7168 – La Russie prête à respecter le Traité «New Start» pendant une année en plus – Horizons et débats – N° 21 – 7 octobre 2025


La Russie prête à respecter le Traité «New Start»
pendant une année en plus 


Horizons et débats – N° 21 – 7 octobre 2025

Vladimir Poutine

Déclaration du Président russe Vladimir Poutine lors d’une réunion avec les membres permanents du Conseil de sécurité russe, le 22 septembre 2025 (extrait)

…Je voudrais […] commencer par un sujet […] qui revêt une importance capitale pour la protection de nos intérêts nationaux, pour la souveraineté de la Russie et, sans exagération, pour la sécurité internationale en général. Je veux parler de la situation dans le domaine de la stabilité stratégique. Celle-ci continue malheureusement de se détériorer, en raison de la conjonction d’une série de facteurs négatifs qui exacerbent les risques stratégiques existants et en créent de nouveaux.
A la suite des mesures assez destructrices prises précédemment par les pays occidentaux, les fondements des relations constructives et de la coopération pratique entre les États dotés d’armes nucléaires ont été considérablement ébranlés.
Les bases du dialogue dans les formats bilatéraux et multilatéraux pertinents ont été remises en cause. Petit à petit, le système des accords soviéto-américains et russo-américains sur le contrôle des missiles nucléaires et des armements stratégiques défensifs a été presque entièrement déconstruit – un système qui avait contribué à la fois à stabiliser la situation entre les Etats disposant des deux plus grands arsenaux nucléaires et à renforcer la sécurité mondiale dans son ensemble.
    Je répète, une fois de plus: nous avons discuté à plusieurs reprises des causes et des conséquences possibles de cette situation. Nous attribuons les nombreux problèmes qui se sont accumulés dans le domaine stratégique, depuis le début du XXIe siècle, aux actions destructrices de l’Occident, à ses concepts doctrinaux déstabilisateurs et à ses programmes militaro-technologiques qui visent à destabiliser la parité mondiale et à atteindre ou tenter d’atteindre une supériorité absolue écrasante.
    Nous avons abordé ces questions de manière cohérente et approfondie et critiqué cette position. Ce faisant, nous avons non seulement souligné le danger extrême d’une nouvelle détérioration de la situation, mais aussi présenté à plusieurs reprises des propositions concrètes à réaliser pour y remédier ensemble. Cependant, nos avertissements et nos initiatives sont restés sans réponse en cause.
    Je tiens à souligner, et personne ne devrait en douter, que la Russie est en mesure de réagir, à toutes les menaces existantes ou émergentes, non par des paroles seules, mais également par des mesures militaires et techniques.
Notre décision de lever unilatéralement le moratoire qui pèse sur le déploiement de missiles terrestres à courte et moyenne portée en est un exemple. Il s’agissait d’une mesure nécessaire, dictée par la nécessité de réagir de manière appropriée aux programmes de déploiement d’armes américaines et occidentales similaires, en Europe et dans la région Asie-Pacifique, qui menacent directement la sécurité de la Russie.
    Nos plans visant à renforcer la capacité de défense du pays sont basés sur l’évolution de la situation mondiale et seront mis en œuvre intégralement et dans les meilleurs délais. Nous avons confiance dans la fiabilité et l’efficacité de nos forces de dissuasion nationales, mais nous ne souhaitons pas de nouvelle escalade des tensions ni de course à l’armement. La Russie a donné la préférence et la priorité aux méthodes politiques et diplomatiques pour maintenir la paix internationale, fondées sur les principes d’égalité, de sécurité indivisible et de prise en compte mutuelle des intérêts.
    Je rappelle que, dans le domaine de la stabilité stratégique, le dernier succès politique et diplomatique important a été la conclusion du traité russo-américain sur la réduction des armes stratégiques, en 2010. Cependant, sa mise en œuvre complète a été suspendue, en 2023, en raison de la politique extrêmement hostile de l’administration Biden, qui a violé les principes fondamentaux du traité.
    Néanmoins, les deux parties ont déclaré leur intention de respecter volontairement les principales restrictions quantitatives du traité sur la réduction des armes stratégiques jusqu’à son expiration.
    Ainsi, depuis près de 15 ans, cet accord contribue, de manière significative, au maintien de l’équilibre des forces et à la sécurité dans le domaine des armes stratégiques offensives.
    Le Traité «New Start» expire le 5 février 2026, marquant ainsi la fin prochaine du dernier accord international visant à limiter directement le potentiel des missiles nucléaires. Renoncer complètement à l’héritage de cet accord serait, à bien des égards, une mesure erronée et imprudente qui, à notre avis, aurait également un impact négatif sur les objectifs du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires.
    Afin d’éviter une nouvelle course stratégique à l’armement et de garantir un niveau acceptable de prévisibilité et de retenue, nous estimons que, en cette période assez turbulente, il est justifié de maintenir le statu quo créé par le Traité «New Start». La Russie est donc prête à respecter les principales restrictions quantitatives du Traité «New Start» encore, ce pendant un an après le 5 février 2026.
    Nous déciderons ensuite, basés sur notre analyse de la situation prévalant alors, du maintien de ces restrictions volontaires. Nous considérons que cette mesure ne sera viable que si les Etats-Unis agissent de manière similaire et ne prendront aucune mesure susceptible de compromettre ou de perturber l’équilibre actuel des capacités de dissuasion.
    Dans ce contexte, je demande à nos autorités compétentes de continuer à suivre attentivement les activités américaines pertinentes, notamment en ce qui concerne l’arsenal d’armes stratégiques offensives. Une attention particulière est à observer face aux projets visant à renforcer les composantes stratégiques du système américain de défense antimissile, y compris les préparatifs en vue du déploiement de moyens d’interception dans l’espace. Nous partons du principe que la mise en œuvre pratique de telles mesures déstabilisantes pourrait compromettre nos efforts visant à maintenir le statu quo dans le domaine des armes stratégiques offensives. Nous réagirons en conséquence.
    Je suis convaincu que la mise en œuvre de l’initiative russe pourrait contribuer de manière significative à créer un climat propice à un dialogue stratégique substantiel avec les Etats-Unis, à condition bien sûr que les données nécessaires à sa reprise inaltérée soient réunies et que tous les efforts visant à normaliser les relations bilatérales et à résoudre les différends fondamentaux existant en matière de sécurité soient pris en compte. •

Horizons et débats

Source: http://en.kremlin.ru/events/president/news/78051  du 22 septembre 2025
(Traduction du texte paru sous https://anti-spiegel.ru/2025/putin-macht-einen-vorschlag-zur-nuklearen-abruestung/  du 22 septembre 2025, par Horizons et débats)
ou lire sur « Sans a priori »https://sansapriori.net/2025/09/27/7134-russie-v-poutine-du-20-au-23-09-25-en-8-points/
Ajout de Sans a priori PHOTO 7 SUR http://en.kremlin.ru/events/president/news/78051/photos

Horizons et débats

La proposition de Vladimir Poutine en matière de limitation des armements: un avertissement d’urgence adressé à l’Occident belliciste

V.Poutine
km. «Start» signifie Strategic Arms Reduction Treaty (traité sur la réduction des armes stratégiques). Start-I, Start-II et «New Start» étaient ou sont des traités entre les Etats-Unis et l’Union soviétique ou la Russie visant à limiter les armes nucléaires stratégiques, c’est-à-dire à longue portée, intercontinentales (systèmes de lancement et ogives).
  • Start I est entré en vigueur en juillet 1991 après neuf ans de négociations,
  • Start II en 1993
  • «New Start» en 2010. «New Start» est le dernier traité bilatéral encore en vigueur visant à limiter les armes nucléaires.
D’autres accords très importants en matière de désarmement et de contrôle des armements, tels que le traité ABM sur l’interdiction des armes antimissiles, le traité FNI sur l’interdiction des armes nucléaires à portée intermédiaire ou le traité «Ciel ouvert» (Open Sky) sur la surveillance mutuelle de l’espace aérien, ont été résiliés par les Etats-Unis. «New Start» expire début février 2026, et son renouvellement ou sa prolongation est remis en question par l’escalade du conflit entre la Russie et les Etats-Unis.
Les craintes qu’avec l’expiration de «New Start» l’année prochaine, une course massive à l’armement commence également pour ces systèmes d’armes, et que le risque de guerre nucléaire augmente considérablement, sont justifiées.
    Avec sa déclaration du 22 septembre, Vladimir Poutine a donné un nouveau signe de désescalade dans les relations russo-américaines. Et le fait que la porte-parole du Président américain ait vivement salué ce signal immédiatement après la déclaration du Président russe est également un bon signe.1 Dès juillet 2025, le président américain lui-même avait exprimé son intérêt pour la reconduction du traité.2 Comme le montre un article récent de Scott Ritter (page 2), cette position n’est pourtant pas garantie.3
    La déclaration du président russe ne s’adresse pas uniquement aux responsables et à l’opinion publique américains. Elle constitue également un nouveau message à l’intention des Etats européens hostiles à la Russie:
vos formules de propagande selon lesquelles la Russie serait constamment provocatrice et serait un monstre russe agressif, impérialiste et menaçant pour toute l’Europe sont un fantasme! Vous êtes en grande partie responsables de la désastreuse situation actuelle. Ne continuez pas à alimenter cette escalade! Faites une pause! Revenez à la raison avant qu’il ne soit trop tard!
    Il est étonnant de voir à quel point la situation a changé. Alors qu’il y a quelques années encore, la plupart des Etats européens misaient sur la désescalade et la détente dans leurs relations avec l’Union soviétique ou la Russie, tandis que les Etats-Unis alimentaient l’escalade de la violence, c’est presque l’inverse qui se produit aujourd’hui.
    Il y a quelques jours, la deuxième chaîne de télévision allemande (ZDF) a diffusé le téléfilm historique «An einem Tag im September» («De Gaulle et le Chancelier», titre de la version en français, réd.)4.
Ce film retrace la première rencontre directe entre le président français de l’époque, Charles de Gaulle, et le chancelier allemand Konrad Adenauer, les 14 et 15 septembre 1958, dans la propriété de De Gaulle.

Charles de Gaulle, et le chancelier allemand Konrad Adenauer
Le film comporte de nombreux passages intéressants, notamment lorsqu’il montre comment il est possible de surmonter des fossés profonds, comme ceux qui existaient encore à l’époque entre la France et l’Allemagne, et d’établir de meilleures relations humaines et politiques.
Cela dit, le documentaire diffusé après le film a montré aussi comment, actuellement, les événements historiques sont détournés pour justifier l’escalade actuelle contre la Russie où le gouvernement allemand joue un rôle déprimant: en prétendant que le rapprochement franco-allemand de 1958 nous aurait menés directement à Emmanuel Macron et Friedrich Merz en ceux qu’ils partagent leur ligne belliciste anti-russe.
    Les faits historiques nous amènent à d’autres constats:
bien que de Gaulle et Adenauer aient été de fervents détracteurs du communisme ne ménageant aucunement l’Union soviétique, trois points étaient essentiels, partagés de chacun des deux:
il fallait à tout prix éviter une escalade du conflit! Il fallait absolument poursuivre le dialogue! Et le désarmement réciproque était une priorité absolue!
Ces points peuvent être aisément retrouvés dans les mémoires d’Adenauer et de De Gaulle sur ces deux jours de septembre 1958.5
Les deux chefs d’État étaient des caractères différents mais se distinguant catégoriquement, chacun, de leurs  homologues de nos actualités, Macron et Merz.
Mais faisant abstraction aux défauts du caractère, pour les hommes et femmes se trouvant au sommet de nos États, il serait aujourd’hui vital pour nos populations s’ils se prêtaient enfin à construire des ponts plutôt que de creuser des fossés.
Un nouveau livre présentant un échange de vues détaillé entre l’ancien homme politique du SPD Klaus von Dohnanyi et l’ancien général de la Bundeswehr et conseiller du chancelier, Erich Vad, montre que de tels projets serait toujours possibles – aujourd’hui même.6   

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1https://www.zeit.de/politik/ausland/2025-09/usa-russland-abruestung-new-start  du 22.9.2025
2 https://www.armscontrol.org/pressroom/2025-07/trump-calls-maintaining-strategic-nuclear-arms-limits-aca-calls-interim-deal-not  du 25.7.2025
3https://scottritter.substack.com/p/putins-gambit?img=https%3A%2F%2Fsubstack-postmedia.s3.amazonaws.com%2Fpublic%2Fimages%2Fccdec28d-55d9-4b0d-bd2f-fc6381419eef_331x220.jpeg&open=false  du 22.9.2025
4 https://www.zdf.de/filme/an-einem-tag-im-september-movie-100 
5 Adenauer, Konrad. Erinnerungen 1955–1959, Deutscher Bücherbund 1967, S. 420ss., et De Gaulle, Charles. Memoiren der Hoffnung. Die Wiedergeburt 1958–1962, Verlag Fritz Molden 1971, S.218ss.
6 von Dohnanyi, Klaus; Vad, Erich. Krieg oder Frieden. Deutschland vor der Entscheidung, Westend Verlag 2025

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https://www.zeit-fragen.ch/fr/archives/2025/nr-21-30-september-2025/russland-ist-bereit-zentrale-bestimmungen-des-new-start-vertrags-ein-jahr-laenger-einzuhalten

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