne en neurochirurgie à l’Institut de neurologie et de neurochirurgie de La Havane. Elle est aussi l’une des 28 000 étudiants en médecine qui s’occupent du traçage des cas. « Nous allons de porte en porte dans le quartier. Nous interrogeons les familles sur les symptômes possibles et les informons de toutes les mesures à prendre pour se protéger contre cette pandémie.Nous avons un objectif : ne pas attendre que les gens viennent se faire soigner, mais chercher activement les personnes contaminées et les trouver le plus vite possible, avant qu’elles n’en infectent d’autres. Notre message est : ‘Restez chez vous, mais ouvrez la porte’.Bien sûr, j’ai parfois peur d’être infectée. J’en discute parfois, surtout avec ma famille. Elle m’oblige presque à me baigner dans le chlore quand je rentre à la maison après ma journée de travail. Mais elle est avant tout fière de moi.Jusqu’à présent, nous avons toujours reçu un accueil chaleureux. Nous faisons savoir aux gens que la situation va s’améliorer et que nous en sortirons plus forts et plus unis. Ils nous disent toujours : ‘Prenez bien soin de nous’. Une petite minorité râle un peu que nous passions les voir tous les matins, mais tout le monde comprend pourquoi nous le faisons. Nous voulons garder les infections sous contrôle.Les personnes âgées sont souvent ravies que nous leur rendions visites. Pour elles, surtout lorsqu’elle vivent seules, nous avons aussi une autre fonction, dans la mesure où nous leur proposons de l’aide, pour les courses et autres. Une personne m’a dit : ‘J’ai un respect infini pour vous. J’aimerais tant pouvoir vous serrer dans mes bras. Vous êtes notre fierté, continuez comme ça’. C’est le plus beau compliment que l’on m’ait jamais fait. La population applaudit également le personnel de santé cubain tous les soirs à 21 heures. Ça aussi, ça fait chaud au cœur ». |
SOURCE/https://www.solidaire.org/articles/la-gestion-du-covid-19-cuba-9-millions-de-visites-domicile-et-un-maximum-de-soins-pour#.XpW8_aV60C4.facebook

2/Cuba face au coronavirus, dans l’île et dans le monde

Cuba est un archipel de presque 12 millions d’habitants, niché au sein d’un espace géopolitique complexe. À l’occasion de la crise du Covid-19, le petit pays caribéen, souvent présenté comme celui du « régime castriste » – y compris depuis la mort de Fidel Castro en novembre 2016 et la fin de la présidence de Raul Castro en avril 2018 – a une fois de plus fait montre d’un internationalisme parfois décrié en envoyant des médecins en Italie combattre le Covid-19.
La longue tradition de l’aide médicale internationale cubaine
Certains des 53 personnels (soignants et administratifs) arrivés le 22 mars dernier en Lombardie avaient participé en 2014 à la lutte contre le virus Ebola en Afrique. Ce continent avait déjà bénéficié de l’aide logistico-militaire cubaine lors de ses indépendances (on pense aux interventions en Angola ou au Mozambique, ou encore au soutien à l’Algérie), tout comme l’Amérique latine a été le terrain de multiples opérations médicales et humanitaires impulsées par Cuba (par exemple l’Operación Milagro).
Les diverses missions soutenues par Cuba de par le monde se poursuivent actuellement, en pleine crise sanitaire. Si Cuba peut ainsi « exporter » ses médecins, c’est parce que ces derniers sont internationalement reconnus. La contribution des épidémiologistes et virologues cubains a notamment été déterminante dans la lutte contre l’épidémie de choléra survenue en Haïti après le séisme de 2010.
Des chercheurs cubains collaborent actuellement avec leurs homologues chinois au développement d’un remède au Covid-19, appelé « Interferon Alpha-2b Recombinant » (utilisé à Cuba depuis plusieurs années dans le traitement d’autres maladies). Plusieurs départements d’outre-mer français géographiquement proches de Cuba ont déjà accepté de recevoir l’aide médicale de La Havane ; c’est également le cas de divers autres pays de la région comme la Jamaïque, le Suriname, la Grenade ou encore le Nicaragua.

Des médecins et infirmières de la Brigade médicale internationale Henry Reeve de Cuba font leurs adieux avant de se rendre en Italie pour contribuer à la lutte contre la pandémie de Covid-19, à La Havane, le 21 mars 2020. Yamil Lage/AFP
Certains accuseront le gouvernement révolutionnaire de profiter de la situation pour vouloir obtenir des contrats, de l’argent et d’autres bénéfices (comme le font bien d’autres pays à différents niveaux), quand d’autres rétorqueront que penser que Cuba est internationaliste par opportunisme, afin d’éviter l’isolement total, c’est méconnaître la Révolution cubaine et ses principes. Quoi qu’il en soit, l’Ile a activé tous les rouages de son système de santé, tant à l’étranger qu’à l’intérieur de ses frontières.
Une population bien préparée
La population cubaine est bien préparée à ce qui l’attend sur son territoire. Elle sait que le virus est déjà présent dans l’île, avec plusieurs dizaines de cas détectés en quelques jours (48 cas avérés au 24 mars 2020, 57 au 26 mars, 119 au 29 mars, 186 au 1er avril). Six décès sont à déplorer pour le moment, et près de 3 000 personnes sont hospitalisées car présentant les symptômes de la maladie.
Les premiers cas ayant été « importés », les Cubains comprennent la décision gouvernementale de fermer les frontières du pays, lequel dépend pourtant largement de la manne financière du tourisme (une industrie qui a rapporté à Cuba plus de 3 milliards de dollars de bénéfices en 2018)… Les touristes encore présents dans l’Ile (32 500 d’après le premier ministre Manuel Marrero) ont été placés en quarantaine. Le président Díaz Canel a également annoncé la fermeture des établissements scolaires pour un mois, en précisant qu’il incombait aux familles de s’assurer que les enfants restent à la maison et ne passent pas leur journée dans les rues. Il a par ailleurs insisté sur la nécessité de respecter la distanciation sociale pour freiner la propagation du virus, y compris dans les files d’attente que les Cubains ne connaissent que trop bien, notamment devant les magasins d’État.

Le médecin cubain Liz Caballero (G) fait du porte à porte à la recherche de cas possibles de Covid-19, à La Havane le 31 mars 2020. Adalberto Roque/AFP
De nombreuses informations sont diffusées par les canaux officiels, sur la transmission du Covid-19 et les moyens à mettre en œuvre pour en éviter la propagation. Chacun prend ainsi la mesure du rôle qu’il a à jouer dans la guerre contre cet ennemi invisible et finalement inconnu.
Des citoyens et des cuentapropistas (Cubains qui travaillent à leur compte) se font couturiers et fabriquent des masques en tissu, car les masques chirurgicaux manquent, et chacun prend ses distances en attendant un éventuel confinement, qui serait catastrophique pour l’économie.
La population cubaine comprend la gravité de la situation et réagit avec calme, même si les craintes d’une crise alimentaire sont vives (le fantôme de la Période spéciale en temps de paix provoquée par la chute de l’URSS rôde encore dans l’Ile). Les gestes barrières à adopter sont compris et appliqués comme des mesures de civisme. Les CDR (Comités de Défense de la Révolution) aident à la diffusion des consignes transmises par le gouvernement, et surveillent l’apparition de symptômes parmi la population.
Il s’agit d’une crise sans précédent pour beaucoup d’habitants de cette planète, mais les Cubains sont habitués à vivre avec des bouleversements violents, qu’ils soient provoqués par les ravages d’un ouragan ou le blocus financier et politique imposé par les États-Unis, encore renforcé depuis l’arrivée au pouvoir de Donald Trump. Aucun risque, donc, de les voir se battre dans les supermarchés pour quelques rouleaux de papier hygiénique, eux qui vivent depuis des décennies avec un carnet de rationnement (la « libreta ») et subissent au quotidien des pénuries en tout genre.

La Havane, 16 mars 2020. Yamil Lage/AFP
Un assouplissement de l’embargo ?
Les Cubains peuvent étudier gratuitement la médecine (tout comme les étudiants étrangers accueillis au sein de l’ELAM, École latino-américaine de médecine) et bénéficient d’un taux de médecins par habitant plus qu’honorable, mais n’ont pas toujours accès aux médicaments les plus basiques du fait des lois extraterritoriales états-uniennes.
La Haut Commissaire aux droits de l’Homme de l’ONU, l’ancienne présidente du Chili Michelle Bachelet, vient d’ailleurs de demander un assouplissement des restrictions et sanctions en vigueur contre Cuba, afin d’aider l’Ile à développer des traitements contre la maladie.
Sans tomber dans l’angélisme, on peut se demander si, dans le contexte actuel, le nouvel engagement cubain sur des fronts lointains ne remet pas en question les notions de pays « développés » et « en voie de développement ». Qu’est-ce que le développement s’il n’est lié à l’humain ? Cette aide d’un pays dont on ne parle que peu, ou que l’on ne connaît que par le biais de stéréotypes (la triade « rhum, cigares, Che »), à de grandes puissances européennes comme l’Italie ou la France pousse sans doute à la réflexion…
source/https://theconversation.com/cuba-face-au-coronavirus-dans-lile-et-dans-le-monde-135455
Hôpital Cuba

