Willy Wimmer
par Willy Wimmer – Horizons et débats – N° 23, 28 octobre 2019
La Serbie, l’Albanie et la Macédoine du Nord planifient une coopération plus étroite
km. Le quotidien berlinois «Tagesspiegel» est probablement le seul journal de langue allemande, ayant parlé le 14 octobre d’une rencontre entre le chef du gouvernement albanais Rama, le président serbe Vucic et le Premier ministre Zaev de la Macédoine du Nord.
Le Premier ministre albanais Edi Rama (G), son homologue macédonien Zoran Zaev (D) et le président serbe Aleksandar Vucic (C) posent pour une photo avec leur rencontre le 10 octobre 2019 à Novi Sad en Serbie Photo OLIVER BUNIC. AFP
Les trois hommes politiques ont décidé de promouvoir leur coopération régionale en créant une «mini-zone Schengen».
A partir de 2021, il est prévu d’assurer la libre circulation des personnes, des biens, des services et des capitaux entre les trois pays. L’initiative est également ouverte aux autres États des Balkans occidentaux. Les divergences d’opinion sur le Kosovo ne devraient plus constituer un obstacle à une coopération accrue.
Il est grand temps que les pays des Balkans «fassent aussi quelque chose dans leur propre intérêt». Le chef du gouvernement albanais Rama a souligné que l’initiative avait été mise en œuvre sans aucune influence de Bruxelles. Mais il est nécessaire dans toute la région d’«accélérer le rythme et la dynamique du développement».
Rama a ajouté: «Nous ne sommes pas la priorité de l’UE. C’est pourquoi nous devons fixer nos propres priorités.»
La prochaine réunion des trois États est prévue le 10 novembre au lac Ohrid, dans le nord de la Macédoine, où seront présentées les mesures plus concrètes pour la réalisation du «mini-espace Schengen». L’ancien Secrétaire d’Etat au Ministère allemand de la défense et Vice-Président de l’Assemblée parlementaire de l’OSCE, Willy Wimmer, a fait le commentaire suivant:
Bien sûr, les sensationnelles nouvelles du 8 octobre en provenance de la ville serbe de Novi Sad sont passées inaperçues dans le reste de l’Europe.
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Pourquoi s’y intéresser, alors que l’on est pleinement occupé par ses propres échecs?
Trois présidents d’États se sont rencontrés dans la région généralement hostile des Balkans centraux. Les présidents serbe, albanais et macédonien se sont rencontrés, et ils se sont entretenus très sérieusement:
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comment pouvons-nous, après des décennies de misère, enfin améliorer la situation de nos populations?
Il ne s’agit pas d’aide de «petits jardins», mais plutôt d’une considérable zone économique d’environ 20 millions de personnes qui désireraient beaucoup pouvoir rester dans leur pays d’origine au lieu de devoir passer leur avenir à Sindelfingen ou Bottrop (Allemagne).
Novi Sad is Serbia’s sassy second city. Ville culturelle de Serbie du Nord
A Novi Sad, les intérêts ont été mis en commun. C’est plus que compréhensible, car il y a certainement des leçons à tirer des dernières décennies.
C’est comme un fil rouge traversant tout. Les activités des pays d’Europe occidentale n’avaient qu’une chose à l’esprit: empêcher toute solution pouvant mettre un terme à la misère dans les Balkans.
La Grande-Bretagne en est un excellent exemple. On a veillé méticuleusement à ne trouver que des réglementations n’ayant pas d’effet explosif sur les problèmes évidents prévalant sur l’île. Le contrôle de Londres sur Edimbourg, Cardiff et Belfast a été défendu à Priština.
Le lien entre l’économie allemande et les pays des Balkans a été interrompu suite aux négociations sur les sanctions. On sait parfaitement ce qui a une importance dans les Balkans. Cela est également vrai pour les Américains ayant tout intérêt à repousser la Russie hors de la région.
l’ambassadeur américain à Berlin, M. Grenell
Le fait que l’ambassadeur américain à Berlin, M. Grenell, ait été nommé envoyé spécial pour les Balkans en dit long. L’appareil administratif américain hautement équipé risque de perdre pied dans les Balkans, où il doit s’attendre à autre chose que des mots pieux.
Enfin, on y prend les choses en main. Les caprices et les prétendues obligations de Bruxelles, Paris, Londres et Berlin – sans parler de Washington – ne déterminent plus à eux-seuls la réalité dans les Balkans, et pas uniquement en raison du fait que Tirana et Belgrade ont commencé à se parler.
Il est évident qu’en raison de l’évolution de la situation au cours des dernières décennies, Priština et Belgrade ne sont pas en état de dialoguer.
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Pourquoi faire dépendre les relations entre Albanais et Serbes des structures mafieuses de Priština?
On peut parfaitement tisser des liens directs.
Quoi qu’il en soit, pour l’instant, on ne peut y admirer que des curiosités européennes. A Belgrade, on parle de règles devant s’appliquer lors des élections. Des parlementaires et des fonctionnaires d’Europe occidentale s’entretiennent avec des forces serbes pour parler de la «liberté de la presse».
Les Serbes commencent à réaliser qu’au cours des trente dernières années, la liberté et la diversité de la presse en Europe occidentale ont depuis longtemps disparu. A Belgrade, les Européens font l’éloge de ce qu’ils ont cédé sans résistance aux oligarques de leur pays.
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A quoi bon traiter avec de tels conseillers? •
(Traduction Horizons et débats)