3146 – Colloque Septembre 2018 – 2/3…L’extraterritorialité comme outil géopolitique, prolongement des sanctions internationales… & Comment lutter contre l’extraterritorialité du droit américain ? …

L’extraterritorialité comme outil géopolitique, prolongement des sanctions internationales

Intervention de Sylvie Matelly, économiste, directrice adjointe de l’IRIS, au colloque « L’Europe face à l’extraterritorialité du droit américain » du 24 septembre 2018.

Jean-Pierre Chevènement
Nous avions déjà entendu avec beaucoup d’intérêt et de plaisir Mme Matelly lors de notre récent colloque intitulé « Les routes de la soie, la stratégie de la Chine »[1], et je ne doute pas que ce plaisir sera renouvelé sur le sujet qui nous occupe aujourd’hui.

Sylvie Matelly

Qu’est-ce que l’Europe face aux États-Unis ?

Telle est la question que je poserai à Jean-Michel Quatrepoint.

Sur ce sujet, les points de vue des européens eux-mêmes sont très divergents, et l’Allemagne est probablement le talon d’Achille de l’Europe sur toutes ces questions de relations avec les États-Unis comme l’illustre l’anecdote suivante.

En 1996, suite à la loi Helms-Burton (Cuban Liberty and Democratic Solidarity (Libertad) Act) imposant des sanctions américaines à l’encontre de Cuba, l’adoption du règlement européen dit de blocage avait été difficile parce que les Allemands y étaient hostiles par crainte de froisser les États-Unis.
Ils s’y étaient résolus à reculons, mais nous avions néanmoins fini par négocier avec les Américains. L’affaire s’était bien terminée puisque ni M. Bush, ni M. Clinton n’avaient réellement poursuivi les entreprises qui avaient continué leur commerce avec Cuba mais ça aurait pu se passer différemment.
On retrouve les mêmes blocages dans la guerre commerciale entre l’Europe et les États-Unis aujourd’hui et on a bien vu au mois de mars que l’Allemagne était très attentive à la question des droits de douane sur les automobiles.
C’est d’ailleurs un élément important négocié par le président Juncker en août dernier.

Jean-Michel Quatrepoint a déjà dit l’essentiel sur le sujet qui nous occupe aujourd’hui. Il risque d’être compliqué d’apporter quelques éléments nouveaux et intéressants.

L’application des règles américaines au reste du monde a toujours existé et relève de l’un des aspects de la culture des États-Unis et de sa politique étrangère

(dimension messianique, probablement renforcée par l’issue de la fin de la guerre froide et la diffusion des valeurs américaines au reste du monde).
Jusque-là, ces principes et ces règles étaient appliqués dans un cadre relativement bien défini et fini : les grands traités internationaux ou accords multilatéraux. Et les poursuites et condamnations restaient l’exception comme nous venons de le voir avec la loi Elms-Burton, initialement très menaçante, mais qui n’a pas conduit à l’exécution des menaces américaines.

On constate toutefois, depuis le début des années 2000 à peu près, une extension réelle des domaines et du périmètre de l’application de ce qui est couramment appelé « extraterritorialité ».

À partir de 2001, des poursuites sont quasi systématiquement engagées à l’encontre des acteurs présumés du financement du terrorisme et elles donnent lieu à des condamnations suite à l’adoption du Patriot Act [2].

À partir du milieu des années 2000, des entreprises étrangères commencent à être inquiétées par la Justice américaine pour des faits de corruption.

BAE Systems sera condamné en 2010, Siemens en 2008, puis ce seront Alstom etc. alors que la convention de l’OCDE était entrée en vigueur en 1999.
Cette Convention imposait à tous les pays membres de l’OCDE, donc tous les pays européens, de mettre en place des législations adéquates afin de lutter contre la corruption. Il a donc fallu une dizaine d’années aux États-Unis pour se décider à poursuivre les entreprises étrangères et un temps encore plus long si on considère le FCPA, Foreign Corrupt Practice Act, la loi américaine anti-corruption adoptée en 1977.

Pourquoi ce délai alors même que la lutte contre la corruption paraît un enjeu légitime ?

Le constat tranche avec l’activisme actuel des États-Unis. Néanmoins, l’histoire de la montée en puissance de cette lutte est intéressante pour décrypter la « méthode » américaine.
Dans les années 70, c’est le scandale Lockheed-Martin, mettant en évidence un système de corruption et de versement à grande échelle mis en place par cette entreprise, qui pousse les États-Unis à adopter le FCPA.
Sous la pression des entreprises américaines, qui considéraient qu’elles étaient désavantagées par cette réglementation dans la négociation des grands contrats internationaux, les États-Unis négocient la convention de l’OCDE de lutte contre la corruption avec leurs partenaires.
Cette convention est novatrice dans la méthode puisqu’elle implique une mise en œuvre en plusieurs phases, donnant ainsi du temps aux pays signataires en réalité.
Les États-Unis restent relativement patients mais à partir de 2005-2006, ils ne peuvent que constater qu’ils sont encore les seuls à condamner des entreprises convaincues de corruption.
Les Britanniques se sont révélés les mauvais élèves dans cette affaire, réactivant une loi de 1905 supposée interdire la corruption. Ils se sont fait vite rattraper : Angel Gurria a explicitement critiqué la frilosité de ce pays lors de son allocution de présentation des vœux pour la nouvelle année, début 2006.

ocde angel ...2017-12-12t113347z_6541316_rc1a43553640_rtrmadp_2_climatechange-summit The Secretary-General of the Organisation for Economic Co-operation and Development (OECD) Jose Angel Gurria attends the One Planet Summit at the Seine

In fine, c’est sous la pression américaine, dont l’enquête engagée à l’encontre de BAE systems par le Département de la Justice, qui convaincra les Britanniques de se mettre en règle avec son engagement à l’OCDE.
Le Bribery Act de 2010 est ainsi considéré comme l’une des lois les plus sévères en la matière, et quiconque a travaillé avec ce pays avant et après l’adoption de ce texte n’a pu que constater le changement de contexte.
Une fois le cas du Royaume-Uni réglé, ce fut le tour de l’Allemagne (Siemens) puis de la France (Alstom). La loi dite « Sapin 2 » [3] en est l’une des conséquences.

 

Revenons à l’élargissement du domaine de la lutte aux États-Unis.

À partir de 2010, ce sont les banquiers qui commencent à subir les aléas de l’extraterritorialité américaine.
Contestés suite à la crise de 2008 et aux abus qui en furent la cause, accusés de blanchir de l’argent, de financer le terrorisme, de violer sanctions et embargos et d’abriter des fortunes dans les paradis fiscaux et de pousser à la fraude fiscale, toutes les raisons furent invoquées pour entamer des poursuites à l’encontre des banques européennes les unes après les autres (7,9 milliards payés par BNP Paribas, 2,6 par le Crédit Suisse, 1,02 par HSBC, 1,53 par UBS, 1,05 pour Rabobank etc.).
C’est probablement à partir de là que l’on peut dater l’extension du périmètre de ces poursuites.
En effet, au départ, les entreprises poursuivies au prétexte de l’extraterritorialité étaient essentiellement des filiales d’entreprises américaines situées à l’étranger. Des contraintes et des limites étaient également imposées dans les règles de réexportation quand les équipements étrangers exportés depuis un autre pays contenaient des composants américains.
Les entreprises étrangères devaient alors demander aux États-Unis une licence pour pouvoir les réexporter au titre des règles ITAR [4] pour les équipements militaires ou EAR [5] dans le cas des biens double-usage [6].
Les éventuelles poursuites avaient donc lieu dans un cadre relativement prévisible – même si potentiellement abusif – parce qu’inscrit dans les textes et tout le monde savait à quoi s’en tenir.

Aujourd’hui, comme cela a été rappelé, les États-Unis trouvent toujours un prétexte pour considérer qu’ils peuvent poursuivre une entreprise : Cela peut être l’utilisation du dollar ou encore des transactions qui passent via les technologies de l’information et de la communication centralisées aux États-Unis.

Le cadre des poursuites est donc devenu imprévisible et extrêmement impactant pour des entreprises, inévitablement vulnérables à tous les niveaux.

Si l’on mesure la réalité des poursuites, on peut constater que c’est à peu près depuis une dizaine d’années que les entreprises étrangères sont poursuivies par la justice ou l’administration américaines.

Mais, le sont-elles vraiment plus que les entreprises américaines ?

Les chiffres de 2013 à 2017, relevés cas par cas, montrent que
  • si le nombre d’entreprises américaines poursuivies est beaucoup plus important,
  • les amendes infligées aux entreprises étrangères sont beaucoup plus lourdes.
Entre 2013 et 2017,
  • 58 entreprises américaines condamnées au titre des sanctions par l’OFAC (Office of Foreign Assets Control), une administration du Département du Trésor, ont eu à s’acquitter d’un total de 62 millions de dollars.
  • Pour les entreprises étrangères (Europe, Chine, Singapour, Hongkong), entre 2013 et 2017, 28 entreprises ont été poursuivies, soit un tiers des entreprises américaines : des chiffres qui ne justifient pas de crier à l’impérialisme pur et dur. En revanche, les entreprises étrangères ont acquitté un peu plus de 2 milliards de dollars d’amendes.

ofac, l_administration américainers=w 1280Au-delà de l’OFAC, l’administration américaine qui poursuit les entreprises et leur inflige des amendes en cas de violation des sanctions, on rencontre dans le système américain une totale incompréhension.

Quand on tente, aux États-Unis, de comprendre la justification de cette « extraterritorialité », on se trouve face à des interlocuteurs américains qui ne connaissent même pas le concept ni le terme, sauf s’ils s’intéressent un peu à l’Europe et lisent la presse européenne.

En effet, dans ce système quasiment institutionnalisé, l’échange entre les acteurs privés, les acteurs publics, les différentes institutions est automatique.

Quand une entreprise est poursuivie au titre de violation des sanctions, son dossier passe au Trésor américain pour l’éventualité d’une fraude fiscale, puis au Département de la Justice (DOJ) pour les questions de corruption etc.
Toute entreprise américaine amenée à faire des affaires avec une entreprise étrangère le signale aux autorités, ne serait-ce que pour s’assurer qu’elle ne va pas acquérir – ou coopérer avec – une entreprise qui a commis des faits qui pourraient être pénalisés aux États-Unis.

Ce système est extrêmement efficace. Au titre des sanctions de l’OFAC, l’amende infligée à BNP Paribas s’est élevée à 900 000 dollars, à quoi se rajoutaient les amendes des autres administrations et services qui ont poursuivi cette banque jusqu’à atteindre l’amende record qu’a eue à acquitter BNP Paribas.

 

Cela illustre le fonctionnement d’un système extrêmement complexe et bien organisé d’échanges d’informations systématiques entre les différents acteurs, qu’il s’agisse d’administrations ou d’entreprises, dans la pratique des affaires à l’international.

Les entreprises cherchent à sécuriser leur pratique des affaires et à s’assurer de n’être pas poursuivies dans les années suivantes, comme elles l’ont été à l’époque où les Américains ne poursuivaient pas – ou très peu – d’entreprises étrangères et n’hésitaient pas à poursuivre des entreprises américaines.

Ce système a pris vingt ans d’avance sur les systèmes nationaux en Europe et évidemment sur le système européen si tant est qu’il soit possible en la matière d’en construire un. C’est un élément qu’il faut véritablement prendre en compte.

Et, force est de constater que cela fonctionne.

Selon un article récemment paru dans Le Monde, 90% des amendes infligées aux banques depuis 2008 proviennent du régulateur américain :

  • en 2014, année record, les États-Unis ont imposé 59 milliards de dollars d’amendes aux banquiers
  • quand l’Union européenne en infligeait 106 millions,
  • l’Allemagne 353 millions
  • la Grande-Bretagne 2 milliards.

Et au total, depuis 2008, le montant des amendes infligées aux banques s’élèvent aux États-Unis à 234 milliards de dollars.

L’article du Monde s’inquiétait du fait que depuis l’arrivée du président Trump le montant des amendes infligées aux États-Unis a chuté (8 milliards en 2017) [7].

Quand les poursuites d’entreprises étrangères pour non-respect de lois américaines ne concernent que des sujets comme les régimes de sanctions internationales ou la lutte contre la corruption d’agents publics à l’étranger, la question de la légitimité de l’extraterritorialité est certes posée mais il s’agit de sujets sur lesquels les entreprises sont issues de pays dont les engagements internationaux sont cohérents avec ceux des États-Unis.

C’est beaucoup plus discutable lorsqu’il y a imposition de règles américaines qui dans certains cas vont même à l’encontre des règles des autres pays et imposent donc de fait aux entreprises ou autres de se conformer aux règles des États-Unis en violation de celles de leur pays d’origine.

retrait des États-unis de l'accord de vienne sur le nucléaire iranien 342053524  retrait des États-Unis de l’accord de Vienne sur le nucléaire iranien

C’est le cas de l’application de la fiscalité personnelle américaine aux citoyens américains non-résidents (FATCA, Foreign Account Tax Compliance Act), du droit américain de la concurrence, des dispositions anti-blanchiment américaines ou du contrôle des exportations (je citais tout à l’heure ITAR et EAR).

On franchit encore un cap dans l’atteinte à la souveraineté lorsqu’il est question de menaces qui pèsent aujourd’hui sur les entreprises européennes dans le cas de la sortie américaine du JCPOA, l’accord de Vienne sur le nucléaire iranien.

Les alliés (Canada, Mexique et Union européenne) ont de tout temps cherché à s’en préserver.

  • Déjà pendant la guerre froide les sanctions américaines contre l’approvisionnement de matériels pour les gazoducs soviétiques avaient été bloquées (on a déjà évoqué la loi de blocage de 1996 contre le Helms-Burton Act et la plainte à l’OMC).
  • Aujourd’hui ces alliés sont totalement handicapés face aux pressions américaines tant sont énormes les enjeux pour les entreprises qui, en raison de leur activité internationale, sont déconnectées de la nation à laquelle elles appartiennent avec laquelle leur lien est devenu relativement ténu.

De plus, et à y regarder de plus près, on s’aperçoit que la plupart des poursuites d’entreprises, quels qu’en soient les motifs (évasion fiscale, blanchiment, manipulation des marchés, pratiques à l’encontre de l’intérêt des clients, irrégularités des procédures) sont le fait de l’administration et non des juges américains (même le département de la justice est un organe politique, pas la justice en tant que telle).

On peut donc également se poser la question de la légitimité de ces amendes et plusieurs arguments peuvent venir étayer la réponse à cette question :

Dans le cas des sanctions, par ailleurs, l’interprétation faite par l’administration américaine, qui donne une dimension extraterritoriale aux sanctions américaines, est particulièrement discutable du point de vue du droit américain.
À plusieurs reprises, la Cour suprême, saisie sur des dossiers d’application de l’extraterritorialité, a débouté l’administration.

Il ne faut pas sous-estimer les contre-pouvoirs aux États-Unis.

La presse bruxelloise annonçait il y a deux semaines que deux banques américaines comptaient continuer leurs affaires avec l’Iran. On n’est donc pas dans un système uniforme où tous les acteurs américains se liguent contre le reste du monde. C’est un peu plus compliqué que ça.

Autre argument, les sanctions américaines sont des sanctions unilatérales.

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Or la question de la légitimité des sanctions unilatérales est posée par les Nations Unies. On peut se demander ce que les Nations Unies peuvent faire contre les États-Unis mais en 2007 l’Assemblée générale des Nations Unies a réaffirmé sa désapprobation de l’extraterritorialité appliquée par les États-Unis.

C’est un levier très symbolique mais les symboles ont du poids.

La question du critère de compétence territoriale pour des transactions et opérations bancaires en dollars, au prétexte que sa compensation est in fine toujours réalisée aux États-Unis, est également très discutable et doit être discutée.

De même que le fait que l’OFAC (Office of Foreign Assets Control), une administration américaine, qui n’est pas la Justice, se permet d’imposer des amendes aux entreprises en général et à des entreprises étrangères en l’occurrence est également extrêmement discutable d’un point de vue juridique. Là aussi il y a probablement matière à creuser un peu.

Quoi qu’il en soit, la difficulté, sur ce sujet, est surtout la déconnexion des intérêts des entreprises des intérêts des États.

On l’a vu très clairement avec Peugeot qui se retire du marché iranien alors que ce constructeur a beaucoup plus d’intérêts sur le marché iranien qu’aux États-Unis, sauf à vouloir continuer à préserver ses sous-traitants aux États-Unis. On est très clairement dans deux échelles différentes :

  • l’échelle politique des relations inter-étatiques et l’échelle des affaires globales et globalisées.

De plus en plus, en particulier depuis une dizaine d’années, par souci d’harmonisation des clauses de leurs contrats, les entreprises appliquent la réglementation la mieux-disante – pour le coup plutôt celle des États-Unis – et pour se couvrir elles appliquent la réglementation américaine.

Ces pratiques ont des implications tellement importantes et diffuses qu’il sera très compliqué de lutter.

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Sylvie Matelly

Merci.


Jean-Pierre Chevènement
Merci, Madame.

À ce point des exposés, je voudrais quand même poser une question. Les chiffres que vous avez donnés paraissent très bas. Vous les attribuez à des décisions du Trésor américain. M. Renaud Girard, dans une conférence à laquelle j’ai assisté il y a quelques jours au cercle Interalliés, évaluait le total de toutes les amendes à 78 ou 80 milliards de dollars depuis, grosso modo, 2010.

Jean-Michel Quatrepoint
Si on y ajoute les banques américaines et les subprimes on arrive à 300 milliards de dollars.

Jean-Pierre Chevènement
Ce sont donc des chiffres beaucoup plus importants qui sont d’ailleurs peu de choses rapportés à l’importance des transactions internationales. Mais c’est quand même considérable et ça peut peser lourd. Je rappelle que pour BNP Paribas, c’était 9,2 milliards de dollars.

Ce n’est qu’un aspect de la question. L’aspect principal est évidemment plus politique, comme vous l’avez d’ailleurs dit. C’est une manière d’influer sur la politique des États, c’est une négation absolue de l’indépendance des différentes nations

Jean-Michel Quatrepoint
C’est aussi que le système se partage les amendes. Ce sont des chasseurs de primes. L’amende de BNP Paribas a été partagée entre toutes les organisations américaines qui ont poursuivi BNP Paribas : le DOJ, la SEC, le Trésor, l’OFAC, le procureur de New York etc. Toutes ces amendes nourrissent le système judiciaire américain.

Jean-Pierre Chevènement
Nous avons donc une vision de ce système.

—–

[1] Les routes de la soie, la stratégie de la Chine , colloque organisé par la Fondation Res Publica le 4 juin 2018, avec la participation de Sylvie Matelly, économiste, directrice adjointe de l’Institut de Relations Internationales et Stratégiques (IRIS), Jean-François Di Meglio, président d’Asia Centre, Jean-Paul Tchang, spécialiste de l’économie chinoise, cofondateur de La Lettre de Chine, Claude Martin, ambassadeur de France, ancien ambassadeur à Pékin, auteur de La diplomatie n’est pas un dîner de gala. Mémoires d’un ambassadeur. Paris-Pékin-Berlin (éditions de l’Aube, mars 2018), Jean-François Huchet, professeur des universités à l’INALCO, vice-président à la recherche de l’INALCO, ancien directeur du Centre d’études français sur la Chine contemporaine, ancien directeur de la revue Perspectives chinoises, Mathieu Duchâtel, directeur du programme Asie et Chine à l’European Council on Foreign Relations, auteur de l’étude « Blue China: Navigating the Maritime Silk Road to Europe » (ECFR, avril 2018) et Jean-Pierre Chevènement, président de la Fondation Res Publica.
[2] Plus de 200 personnes entre 2001 et 2004. Voir l’article « Quel bilan pour le Patriot Act américain ? » (L’Express, 13 janvier 2015).
[3] La loi sur la transparence, la lutte contre la corruption et la modernisation de la vie économique, dite « Sapin 2 », a pour ambition de porter la législation française aux meilleurs standards européens et internationaux en matière de lutte contre la corruption, et contribuer ainsi à une image positive de la France à l’international. Le projet de loi a été adopté par le Parlement le 8 novembre 2016, puis validée définitivement par le Conseil constitutionnel le 8 décembre 2016.
[4] International Traffic in Arms Regulations.
[5] Export Administration Regulations.
[6] Les BDU sont les « biens, (…) équipements – y compris les technologies, logiciels, le savoir-faire immatériel ou intangible – susceptibles d’avoir une utilisation tant civile que militaire ou pouvant – entièrement ou en partie – contribuer au développement, à la production, au maniement, au fonctionnement, à l’entretien, au stockage, à la détection, à l’identification, à la dissémination d’armes de destruction massive ».
[7] Voir l’article « Depuis la crise, 200 milliards d’euros d’amende pour les banques et le début d’un ‘effet Trump’ » (Le Monde, 7 juillet 2017).


Comment lutter contre l’extraterritorialité du droit américain ? Les réponses juridiques et fiscales, et l’intelligence économique

Intervention d’Olivier de Maison Rouge, avocat (cabinet Lex Squared), docteur en droit, au colloque « L’Europe face à l’extraterritorialité du droit américain » du 24 septembre 2018.

 

Merci pour votre invitation et l’attention que vous portez à ce sujet ô combien important.

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Comment riposter et faire valoir des contre-mesures dans cette guerre économique engageant une arme juridique ?

Avec l’actualité des questions d’extraterritorialité on découvre depuis quelques années cette agression et cette brutalité américaines.

En réalité l’histoire franco-américaine est un peu plus complexe et cette « colonisation » a commencé depuis déjà fort longtemps, dès 1945 selon moi.

  • En témoignent les premiers accords Blum-Byrnes [1] en matière culturelle.
blumbyrnes  Accord BlumByrnes. L’accord BlumByrnes est un accord franco-américain, signé le 28 mai 1946 par le secrétaire d’État des États-Unis James F. … Il liquide une partie de la dette française envers les États-Unis après la Seconde Guerre mondiale (deux milliards de dollars).

Cette acculturation et cette forte imbrication nous ont amenés à créer notre propre dépendance.

Le plan Marshall, qui a certes contribué à la forte croissance des Trente glorieuses sur le territoire européen, explique la forte prégnance du dollar qui va irriguer notre économie.

Mais les Américains ne sont pas venus seulement avec des dollars. Ils sont venus avec

  • des cabinets de conseil,
  • des cabinets d’avocats
  • des cabinets d’audit

installés sur la place de Paris.

En matière comptable, les normes IFRS (International Financial Reporting Standards) dictent aujourd’hui la plupart des bilans des grandes entreprises et des comptes consolidés. Peu à peu nous avons importé, peut-être malgré nous, des règles, des normes qui nous ont conduits à nous retrouver aujourd’hui ficelés, liés à ceux qu’Hubert Védrine désignait comme « amis, alliés, pas alignés ».

Quant à l’Europe…, « Quel numéro de téléphone ? » demandait Henry Kissinger. L’un des pères fondateurs de l’Europe était d’ailleurs un agent américain [2].

omc le siège de l'omc, à paris 640_000_13y44z Le siège de l’OMC, à Paris

Le point d’orgue de cette forte imbrication a été l’OMC (Organisation mondiale du commerce).

À sa création, le 1er janvier 1995, le Mur de Berlin et le « rideau de fer » sont tombés et, d’un monde bipolaire, nous sommes passés non pas à un monde multipolaire mais à une anomalie historique :

un monde unipolaire.

On est passé de l’internationalisation à la globalisation, c’est-à-dire à un modèle économique, juridique, comptable, financier, étendu à toute la surface du globe, qui mènera plus tard à la crise des subprimes et à ce monde ultralibéral qui, bien qu’il paraisse sans règles, est en réalité

un monde asymétrique où les premiers à édicter les règles sont ceux qui ne les respectent pas.

 Voilà comment nous nous sommes retrouvés avec un « gendarme du monde ». Ce « Nouvel Ordre Mondial » que George Bush père annonçait dans son discours au Congrès du 6 mars 1991 et que l’on a retrouvé ensuite avec l’OMC n’est qu’une manière d’effacer un peu plus le droit romano-germanique, le droit civil dont parlait Jean-Michel Quatrepoint pour aller un peu plus vers la common law.

C’est à tort qu’on nous disait que le non bis in idem (principe qui veut qu’on ne juge pas deux fois pour les mêmes faits) prévaudrait et ferait qu’une entreprise sanctionnée par la justice française ou américaine ne serait pas poursuivie sur le territoire britannique ou américain. Aujourd’hui des entreprises visées par une enquête de l’agence française anti-corruption le sont aussi par le DOJ. Et cela va continuer, la règle du non bis in idem, issue du droit romano-germanique, n’est pas opposable dans le droit anglo-saxon. Nous avons déjà, en la matière, des précédents, une jurisprudence.

Nous nous sommes tiré une balle dans le pied.

Il est difficile de réfléchir à des contre-mesures quand on a un législateur qui ne va pas dans le bon sens.

Il faut rappeler que l’extraterritorialité du droit américain est fondée sur la compétence universelle. Les Américains ne comprennent pas que l’on puisse s’alarmer de la lutte contre la corruption, but tout à fait louable et légitime. Au nom de leur messianisme économique, ils estiment que la corruption est un acte impur que nous-mêmes devons rejeter. Mais eux-mêmes, lors de leur accession au rang de puissance à la fois économique, financière et juridique ont déjà corrompu tout le monde. Et nos entreprises se retrouvent dans les mailles du filet quand elles sont distancées par des entreprises américaines fortes de cette puissance. Nous sommes dans un rapport de puissance plus économique que juridique.

Nous avons beaucoup parlé du droit américain à vocation extraterritoriale mais, à ce jour, n’est intervenu aucun jugement, aucune décision de cour d’appel sur le territoire américain qui fasse valoir cette extraterritorialité.

En d’autres termes, ce n’est qu’une politique administrative.

C’est le DOJ, Department of Justice, ministère de la Justice américain, qui a mis en œuvre toutes les poursuites et les sanctions auxquelles elles ont donné lieu via des deals of justice, c’est-à-dire des transactions notamment financières. On n’a pas parlé du monitoring, double peine qui fait que non seulement l’entreprise paye mais, pendant trois ans (voire cinq ans) elle subit un espionnage consenti en intégrant un « moniteur », sorte de censeur qui, au-delà de la sanction, est là pour mettre en œuvre un programme de conformité.

Ce n’est plus « l’œil de Moscou » mais « l’œil de Washington ».

Le DOJ fait valoir la vocation extraterritoriale de la loi américaine dans un bras de fer entamé contre l’entreprise qui elle-même est démunie parce que l’État français (ou autre État européen) ne la soutient pas.

On a présenté la loi de blocage comme un « sabre de bois » ; pour ma part j’y vois plutôt un tigre de papier !
  • On l’a vu dans l’affaire Aérospatiale en 1996 où on a excipé la loi de blocage qui interdisait à l’entreprise de communiquer des informations ou des renseignements financiers pour se défendre. Ce à quoi une juridiction américaine a eu beau jeu de répondre : Vous ne respectez même pas vous-mêmes votre loi en matière de blocage, vous ne pouvez donc pas m’opposer une loi de blocage qui vous empêche de produire ces renseignements puisque cette loi n’est pas appliquée sur votre territoire. Voilà comment nous sommes perçus.

Peut-être, finalement, l’ogre se dévorera-t-il lui-même.

En effet, ces lois ne contiennent pas de dispositions expressément mentionnées comme étant extraterritoriales :

  • Foreign Account Tax Compliance Act (FATCA),
  • Foreign Corrupt Practices Act (FCPA),
  • Sarbanes Oxley Act (SOX) [3],

aucune de ces lois ne contient de dispositions extraterritoriales.

La compétence universelle n’est pas mentionnée, ce sont des lois fédérales américaines.

Aucun de ces litiges n’a été porté devant les tribunaux, toutes ces affaires se sont terminées devant le ministère de la Justice, aucun juge n’a été saisi.

Il conviendrait donc peut-être d’exploiter un peu plus le caractère exclusivement fédéral de ces lois.

Dans les affaires Société générale, Crédit agricole, BNP Paribas, c’était difficile en raison du chantage qui leur faisait craindre de perdre la licence qui permet d’exercer en matière bancaire sur le territoire américain. Les risques étaient donc l’atteinte à la réputation, la perte de chiffre d’affaire et l’interdiction d’exercer.

Personne n’a poussé jusqu’à aller devant un juge qui, jouissant d’une véritable forme d’indépendance, quoi qu’on en dise, quoi qu’on en pense, serait peut-être en mesure de déclarer ces textes sans portée extraterritoriale.

À propos d’une affaire concernant des filiales étrangères de sociétés américaines, une décision a été rendue au printemps dernier, en matière de FCPA, où le juge a effectivement conclu qu’en l’absence de portée extraterritoriale de la loi, cette filiale n’était pas soumise aux règles en matière de lutte contre la corruption.

Peut-être notre salut viendra-t-il de là…

Les mesures que l’on pourrait avancer dépendent d’abord de la volonté politique. Quand des textes votés ne sont pas appliqués, quand on n’a pas de volonté politique réelle de lutter contre ce « gendarme du monde », on est d’avance perdant.

Il s’agit donc de retrouver une forme d’indépendance stratégique qui a manqué depuis soixante ou soixante-dix ans. Ce n’est pas si simple.

Ce n’est pas parce qu’on votera des lois qu’elles seront pour autant appliquées. Mais il s’agit d’en débattre et de pouvoir le faire valoir.

J’ai été associé à des travaux de réflexion sur le « secret des affaires » qui n’est ni plus ni moins qu’une dérogation au traité de l’OMC qui impose la libre circulation des biens, des marchandises et des capitaux.

Parmi les dérogations (principes et dérogations étant l’objet du droit), on trouve l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC, 1994).

Selon les articles 39-1 et suivants de ce texte, les États peuvent se doter notamment de législations permettant de protéger « les renseignements non divulgués ». C’est ce que nous avons improprement appelé le « secret des affaires », déclenchant des polémiques : on a parlé d’atteinte à la liberté d’expression, au droit des sources etc.
En réalité il s’agissait de lutter contre l’espionnage économique pour permettre aux entreprises de se réarmer, de se doter, avec un socle juridique, d’un cadre protecteur de leurs informations stratégiques.
La France a tenté de légiférer sur le sujet. J’avais travaillé à l’époque avec Bernard Carayon, auteur du rapport « Intelligence économique, compétitivité et cohésion sociale » [4]. Par la suite le flambeau avait été repris par Jean-Jacques Urvoas. Avec à chaque fois un constat d’échec.

Finalement, pour une fois, le salut est venu de Bruxelles avec une directive européenne du 8 juin 2016, transposée par la loi du 30 juillet 2018.

Dans le cadre des travaux, il a été imaginé de renforcer le concept de sécurité économique.

Les Américains ont un conseil de sécurité nationale, ce que nous n’avons pas. Peut-être devrions-nous commencer par nous doter d’instruments de ce type pour pouvoir réfléchir à notre sécurité nationale sur le plan économique.

Les Américains pratiquent le renseignement économique, ce que nous faisons peu. Surtout, nous ne l’utilisons pas pour irriguer nos entreprises. C’est une arme dont nous pourrions nous doter.

Dans le cadre des travaux que j’ai pu mener sur la transposition du secret des affaires, il s’agissait d’imaginer des ripostes. La jurisprudence Aérospatiale démontrait que la loi de blocage n’était qu’un « tigre de papier ». Il s’agissait peut-être de restreindre l’application de cette loi de blocage. Adoptée en 1968 par le législateur français dans un contexte où l’on parlait déjà de guerre économique, bien avant que cette expression ne fût reprise par François Mitterrand, cette loi a été renforcée en 1980 pour lutter contre les agences de renseignement étrangères qui s’intéressaient un peu trop aux entreprises françaises.

Mais la définition des informations susceptibles d’être transmises à des juridictions extra-européennes est tellement large (elle inclut des renseignements de tout ordre, économique, financier etc.) qu’elle est en réalité inapplicable.

C’est ce qui a amené le juge américain à nous dire que nous n’appliquions pas notre propre droit.

L’idée de restreindre le champ d’application au secret des affaires consiste donc à le ramener aux seules informations stratégiques pour ne pas avoir à les communiquer aux juridictions étrangères.

Tel était l’effet recherché. Si la loi sur le secret des affaires ne s’est pas enrichie de toutes les questions que je suis en train de soulever, une nouvelle mission parlementaire et un groupe de travail ont été constitués pour essayer de légiférer en la matière. C’était avant même le Cloud Act (Clarifying Lawful Overseas Use of Data Act).

gafa-smartphone

En matière numérique, nous sommes vraiment distancés.

Face à l’émergence des GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft), leaders sur le plan mondial, sans oublier les géants Chinois (Baidu, Alibaba etc.), nous n’avons aucun champion européen, que ce soit en « hard » (infrastructures) ou en « soft » (logiciels).

Nous avons eu grand tort (après l’échec du Plan Calcul [5]) d’oublier cette filière industrielle informatique et numérique.

En 1978, avec la Loi Informatique et liberté, les Français, leaders en la matière, s’étaient dotés de la quatrième législation au monde visant à protéger les données personnelles contre – clin d’œil de l’histoire – le fichier « Safari » (le navigateur Apple). À l’époque on se préoccupait peu de savoir si les prédateurs étaient les Américains dont il faut avoir à l’esprit qu’ils n’ont pas le même rapport à la donnée qui, pour eux, est une valeur économique, alors qu’il s’agit pour nous de défendre notre intimité, notre sphère privée.
Le législateur s’était souvenu que l’État n’était pas toujours bienveillant (on pense aux fichiers sur les origines raciales des années 1940-1942). Or, en 1978, seul l’État était en capacité d’avoir des machines informatiques capables de calculs à grande échelle. Cette loi a servi de référence au plan européen puisque, en 2016, a été adopté le RGPD (règlement général sur la protection des données personnelles).

Il ne s’agissait plus de lutter contre l’État mais contre l’emprise, la prédation de nos données personnelles par les acteurs du Big data et les fameux GAFAM.

C’est un jugement de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) du 6 octobre 2015 qui a invalidé la décision de la Commission européenne qui reconnaissait l’adéquation du Safe Harbor [6] (sphère de sécurité), traité transatlantique qui permettait de transmettre des données collectées sur le territoire européen et de les héberger sur le territoire américain.
Les Américains ont donc pu collecter, capter, héberger et traiter, analyser chez eux des données qu’ils avaient collectées chez nous. Pour le dire autrement, ils nous ont « fait les poches ». C’est ce qui leur donne aussi cette avancée, cette domination, sur le plan du numérique.

Mais l’Union européenne, notamment la Cour de justice de l’Union européenne, s’est réveillée, un peu tard : le scandale des écoutes révélé par M. Snowden nous a appris qu’aux États-Unis Mickey n’était pas le seul à avoir de grandes oreilles.

La NSA (National Security Agency) collecte des informations dont 85 % portent aujourd’hui non pas sur des données liées à la sécurité nationale, comme ils le prétendent, mais sur des données de nature économique. Dans le cadre de l’examen de ce traité transatlantique, la CJUE, après les révélations de Snowden, a donc pu constater que l’essentiel des informations qui étaient captées étaient du renseignement électronique à caractère économique.
De fait, le Safe Harbor a été annulé et, dans la foulée, le RGPD adopté, dont l’article 48 relatif aux transferts ou divulgations non autorisés par le droit de l’Union interdit de collecter secrètement les données à caractère personnel des utilisateurs européens ainsi que les savoir-faire et informations commerciales non divulgués (secrets d’affaires) des entreprises européennes.

Mais ce RGPD va être contourné par le Cloud Act (Clarifying Lawful Overseas Use of Data Act)

adopté le 26 mars 2018, par le biais duquel, sous prétexte de rapprocher le temps de l’investigation criminelle de celui de la criminalité, les autorités de poursuites américaines s’arrogent le droit de s’accaparer les données hébergées par des fournisseurs de services de communication électroniques américains partout dans le monde, lorsqu’elles concernent des « US Persons », c’est-à-dire non seulement les citoyens américains, mais aussi les Américains « accidentels », les gens qui ont la double nationalité ou présentent un « indice d’américanité » dont parlait Jean-Michel Quatrepoint (ainsi que toute entreprise dont le capital est détenu au minimum à 20 % par des fonds américains (c’est le cas d’OVH [7]).
Avant même que n’arrive le Cloud Act, au cours de la réflexion sur le secret des affaires, j’avais suggéré l’idée de contraindre nos entreprises à héberger sur le territoire européen les données qu’elles détiennent, notamment les données sensibles et stratégiques, pour ne pas les exposer à des prédations extraterritoriales. Pour l’instant ça a été botté en touche mais on y reviendra peut-être dans les nouvelles réglementations à venir pour peu que, encore une fois, on s’en donne la volonté politique.

Tout repose donc sur le choix de l’indépendance et de la liberté stratégique.

Je ne veux pas être pessimiste, je ne dirai pas que nous sommes battus d’avance… On est en train de construire un marché numérique au niveau européen mais nous avons un train de retard et encore faut-il se donner la capacité….

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Ne soyons pas aveugles : il y a les Américains d’un côté, les Asiatiques de l’autre. Il faudra lutter, faire émerger notre propre modèle, nos propres standards et c’est ce à quoi il faut s’engager à travailler.

Merci.

Jean-Pierre Chevènement
Merci, M. de Maison Rouge.

Vous avez évoqué le renseignement économique qui pourrait être utilisé à bon escient à côté des outils juridiques mis en œuvre par différentes administrations et instances.

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[1] Les « accords Blum-Byrnes » (du nom des signataires : James F. Byrnes, secrétaire d’État américain au commerce extérieur, et Léon Blum, ambassadeur extraordinaire du gouvernement français), signés le 28 mai 1946 à Washington, liquident une partie de la dette française envers les États-Unis. L’annexe VII, fixant les conditions de diffusion des films américains en France, a été très contestée en France.
[2] Voir La faute de M. Monnet, Jean-Pierre Chevènement (éd. Fayard, coll. L’idée Républicaine, octobre 2006).
[3] Loi fédérale, votée en 2002 par le Congrès, imposant de nouvelles règles sur la comptabilité et la transparence financière.
[4] « Intelligence économique, compétitivité et cohésion sociale », rapport remis par B. Carayon en juillet 2003 (La Documentation Française).
[5] Le Plan Calcul, plan gouvernemental français lancé en 1966 par le général de Gaulle, était destiné à assurer l’indépendance du pays en matière de gros ordinateurs. Ses objectifs étaient de maintenir une industrie informatique nationale et de subvenir aux besoins de la défense nationale afin que celle-ci soit totalement indépendante. Le Plan Calcul prévoyait la création de l’IRIA, grand organisme public de recherche (devenu depuis l’INRIA) et d’une grande compagnie d’informatique privée mais aidée par l’État : la Compagnie Internationale d’Informatique (CII) pilotée par Thomson et la Compagnie Générale d’Electricité (CGE). Les applications militaires et scientifiques y étaient privilégiées. Valéry Giscard d’Estaing mit fin au projet en 1975.
[6] Le Safe Harbor est un ensemble de principes de protection des données personnelles publié par le Département du Commerce américain, auquel des entreprises établies aux Etats-Unis adhèrent volontairement afin de pouvoir recevoir des données à caractère personnel en provenance de l’Union européenne.
[7] OVH est une entreprise française spécialisée dans les services de cloud computing. qui propose des solutions de cloud public et privé, des serveurs dédiés, de l’hébergement mutualisé, du housing, de l’enregistrement de noms de domaines, de la fourniture d’accès Internet par lignes ADSL, VDSL et SDSL, ainsi que de la téléphonie sur IP.

source/ https://www.fondation-res-publica.org/Comment-lutter-contre-l-extraterritorialite-du-droit-americain-Les-reponses-juridiques-et-fiscales-et-l-intelligence_a1165.html