« Autrefois, les filles invitaient les garçons chez elles en leur demandant d’installer Windows. Désormais, elles leur demanderont de les aider à accéder à Vkontakte ! »
À compter d’aujourd’hui et jusqu’au 15 mai 2020, les Ukrainiens ne pourront plus accéder au moteur de recherche Yandex, ni aux réseaux sociaux russes Vkontakte et Odnoklassniki. Un décret du président Petro Porochenko [1] en date du 16 mai oblige les fournisseurs Internet nationaux à bloquer l’accès à ces sites.

Ce décret [2] place Yandex, Odnoklassniki et Vkontakte, ainsi que 466 autres sociétés russes et leurs filiales ukrainiennes sous le coup de sanctions de Kiev.
Leurs actifs sont bloqués, les entreprises n’ont plus le droit de transférer leur capital en dehors de l’Ukraine et leurs sites ne seront plus accessibles depuis l’Ukraine, même s’ils fonctionnent encore à ce jour.
Vkontakte [3], réseau social fondé à Saint-Pétersbourg en 2006, est actuellement le deuxième site le plus visité en Ukraine, après Google, selon le portail d’enquêtes statistiques Alexa. Il est utilisé chaque mois par 16 millions d’Ukrainiens, selon les données du réseau lui-même.
Odnoklassniki, réseau social permettant de retrouver d’anciens condisciples fondé à Moscou en 2006, est le sixième site le plus visité en Ukraine. Il y compte 9,5 millions d’utilisateurs mensuels, selon les chiffres du réseau.
Les deux réseaux appartiennent au groupe Mail.ru. La messagerie du groupe, septième site le plus visité en Ukraine, tombe également sous le coup de l’interdiction.
Yandex [4]est un moteur de recherche russe largement populaire en Ukraine. Selon les données fournies par le portail LiveInternet, en 2016, Yandex a été utilisé par 32,9 % des utilisateurs ukrainiens, en deuxième position après Google, plébiscité par 66,7% des utilisateurs. Yandex.ua compte 11 millions d’utilisateurs mensuels et est le quatrième site le plus visité en Ukraine, selon Alexa, après Google, Vkontakte et Youtube.
Le décret présidentiel interdit aux Ukrainiens l’accès à l’ensemble des services du moteur de recherche (actualités, traduction, taxi), sauf la météo. Les Ukrainiens pourront se renseigner sur le temps qu’il fait dans n’importe quel point du globe – à l’exception de Moscou et Kiev.
« Sommes-nous devenus la Corée du Nord ? »
Kiev a introduit ces sanctions pour « contrer la propagande russe », a déclaré le premier ministre, Volodymyr Hroïsman, ajoutant qu’elles seraient maintenues jusqu’au jour où « la Russie évacuera ses troupes et ses armements de l’Est de l’Ukraine ».
La nouvelle divise sur la Toile ukrainienne. Certains, comme le directeur adjoint de la chaîne de télévision ATR Aïder Moujdabaev, estiment la décision parfaitement justifiée. « Ce n’est pas un acte de censure. Tous ces sites, gérés directement par le Kremlin et le FSB, sont une arme puissante dans la guerre hybride qui oppose l’Ukraine et la Russie. Ils recueillent des informations sur les citoyens ukrainiens, et les interdire est une décision logique, visant à garantir la sécurité de notre pays », affirme-t-il sur son compte Facebook.
Un avis pourtant loin d’être unanimement partagé. Pour le rédacteur en chef du média Dumskaya.net, Oleg Konstantinov, l’interdiction des sites russes « est une grosse erreur du président et une violation de notre Constitution », écrit-il sur son compte FB.
Sa collègue Oksana Romaniouk, journaliste et directrice de l’Institut des communications de masse de Kiev, souligne que « l’interdiction de Vkontakte risque de nuire fortement aux petits entrepreneurs ukrainiens qui font la publicité de leurs services sur ce réseau social ».
Taras Michtchenko, rédacteur en chef de itc.ua, confirme : « Les sanctions contre la Russie, c’est bien, mais pourquoi sanctionner les entreprises ukrainiennes ?, interroge-t-il sur son compte FB. Pourquoi, notamment, avoir inscrit sur cette liste ABBYY, le producteur de 1C [logiciel comptable utilisé par de nombreuses entreprises ukrainiennes, NDLR] ?! »
« Sans être une grande fan de Vkontakte et des autres sites russes », Marina Vogel, rédactrice de l’agence de presse Unian, s’oppose elle aussi à l’interdiction : « Sommes-nous devenus la Corée du Nord ?, dénonce-t-elle sur Facebook, ajoutant : Je veux avoir le droit de choisir, c’est la base même de toute société saine. Il faut changer les mentalités plutôt qu’interdire. »
Enfin, la décision du président a inspiré aux Ukrainiens de nombreuses plaisanteries. « Autrefois, les filles invitaient les garçons chez elles en leur demandant d’installer Windows. Désormais, elles leur demanderont de les aider à accéder à Vkontakte ! », a notamment réagi, sur son compte Facebook, Alexander Zabolotnyi, de Kiev.
La nouvelle a été matière à plaisanter aussi en Russie, et jusqu’à la tête de l’État. « Nous sommes persuadés que des centaines de milliers, et probablement des millions d’utilisateurs ukrainiens vont, très prochainement, améliorer sensiblement leurs connaissances en informatique – et qu’ils apprendront à contourner le blocage des sites interdits ! », a ainsi commenté le ministre russe adjoint des communications, Alexeï Voline, pour Kommersant.
1 228 citoyens russes également visés
Les réseaux sociaux ne sont pas les seuls visés par les sanctions de Kiev. Celles-ci concernent également
- les producteurs d’antivirus russes Kaspersky et Doctor Web,
- toutes les grandes chaînes de télévision russes, comme TV-Centre, VGTRK ou Pervi Kanal,
- toutes les banques russes travaillant en Crimée,
- tous les grands transporteurs aériens russes, dont Aeroflot, ainsi que le fabricant d’armements Almaz-Anteï,
- le producteur d’hélicoptères Vertolety Rossii
- le fabricant de poids lourds Kamaz.
Sont également visés par ce nouveau décret 1 228 citoyens russes,
- dont le président tchétchène Ramzan Kadyrov,
- le ministre de la Défense Sergueï Choïgou,
- le directeur du renseignement extérieur Sergueï Narychkine,
- le directeur du FSB Alexandre Bortnikov,
- le ministre de l’agriculture Alexandre Tkatchev
- et d’autres hauts fonctionnaires.
LIENS[]
- https://www.lecourrierderussie.com/international/ukraine/2015/06/porochenko-euro-optimisme/
- http://www.president.gov.ua/documents/1332017-21850
- https://www.lecourrierderussie.com/societe/2016/04/vkontakte-saint-petersbourg/
- https://www.lecourrierderussie.com/economie/secteur/2012/10/yandex-lance-son-propre-browser-internet/
L’Ukraine bloque les réseaux sociaux russes
L’Ukraine a ordonné mardi le blocage sur son territoire de toute une série de services internet russes dont ses très populaires réseaux sociaux, dans le cadre de nouvelles sanctions contre Moscou dénoncées par des organisations de défense des droits de l’Homme.
Actées par un décret du président Petro Porochenko, ces mesures controversées visent en particulier VKontakte (VK), souvent présenté comme l’équivalent russe de Facebook à l’audience considérable dans toute l’ex-URSS, mais aussi le moteur de recherche Yandex. Elles toucheront des millions d’utilisateurs ukrainiens.
Vivement critiquée par les internautes ukrainiens, cette décision intensifie la guerre économique, mais aussi la guerre de l’information, auxquelles se livrent Kiev et Moscou depuis l’annexion de la Crimée en mars 2014, suivie d’un conflit dans l’Est avec des séparatistes prorusses soutenus militairement selon les autorités ukrainiennes par la Russie qui dément.
Les combats y ont fait plus de 10.000 morts en trois ans.
Le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov a dénoncé « une nouvelle manifestation de la politique inamicale et à courte vue suivie vis-à-vis de la Russie, une nouvelle décision après tant d’autres qui violent le droit des Ukrainiens à s’informer ». Il n’a pas exclu des mesures de rétorsion.
« Le régime de Kiev se dirige à grands pas vers la construction d’un État autoritaire », a renchéri le ministère russe des Affaires étrangères.
Dans le détail, la liste noire diffusée par la présidence ukrainienne cite le groupe Mail.ru du milliardaire Alicher Ousmanov, connu pour le service de messagerie du même nom et surtout ses filiales de réseaux sociaux, les très populaires VK (16 millions d’utilisateurs en Ukraine) et Odnoklassniki.
Ces sanctions ciblent aussi le groupe Yandex, coté à New York, qui détient un moteur de recherche très populaire et a mis au point de nombreux services (agrégateur d’articles de presse, cartographie, etc.), et les antivirus des laboratoires Kaspersky.
Dans des communiqués distincts, Mail.ru et Yandex ont dit regretter une décision qui pénalise avant tout selon eux leurs utilisateurs ukrainiens mais ne devrait pas avoir d’importantes répercussions financières sur leurs bilans.
‘Contre-propagande’
Tanya Cooper, chercheuse de l’ONG Human Rights Watch, a dénoncé sur Twitter « une mesure absurde, disproportionnée » et « un coup terrible porté à la liberté d’internet et à la liberté de l’information ».
La représentante de Reporters Sans Frontières en Ukraine, Oksana Romaniouk, a quant à elle parlé d‘« interdiction étrange et inattendue ». « Ce sont des sanctions contre les citoyens eux-mêmes« , a-t-elle écrit sur Facebook.
De nombreux internautes ont d’ailleurs relevé que les réseaux sociaux interdits, VK et Odnoklassniki, constituaient un moyen essentiel de communication et d’information pour les habitants des régions en guerre, voire pour certains une source d’indices concernant la présumée implication de l’armée russe (démentie par Moscou).
Expliquant sa décision par des besoins de « contre-propagande », le président Porochenko, lui-même membre de ces réseaux, a annoncé sur VK la prochaine fermeture de sa page officielle et appelé ses concitoyens à « quitter immédiatement les serveurs russes à des fins de sécurité ».
Kiev n’a cessé de prendre des mesures limitant ses relations économiques et commerciales avec la Russie, partenaire clé depuis l’éclatement de l’URSS il y a plus de 25 ans et jusqu’à la chute dans le sang du président prorusse Viktor Ianoukovitch début 2014.
Les autorités ukrainiennes ont ainsi prohibé certains biens, films ou livres russes, restreint l’activité des filiales des banques russes ou fermé son espace aérien aux compagnies russes.
Les décrets de mardi portent par ailleurs de 682 à 1.228 le nombre des Russes ou présumés soutiens du Kremlin interdits de séjour en Ukraine.
Ce pays avait déjà suscité les critiques en 2015 en refusant à de nombreux journalistes russes mais aussi occidentaux ayant couvert le conflit l’entrée sur son territoire, ce qui avait contraint le président Porochenko à faire partiellement marche arrière.
Plus récemment, Kiev a interdit sur son sol la candidate russe à l’Eurovision, Ioulia Samoïlova, qui s’était produite en Crimée après l’annexion. Le bras de fer ayant suivi a abouti au refus de la télévision russe de diffuser le show et à l’exclusion de la Russie de la finale du concours samedi dans la capitale ukrainienne.
16/05/2017 17:24:50 – Kiev (AFP) – © 2017 AFP
source/http://www.lepoint.fr/high-tech-internet/l-ukraine-bloque-des-sites-et-des-services-internet-russes-16-05-2017-2127823_47.php


