754- Chypre et l’Union européenne (UE)

 Préambule de Sans à priori : Comprendre ce qui se passe à Chypre, occupée en partie par les Turcs depuis 1974, l’entrée dans l’UE, la crise de 2013… la découverte des champs gaziers … l’évolution de l’UE à travers la lecture des relations avec Chypre … c’est assez édifiant !
La volonté de réunification, partagée au Nord et au Sud, crée une véritable fenêtre d’opportunité pour aboutir à un accord. D’autant que la Grèce et Turquie, qui ont longtemps instrumentalisé la question chypriote, ont tempéré leurs ardeurs. Même si actuellement Mustafa Akinci entretient de difficiles relations avec le président turc Recep Tayyip Erdogan, dont l’aval serait nécessaire avant tout accord.
« Il ne faut pas escompter un plan de paix global, mais un accord intermédiaire prévoyant notamment d’augmenter le nombre de points de passage sur la ligne verte entre le nord et le sud de l’île et d’intensifier les échanges économiques », tempère Mathieu Petithomme. Plusieurs dizaines de milliers de Chypriotes turcs franchissent chaque jour l’un des huit points de passage, qui ont progressivement rouvert depuis 2008, pour aller travailler au Sud, intégré à l’Union européenne et plus développé économiquement.(http://www.la-croix.com/Actualite/Europe/Une-fenetre-d-opportunite-pour-la-reunification-de-Chypre-2016-01-06-1400740)
 

2016.05.15  CHYPRE 4

Jean-François Drevet
Plan | Texte | Bibliographie | Notes | Citation | Auteur

Plan

01/-L’adhésion de Chypre, une erreur de l’UE ?
02/-Le « grand élargissement » de 2004
03/-L’échec du plan Annan
04/-La gestion punitive de la crise de 2013
05/-Chypre, État membre à souveraineté limitée
06/-Les traités inégaux
07/-Les bases britanniques (Sovereign Bases Areas, SBAs)
08/-L’occupation turque
09/-À quoi peut servir le gaz ?
10/-Des découvertes sans précédent
11/-Comment gérer les exportations ?
12/-Le dilemme turc
13/-Un atout-maître en vue de la réunification ?
14/-Conclusion

1 En s’agrandissant vers le sud et vers l’est, l’Union européenne (UE) s’étend sur des espaces de plus en plus différents du noyau carolingien des six pays fondateurs. Non seulement plusieurs des nouveaux États membres ont des problèmes de cohésion interne d’une gravité inconnue auparavant, mais ils confrontent l’Union à un environnement géographique beaucoup plus instable, marqué par des conflits récurrents qui n’ont pas trouvé de solution depuis des décennies.

  • 1 1,155 Million d’habitants en juillet 2013 (population de facto), dont 839 000 dans le Sud (recensem (…)

2 C’est le cas de Chypre, avant-poste le plus oriental et le plus méridional de l’UE à 28.

Près de dix années après son adhésion, la troisième île de la Méditerranée par sa superficie (9 251 km²) et sa population1 (après la Sicile et la Sardaigne), n’est pas encore devenue un État membre comme les autres.

3 Son entrée dans l’Union ne lui a pas permis de surmonter le traumatisme de l’invasion turque de 1974 et du nettoyage ethnique qui l’a suivi ; un accord de réunification n’a toujours pas pu être négocié. Si tous les Chypriotes sont devenus des citoyens européens, le territoire de l’île est toujours profondément divisé entre le Sud, administré par le seul gouvernement légalement reconnu et le Nord, occupé par la Turquie, qui y a créé une « République turque de Chypre du nord (RTCN) », dépourvue de statut international, où l’application de l’acquis communautaire est pour cette raison suspendue.

4 Au début de 2013, la zone gouvernementale a été très fortement affectée par la crise de l’euro, qui l’a contrainte à une restructuration difficile et aléatoire de son économie, en attendant l’entrée en production des gisements de gaz découverts grâce aux nouvelles techniques d’exploration en eau profonde. Ces nouvelles ressources apporteront également des moyens en vue de la réunification de l’île dans le cadre européen et contribueront à la sécurité énergétique des pays voisins, en particulier la Turquie.

5 Dans cet article, qui n’a pas la prétention de faire le point sur l’ensemble du problème de Chypre, nous nous limiterons à trois questions qui interpellent la construction européenne :

  • I/-en acceptant l’adhésion d’une île divisée, l’UE a-t-elle commis une erreur ? Pourquoi ce point crucial a-t-il été esquivé au cours de la négociation ? Quelles sont les raisons de l’échec du plan Annan, qui avait pourtant reçu un large soutien européen ? A-t-on voulu punir les Chypriotes pour leurs errements économiques et financiers, ou les aider à se remettre de la crise de l’euro ?
  • II/- quels sont les changements à apporter au statut international de l’île pour en faire un État membre de plein exercice, contribuant au rayonnement de l’UE et à la stabilisation du bassin oriental de la Méditerranée ?
  • III/- comment l’île peut-elle faire usage des ressources attendues de l’exploitation du gaz naturel pour assurer son indépendance et sa réunification ?

01/-L’adhésion de Chypre, une erreur de l’UE ?

2016.05.15  CHYPRE DRAPEAU

6  À trois reprises, au cours des deux dernières décennies, Chypre s’est trouvée dans une position difficile face à ses partenaires européens :

  • longtemps jugée problématique en raison de la division de l’île, son adhésion n’aurait été acceptée que grâce au « chantage » de la Grèce au moment du « grand élargissement » de 2004 ;

  • quelques jours avant cette adhésion, les Chypriotes ont rejeté le projet de réunification (plan Annan) préparé par les Nations Unies et soutenu par la Commission européenne ;

  • depuis le début de 2013, mal gérée, touchée par le contrecoup de la crise grecque, l’économie chypriote est soumise aux mesures d’austérité imposées conjointement par le Fonds monétaire international (FMI), la Banque centrale et la Commission européennes (la troïka). Il est encore difficile d’en prévoir les résultats.

02/-Le « grand élargissement » de 2004

2016.02.09 drapeau UE P029684001403-869230

7 En 1990, quand Chypre a déposé une demande d’adhésion, beaucoup d’observateurs ont pensé qu’il serait judicieux de laisser l’île en dehors de l’UE, aussi longtemps qu’elle n’était pas parvenue à surmonter sa division.

En 1993, la Commission européenne a estimé que faire de la réunification un préalable aurait entraîné un ajournement sine die de l’adhésion, car l’île n’est pas seulement divisée, mais aussi occupée. Refuser Chypre revenait à récompenser l’agresseur et aurait conféré à un pays tiers, la Turquie, un droit de veto sur l’élargissement de l’Union européenne, ce que le traité ne reconnaît qu’à un État membre.

8 En 1995, le Conseil a donc décidé de faire droit à la demande de l’île, en affirmant que le lancement d’un processus d’adhésion était aussi de nature à faciliter une solution, la Turquie étant elle-même candidate depuis 1987. Ce pari n’était pas irréaliste : Ankara pouvait y trouver à la fois un moyen honorable de se rapprocher de l’UE et de se libérer d’un problème qui l’isole depuis des décennies.

  • 2 Rauf Denktaş (1924-2012) « simply did not particularly want a settlement of the Cyprus problem or a (…)
  • 3 Comme pour les candidats précédents, le mandat de négociation demande à la Turquie « un engagement (…)

9 Malheureusement, l’immobilisme du camp turc et les exigences démesurées du « président » de Chypre nord2, qui a réclamé la reconnaissance préalable de son pseudo-État, n’ont pas permis d’avancer dans cette voie. Non seulement la Turquie n’a pas voulu d’une négociation équilibrée sur Chypre, mais elle n’a pas compris ce que la « méthode de l’adhésion » issue des critères de Copenhague impliquait pour elle-même3.

  • 4 Procédure de négociation qui a offert l’adhésion aux pays candidats, dès qu’ils auraient satisfait (…)

10 Ensuite, dans la négociation d’adhésion engagée avec six pays à partir de 1998, puis dans la « régate4 » qui a mis les douze candidats en compétition à partir de 2000, il était impossible d’ajourner Chypre, qui faisait la course en tête par le nombre des chapitres clôturés. Enfin, le traité d’adhésion étant unique, était-il possible de le soumettre à la ratification du Parlement grec en excluant le candidat le mieux préparé ? C’est pourquoi, en décembre 1999, le sommet d’Helsinki a décidé que Chypre entrerait dans l’UE, même en l’absence de règlement politique.

11 Ceux qui le regrettent encore aujourd’hui n’ont jamais avancé d’alternative.

03/-L’échec du plan Annan

2016.05.15  CHYPRE 5

12 Par ailleurs, l’espoir de parvenir à une solution politique s’est maintenu jusqu’aux derniers jours précédant l’adhésion, du fait de l’organisation en parallèle, sous l’égide des Nations Unies, d’une négociation entre les deux communautés chypriotes, avec le soutien de Londres et de Washington.

13 Dans un monde idéal, le mandat onusien aurait découlé directement des résolutions de l’Assemblée générale et du Conseil de sécurité, en exigeant le rétablissement de l’ordre international à Chypre. En position de force sur le terrain, la Turquie n’était pas prête à discuter sur cette base, mais sur une procédure ouvrant la voie à une légalisation, au moins partielle, du fait accompli. Ne pouvant imposer le respect du droit international, les Nations Unies se sont orientées vers une solution acceptable par les hardliners du camp turc, en modifiant les versions successives du plan Annan, afin de satisfaire un nombre croissant de leurs exigences. Mais en allant trop loin dans cette direction, le plan est devenu inacceptable pour les Chypriotes grecs.

  • 5 Après l’invasion de l’été 1974 toute la population grecque du Nord (plus de 200 000 habitants) a ét (…)

14 L’UE, qui n’a pas de compétence à juger des aspects internes d’un accord politique, avait indiqué à l’avance qu’il devait être réalisé « conformément aux principes qui sous-tendent l’Union européenne ». Le point litigieux était le respect de la liberté d’établissement, qui vient en contradiction avec la volonté turque de ne pas revenir sur le nettoyage ethnique de 19745. D’après les juristes du Foreign Office, si elles étaient antérieures à l’adhésion, des dérogations à cette liberté d’établissement étaient possibles et feraient partie du droit primaire de l’UE, ce que la Commission européenne a accepté en s’éloignant de son rôle traditionnel de gardienne de l’acquis.

  • 6 Avant l’invasion turque de 1974, 80 % des propriétés privées du Nord appartenaient à des Grecs.

15 En contradiction avec les principes européens de libre établissement et de non-discrimination, les négociateurs des Nations Unies ont donc décidé de limiter la capacité des Chypriotes grecs à résider et à disposer de leurs biens dans le Nord6. En outre, un schéma de réunification politique et économique faiblement structuré a été retenu. Le niveau fédéral ne devait pas disposer des compétences et des moyens nécessaires pour fonctionner : on lui avait assigné des responsabilités budgétaires énormes sans lui fournir de recettes à la hauteur de ses charges.

16 D’après Claire Palley (Palley, 2005), le plan Annan était ainsi devenu « un extraordinaire abandon de principes fondamentaux » de l’UE. En ne tenant pas compte des enseignements du passé, notamment de la faillite en 1964 de la Constitution établie lors de l’indépendance, les rédacteurs du plan avaient fait un cadeau empoisonné à l’UE : il n’était pas nécessaire d’avoir une grande expérience institutionnelle pour prévoir des divergences insurmontables entre les deux parties de l’île, qui auraient perturbé le fonctionnement de l’UE, où la voix de chaque pays compte.

17 Enfin, plusieurs dispositions introduites à la demande de la Turquie dans la version finale du plan avaient aggravé les limitations de souveraineté des traités de 1960. En s’engageant par avance à soutenir la candidature turque, en subordonnant la mise en exploitation des ressources pétrolières du plateau continental à l’accord d’Ankara et en renonçant à utiliser le territoire de l’île pour des opérations militaires sans le consentement des puissances garantes, Chypre aurait été un État membre de seconde classe.

18 À l’évidence, ces limitations, qui n’ont rien à voir avec la résolution du problème de l’île, en auraient été aussi pour les politiques communautaires. Elles apportaient des concessions, éventuellement au détriment de l’UE, en faveur de soi-disant « intérêts vitaux » de la Turquie, de nature à affecter durablement la politique extérieure de l’UE dans le bassin oriental de la Méditerranée.

Tableau 1 – Les résultats du référendum du 24 avril 2004 sur le plan Annan

en pourcentage du total

Inscrits

Votants

Suffrages exprimés

Oui

Non

Sud

77,0

89,3

77,6

24,2

75,8

Nord

23,0

84,4

22,4

64,9

35,1

Chypre

100,0

88,1

100,0

33,3

66,7

Source : Claire Palley, op. cit.

19 Le suffrage universel a tranché : les deux tiers des Chypriotes ont refusé le plan. Si au nord, il a été approuvé par une majorité des deux tiers, il a été rejeté par les trois-quarts des Grecs et pour des raisons diamétralement opposées, par un tiers des Chypriotes turcs.

20 Comme prévu, l’île a adhéré à l’UE : tous les Chypriotes sont devenus citoyens européens (y compris les Chypriotes turcs), mais la mise en œuvre de l’acquis communautaire est « suspendue » dans le Nord, ce qui a fait dire que les Grecs avaient été injustement récompensés, en dépit de leur rejet du plan Annan et les Turcs, qui l’avaient accepté, injustement pénalisés.

21 Sans entrer dans les raisons qui avaient conduit les Chypriotes à rejeter le plan Annan, celui-ci n’était pas une bonne affaire du point de vue du respect du droit communautaire, en raison des nombreuses dérogations indiquées ci-dessus. C’est pourquoi un certain nombre d’experts européens, initialement favorables au plan, ont changé d’avis après en avoir pris connaissance et sont aujourd’hui soulagés qu’il ait été repoussé.

22 Entre ceux qui estiment qu’un mauvais accord aurait été préférable à pas d’accord du tout et ceux qui pensent qu’il était possible de faire beaucoup mieux, le débat se poursuit. Beaucoup d’observateurs estiment qu’en l’absence d’accord, tous les Chypriotes sont perdants : avoir rejeté celui-ci parce qu’il est mauvais ne protège pas d’un autre, qui pourrait être pire, ce dont l’histoire de Chypre au XXe siècle apporte plusieurs exemples. La recherche d’une solution doit donc demeurer une priorité.

04/-La gestion punitive de la crise de 2013

2016.02.09 euro 2001 P008484001.smq

  • 7 Les données qui suivent ont été puisées dans le rapport de la Commission européenne de mai 2013 The (…)

23 En dépit des incertitudes politiques, Chypre a longtemps connu une assez forte croissance7. Au cours des années 2000, elle s’est maintenue à 3 %/an, soit le double de la moyenne de la zone euro. L’économie a bénéficié des effets de l’adhésion et a poursuivi sa diversification dans le secteur des services de haut niveau (82 % des emplois dans les services au lieu de 75 % dans l’UE), grâce à une force de travail hautement qualifiée et à une fiscalité très douce.

24 Ensuite, à la fin des années 2000, les effets de l’indexation des salaires et de l’augmentation du poids du secteur public ont réduit la compétitivité. Traditionnellement déficitaire dans ses échanges de marchandises, Chypre l’est devenue également au niveau de la balance des services ; l’endettement public s’est fortement accru après l’entrée dans la zone euro.

  • 8 Les banques chypriotes avaient acheté massivement de la dette grecque.

25 Cette évolution, semblable à celle d’autres pays méditerranéens, n’aurait pas eu les mêmes conséquences sans la fragilisation du secteur bancaire, qui a comme en Islande et en Irlande prit un poids excessif. Sa rapide expansion au cours de la deuxième moitié de la décennie a été alimentée par plusieurs facteurs convergents : l’accélération du boom immobilier, qui a accru l’endettement du secteur privé (310 % du PIB au lieu de 213 % en 2007) et un afflux de dépôts des non-résidents, notamment des Russes. Mais c’est l’exposition devenue catastrophique à la dette grecque8 (111 % du PIB de Chypre en septembre 2012) qui a déclenché la crise. Depuis la mi-2011, le système bancaire de l’île n’est plus capable de se refinancer. À la fin de 2012, les encours bancaires ont atteint 718 % du PIB (2 fois la moyenne de la zone euro).

26 La mise au point d’un plan de restructuration, retardé par l’échéance des élections présidentielles de février 2013, a fait l’objet d’un accord difficile en mars 2013. Cinquième pays de la zone euro à demander de l’aide, Chypre a été traité avec une sévérité sans précédent. Même si elle n’a pas été mise en œuvre, la solution initiale de taxer tous les déposants a été lourde de conséquences, en portant atteinte à la confiance que les Chypriotes et beaucoup d’autres citoyens européens pouvaient avoir dans les institutions qui ont préparé les plans.

  • 9 For Cyprus, a sudden need to play nice with Turkey (James Kanter, New York Times, 27 mars 2013).

27 Beaucoup de Chypriotes sont persuadés d’avoir fait l’objet de mesures punitives, destinées à leur faire payer leur rejet du plan Annan. Une partie de la presse américaine9 a confirmé leur point de vue en soutenant que le moment serait venu de profiter de leur faiblesse pour leur en imposer une nouvelle version : le gouvernement chypriote serait invité « to play nice with Turkey », en s’accommodant d’un accord proche d’une reconnaissance du fait accompli.

  • 10 Voir sur ce point le policy paper n°96 de Notre Europe, The way out of the Cyprus economic crisis, (…)

28 À moins que la reprise ne se généralise, Chypre va devoir adopter d’autres mesures d’austérité et subir une conjoncture dépressive pendant plusieurs années, avec une perte cumulée estimée à 33 % de son PIB (2011-2015) et un risque de sortie de la zone euro10. De fortes réductions sont à attendre dans la consommation des ménages, touchée par la croissance du chômage et les baisses de salaires.

  • 11 Document de travail du Planning Bureau, Gouvernement de Chypre, 1975.

29 Le recul serait du même ordre que celui observé lors de l’invasion turque de l’été 197411, quand le PIB avait été ramené à 67 % de son niveau de 1973, avec la perte définitive de nombreuses infrastructures : 73 % de la capacité hôtelière, 46 % de la production agricole, le port de Famagouste (83 % du trafic) et le seul aéroport international de l’île (alors à Nicosie).

30 À l’époque, en dépit de tous ces handicaps, l’économie de la partie grecque avait opéré un rebond spectaculaire, en retrouvant dès 1978 le niveau atteint par l’ensemble de l’île en 1973. Les agriculteurs ayant perdu leurs terres s’étaient reconvertis dans le secteur manufacturier et la diversification des services, l’essor du tourisme, avaient créé de nouveaux emplois.

  • 12 D’après l’indice de compétitivité de la Banque mondiale (ease of doing business), Chypre se trouve (…)

31 Si l’évolution d’une petite économie est difficile à prévoir, elle est riche d’opportunités. En comparaison des pays voisins, Chypre est une place commerciale et financière attractive et son potentiel touristique est intact12. Si elle n’a pas perdu ses capacités d’adaptation, elle devrait être en mesure de retrouver la prospérité perdue, en valorisant les compétences acquises (notamment les services maritimes) et en bénéficiant des reclassements en cours dans le tourisme méditerranéen, en raison de l’instabilité des pays arabes, en attendant les bénéfices attendus de la mise en exploitation du gaz, sur lesquels nous reviendrons.

32 Parmi les exemples de résilience, on peut citer la marine marchande. Avec 22 millions de tonnes (Mt), Chypre est au 11e rang mondial (3e dans l’UE), avec une flotte moderne (les deux tiers du tonnage ont moins de 10 ans). L’île est aussi très bien placée dans le secteur des services (ship management), où elle assure 20 % du marché mondial (dont seulement 10 % des navires immatriculés à Chypre). Au total, les revenus du « shipping » ont représenté en 2012 7 % du PIB. La position de Chypre s’appuie sur une législation stable et une fiscalité favorable (bien qu’accru de 10 à 12,5 % par le programme d’austérité, le taux de l’impôt sur les sociétés reste très attractif).

05/-Chypre, État membre à souveraineté limitée

2016.05.15  CHYPRE 2

33 Une fois de plus, l’évolution future de l’île ne peut s’abstraire du contexte géopolitique troublé du bassin oriental de la Méditerranée. Sur ce plan aussi, Chypre n’est pas un État membre comme les autres.

34 D’une part, l’île subit toujours les effets des limitations de souveraineté imposées au moment de son indépendance par les « traités inégaux » signés en 1960 et doit s’accommoder du maintien de deux bases militaires détenues en pleine souveraineté par le Royaume-Uni.

35 D’autre part, elle est la seule partie de l’UE à subir une occupation étrangère. Depuis l’été 1974, la Turquie a conquis plus du tiers de son territoire et en a expulsé presque tous ses habitants grecs.

06/-Les traités inégaux

  • 13 Officiellement 950 Grecs et 650 Turcs (ils sont actuellement plus de 35 000).

36 Au moment de l’indépendance, le colonisateur britannique a imposé à Chypre des traités de garantie et d’alliance avec le Royaume-Uni, la Grèce et la Turquie, leur octroyant un droit d’intervention et autorisant le stationnement permanent de forces armées étrangères13.

  • 14 « Britain had a legal right, a moral obligation and the military capacity to intervene in Cyprus du (…)
  • 15 Article 4 du traité de garantie : «  En cas de violation des dispositions du présent Traité, …, cha (…)

37 Il n’existe pas d’exemple d’une indépendance aussi fortement garantie sur le papier et si peu respectée sur le terrain. En 1974, chacune des puissances a violé le traité. Avec la bénédiction de Washington, les colonels grecs ont fomenté un coup d’État pour rattacher l’île à la Grèce. Ensuite, l’invasion turque est à l’origine des faits accomplis de l’occupation militaire et du nettoyage ethnique. En s’abstenant d’empêcher Athènes, puis Ankara d’agir, la garantie n’a pas été non plus respectée par les Britanniques14. Aucune des trois puissances ne s’est souciée de « rétablir l’ordre établi par le traité »15, ce qui aurait dû être leur seul objectif.

  • 16 Doctrine établie par l’URSS après l’invasion de la Tchécoslovaquie en 1968 et appliquée aux pays sa (…)

38 En fait, Chypre est soumise à une sorte de « néo-doctrine Brejnev de souveraineté limitée16 », qui n’a pas de justification dans l’ordre européen, où les États membres sont juridiquement souverains, donc égaux.

07/-Les bases britanniques (Sovereign Bases Areas, SBAs)

2016.05.15 bases britaniques Chypre

39 Les deux bases de Dikhelia et d’Akrotiri sont détenues en pleine souveraineté par le Royaume-Uni : leur territoire ne fait pas partie de l’UE et les Chypriotes n’ont pas demandé la révision des accords. Dans le cadre du « partenariat spécial » développé avec Washington, Londres ouvre ses bases aux États-Unis, ce qui lui permet, dans une relation marquée par une forte inégalité à son détriment, « to punch over its weight ».

40 Depuis la fin de la guerre froide, la valeur stratégique de Chypre n’a pas diminué, du fait de l’émergence de nouveaux facteurs d’instabilité au Moyen-Orient. Si le Royaume-Uni n’a pas plus besoin que les autres États membres de bases militaires pour défendre ses intérêts dans la région, le Pentagone y tient beaucoup. Il a constamment encouragé les Britanniques à les conserver et il contribue à leur financement.

  • 17 Voir l’article de Nicky Hager et Stefania Maurizi dans l’Espresso du 5 novembre 2013.

41 Avec l’évolution technologique, plus que l’aéroport, c’est le système d’écoute qui est devenu essentiel. Chypre se trouve au centre d’un important nœud de câbles sous-marins entre l’Europe, l’Asie, l’Afrique orientale et l’océan Indien, qui serait espionné par les services britanniques et la NSA à partir de Dikhelia, notamment les communications internet, suivant des pratiques récemment mises en évidence par l’affaire Snowden17.

42 C’est pourquoi, bien qu’ils disposent de nombreuses autres facilités au Proche-Orient, les États-Unis veulent continuer à utiliser les SBAs. Ils y font ce qu’ils veulent, ce qui n’est pas possible sur la base voisine d’Incirlik, près d’Adana, où les autorités turques décident en fonction de leurs intérêts propres.

43 L’avenir des bases est d’un intérêt primordial pour Chypre, pour les Britanniques et indirectement pour l’UE, en raison de la situation géopolitique de l’île et du rôle que ces bases peuvent jouer dans les systèmes de défense du présent (partenariat anglo-américain) ou du futur (en cas d’extension de l’OTAN ou de mise en place d’une politique de défense européenne ad hoc).

44 Pour leur part, les Chypriotes n’ont pas beaucoup de raisons de se féliciter de l’importance stratégique accordée à leur île. À la différence de Malte, en argent comme en emplois, l’apport économique des bases britanniques n’a jamais été important. Le développement de l’île s’est réalisé en dépit de leur présence et des complications internationales qui en ont résulté.

45 Sur le fond du problème, dans le bassin oriental de la Méditerranée comme au Moyen-Orient, les grandes puissances ont toujours fait passer leurs impératifs géopolitiques avant le respect du droit international et des valeurs démocratiques.

Cette politique s’est poursuivie après 1989 : dans leurs relations avec la Turquie comme avec les autres pays de la région, les États-Unis, en dépit des objectifs proclamés de construction d’un « grand Moyen-Orient » démocratique, ont conservé leur priorité géostratégique. N’ayant jamais vraiment cru à la capacité de la région d’évoluer vers la démocratie, ils ne se sont guère souciés des aspirations des populations et se sont accommodés des régimes qui les aidaient à préserver leurs intérêts.

  • 18 Les manifestations d’hostilité vis-à-vis d’Israël, les rodomontades d’Erdoğan et les infidélités à (…)

46 Bien que devenu un État membre de l’UE, Chypre est toujours victime de cette sujétion. Dans l’attitude de Washington, le souci de ménager la Turquie et donc de tolérer l’occupation de Chypre, a pris le pas sur le respect du droit international, en dépit de la réorientation de la politique étrangère d’Ankara, qui a montré l’ingénuité de l’approche américaine18.

47 Soigneusement contourné pendant la négociation du plan Annan, ce problème reviendra un jour au premier plan et impliquera une coopération entre les parties en présence : en tant que membres de l’OTAN, de l’UE et titulaires des bases, les Britanniques sont les plus concernés. Comme les États-Unis l’ont fait à Panama, il serait logique qu’ils renégocient leur présence à Chypre, en conciliant leurs besoins stratégiques, que personne n’a la naïveté de méconnaître, avec les souhaits des habitants de l’île.

08/-L’occupation turque

2016.05.16 occupation turque Chypre

48 Près de quarante années après son invasion, la prééminence de la Turquie à Chypre est maintenue par plusieurs moyens. En premier lieu, elle pèse de tout le poids de son occupation militaire. Ensuite, elle contrôle étroitement les autorités du Nord. Enfin, à long terme, elle transforme l’identité insulaire en encourageant l’immigration anatolienne, illégale en droit international, qui tend à faire des Chypriotes turcs « une minorité dans la minorité ».

49 Dans les cénacles internationaux, elle justifie sa présence par deux arguments :

  1. le besoin de protection de la communauté turque, qui ne pourrait être assurée que par une présence militaire permanente
  2. et la sécurité de l’Anatolie face à une possible menace étrangère.

50 Ankara ne manque jamais de rappeler que l’existence même de la communauté turque à Chypre a été menacée, depuis le début des années 1950 jusqu’à son intervention de 1974, ainsi justifiée. En Europe, cette défense des minorités nationales, notamment quand un grand pays fait pression sur un petit, éveille des souvenirs tragiques : personne n’a oublié comment l’Allemagne nazie a manipulé les minorités germaniques dans les pays d’Europe centrale et ce qu’il est advenu de l’État tchécoslovaque, au nom de la défense des Allemands des Sudètes.

51 Pour éviter ces problèmes ou en réduire l’importance, l’UE a exigé de ses nouveaux membres la signature d’accords de reconnaissance mutuelle de leurs frontières et de respect des minorités, qui ont mis fin à une grande partie du contentieux hérité du passé.

52 D’une manière générale, les États membres s’abstiennent d’intervenir dans les problèmes de minorités des autres pays. La France, les Pays-Bas ou l’Allemagne demandent-elles le droit de se mêler des affaires des Belges qui parlent leur langue, comme la Turquie l’exige à Chypre ? En ayant accepté la juridiction de la Cour européenne des droits de l’homme, Ankara admet que ces problèmes sont à traiter dans le cadre de l’État de droit. Basée sur le fait accompli, la revendication turque d’un droit permanent d’intervention à Chypre est donc un anachronisme qui doit prendre fin.

  • 19 « Even if there was no Muslim Turks in Cyprus, Turkey is obliged to have a Cyprus issue. No count (…)

53 Depuis que par des manifestations massives en 2003 et en 2011, la communauté chypriote turque a pris ses distances avec la Turquie, le gouvernement d’Ankara avance à nouveau l’argument géopolitique : il serait « de l’intérêt vital » de la Turquie de maintenir des troupes à Chypre, en tant que condition indispensable à sa sécurité19, afin d’empêcher une puissance hostile de s’implanter aussi près de l’Anatolie.

Là aussi, la notion d’intérêt vital évoque des souvenirs tragiques :

  • il fut de l’« intérêt vital » de l’Allemagne de conquérir le « corridor de Dantzig »,
  • de la France d’occuper la rive gauche du Rhin
  • de la Russie de contrôler les ports de la Baltique.

Avec les conséquences que l’on sait.

54 Au nom d’un complexe d’encerclement assez subjectif, la Turquie estime indispensable de maintenir des forces militaires sur un territoire qui ne lui appartient pas, mais fait partie d’un périmètre stratégique arbitrairement délimité.

  • Sur cette base, la France devrait installer une garnison dans les îles Anglo-Normandes
  • et l’Italie en Corse.

La Russie avait des arguments plus solides (défense de Kaliningrad, importance des minorités russophones) pour stationner des troupes dans les Pays baltes ; elle y a pourtant renoncé.

55 Suivant des standards européens, l’argumentation turque, aussi bien concernant la protection des Chypriotes turcs que le caractère vital de ses intérêts stratégiques, n’est pas recevable.

En résumé, un règlement politique à Chypre n’est pas séparable d’un engagement de la Turquie à évacuer ses troupes dans un délai convenable et de ne plus se mêler des affaires de l’île.
56 Depuis la fin de la Guerre froide, aucun pays européen n’est occupé par un autre ou n’abrite de bases étrangères sans son consentement. Pour obtenir l’ouverture de ses négociations d’adhésion, il aurait été logique d’exiger de la Turquie l’évacuation de ses troupes stationnées à Chypre (par exemple, dans les trois ans que la Russie a accepté pour quitter les pays baltes). En 2005, la présidence britannique a perdu une bonne occasion de le faire.

09/-À quoi peut servir le gaz ?

10/-Des découvertes sans précédent

2016.05.15 gaz petrole Chypre

57 Dans ce contexte de blocage ancien et persistant, l’émergence du bassin oriental de la Méditerranée comme nouvelle province gazière apporte des éléments nouveaux, susceptibles de faire évoluer des positions longtemps figées.
  • 20Overview of oil and natural gas in the Eastern Mediterranean Region (rapport actualisé au 15-08-201 (…)

58 Depuis 2003, les progrès techniques de l’exploration en eau profonde (à 1 650 m) ont permis la découverte de grands gisements de gaz près des côtes égyptiennes, qui ont entraîné les pays voisins à se lancer dans la prospection. D’après l’US Geological Survey et l’US Energy Information Administration20, le bassin sédimentaire du Levant serait riche en pétrole et surtout en gaz : 1,7 milliard de barils de pétrole et jusqu’à 3 500 milliards de m³ de gaz récupérables dans les zones économiques exclusives (ZEE) d’Israël, du Liban, d’Égypte, de l’Autorité palestinienne (pour la bande de Gaza) et de Chypre, qui pourrait en détenir 1 770 milliards de m³, soit environ la moitié du total.

  • 21 ZEE : zones économiques exclusives.
  • 22 voir Anastasios Giamouridis, septembre 2013. Natural gas in Cyprus, choosing the right option. Medi (…)

59 Impliquée des deux côtés de la limite maritime des ZEE21 Israël-Chypre, la firme américaine Noble Energy a fait récemment des découvertes spectaculaires22.

60 D’une part, au large des côtes israéliennes, le gisement Tamar est entré en production en avril 2013, avec des réserves estimées à 283 milliards de m³ de gaz. Son voisin Leviathan, qui doit entrer en production en 2016, serait plus important encore (autour de 500 milliards de m³).

  • 23The Cyprus Hydrocarbons Issue : Context, Positions and Future Scenarios. PRIO Cyprus centre, janvie (…)
  • 24 Les données ci-dessous ont été publiées par Noble Energy en 2013.

61 D’autre part, dans le bloc 12 de la ZEE de Chypre23, les forages menés depuis la fin de 2011 sur le site d’Aphrodite tablent sur 198 à 255 milliards de m³ de gaz de réserves exploitables24, sans compter les promesses d’un autre gisement, évaluées entre 60 et 140 milliards de m³. D’autres blocs, récemment attribués au consortium italo-coréen Eni-Kogas (blocs 2, 3 et 9) et au français Total (blocs 10 et 11) sont susceptibles d’accroître encore ces réserves, notamment le bloc 9, présumé le plus riche de tous. Les blocs déjà attribués recèleraient 1 133 milliards de m³, soit les deux-tiers des réserves estimées dans la ZEE chypriote.

  • 25 340 à 700 milliards de m³ de réserves suivant des estimations qui restent à confirmer (US Energy in (…)
  • 26L’estimation la plus couramment avancée est de 28 milliards de m³ de réserves exploitables (US Ener (…)

62 Les perspectives sont favorables au large du Liban25et de la bande de Gaza26 et même pour la Grèce au sud de la Crète. En revanche, aucun indice prometteur n’est apparu dans la vaste zone off-shore qui borde les rivages méditerranéens de la Turquie.

  • 27United Nations Convention on the Law of the Sea : signée à Montego Bay (Jamaïque) en décembre 1982, (…)

63 Les activités de prospection impliquent une délimitation des ZEE qui a été effectuée dans une partie du bassin, conformément à la Convention sur le droit de la mer (UNCLOS27). Avec ses 772 km de littoral, Chypre peut prétendre à une ZEE de 51 000 km². Du fait de l’occupation turque, elle n’en contrôle que la partie sud, où se trouvent les zones riches en gaz.

2016.05.15 gaz petrole Chypre. 1 jpg

64 En profitant de ses bonnes relations, aussi bien avec Israël qu’avec les pays arabes, le gouvernement de Chypre a négocié des accords de délimitation des ZEE.

  • Avec l’Égypte, il a été signé en 2003.
  • Le Liban a suivi en 2007, mais sa ratification a été suspendue en raison d’un contentieux sur 850 km² entre Beyrouth et Jérusalem.
  • Avec Israël, Chypre a conclu en décembre 2010 l’accord le plus important, puisque les gisements déjà découverts se trouvent près de la limite entre les deux ZEE.
  • 28Mer Noire, mer de Marmara (en totalité turque), mer Égée et Méditerranée.

65 Comme on pouvait s’y attendre, il n’y a pas d’accord avec la Turquie.

  • Bien que possédant un vaste domaine maritime sur quatre mers28, elle refuse de signer la convention UNCLOS, parce que celle-ci ne lui donnerait pas ce qu’elle veut en mer Égée, du fait de la proximité des îles grecques avec la côte anatolienne.
  • De même, elle conteste à Chypre les limites de sa ZEE :
  • elle a donc effectué sa propre délimitation et accordé à sa compagnie nationale (TPAO) des droits de prospection dans des zones qui se superposent avec la ZEE de Chypre.

Elle a également obtenu pour la TPAO des droits dans le nord de Chypre et dans la ZEE attenante, qui se superposent avec les concessions accordées par le gouvernement légal.

Il s’agit en partie d’une gesticulation politique : en supposant qu’il y a ait des indices sérieux de la présence d’hydrocarbures, ce qui reste à démontrer, la TPAO n’a pas les compétences techniques pour faire des forages en eau profonde et il est peu probable qu’une compagnie étrangère accepte de faire à sa place les énormes investissements nécessaires dans des zones contestées.
  • 29“It is no exaggeration to say that the position of the Turkish Cypriots and Turkey have largely fal (…)

66  En dépit de la petite taille et de la division de l’île, le gouvernement de Chypre a pu s’appuyer sur sa position juridique d’unique autorité internationalement reconnue : une compagnie pétrolière américaine a accepté de se lancer dans les forages et l’UE a confirmé son droit à exploiter les ressources de sa ZEE. Une fois de plus, la Turquie s’est trouvée complètement isolée29.

  • 30 La compagnie pétrolière Noble Energy a son siège à Houston, Texas.

67 Contre toute logique, Ankara revendique une part du gâteau pour ses protégés chypriote-turcs, alors qu’elle milite en faveur d’une partition définitive de l’île, qui attribuerait Aphrodite et les autres gisements exclusivement aux Chypriotes grecs. Elle dénie aussi au gouvernement chypriote le droit d’attribuer des permis d’exploitation. Après avoir menacé Chypre d’interrompre les forages, la Turquie s’est abstenue pour le moment de tout geste inconsidéré pour ne pas mécontenter les États-Unis30. En revanche, elle a mis à exécution sa menace de boycott des pétroliers opérant dans l’île vis-à-vis de la compagnie italienne Eni, quand elle est devenue attributaire de 3 blocs.

11/-Comment gérer les exportations ?

  • 31 Israël consomme actuellement 5 à 6 milliards de m³. Les besoins de Chypre sont estimés à 1.2 millia (…)
  • 32 Voir Rozlyn C. Engel, août 2013. Managing newfound hydrocarbon wealth, macroeconomic policy challen (…)

68 Non seulement Chypre et Israël auront de quoi satisfaire leurs besoins énergétiques31, mais ils disposeront d’un excédent exportable. Sur une production annuelle estimée à 26 milliards de m³, Israël voudrait en exporter 11 milliards. Bien que Chypre ne soit pas encore en mesure de faire un calcul similaire32, son excédent sera proportionnellement plus important.

69  Après avoir raccordé les gisements au littoral des deux pays, la solution la moins coûteuse serait de construire des gazoducs vers les voisins importateurs : Israël se tournerait vers les pays arabes, par exemple en inversant le sens du gazoduc qui le relie à l’Égypte et alimenterait aussi la Palestine, la Jordanie et le Liban (pour autant qu’il ne soit pas devenu lui aussi excédentaire).

  • 33 Voir Simon Henderson, septembre 2013. Natural gas export options for Israel and Cyprus. Mediterrane (…)

70 Pour Chypre33, le débouché naturel serait la Turquie, à condition que le gaz chypriote trouve un débouché sur un marché très demandeur mais déjà bien approvisionné par la Russie, et qui le sera davantage à l’avenir, probablement à un prix compétitif, par l’Azerbaïdjan (Shah Deniz) et le Turkménistan, si celui-ci parvient à acheminer son gaz vers l’ouest.

71  Cette orientation présente surtout des risques politiques pour les deux exportateurs : le commerce du gaz exige des engagements de longue durée justifiant la construction d’infrastructures coûteuses, ce qui implique un minimum de confiance qui fait actuellement défaut.

  • Ni Chypre vis-à-vis de la Turquie,
  • ni Israël vis-à-vis de ses voisins arabes (et désormais vis-à-vis d’Ankara, avec qui les relations se sont fortement détériorées)

ne veulent se lier les mains avec des partenaires imprévisibles, susceptibles de ne pas tenir leurs engagements.

  • 34 Pour Chypre, le coût de l’usine est estimé à 10 milliards de US$ amortis sur 10 ans, alors que le g (…)

72 La solution, nettement plus coûteuse, serait de relier les gazoducs sous-marins à une usine de liquéfaction34. Si on exclut une plate-forme flottante près du gisement (elle coûterait 30 % plus cher), en l’absence de site favorable sur la côte méditerranéenne, Israël pourrait construire son usine à Eilat, afin de se tourner vers le marché actuellement plus rémunérateur de l’Asie, sans avoir à passer par le canal de Suez.

  • 35 Sur la base d’une exportation de 5Mt/an de gaz liquéfié.

73 Si on privilégie le marché européen, une option commune aux deux pays serait de liquéfier le gaz excédentaire à Chypre. C’est la solution préférée par Nicosie qui veut construire un terminal à Vassilikos, entre Larnaca et Limassol. Il faut pour cela disposer de 170 milliards de m³ de réserves disponibles35, afin d’assurer un courant d’exportation durable permettant d’amortir le coût des infrastructures, car le prix du gaz est actuellement orienté à la baisse. La décision est à prendre en 2016, quand les potentialités des autres gisements seront mieux connues.

  • 36 Voir la Convention UNCLOS, article 79§2.

74 Plus coûteuse encore serait la construction d’un gazoduc sous-marin de 1 150 km reliant Chypre à la Grèce via la Crète. En octobre 2013, la Commission européenne a accepté de financer une étude de faisabilité pour ce gazoduc, ainsi que pour un câble sous-marin de 2 000 mégawatts sur le même trajet : le gaz serait alors transformé en électricité à Chypre et alimenterait le réseau européen. Dans les deux cas, il faudrait traverser la ZEE de la Turquie ou de l’Égypte, ce qui est théoriquement possible sans avoir l’accord des pays concernés36.

Tableau 2 –  Revenus générés par l’exportation du gaz

Options possibles

Estimation du revenu net global (en millions de US$)

Gazoduc vers la Grèce

44 706

Gazoduc vers la Turquie

56 779

Liquéfaction du gaz exporté à Chypre

41 105

Transformation du gaz en électricité et exportation vers la Grèce

17 500

Source : International Peace Research Institute (PRIO), p. 86.

75  En fait, aussi longtemps que les autres blocs n’ont pas révélé un potentiel de production significatif, Chypre dépend d’Israël, qui apportera la masse critique nécessaire pour rentabiliser l’une ou l’autre option : l’exportation vers la Turquie, éventuellement la Grèce ou la liquéfaction à Chypre et peut-être ailleurs.

12/-Le dilemme turc

2016.05.15 drapeau turc

  • 37 Source : AIE (Agence internationale de l’énergie), Key World Energy Statistics 2012.
  • 38 Ouvert dans les années 1970, long de 970 km, d’une capacité maximale de 50 Mt (en fait 15 Mt à la s (…)
  • 39 Ouvert en 2005, long de 1 776 km (2e du monde par la longueur) d’une capacité de 50 Mt/an.

76  La Turquie a toujours manqué d’énergie. La forte croissance des dernières années a encore accentué sa dépendance : les trois quarts de sa consommation sont importés (73,91 millions de tonnes d’équivalent pétrole sur 105,1337). Faute de ressources locales, la Turquie améliore sa position énergétique en valorisant sa fonction de transit.

  • Depuis longtemps, elle achemine le pétrole d’Irak par l’oléoduc Kirkouk-Ceyhan38.
  • Plus récemment elle est traversée par la conduite Bakou-Ceyhan39, qui assure au pétrole azerbaïdjanais un débouché vers la Méditerranée, en évitant un trafic maritime polluant et dangereux à travers les Détroits et la mer Égée.

Elle devait bénéficier du gazoduc Nabucco, soutenu par l’UE, afin de contourner la Russie et ses conflits gaziers avec les pays limitrophes.

  • 40 En 2010, l’Égypte fournissait 43 % du gaz naturel consommé en Israël, où 40 % de l’électricité est (…)

77  À la recherche de débouchés et ne voulant pas se placer dans la dépendance de leurs voisins arabes40, les Israéliens étaient tentés par un gazoduc sous-marin vers l’Anatolie, qui aurait dû traverser les ZEE de Chypre et du Liban. Depuis que la Turquie, vieil allié d’Israël, avec qui elle partageait la sollicitude américaine et des intérêts stratégiques, s’est installée dans une attitude hostile, basée sur des motifs pseudo-religieux confinant à l’antisémitisme, dans l’espoir maintenant déçu de se concilier les masses arabes, cette option est devenue très incertaine.

78  En fait, bien loin de valoriser sa position, les derniers soubresauts de la politique turque auraient plutôt stimulé des stratégies de contournement, sous la mer Noire ou plus au sud. Pour être un pays de transit, il ne suffit pas d’être bien situé, il faut aussi être en bons termes avec ses voisins et pratiquer une politique étrangère prévisible. L’UE ne veut pas échanger les pressions de Gazprom contre celles d’un opérateur turc. Ce qui ne milite pas en faveur de Nabucco et explique aussi pourquoi l’Iran cherche actuellement à s’entendre avec l’Irak et la Syrie (pour autant que la paix revienne dans ce dernier pays) pour exporter son pétrole et son gaz vers la Méditerranée quand les sanctions auront été levées.

79  Si Israël a de bonnes raisons de ne pas vouloir se lier à la Turquie, Chypre en a encore davantage. Mais l’affaire du gaz n’est pas seulement un sujet d’affrontement supplémentaire entre l’île et son envahisseur. Pour la première fois, elle apporte aussi une possibilité de parvenir à un accord équilibré, une occasion de mettre fin à un contentieux de plus de quatre décennies.

80  Beaucoup d’observateurs, y compris en Turquie, estiment que si Ankara avait de bonnes raisons d’intervenir à Chypre en 1974, ce fut une grave erreur de s’y maintenir. Ils considèrent qu’indépendamment de son coût, la persistance de l’occupation est contraire à l’intérêt national turc, dans la mesure où elle affecte négativement son positionnement international et notamment ses relations avec l’UE. Le problème est de pouvoir s’en dégager honorablement, si possible avec des contreparties, ce qui n’a jamais été possible jusqu’à présent. Perçues comme des reculades, les solutions envisagées dans le passé étaient très difficiles à vendre à une opinion publique intérieure à laquelle le problème a toujours été présenté de manière déformée.

81  Ne plus se mêler des affaires de Chypre en échange de l’accès au gaz provenant d’un État membre de l’UE (et aussi d’Israël) apporterait à la Turquie une contribution importante à sa sécurité énergétique. Elle y gagnerait l’accès à une ressource un peu plus coûteuse mais stable, qui équilibrerait les livraisons de pays moins prévisibles comme l’Irak, l’Iran, l’Azerbaïdjan, le Turkménistan ou même la Russie.

  • 41 Voir les commentaires de la presse turque (Murat Yetkin dans Hürriyet du 26 novembre 2013) à la sui (…)

82  À Ankara, un débat s’est engagé entre les tenants d’une approche idéologique et les réalistes qui considèrent qu’une politique étrangère pro-islamiste, sinon pro-sunnite, ne correspond pas à l’intérêt bien compris de la Turquie41. Entourée de pays désormais exportateurs d’énergie sans avoir beaucoup d’espoir d’en trouver chez elle, il serait paradoxal qu’elle ne parvienne pas à s’entendre avec ses voisins pour bénéficier de leurs découvertes. Elle a commencé à le faire avec le Kurdistan irakien et aurait avantage à faire de même avec Chypre. Il faudrait pour cela qu’Erdoğan ressemble davantage à Gorbatchev qu’à Poutine, en saisissant enfin une bonne occasion de mettre en œuvre l’objectif du ministre des Affaires étrangères Davutoğlu de « zero problem with neighbours », qui ne s’est pas vraiment concrétisé jusqu’à présent.

13/-Un atout-maître en vue de la réunification ?

83  S’il est encore trop tôt pour calculer l’impact économique et fiscal de l’arrivée du gaz à Chypre, on peut déjà avancer quelques pistes. Si la construction des infrastructures apportera de la valeur ajoutée, il ne faut pas compter sur beaucoup d’emplois directs, car Chypre ne possède ni la main-d’œuvre non qualifiée nécessaire pour les travaux de construction, ni les spécialistes pour ces activités.

84  L’économie locale sera cependant fortement stimulée par l’importance des investissements étrangers et l’arrivée d’une énergie beaucoup moins coûteuse que celle actuellement utilisée : Chypre a aujourd’hui l’électricité la plus chère de l’UE et la produire avec le gaz lui fera faire une économie de plus d’un milliard d’euros. Cela soulagera sa balance commerciale et améliorera la compétitivité de ses entreprises.

85  Du point de vue fiscal, les estimations tablent à terme sur 600 millions à 1,3 milliard de dollars américains de recettes supplémentaires à partir de 2020, ce qui est encore très vague. En principe, elles seront allouées au budget fédéral, ce qui permettra aux Chypriotes turcs d’en bénéficier. À ce stade, il est difficile de dire à quel point elles sont susceptibles de fournir les moyens nécessaires à la réunification de l’île.

  • 42 Suivant la formule adoptée lors de la reprise des pourparlers entre les deux parties de l’île en fé (…)

86   Il n’est pas possible de traiter ici des problèmes internes de reconstitution d’un État et d’une économie chypriote unifiée qui dépendent d’un accord politique que de longues et laborieuses négociations ne sont pas parvenues à réaliser jusqu’à présent. Cependant, les négociations « Cypriot led and Cypriot owned42 » qui se sont poursuivies depuis 2008 ont permis de dégager des points de convergence, et des solutions possibles en cas de disponibilité de ressources nouvelles.

87  Comme en Allemagne après la fin du mur de Berlin, les deux moitiés de l’île sont séparées par un important écart de revenu qui ne va pas disparaître après la signature d’un accord politique. S’y ajoute pour le Nord une dépendance financière vis-à-vis de la Turquie, qui lui apporte environ le quart de son PIB, soit au moins un demi-milliard de US$. Quelle que soit la solution adoptée, parce qu’il s’agit de relancer l’économie du Nord et non de soutenir un système artificiel, le nouvel État fédéral chypriote aura besoin des recettes du gaz pour aider le Nord à ne pas rester dans la dépendance de la Turquie.

  • 43 Les données ci-dessous sont issues de l’ouvrage de Claire Palley, op. cit.

88   Un des aspects les plus inextricables du contentieux intra-chypriote est la question des droits de propriété43, à la suite du nettoyage ethnique qui a privé près de 40 % des Chypriotes de leurs biens. Le problème concerne près de 200 000 ha dans le Nord appartenant à des Grecs, estimés à 28,5 milliards d’euros en 2002 et environ 55 000 ha dans le Sud appartenant à des Turcs, pour une valeur estimée à 2,7 milliards d’euros en 2002. Il s’agit donc essentiellement d’indemniser les propriétaires grecs qui ne voudront pas revenir dans le Nord. Le gouvernement de Chypre estime la valeur des propriétés spoliées à environ 30 milliards d’euros (sans les indemnités compensatoires), soit 15 ans de PIB de Chypre-nord, le coût total de l’opération pouvant être réduit d’environ 25 % par des restitutions territoriales.

  • 44 Arrêt Loizidou c. Turquie du 23 mars 1995.

89  En principe, c’est à la Turquie de payer, puisqu’elle est responsable des spoliations de 1974. Elle a été obligée de commencer à le faire, à la suite des arrêts de la Cour des Droits de l’Homme de Strasbourg44. Mais il est assez improbable qu’elle financera une indemnisation intégrale ; celle-ci retombera alors sur les finances de l’île. Les ressources issues des exportations de gaz pourraient ainsi aider à lancer un programme de compensation.

14/-Conclusion

2016.02.09 sigle parlement européen wikipédia index2016.02.09 sigle parlement européen wikipédia index

90  En dépit des difficultés du court terme, il existe donc des opportunités non négligeables qui pourraient faire passer Chypre du statut de « frozen conflict » au milieu d’un bassin oriental de la Méditerranée en ébullition, à celui de point d’ancrage d’un processus de stabilisation, facilité par l’exploitation de ressources nouvelles, créant de nouvelles solidarités dans l’intérêt commun des pays de la région.
  • 45 D‘une part les soubresauts du « printemps arabe » en Égypte et en Syrie, d’autre part la signature (…)
91  Face aux reclassements en cours en Asie occidentale45 et aux changements sans précédent que la découverte du gaz introduit dans le bassin oriental de la Méditerranée, Chypre a vocation, en tant qu’État membre, à apporter une contribution positive au lieu d’être une partie du problème, comme c’est le cas aujourd’hui.
92  Il faut pour cela que la relance des négociations en vue d’une solution dans l’île s’appuie sur un effort de persuasion intensif et convergent de Washington, de Londres et de Bruxelles en direction d’Ankara.
93  Pour les deux premiers, il s’agit de dépasser une vision purement géopolitique qui les conduit à confondre Chypre avec un porte-avions, sans se soucier des aspirations de ses habitants. Le statut international de Chypre est un anachronisme qui doit être modernisé en sauvegardant les intérêts stratégiques des puissances qui en bénéficient actuellement, ne serait-ce que parce qu’ils pourraient dans le futur être ceux de l’UE toute entière, si elle se dote d’une politique étrangère et de sécurité de plein exercice.
94  Bruxelles n’est pas encore assez consciente du fait que l’extension du territoire de l’UE jusqu’au fond du bassin oriental de la Méditerranée a des conséquences, en termes d’opportunités et de problèmes, dont il faut prendre la mesure. Plus qu’ailleurs, l’UE est engagée dans une périphérie instable et imprévisible : la nouvelle géographie de la région ne permet plus l’indifférence ou même la timidité.
95 Quant à la Turquie, qui a proclamé son désir de « zéro problème » avec ses voisins, tout en ajoutant à ceux d’un passé déjà ancien (avec la Grèce, Chypre, l’Arménie), des confrontations avec Israël, l’Égypte et la Syrie, elle aurait avantage à faire évoluer sa politique dans le sens de ses intérêts énergétiques. Les nouveaux gisements de gaz qui se multiplient dans le bassin oriental de la Méditerranée seraient alors une incitation à la coopération plutôt qu’aux conflits.

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Bibliographie

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Notes

1 1,155 Million d’habitants en juillet 2013 (population de facto), dont 839 000 dans le Sud (recensement) et 316 000 dans le Nord (estimation).

2 Rauf Denktaş (1924-2012) « simply did not particularly want a settlement of the Cyprus problem or at least one short of a wholesale capitulation by the Greek Cypriots ” (cité par David Hannay, p. 18 in Cyprus, The Search for a Solution, I.B. Tauris, Londres & New York, 2007, 256 p.)

3 Comme pour les candidats précédents, le mandat de négociation demande à la Turquie « un engagement sans équivoque en faveur de bonnes relations de voisinage et l’engagement de résoudre tous ses conflits frontaliers… ».

4 Procédure de négociation qui a offert l’adhésion aux pays candidats, dès qu’ils auraient satisfait aux exigences de la Commission en matière d’adoption et de mise en œuvre de la législation communautaire. La négociation est divisée en chapitres qui représentent chacun une politique communautaire.

5 Après l’invasion de l’été 1974 toute la population grecque du Nord (plus de 200 000 habitants) a été chassée par l’armée turque, à l’exception de quelques centaines d’habitants de la péninsule du Karpas. Les Chypriotes turcs qui résidaient dans le Sud (environ 50 000 habitants) ont été réinstallés dans le Nord. Au total près de 40 % de la population chypriote de l’époque a été contrainte de changer de résidence.

6 Avant l’invasion turque de 1974, 80 % des propriétés privées du Nord appartenaient à des Grecs.

7 Les données qui suivent ont été puisées dans le rapport de la Commission européenne de mai 2013 The Economic Adjustment Programme for Cyprus, publié dans European Economy, Occasional Papers n° 149, 157 p.

8 Les banques chypriotes avaient acheté massivement de la dette grecque.

9 For Cyprus, a sudden need to play nice with Turkey (James Kanter, New York Times, 27 mars 2013).

10 Voir sur ce point le policy paper n°96 de Notre Europe, The way out of the Cyprus economic crisis, par Andreas Theophanou, septembre 2013, 22 p.

11 Document de travail du Planning Bureau, Gouvernement de Chypre, 1975.

12 D’après l’indice de compétitivité de la Banque mondiale (ease of doing business), Chypre se trouve à la 36e place sur 185 économies, 4e pays sur 26 pour créer une entreprise dans l’UE.

13 Officiellement 950 Grecs et 650 Turcs (ils sont actuellement plus de 35 000).

14 « Britain had a legal right, a moral obligation and the military capacity to intervene in Cyprus during July, August 1974. She did not intervene for reasons which the Government refuses to give » (Rapport du Parliamentary Select Committee on Foreign Affairs on Cyprus, publié le 8 avril 1976).

15 Article 4 du traité de garantie : «  En cas de violation des dispositions du présent Traité, …, chacune des trois Puissances garantes se réserve le droit d’intervenir, dans le but exclusif du rétablissement de l’ordre créé par le présent Traité ».

16 Doctrine établie par l’URSS après l’invasion de la Tchécoslovaquie en 1968 et appliquée aux pays satellites d’Europe centrale.

17 Voir l’article de Nicky Hager et Stefania Maurizi dans l’Espresso du 5 novembre 2013.

18 Les manifestations d’hostilité vis-à-vis d’Israël, les rodomontades d’Erdoğan et les infidélités à l’OTAN n’ont pas encore suscité de réaction significative de Washington.

19 « Even if there was no Muslim Turks in Cyprus, Turkey is obliged to have a Cyprus issue. No country can remain indifferent towards such an island located in the heart of that vital area  » (Ahmet Davutoğlu, ministre des Affaires étrangères de Turquie depuis 2009, dans son ouvrage Stategic depth, 2010, p. 179).

20 Overview of oil and natural gas in the Eastern Mediterranean Region (rapport actualisé au 15-08-2013, 29 p.).

21 ZEE : zones économiques exclusives.

22 voir Anastasios Giamouridis, septembre 2013. Natural gas in Cyprus, choosing the right option. Mediterranean paper series, German Marshall Fund of the United States, Washington, 28 p.

23 The Cyprus Hydrocarbons Issue : Context, Positions and Future Scenarios. PRIO Cyprus centre, janvier 2013, 101 p.

24 Les données ci-dessous ont été publiées par Noble Energy en 2013.

25 340 à 700 milliards de m³ de réserves suivant des estimations qui restent à confirmer (US Energy information).

26 L’estimation la plus couramment avancée est de 28 milliards de m³ de réserves exploitables (US Energy information).

27 United Nations Convention on the Law of the Sea : signée à Montego Bay (Jamaïque) en décembre 1982, entrée en vigueur en novembre 1994, elle définit les critères de délimitation des zones économiques exclusives (ZEE), qui sont devenues des enjeux politiques importants avec le développement de l’exploitation pétrolière off shore.

28 Mer Noire, mer de Marmara (en totalité turque), mer Égée et Méditerranée.

29 “It is no exaggeration to say that the position of the Turkish Cypriots and Turkey have largely fallen on deaf ears among the main players in the international community” (PRIO, op. cit. p. 54).

30 La compagnie pétrolière Noble Energy a son siège à Houston, Texas.

31 Israël consomme actuellement 5 à 6 milliards de m³. Les besoins de Chypre sont estimés à 1.2 milliard de m³, essentiellement pour produire de l’électricité.

32 Voir Rozlyn C. Engel, août 2013. Managing newfound hydrocarbon wealth, macroeconomic policy challenges in the Eastern Mediterranean. Mediterranean paper series, German Marshall Fund of the United States, Washington, 28 p.

33 Voir Simon Henderson, septembre 2013. Natural gas export options for Israel and Cyprus. Mediterranea paper series, German Marshall Fund of the United States, Washington, 18 p.

34 Pour Chypre, le coût de l’usine est estimé à 10 milliards de US$ amortis sur 10 ans, alors que le gazoduc vers la Turquie coûterait 2,5 milliards de US$ et serait amorti sur 5 ans.

35 Sur la base d’une exportation de 5Mt/an de gaz liquéfié.

36 Voir la Convention UNCLOS, article 79§2.

37 Source : AIE (Agence internationale de l’énergie), Key World Energy Statistics 2012.

38 Ouvert dans les années 1970, long de 970 km, d’une capacité maximale de 50 Mt (en fait 15 Mt à la suite des sabotages intervenus dans le nord de l’Irak).

39 Ouvert en 2005, long de 1 776 km (2e du monde par la longueur) d’une capacité de 50 Mt/an.

40 En 2010, l’Égypte fournissait 43 % du gaz naturel consommé en Israël, où 40 % de l’électricité est produite à partir de cette source d’énergie (environ 2,5 milliards de m³). En 2011, à la suite de sabotages du gazoduc, les exportations égyptiennes vers Israël ont été réduites et en avril 2012, l’Égypte a décidé de les interrompre.

41 Voir les commentaires de la presse turque (Murat Yetkin dans Hürriyet du 26 novembre 2013) à la suite de la réunion du Conseil national de Sécurité (MGK) du 28 octobre 2013.

42 Suivant la formule adoptée lors de la reprise des pourparlers entre les deux parties de l’île en février 2008.

43 Les données ci-dessous sont issues de l’ouvrage de Claire Palley, op. cit.

44 Arrêt Loizidou c. Turquie du 23 mars 1995.

45 D‘une part les soubresauts du « printemps arabe » en Égypte et en Syrie, d’autre part la signature d’un accord nucléaire avec l’Iran.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Jean-François Drevet, « Chypre et l’Union européenne (UE) », EchoGéo [En ligne], Sur le Vif, mis en ligne le 03 décembre 2013, consulté le 30 avril 2016. URL : http://echogeo.revues.org/13658 ; DOI : 10.4000/echogeo.13658

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Auteur

Biographie de Jean-François DREVET

J-F Drevet lors de sa conférence à Nicosie 2012

Jean-François Drevet est normalien et agrégé de géographie.

Après sa thèse de doctorat soutenue en 1976, il travaille dans plusieurs administrations françaises sur des questions de développement régional et d’aménagement du territoire. Ses activités s’inscrivent de plus en plus dans une perspective européenne, ce qui l’amène à entrer à la Commission européenne en 1989, pour travailler à l’élaboration de la politique européenne de développement régional dans le cadre de l’élargissement de l’Union européenne.

A côté de sa carrière dans les administrations française puis européenne, Jean-François Drevet poursuit ses recherches et publie régulièrement des ouvrages sur l’Europe et le développement régional. Enfin, il suit depuis longtemps la question de Chypre.
Quelques dates

1995-2003 : préparation de l’élargissement de l’Union européenne.
1989-1995 : chargé du programme de prospective régionale « Europe 2000 » sur le thème de l’aménagement du territoire européen.
1989 : entrée à la commission européenne.
1985-1988 : chargé de mission à la DATAR (délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale) pour les affaires européennes et internationales.
1983-1985 : chargé de mission auprès du chef du Service des relations internationales du Ministère français de l’Agriculture pour les questions méditerranéennes.
1975-1983 : chargé d’études puis directeur-adjoint à la Société pour le Développement économique et social.
1976 : doctorat de troisième cycle de géographie économique.

Jean-François Drevet, jf.drevet@yahoo.fr, est ancien fonctionnaire européen. Il a publié 2 ouvrages sur Chypre :
– Drevet J.-F., 2000. Chypre en Europe. L’Harmattan, 327 p.
– Drevet J.-F., 2011. Chypre, entre l’Europe et la Turquie. Karthala, 252 p.

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