2206 – L’ Allemagne de plus en plus à « droite »

1 – Les partis allemands virent encore plus à droite après le succès électoral de l’AfD du 26/09/17

2 – Allemagne – La montée de l’AfD et l’embardée vers la droite de la politique officielle du 23/09/17

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1 – Les partis allemands virent encore plus à droite après le succès électoral de l’AfD du 26/09/17

Par Johannes Stern
27 septembre 2017

Les mêmes partis qui sont responsables idéologiquement et politiquement de la montée de l’Alternative pour l’Allemagne (AfD) exploitent le succès des extrémistes de droite dans les élections fédérales de dimanche pour déplacer le climat politique encore plus vers la droite.

Ils ouvrent la voie à un gouvernement qui lancera une important expansion militaire, réduira les salaires et les avantages sociaux, et établira le cadre d’un état policier.

Au sein de l’Union chrétienne-démocrate (CDU), les forces qui ont longtemps appelé Angela Merkel, la présidente du parti et chancelière allemande, à réprimer plus agressivement les réfugiés, prennent l’offensive. « Nous avons besoin d’urgence d’un programme plus ample au sein de la CDU », a déclaré le membre du Bundestag (parlement) et le spécialiste des finances Klaus-Peter Willsch. « Nous devons couvrir notre droite. C’est la seule façon dont nous pouvons encore une fois atteindre le niveau de soutien dont nous avons besoin pour être un parti populaire. »

L’Union sociale-chrétienne de Bavière (CSU), parti frère de la CDU, qui a déjà soulevé la demande d’une limite maximale au nombre de réfugiés, a répondu au déclin de plus de 10 points de pourcentage de son vote en adoptant en grande partie le programme de l’AfD. Le président de la CSU, Horst Seehofer, qui subit une pression accrue depuis la droite, a déclaré que l’AfD a obtenu des votes parce que la CDU/CSU « a laissé ouvert son flanc droit ». Le parti devrait maintenant corriger cela et adopter une « attitude claire ». Le ministre des Transports Alexander Dobrindt a exprimé son accord, disant « Nous avons compris que nous devons fermer notre flanc droit. »

Les Verts, qui se préparent à entrer dans une coalition gouvernementale dite « Jamaïcaine » avec la CDU/CSU et le Parti démocrate libre néo-libéral (FDP), se dirigent dans la même direction. Le politicien des Verts Boris Palmer a déclaré sur Deutschlandfunk lorsqu’il a été interrogé sur la déclaration de Seehofer, « Du point de vue de la CSU, il a raison. Ils vont bientôt participer à une élection nationale et ils ne veulent pas que l’AfD reçoive 12 pour cent encore une fois ».

Le maire vert de Tübingen n’a laissé aucun doute sur le fait que son parti soit prêt à soutenir la politique répressive contre les réfugiés de la CSU. « Les gens nous font confiance pour résoudre les problèmes concernant les réfugiés », a déclaré M. Palmer. « Ce dont ils ne sont pas si sûrs, c’est de savoir si nous pouvons résoudre les problèmes avec les réfugiés. Nous devons être plus sévères à ce sujet. Nous devrons probablement faire des compromis avec les solutions proposées par la CSU. Sinon, il n’y aura pas de gouvernement ».

Palmer, qui a récemment publié un livre intitulé « Nous ne pouvons pas accepter tout le monde », se vantait du fait que sa politique concernant les réfugiés, essentiellement d’extrême droite, bénéficie d’un large soutien au sein du parti. Il a obtenu beaucoup de soutien pour sa position radicalement pragmatique sur le problème, a-t-il déclaré, « de la base du parti, des élus municipaux, de partout où les gens éprouvent concrètement les problèmes qui surviennent lorsqu’un million de réfugiés viennent en Allemagne ».

Le Parti de gauche, qui, comme les Verts, représente les intérêts des sections privilégiées de la classe moyenne, joue un rôle particulièrement méprisable dans la montée de l’AfD. En tant que parti de gouvernement dans les États de l’ancienne Allemagne de l’Est, le Parti de gauche est responsable de la création de la catastrophe sociale qui a poussé les travailleurs dans les bras de l’AfD. En 1990, le parti a soutenu la réintroduction du capitalisme en Allemagne de l’Est et a poursuivi depuis des politiques de droite et pro-capitalistes sous la couverture de phrases de gauche. Cela a engendré la frustration politique que les démagogues de droite exploitent maintenant.

À mesure que la crise sociale et politique s’intensifie, le Parti de gauche adopte de plus en plus ouvertement le programme de l’extrême droite. Fait significatif, Sahra Wagenknecht, la candidate principale du Parti de gauche, fut félicitée par le chef adjoint de l’AfD Alexander Gaulland lors du dernier débat télévisé. « Ce que Mme Wagenknecht a dit, c’est juste », a déclaré Gaulland. « Les gens estiment que ce pour quoi ils ont travaillé est en train d’être perdu en raison de la politique concernant les réfugiés, et parfois cela culmine dans la colère. »

Le commentaire est survenu après que Wagenknecht a attaqué la politique en matière de réfugiés du gouvernement depuis la droite disant : « Nous avons rendu certaines choses trop faciles dans les premières étapes de la question des réfugiés et nous n’avons pas parlé des problèmes. »

Le Parti social-démocrate (SPD), suite à une débâcle électorale où il a obtenu son pire résultat depuis la Seconde Guerre mondiale, a cherché absurdement à se présenter comme le parti qui mène la lutte contre l’AfD. L’AfD est « une organisation de la haine » et « une honte pour l’Allemagne », a déclaré Martin Schulz, candidat principal du SPD. Lors du rassemblement électoral de clôture du SPD à Berlin, il a déclaré : « Nous sommes en position de vous barrer la route. »

Cependant, Schulz s’est orienté vers le programme des extrémistes de droite pendant la campagne, appelant sans cesse à plus de police, à une armée plus importante et à des mesures plus sévères contre les réfugiés. Le SPD n’a pas cherché à mobiliser une opposition à l’AfD, mais a cherché plutôt à la faire taire.

Dans ce contexte, la réaction du SPD aux événements de Hambourg autour du sommet du G20 en juillet doit être considérée comme un avertissement. Tout d’abord, en tant que parti au pouvoir à Hambourg, le SPD a organisé une répression policière violente contre les manifestants très majoritairement pacifiques. Ensuite, le parti a lancé une chasse aux sorcières contre la gauche, faisant appel explicitement aux partisans de l’AfD.

Le ministre de la Justice du SPD, Heiko Maas, a exigé la création d’une base de données européenne des extrémistes pour la gauche radicale et a déclaré son soutien pour un concert « rock contre la gauche ». L’exécutif du SPD a proposé le concept de « terrorisme de protestation » pour criminaliser toute opposition de gauche aux coupes sociales et à la guerre impérialiste.

Le SPD a joué le même rôle dans le conflit avec le professeur d’extrême droite de l’Université Humboldt de Berlin, Jörg Baberowski. Lorsque le Sozialistische Gleichheitspartei (SGPParti de l’égalité socialiste) et son organisation de jeunesse et étudiante, les Jeunes et étudiants internationalistes pour l’égalité sociale (IYSSE), ont critiqué Baberowski pour son agitation contre les réfugiés et pour minimiser les crimes nazis, le SPD a soutenu Baberowski.

La présidente SPD de l’Université Humboldt, Sabine Kunst, est allée jusqu’à publier une déclaration menaçant les critiques du professeur d’extrême droite de poursuites pénales.

Le SGP est le seul parti qui se soit opposé publiquement dès le début aux positions d’extrême droite de Baberowski et qui a mis en garde contre leurs conséquences, qui deviennent maintenant claires avec l’entrée de l’AfD au Parlement et le virage à droite de tous les partis établis.

La tâche urgente maintenant est d’intensifier la lutte pour construire un parti socialiste de masse dans la classe ouvrière.

En Allemagne de tous les endroits, les expériences horribles du Troisième Reich démontrent que la seule façon de vaincre les dangers de guerre et du fascisme est la mobilisation indépendante de la classe ouvrière sur la base d’un programme socialiste.

(Article paru en anglais 26 septembre 2017)


SOURCE/https://www.wsws.org/fr/articles/2017/sep2017/alle-s27.shtml


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2 – Allemagne – La montée de l’AfD et l’embardée vers la droite de la politique officielle

Par Peter Schwarz
27 septembre 2017

Pour la première fois depuis la chute des nazis, un parti extrémiste de droite entre dans le parlement national allemand. Avec 13 pour cent des voix lors des élections fédérales de dimanche, l’Alternative pour l’Allemagne (AfD) est devenue le troisième plus grand parti au parlement derrière l’Union chrétienne-démocrate/Union chrétienne-sociale (CDU/CSU) et le Parti social-démocrate (SPD), qui a subi un effondrement électoral. La CDU/CSU a obtenu 33 pour cent des voix, son pire résultat depuis plus de 60 ans.

L’AfD a acquis une influence politique bien au-delà de sa force réelle.

  • Il a donné le ton à la campagne électorale avec son agitation pour une répression contre les réfugiés et le renforcement de l’appareil répressif de l’État.
  • Tous les partis de l’établissement ont cherché à surpasser l’AfD avec des promesses d’embaucher plus de policiers et d’expulser davantage de réfugiés, renforçant ainsi ce parti d’extrême droite.
  • Pourquoi voter pour des partis plus établis avec leurs versions de la politique chauvine et autoritaire de l’AfD quand vous pourriez voter directement pour l’original ?

La CDU/CSU a laissé plus d’un million d’électeurs à l’AfD, tandis que le SPD en a perdu 470 000 et le Parti de gauche (Die Linke), 400 000.

Cela étant dit, le programme d’extrême droite de l’AfD ne bénéficie pas d’un soutien massif. Même parmi les électeurs de l’AfD, 60 pour cent disent qu’ils ont soutenu le parti comme une protestation et non parce qu’ils soutiennent ses politiques. L’ascension de l’AfD est avant tout le résultat de l’embardée vers la droite de tous les partis établis qui, avec le soutien des médias, font tout leur possible pour canaliser le mécontentement social croissant dans la direction de la droite.

Dans le passé, on s’attendrait à ce que les partis se disant de gauche bénéficient d’une crise sociale comme celle qui grippe à l’Allemagne, y compris la croissance explosive des emplois à bas salaire, la montée de la pauvreté et du nombre de sans abris, le manque de logements abordables, les conditions catastrophiques dans les écoles et les hôpitaux, et le risque croissant de guerre. Mais ni le SPD ni le Parti de gauche ne sont capables de faire un appel social aux électeurs.

Le SPD, méprisé, est politiquement et en faillite.

  • Après avoir imposé les lois Hartz,
  • les réductions d’impôt pour les grandes entreprises et les riches,
  • et une augmentation de l’âge de la retraite à 67 ans,
  • le SPD porte la responsabilité principale pour les niveaux scandaleux d’inégalité sociale.

Un rôle encore plus abject est joué par le Parti de gauche.

Les travailleurs n’ont plus, depuis longtemps, pris au sérieux cette combinaison des phrases de gauche suivies de politiques de droite de ce parti. La tâche principale du Parti de gauche consiste à bloquer un mouvement des travailleurs vers la gauche. En Allemagne de l’Est, où le Parti de gauche a longtemps dominé, l’AfD a terminé en deuxième place derrière la CDU. Là, le parti d’extrême droite a remporté 22 % des voix. L’AfD a réussi à occuper la première place chez les hommes, avec 27 pour cent du vote masculin.

L’élite dirigeante s’est accommodée de l’AfD avant même que les votes n’aient été comptés. Ce n’est qu’une question de temps avant que ce parti extrémiste de droite soit intégré au gouvernement.

Le chef de la CSU, Horst Seehofer, a déclaré que l’AfD a remporté des votes parce que la CDU et la CSU « ont laissé ouvert leur flanc droit ». Il a promis de changer cela dans l’avenir et de prendre une « position claire ».

L’historien, Michael Wolffsohn, a rejeté la description de l’AfD comme « nazi ». C’est, a-t-il dit, une réaction aux « grands problèmes sociaux » tels que le flot de réfugiés, pour lequel les autres partis n’ont pas de réponse. Le politologue, Jürgen Falter, a dit qu’il ne fallait pas trop dramatiser l’entrée de l’AfD au Parlement. Loin d’être une « source d’inquiétude », elle représenterait « une normalisation de la politique allemande selon notre histoire ».

L’horreur des partis établis face aux politiques extrémistes de l’AfD était hypocrite dès le départ. Ceci est démontré par le cas de Jörg Baberowski.

Ce professeur de l’Université Humboldt de Berlin, qui a ouvert la voie à l’AfD avec son agitation contre les réfugiés et sa minimisation des crimes du régime nazi, a reçu un soutien unanime des partis établis et des médias lorsque le Sozialistische Gleichheitspartei (SGP – Le Parti de l’égalité socialiste) l’a critiqué publiquement.

Le SPD, dont une des membres principales, Sabine Kunst, est la présidente de l’Université Humboldt, et le Parti de gauche, ont joué des rôles de premier plan dans la défense de Baberowski. Même lorsqu’un tribunal a confirmé que Baberowski pouvait être qualifié d’extrémiste de droite, ils continuaient à le soutenir.

L’ascension de l’AfD est le résultat de l’embardée à droite de toute la classe dirigeante, qui répond à la crise capitaliste mondiale et à la croissance des tensions internes et externes en revenant à ses traditions les plus méprisables. Dans les années 1930, les associations professionnelles, les militaires, les politiciens bourgeois et les universitaires ont réagi à l’intensification de la lutte des classes en soutenant Hitler et en appuyant sa désignation en tant que chancelier.

Cela doit être pris par la classe ouvrière comme un grave avertissement. Aucun des partis de l’établissement, surtout le SPD et le Parti de gauche, n’est disposé ou capable de résister aux extrémistes de droite.

Des développements similaires se déroulent dans d’autres pays européens.

  • En France, la candidate extrémiste de droite pour le Front national, Marine Le Pen, a terminé au deuxième tour de l’élection présidentielle.
  • En Autriche, la participation du Parti de la liberté de l’extrême droite (FPÖ) au gouvernement après les élections d’octobre est considérée comme presque certaine. Les sociaux-démocrates aussi bien que les conservateurs sont prêts à former une coalition avec lui.

Le Sozialistische Gleichheitspartei est le seul parti qui s’est présenté aux élections fédérales sur une plate-forme de gauche et socialiste. « Avec leurs politiques de droite, le SPD, le Parti de gauche et les Verts facilitent la croissance du parti d’extrême droite, l’Alternative pour l’Allemagne (AfD) », a déclaré le communiqué de la SGP. « Ce parti extrémiste de droite peut s’habiller en force d’opposition seulement parce qu’aucun des partis qui se prétendent “de gauche” dans l’établissement ne s’oppose à la classe dirigeante avec un point de vue socialiste ».

La montée des extrémistes de droite ne peut être stoppée que par la construction d’un parti socialiste qui unit les travailleurs du monde entier dans la lutte contre le nationalisme, l’inégalité sociale et la guerre. Ce parti est le SGP et le Comité international de la Quatrième Internationale.

(Article paru d’abord en anglais le 23 septembre 2017)

SOURCE/ https://www.wsws.org/fr/articles/2017/sep2017/pers-s27.shtml

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