1181 – Un expert de Wall Street : Ça finira mal pour beaucoup de gens

«...L'or est loin d'être le meilleur investissement.
 L'or et l'argent sont stériles, comme Aristote nous le rappellerait. 
Il ne paie pas de dividendes ni de revenu. Donc, gardez à l'esprit que l'or 
est un placement non conventionnel. Voilà pourquoi je ne veux pas dire que 
c'est la seule et unique chose dans laquelle les gens devraient placer leurs 
avoirs. Mais pour moi, l'or est un moyen très rapide d'investir dans le 
désordre monétaire James Grant

Par Tyler Durden – Le 22 août 2016 –

 For the first time in at least 5000 years we have driven interest rates below zero
James Grant : pour la première fois depuis plus de 3000 ans les taux d’intérêt sont négatifs (image Chris Goodney/Bloomberg)

James Grant est expert de Wall Street et rédacteur en chef du bulletin d’investissement Interest Rate Observer Grant, il met en garde contre un accident sur la dette souveraine, il est également perplexe au sujet des actions de la Banque nationale suisse et a un point de vue original concernant les paris sur l’or.

Depuis les programmes d’achat d’obligations de plusieurs milliards jusqu’aux taux d’intérêt négatifs, et probablement bientôt l’argent par hélicoptère, partout dans le monde, les banques centrales font des expériences avec des mesures de plus en plus extrêmes pour stimuler une économie atone. Cela finira en larmes, croit James Grant.

L’éditeur de la pensée forte de l’emblématique bulletin de Wall Street Interest Rate Observer Grant est l’un des critiques les plus ardents en ce qui concerne la politique monétaire super facile. Hautement compétent dans l’histoire financière, M. Grant met en garde contre la course imprudente au rendement aujourd’hui et voit l’un des plus grands risques à venir dans la dette publique. Il a également des doutes sur les investissements massifs que la Banque nationale suisse engage sur le marché boursier américain.

Interview

− Jim, pendant plus de trois décennies Grant a observé les taux d’intérêt. Y a-t-il encore quelque chose à observer avec des taux aussi faibles ?

− Les taux d'intérêt peuvent être presque invisibles mais il y a encore beaucoup
de choses à observer. Je constate qu'ils sont en diminution et que ce recul est
à l'origine d'un grand nombre de troubles parce que les gens qui ont besoin de
revenus sont à la poursuite effrénée du peu de rendement qui reste.
 
 Quelles sont les conséquences de cela ?
− Cela me rappelle le grand journaliste anglais de l'époque victorienne Walter
Bagehot. Il a dit que «John Law peut tout supporter, mais il ne supporte pas
2%, ce qui signifie que les taux d'intérêt très bas induisent la spéculation 
et l'investissement irresponsable et une mauvaise répartition du capital.» 
Je pense donc que l'épigraphe de Bagehot est très opportune aujourd'hui.

− John Law a été le principal responsable de la grande bulle du Mississippi qui a provoqué un effondrement économique chaotique en France au début du XVIIIe siècle. Comment l’histoire va-t-elle se terminer cette fois-ci ?

− La fin se révélera très mauvaise pour beaucoup de gens. Si les cadres de 
l'assurance et de la réassurance suisse lisent ceci maintenant, ils pourraient 
rouler les yeux et être frustrés d'entendre une réprimande américaine à partir 
d'une distance de 3 000 miles sur le risque de courir après le rendement. 
Après tout, si vous êtes dans les affaires d'appariement du passif à long terme 
avec des actifs à long terme, vous n'avez pas d'autre choix que de souhaiter un 
monde meilleur et plus sensible. Mais vous devez prendre le monde tel qu'il est 
et le monde d'aujourd'hui est stérile en revenus d'intérêts. Le fait est que les
temps sont très risqués.

− Où voyez-vous les plus grands risques ?

− Pour moi, la dette souveraine est en tête des marchés surévalués dans le monde
entier. Vous ne gagnez rien, ou moins que rien, pour le privilège de prêter votre
argent à un gouvernement qui a promis de déprécier la monnaie dans laquelle vous
investissez. Les Banques centrales du monde entier cherchent à atteindre un taux 
d'inflation de 2% ou plus et vous prêtez certainement à beaucoup moins de 2% et 
dans de nombreux cas, à moins de 0% nominal. L'expérience de perdre de l'argent 
est commune lorsque l'on investit. Mais où est l'intérêt si la certitude de la 
perte est là avant même que votre chèque soit encaissé ? Voilà la situation avec
la dette souveraine en ce moment.

− Sur une base mondiale, plus d’un tiers de la dette souveraine est déjà à un rendement inférieur à zéro.

− Ce n'est pas tout à fait un best-seller, mais un livre très important intitulé 
L'Histoire des taux d'intérêt. Il a été écrit par Sidney Homer et Richard Sylla.
Sidney Homer n'est plus avec nous, mais Richard Sylla est vivant et bien portant
à l'Université de New York. Donc, je l'ai appelé et lui ai dit : «Richard, j'ai 
lu beaucoup de pages, mais pas toutes, dans votre livre qui retrace l'histoire 
des taux d'intérêt à partir de 3 000 avant JC jusqu'à nos jours. Avez-vous jamais
rencontré des rendements d'obligations négatifs ?» .Il a dit non et j'ai pensé 
que ce serait une sorte de nouveau scoop important. Pour la première fois depuis
au moins 3000 ans, nous avons poussé les taux d'intérêt au-dessous du marqueur 
zéro. Je pensais que c'était une remarque exceptionnellement intelligente. Mais 
je constate que personne ne semble s'y intéresser.

− D’ores et déjà, cela fait deux ans que la BCE a été la première grande banque centrale à introduire des taux négatifs.

−I l y a quelques autres paramètres historiques : en Europe, Monte dei Paschi 
di Siena, cette ancienne banque de plus de 500 ans en Italie, est en difficulté
et délabrée autant qu'elle peut l'être sans se trouver légalement en faillite. 
Monte dei Paschi a survécu pendant un demi-millénaire et maintenant elle est dans
les cordes. Pendant ce temps, la Banque d'Angleterre est en train de faire des 
choses aujourd'hui qu'elle n'a jamais faites dans son histoire, qui est vieille 
de plus de 300 ans. Je suggère donc que les temps sont à tout le moins 
intéressants et à bien des égards sans précédent.

− Alors, quel est le vrai sens de tout cela?

− Dans la finance, la plupart du temps rien n'est jamais nouveau. Le comportement
humain ne change pas et l'argent est une institution très ancienne, comme nos 
marchés. Bien sûr, les techniques évoluent, mais la plupart du temps rien n'est 
vraiment nouveau. Toutefois, en ce qui concerne les taux d'intérêt et la 
politique monétaire, nous sommes vraiment en train d'innover.

− Maintenant, les banquiers centraux parlent même ouvertement de l’argent de 
l’hélicoptère. Vont-ils vraiment le faire ?
− J'entends déjà le bruit des pales du rotor de l'hélicoptère dans le ciel. 
J'entends aussi le fracas des tam-tams de la politique budgétaire. Il semble y 
avoir une sorte de consensus croissant disant que la politique monétaire a fait 
ce qu'elle pouvait faire et que ce qui doit être fait maintenant − ainsi parlent
les sages - est de taxer puis dépenser, dépenser et dépenser. Cela semble être la
nouvelle grande idée en politique. Dans tous les cas, ce n'est pas bon pour les
détenteurs d'obligations.

− Fait intéressant, personne ne semble parler de la dette publique croissante. En outre, la politique budgétaire est juste un à côté dans la campagne des élections présidentielles en cours.

− Le problème avec cette élection est que quelqu'un doit gagner. Je n'ai aucun 
attrait pour Donald Trump, ni pour Hillary Clinton. Le fait est que l'un des deux
va gagner. Telle est la tragédie ! Nous chez Grant sommes au regret de constater
que l'un d'entre eux va gagner.

− La crise financière et la faiblesse de la reprise économique ont probablement favorisé la montée de Donald Trump. Pourquoi l’économie américaine n’est-elle pas en meilleure forme après tous ces programmes monétaires ?

− Je me demande ce qui se serait passé en 2008 si les marchés avaient été 
autorisés à effacer [leurs pertes] et si les prix avaient été autorisés à trouver
leur propre niveau dans l'immobilier. Les banques centrales sont intervenues pour
réprimer les paniques financières depuis au moins 200 ans. Par exemple, en 1825 
la banque d'Angleterre a prêté sans barguigner et n'a pas été - comme on dit - 
trop regardante sur le type de garantie. Ce fut une intervention très dramatique.
Ce n'est donc pas comme si nous n'avions jamais vu le prêteur de dernier recours
au travail. Mais ce qui est nouveau est le traitement des marchés avec l'opium de
l'assouplissement quantitatif, année après année, suite à la crise financière. Je
pense que ce genre d'intervention non seulement n'a pas fonctionné, mais a été 
très préjudiciable. Partout dans le monde, les économies ne répondent plus, en 
dépit des mesures monétaires radicales. Dans une certaine mesure, je crois 
qu'elles ne se rétablissent pas à cause des mesures monétaires radicales.

− Quel est exactement le problème avec l’économie américaine ?

−Il y a un autre côté à ce que nous voyons maintenant : il est certain qu'en
 Amérique la Réserve fédérale et les régulateurs bancaires ont généralement la 
main très lourde dans leurs interventions. Je suis sûr qu'ils sont pleins de 
bonnes intentions. Mais, avec leurs charges de régulation, ils suppriment la 
reprise du crédit qui se déroule dans une reprise économique normale et, dans ce 
cas particulier, après une dépression ou après une liquidation.

− Là encore, un retour de la crise financière serait catastrophique.

− Les nouvelles règles en matière de réforme financière ont absorbé non seulement
des forêts en terme de paperasse, mais aussi le temps et l'attention de légions 
d'avocats. Si vous parlez à un cadre bancaire ce que vous entendez est que les 
banques ont été submergées par la nécessité d'embaucher des gens pour la 
réglementation et le contrôle. Ceci a particulièrement pesé sur les petites 
banques. Je pense que cela fait partie de l'histoire de cette reprise terne : 
la politique monétaire a été radicalement ouverte à la création de nouveaux 
crédits. Mais elle a été radicalement restrictive en ce qui concerne la prise de
risque dans le domaine privé.

− Donc, que faire pour remettre l’économie sur la bonne voie ?

− Il existe des leçons de l'histoire sur la façon de le faire. Depuis plus de 
cent ans en Grande-Bretagne, aux États-Unis et probablement aussi en Suisse, les 
propriétaires des capitaux propres d'une banque étaient eux-mêmes responsables de
la solvabilité de la banque. Si la banque est devenue bancale ou insolvable ils 
devaient remettre du capital pour rembourser les créanciers, y compris les 
déposants. Mais au cours des cent dernières années la responsabilité collective 
dans le secteur bancaire a progressivement remplacé la responsabilité
individuelle. Le gouvernement, avec l'introduction de l'assurance-dépôts, les 
nouvelles réglementations et interventions ont remplacé la vieille doctrine de la
responsabilité des actionnaires. Voilà pourquoi je pense que nous devons 
nous éloigner de l'intervention du gouvernement et aller plutôt vers des 
solutions axées sur le marché, comme la vieille doctrine de la responsabilité des
propriétaires des banques.

− Au moins aux États-Unis, la Fed tente de revenir à une politique monétaire plus normale. Pensez-vous que la dirigeante de la Fed Janet Yellen accordera une autre hausse de taux lors de la réunion de Jackson Hole la semaine prochaine ?

– Janet Yellen n'est en aucun cas une personne impulsive. Selon le Wall Street 
Journal, elle arrive à l'aéroport des heures avant le vol ! Donc, c'est est une 
personne réfléchie qui a une aversion au risque. En outre, en tant qu'économiste 
du travail, elle est une personne empathique. Elle croit ce que les économistes 
les plus interventionnistes croient : ils ont très peu de foi dans l'institution 
des marchés et ils ne croient pas que le mécanisme des prix est quelque chose de 
particulier. Ils veulent normaliser les taux et pourtant ils peuvent toujours 
trouver une excuse pour ne pas le faire. Nous avons entendu depuis des années 
maintenant que la prochaine fois, le prochain trimestre, le prochain exercice, 
ils agiront. Donc je crois ce que je vois : ce n'est pas avant longtemps que les 
taux des fonds fédéraux seront supérieurs à 0,5%. Je ne vois pas cela se produire.

− Wall Street semble penser dans le même sens. Jusqu’à présent, de nombreux investisseurs ne prennent plus le bavardage renouvelé sur une hausse des taux trop au sérieux.

− La Fed est maintenant otage de Wall Street. Si le marché boursier recule de 
quelques pour cent, la Fed prend peur. Dans un sens, je suppose que la Fed est 
justifiée dans cette croyance, car elle est responsable dans une large mesure 
de l'élévation de la valeur des actifs financiers. Les taux de capitalisation 
de l'immobilier sont très bas, le PER des actions est très élevé et les taux 
d'intérêt sont extrêmement bas. On ne peut pas être certain des cause et des 
effets. Mais il me semble que les Banques centrales du monde sont responsables 
d'une grande partie de cette lévitation des valeurs. Alors qu'ils se sentent 
parfois une certaine responsabilité de laisser le monde à la traîne dans un 
marché baissier. On est arrivé à un point où la Fed est pratiquement otage des 
marchés financiers. Quand ils toussent, sans parler de tomber, la Fed s'inquiète 
et intervient.

− De toute évidence, les marchés financiers aiment cet état d’esprit prudent de la Fed. Plus tôt cette semaine, les actions américaines ont atteint un nouveau record.

− N'est-ce pas étrange ? Le marché boursier est à des niveaux records et le 
marché obligataire agit comme si on était dans la Grande Dépression. Pendant ce 
temps, la Banque nationale suisse achète beaucoup d'actions américaines.

− En effet, selon les derniers documents déposés auprès de la SEC, le portefeuille de la Banque nationale suisse en actions américaines a augmenté de plus de $60 milliards.

− Oui, ils possèdent beaucoup de tout. Voyons comment ils obtiennent l'argent 
pour cela : ils créent des francs suisses à partir de l'air pur alpin, là ou 
l'argent suisse se développe. Puis ils achètent des euros et les transforment en 
dollars. Jusque là, personne n'a rien fait. Tout cela se réalise avec une touche 
sur un clavier d'ordinateur. Et puis la BNS appelle son courtier préféré - UBS, 
je suppose - qui ratiboise la bourse américaine. Tout cela avec de l'argent qui 
n'a jamais existé. Cela aussi, c'est quelque chose d'un peu nouveau.

− D’autres banques centrales, aussi, sont devenues de gros acheteurs sur les marchés mondiaux des valeurs mobilières. Fondamentalement, tout a commencé avec les programmes d’assouplissement quantitatif – QE – de la Réserve fédérale.

− C'est un truisme de dire que les banques centrales font ça. Elles le font bien 
sûr depuis des générations. Mais il y a quelque chose de particulièrement 
éclatant dans les achats de milliards de dollars d'actions américaines par la 
Banque nationale suisse. Ce sont des actions de sociétés importantes du S & P 500
qui font des profits réels. Ainsi, la BNS accumule d'importantes positions dans 
ces sociétés avec de l'argent qui vient vraiment de nulle part. Voilà un peu de 
quoi se gratter la tête avec des questions existentielles, non ?

− Qu’est-ce-que les investisseurs sont censés faire sur ces marchés financiers bizarres ?

− Je suis très optimiste sur l'or et je suis très optimiste sur les actions de
mines d'or. C'est parce que je pense que le monde va perdre la foi dans la valeur
du doctorat de gestion monétaire. L'or est loin d'être le meilleur investissement
. L'or et l'argent sont stériles, comme Aristote nous le rappellerait. Il ne paie
pas de dividende ni de revenu. Donc, gardez à l'esprit que l'or est un placement 
non conventionnel. Voilà pourquoi je ne veux pas dire que c'est la seule et
unique chose dans laquelle les gens devraient placer leurs avoirs. Mais pour moi,
l'or est un moyen très rapide d'investir dans le désordre monétaire.

Traduit et édité par jj, relu par Catherine pour le Saker Francophone


source en anglais /http://www.zerohedge.com/news/2016-08-22/jim-grant-will-turn-out-very-bad-many-people


SOURCE en français /http://lesakerfrancophone.fr/un-expert-de-wall-streetca-finira-mal-pour-beaucoup-de-gens

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