Décennie 2020 – « Futurite » D’une crise de l’avenir au totalitarisme

Par ce néologisme « futurite », nous souhaitons révéler une maladie de l’avenir dont le processus de développement débute par une carence, suivie d’une explosion et se termine par une gigantesque poussée de fièvre.
Carence d’avenir dans les années 2000 : Internet était déjà là ainsi que des niveaux supranationaux de gouvernance à finir de penser (UE notamment). Mais, force fut de constater que l’Occident était en panne de vision, de projet, d’avenir : cécité à l’impératif de changement, refus des systèmes en place à se remettre en question, élites arrimées à leurs prés carrés pour qui les réalités changeantes du monde étaient dans le meilleur des cas des sujets de contrariété[1].
Explosion d’avenirs dans les années 2010 : Mais les choses ont bien changé ensuite et on a assisté depuis une dizaine d’années à une explosion tout aussi pathologique de l’offre en matière d’avenirs, chacun y allant de ses prédictions, innovations, projets et visions d’avenir,… , imaginant le futur vierge et ouvert à sa seule volonté. Dans un monde physiquement plein, l’avenir est apparu comme la seule terra incognita ouverte aux aventuriers qui s’y ruent encore dans le plus grand désordre. Malheureusement le futur est aussi plein que le présent et, sans carte fiable de ses réalités dures, c’est un grand carambolage d’avenirs qui en résulte, parfaitement exprimé par toutes les tensions politiques et géopolitiques traversant de fait la planète.
Poussée de fièvre à partir de 2020 : Nous abordons la 3ème phase de cette pathologie sociale : la poussée de fièvre consistant en un vaste « nettoyage simplificateur » d’avenir qui d’après nous prend tous les accents du totalitarisme.
De l’hystérie futuriste à la visualisation de l’apocalypse
Il y a quelques années, nous avions anticipé que le monde allait passer d’une situation d’horizons bouchés à une explosion de l’offre d’avenirs. La réalité dépasse l’imagination.
Les réseaux sociaux professionnels sont les vitrines de cette compétition d’avenirs techno-business assaisonnés de valeurs morales « XXIème siècle » : images glaciales d’un monde de professionnels de science-fiction, pensant bien[2] et parlant blanc (anglais[3]), angoissés à l’idée de « louper » l’innovation qui les rendra riches, où chacun se pose en oracle.
Les médias, dont le métier est de parler de ce qu’il s’est passé, sont eux aussi de plus en plus tournés vers ce qu’il va se passer[4], présentant avec le même aplomb informations sur le passé et anticipations de l’avenir, sans offrir à leurs lecteurs la chance de pouvoir se repérer dans leur grande « macédoine » intellectuello-temporelle[5].
Les écoles où est formée la société de demain transmettent à leurs étudiants l’idée que l’avenir sera ce qu’ils en feront sans leur offrir de méthode de rationalisation de l’avenir[6].
Les acteurs économiques et politiques en viennent actuellement à devoir « anticiper les anticipations » de leurs concurrents/ennemis, aboutissant à de nouvelles formes de paralysie résultant de la contemplation d’une réalité d’avenir trop complexe pour permettre l’action[7].
Cette foire à l’avenir serait-elle la dernière forme d’expression de la liberté qui a soufflé sur le monde pendant un peu plus d’un demi-siècle, liberté désormais retranchée dans ce lendemain fantasmé : « l’avenir est ce qu’on en fera »… certes, mais de combien de « je » divergents est composé ce « on » ? et à quoi ressemblera le produit de tous ces « je » incohérents ?
Quoiqu’il en soit, cet excès d’avenir mal maîtrisé présente un spectacle de plus en plus effrayant pour une part croissante de population qui se réfugie dans toutes les formes de « repli » que l’on sait : nationalisme, religiosité, sécuritarisme, écologisme… et autres rejets d’une modernité jugée mue par des apprentis-sorciers. En 20 ans, nos sociétés sont passées de « l’avenir n’est pas un sujet » à une mise en scène dramatique d’avenirs techno-environnementaux inspirant à des pans importants de population des sentiments de terreur… un « terrorisme de l’avenir ».
La « solastalgie » est une pathologie sociale identifiée depuis 2005[8], consistant en souffrance mentale à l’idée de la disparition du monde familier dont la course exponentielle d’un « progrès » devenu fou exclut graduellement l’humanité tout entière, créant le sentiment nostalgique que « nous devenons tous irrémédiablement des étrangers en nos propres pays »[9].
Cette maladie affecte en particulier les personnes très sensibles à la perspective des changements climatiques et environnementaux à venir. On parle même de syndrome « pré-traumatique » (en référence à « post-traumatique ») … maladie du futur par excellence donc.
Ce qui nous amène à l’autre face bien connue de cette « futurite », à savoir la projection morbide dans un avenir apocalyptique, donnant lieu aux formes extrêmes d’écologisme de type Extinction Rebellion…
Bien entendu ces deux faces sont celles d’une même pièce.

Image … Figure 1 – Symbole du mouvement Extinction Rebellion …
Futurisme et fascisme
La « futurite » ambiante est la conséquence inévitable de la gigantesque révolution sociétale entraînée par l’invention d’Internet. Une révolution[10] dont l’effet destructeur (ou « disruptif » pour parler moderne) est apparentable à celui d’une guerre obligeant à tout reconstruire sur de nouvelles bases. Ce travail collectif de reconstruction d’une société fonctionnelle oblige à faire des plans, à penser demain donc. Et c’est à cela que tout le monde s’attelle. Mais l’inadéquation des structures de pouvoir issues de la période antérieure a jusqu’ici interdit tout travail coordonné et donc tout résultat satisfaisant, faisant monter les sentiments d’inefficacité, d’impuissance et de colère.
Monde à reconstruire de toute urgence, élites impuissantes, quelles voies emprunteront les peuples en colère pour sortir du piège où les plonge la complexité de la transition systémique à accomplir ? L’ampleur de la tâche oblige à craindre le pire…
La situation historique dans laquelle l’humanité se trouve est sans précédent en termes de dimension, mais elle rappelle tout de même irrésistiblement cette autre époque trouble qui a présidé à l’avènement des grandes expériences totalitaires du XXème siècle – communisme, fascisme, nazisme… – elles aussi ancrées dans un rapport modifié à au temps et au progrès notamment révélé par le « futurisme », ce courant artistique né en Italie – cent ans précisément avant cette « futurite » qui nous occupe.
Soyons clair sur un point : le futurisme italien n’est pas fasciste ; mais il a fourni un terreau intellectuel fécond au projet « moderno-réactionnaire » de Mussolini[11].
Né en 1909 autour du poète Marinetti, ce mouvement s’est posé en rupture avec la tradition esthétique classique pour célébrer les représentations de la modernité qu’étaient la ville, les machines et la vitesse… Le culte de l’innovation trans-humaniste est la version contemporaine de cette idée.
Dès l’origine Marinetti intégrait à sa pensée artistique une dimension politique impliquant la réflexion sur de nouvelles valeurs sociales… La « bien-pensance »[12] intriquée dans les descriptions d’avenirs technologiques sur les médias sociaux et mainstream est un écho moderne des idées de Marinetti.
Certes l’Histoire ne se répète pas… mais ses mécaniques, si ! Et d’autres parallèles s’imposent…
Jeunisme et écologisme
En cohérence avec l’orientation-futur décrite plus haut, la société a connu un renversement générationnel radical, passant en une dizaine d’années d’une primauté absolue des babyboomers à celle des générations y et z (les 15-45 ans en gros) (sautant allégrement la bien-nommée[13] « génération x » qui se retrouve aujourd’hui assimilée babyboomer au plus grand mépris de leurs caractéristiques et projets spécifiques[14]).
Figure 2 – Le jeunisme vu par l’humoriste belge Philippe Geluck
Chefs d’état et de gouvernement de moins de 40 ans (Marin en Finlande, Kurz en Autriche, Leo Varadkar en Irlande, Roivas en Estonie, Macron en France, mais aussi Kim Jong-un en Corée du Nord ou Tamim ben Hamad Al-Thani au Qatar…), 7 ministres belges de moins de 40 ans, égéries politiques de moins de 20 ans (Greta Thunberg en Suède), … Plus un projet – d’avenir ou non – peut se permettre de ne pas avoir sa/ses jeune(s) icône(s) … Et c’est bien[15] !
Mais en toute chose, l’excès est mauvais. Le discours babyboomer actuel sur le thème « A vous les jeunes de réparer nos bêtises ! Nous on part à la retraite… » est une dernière expression de l’irresponsabilité chronique d’une partie de cette génération, faisant mine de laisser une génération inexpérimentée (parce que jeune), mal éduquée (les systèmes éducatifs occidentaux sont en crise avérée depuis longtemps[16]) et déconnectée de l’Histoire (résultant de la culture de l’instantanéité promue par internet[17]) gérer la plus grande transition systémique de l’Histoire de l’humanité.
En réalité, le jeunisme est une fois de plus la version idéologique de l’authentique rajeunissement de la politique souhaité. Ces jeunes sont-ils des acteurs réels d’un projet bien pensé à l’élaboration duquel ils ont participé ? ou les icônes d’un autre projet projeté par une autre génération, de plus en plus illégitime celle-ci ? Pour notre part, nous avons tendance à voir encore la main décharnée de la génération babyboomer derrière les visions de fin du monde véhiculées par une génération en fin de course.
Et l’écho du passé qui s’impose alors à nos esprits, ce sont ces mouvements de jeunesse que les totalitarismes mettent toujours en place pour avoir l’air sympathique et imposer leur idéologie pour les siècles des siècles: jeunesses communistes[18], jeunesses fascistes[19], jeunesses nazies[20], etc…
Les politiques d’embrigadement de la jeunesse que ces régimes ont mis en place au siècle dernier sont-elles si différentes de celles dont sont aujourd’hui la cible les jeunesses mondiales sur le thème de la catastrophe climatique – ou « jeunesses écologistes » ?
Figure 3 – Des membres d’Extinction Rebellion versent du faux sang sur les marches du Trocadéro à Paris – Source : France Info
2020 : Mobilisation générale contre le changement… climatique
Avertissement : L’écologie, ou préservation de l’environnement dans un monde surpeuplé, mérite largement son débat éclairé, ses politiques intelligentes et ses investissements efficaces ; en revanche, nous appelons « écologisme » (faute de mieux[21]) la version idéologique, où la préservation de l’environnement devient l’habillage d’une machine de guerre contre les libertés et la raison dans laquelle viendront de plus en plus s’engouffrer d’obscurs agendas cachés d’argent et de pouvoir.
En 2020, ça y est, tout le monde a compris que l’écologie fournit le thème fédérateur permettant de retrouver la puissance d’action à laquelle oblige la taille des enjeux de transformation. Pour ne citer que les deux cas les plus emblématiques de cette prise de conscience :
. celle de l’UE de von der Leyen qui lance son Green Deal[22], destiné à catalyser l’émergence d’une capacité financière à l’échelle du continent (même si l’objectif est salutaire, on voit déjà que l’écologie sert d’autres agendas – tout aussi pertinents d’ailleurs : croissance, inégalités… et changement climatique).
. celle de la finance internationale incarnée par Larry Fink (BlackRock) rédigeant son manifeste vert[23] en mettant en garde ses pairs contre les dangers que feront peser les catastrophes climatiques sur les assurances et in fine sur l’ensemble du système financier, et en proposant d’orienter la puissance de feu du secteur vers l’investissement dans l’économie verte.
Mais ces deux cas ne sont que révélateurs du puissant phénomène de convergence de toutes les parties vers cet objectif de lutte contre le changement climatique :
. Davos 2020 sur le thème du climat[24]
. partis politiques quasiment tous passés tous au vert ; même les partis d’extrême-droite y viennent, prenant conscience du potentiel politique de cette cause[25]
. opinions publiques ultra-sensibilisées à coup de vidéos-catastrophes et d’incessants messages sur l’apocalypse climatique[26]
. petites et moyennes entreprises se mobilisant pour se voir attribuer divers éco-labels[27]
. grandes entreprises communiquant sur leurs actions en faveur de l’environnement (du green washing[28] au green marketing)[29]
. écoles[30], réseaux sociaux, publicité…
Pétrole / Crise financière 2020 : le grand catalyseur du changement de paradigme
Une autre anticipation sert de catalyseur à cette convergence totale : celle de la crise financière de 2020 (dont nous répétons qu’elle se transformera immédiatement en crise politique et géopolitique). Une crise qui, contrairement à celle de 2008, a maintenant épuisé toutes les ressources du modèle antérieur (financiarisation de dette, politiques non-conventionnelles, manipulations diverses, algorithmes,…) et oblige à un changement de paradigme.
Cette crise financière sera déclenchée dans l’année par l’effondrement final du système pétrole. Le discours environnemental a accompagné ce glissement en partie contrôlé mais c’est la grande anticipation du peak oil (en mettant en évidence le fait que les ressources limitées en pétrole obligeaient à penser une fin de l’ère-pétrole et à la préparer) qui est sans doute le facteur le plus à l’œuvre derrière cette transition hors de l’ère pétrole. Quoiqu’il en soit, la radicalisation du thème climat va offrir la bouée de sauvetage dans la grande tempête que s’apprête à provoquer la « chute de la maison-huile » sur laquelle nous revenons dans ce numéro[31].
En effet, si « sauver la technocratie financière mondiale » n’est pas vraiment un message politique mobilisateur pour trouver l’énergie de la transformation paradigmatique, il en va tout autrement de « sauver la planète ».
Rendons-nous compte que l’humanité tout entière (au moins l’Occident) est en cours de mobilisation générale sur un seul sujet : la lutte contre le changement climatique (au lieu de la protection de l’environnement) et prenons conscience de tout le potentiel de dérive totalitaire qui ne peut que découler d’une mise en synergie de cette dimension.
La naissance du techno-écologisme
L’Histoire a tendance à se rappeler des années 1920 comme des « roaring twenties », dominées par la joie de vivre, le jazz et le charleston. Mais cette histoire-là, c’est celle des Américains. Du côté de l’Europe, la population venait de connaître l’horreur absolue de la première guerre mondiale et vivait surtout un immense choc post-traumatique dont le dadaïsme donne une petite idée[32]. En outre, les Européens sentaient confusément que la guerre n’est pas vraiment terminée : Traité de Versailles revanchard qui n’inaugure pas la paix mais prépare la prochaine guerre, mais aussi présence de tous les stigmates de la guerre (camps de prisonniers et de soldats, campagnes meurtrières de déminage, ruines…) propices à épidémies (grippe espagnole de 1918 : 20 millions de morts) et famines (5 millions de morts en Ukraine en 1922)[33]. Non, les années 20 en Europe n’ont pas été « roaring » mais plutôt « screaming ». Et c’est dans cette visualisation quotidienne de l’apocalypse que l’on trouve cette immense aspiration à l’ordre et à la paix qui jettera bientôt les peuples européens dans les bras d’idéologies et de chefs charismatiques promettant des lendemains qui chantent.

Figure 4 – Les joueurs de Skat par Otto Dix[34]
Aujourd’hui notre expérience de fin du monde est anticipée (ou fantasmée) (en cela, peut-être est-elle d’ailleurs plus virulente encore que celle de nos ancêtres). Elle est issue de ces prédictions sur les conséquences du changement climatique inévitablement induites par l’activité de 7-11 milliards d’individus accédant au confort de vie des Occidentaux[35], un changement de dimension démographique imposant un changement de paradigme énergético-économique d’une très grande complexité, c’est un fait.
La gestion de cette transition justifiait peut-être le grand renfort de communication à l’origine de toutes les images traumatisantes nourrissant un « vécu » de fin du monde comparable à celui qui caractérisa les années 1920 et faisant émerger une radicalité identique en faveur d’un retour à l’ordre ancien (paradis perdu de paix) que paradoxalement seul un ordre nouveau peut conduire (le projet de Mussolini consistait bien en un renouvellement des élites). C’est ainsi que Mussolini peut être vu comme un « moderno-conservateur ». Le moderno-conservatisme du jour c’est le « techno-écologisme », ou la fusion des innovations trans-humanistes de Google et consorts avec le contenu politique du combat contre le changement climatique (retour au jardin d’Eden).
Ca tombe bien… 2020 est aussi l’année de déploiement de la 5G et des monnaies digitales à grande échelle (Libra, e-yuan, e-euro, et même e-dollar désormais[36]). Ces prochaines étapes de progrès technologique vont pousser l’ « économie de surveillance » à de nouveaux sommets, économie de surveillance dont les gains (via les taxes GAFA[37] et canalisations financières vers l’économie verte) et les techniques (collecte de données individuelles à visée prédictive) vont commencer dès cette année à servir le projet politique écologiste dans le plus grand enthousiasme populaire et avec de réelles avancées positives… au début[38].
Rappelons que le totalitarisme est un « système tendant à la totalité », s’immisçant dans la sphère intime des pensées, imposant à tous l’adhésion à une idéologie obligatoire[39].
Si la protection de l’environnement est une cause aussi pertinente que celle de la paix à laquelle aspiraient nos aïeux, l’autoroute que l’humanité s’apprête à emprunter pour y atteindre sera encore plus totale qu’il y a 100 ans :
. les techniques de contrôle de la pensée disponibles sont d’une puissance quasi illimitée[40]
. la taille des populations impliquées dans le projet est sans commune mesure avec celles des années 30[41]
. quant à l’enjeu, il est également supérieur à celui du siècle dernier puisqu’il s’agit ni plus ni moins de sauver la planète.

Figure 5 – Evolution démographique des grandes régions du monde. Source : herodote.net
Il semble à notre équipe qu’à ce stade, une telle mobilisation en faveur de ce sauvetage promet certes le changement de paradigme dont toutes les crises traversées depuis 15 ans nous ont révélé l’absolue nécessité. Mais le prix à payer pourrait bien être faramineux et le temps nécessaire à un retour à la raison particulièrement long.
Visions d’une société techno-écologiste
Une récente étude de l’OBSOCO révèle la proximité des principes de l’utopie sécuritaire et de l’utopie écologiste en France : protection de l’environnement, mise en avant du local dans le fonctionnement de l’économie, de la vie politique et dans les modes de vie, renforcement du sentiment de sécurité,…[42] Nous estimons que, dans sa version radicalisée, l’écologiste se rapproche même du « sécuritariste » par son rejet de l’autre (ce qui n’est pas le cas de l’écologiste modéré). Chez l’écologiste ce rejet n’est pas culturel ou racial mais général : rejet de la foule des humains, sorte d’agoraphobie collective liée à la vertigineuse visualisation des bientôt 10 milliards d’habitants de la planète et à leur empreinte collective sur la nature.
En partant de cette idée, on peut décliner certaines lignes directrices (déjà en œuvre) d’un totalitarisme techno-écologiste au service d’une réorganisation de la société humaine[43] :
. remise en question de la mobilité humaine (travail à domicile[44], tourisme virtuel, immigration ultra-contrôlée)
. isolement physique de l’individu[45] ;
. virtualisation de son environnement (de ce point de vue, l’écologisme qui est en partie produit par des populations idéalisant la nature parce que déjà coupées d’elle, ne fera que renforcer la tendance à dé-« naturer » l’humain)[46];
. contrôle des naissances (au nom d’une politique de décroissance[47] mais à visée nataliste quand les économistes sonneront l’alarme sur l’insoutenabilité économique de la décroissance démographique[48]);
. dévalorisation de la vie humaine (en lien avec le point précédent, mais aussi avec celui sur la virtualisation);
. diabolisation d’un « climato-scepticisme » mal défini, justifiant des politiques de censure ;
. criminalisation d’une liste de comportements jugés climato-déviants (où on trouvera en fait de tout) ;
. prime du politique sur l’économique (au nom de la nécessité qu’il y a à mettre au pas un modèle économique d’hyper-consommation / fin officielle du libéralisme économique) ;
. repli économique (politiques d’autarcie rendues possibles par les progrès scientifiques en matière agricole par exemple[49]) ;
. captation de la finance mondiale au détriment des pays tiers (Afrique, Amérique du Sud) qui vont assister à la disparition des investissements étrangers – désormais canalisés vers les économies vertes des pays sources (c’est là une anticipation que nous creuseront dans un prochain numéro, car elle remet notamment en question notre anticipation de « siècle africain ») ;
. brouillage informationnel – notamment destiné à donner le sentiment que les choses vont mieux… mais pas trop non plus ;
. apparition du concept de « climato-terroristes » (qui sera sans doute le signe d’un basculement dans la phase sombre du totalitarisme en question) ;
. transparence à sens unique (la question de la transparence à l’ère d’internet va se régler dans le sens d’une transparence top-down au nom de l’impératif de surveillance des populations déviantes et d’une vaste législation anti-transparence bottom-up au nom de la protection de la vie privée) ;
. gouvernance désincarnée (a priori pas de Mussolini… peut-être un « e-Mussolini » ?) rendant vaine toute résistance ;
. remise en question de la démocratie [50].

Figure 6 – Tout est dit…
Le résultat de cette politique totalitaire sera d’éloigner encore un peu plus l’humain de la nature comme les promesses radieuses de viande in-vitro le suggèrent déjà. Il est probable que les très grands consortiums chimico-technologiques seront les grands gagnants du système.

Figure 7 – La viande in vitro est-elle bio ?
Les risques financiers pour les pays « en voie de développement » que nous avons identifiés plus haut les empêcheront de transformer leurs modes de production et de gérer leurs déchets… mais leurs mers de plastiques, nous ne les verrons plus.
La planète n’ira donc pas beaucoup mieux : d’un côté un tiers-monde, planté au milieu du gué sur la voie du développement, n’accédera pas aux modes de production plus propres ; de l’autre un univers moderne hyper-technologique étant allé au bout de la logique de l’anthropocène en ayant franchi, par élimination de tous les obstacles, une nouvelle étape d’artificialisation de la société humaine. Le climat continuera à se changer… mais l’information contrôlée ne nous en parlera plus et la nouvelle société s’y sera en partie adaptée (nouveaux systèmes d’assurance, d’information, de lois sur les constructions et l’aménagement urbain…).
Penser aujourd’hui l’après-demain
Cette vision très sombre d’un avenir occidental se déclinera de diverses manières – plus ou moins dramatiques – selon les continents et pays. Il n’est pas impossible que cette nouvelle expérience politique s’apparente à une sorte de « soft-totalitarisme » permis par l’efficacité des techniques d’information, de surveillance et de contrôle. Et qu’il laisse la place à une réflexion sur la démocratie et l’éducation…
Quoiqu’il en soit, deux types d’action s’imposent aujourd’hui pour adoucir et surtout raccourcir la période dure qui s’ouvre :
. une approche inter-générationnelle mettant les nouvelles générations en contact intellectuel avec la génération oubliée ou « génération x » qui ne véhicule pas encore les fantasmes morbides de la génération précédente. La génération x est en mesure de contribuer à connecter les jeunes à l’histoire, au temps, à la réalité… et de leur éviter de trop perdre pieds.
. une éducation au futur car il faut bien admettre que ces évolutions dramatiques viennent initialement de la carence d’avenir qui a caractérisée les années 2000, tout le reste n’étant que la suite logique de ce mauvais départ : l’avenir doit devenir un objet d’étude et de culture générale rationnel comme le passé en est l’objet. Le citoyen du XXIème siècle ne pourra redevenir un acteur responsable et stabilisateur qu’à ce prix. L’éducation au futur doit donc rentrer à l’école au plus vite pour rationaliser l’iconographie millénariste qui nous régit, mieux comprendre les enjeux de l’avenir, limiter le potentiel manipulateur de cette hystérie narrative et en déduire les solutions raisonnables et efficaces à mettre en œuvre collectivement.


[1] Pour ce qui est de l’Europe, nous savons de quoi nous parlons, ayant organisé en 2000 à Paris un Congrès de 2000 étudiants sur le thème : « Nouvelle Europe, Nouveaux Défis, Nouvelles Générations »… qui n’a pas fait l’objet de la moindre ligne dans la presse malgré la présence de chefs d’Etat et de gouvernements, de Ministres et de commissaires européens… et malgré la participation effective de nombreux représentants de la presse. Source : LEAP, 03/10/2000[2] Référence à la « bien-pensance » qui régit les réseaux sociaux, gorgés de prétendu « humanisme », « générosité », « non-violence », « développement personnel », « collaborativité », etc…[3] Référence à l’injure raciste « speak white » rendue célèbre pas la québécoise Michèle Lalonde. Source : Wikipedia[4] Nous vous invitons à évaluer la proportion d’articles parlant en fait de demain sur les homepages ou unes des journaux. Même les grands événements, de type Sommets, sont souvent couverts par anticipation.[5] Il suffirait pourtant qu’ils créent une rubrique « anticipation « en plus de leur rubrique « opinion ».[6] Comme indicateur d’une prise de conscience salutaire en ce domaine, le groupe INSEEC vient de signer un partenariat avec LEAP pour intégrer un projet de rationalisation de l’avenir au cœur de son projet pédagogique.[7] Une partie des retards pris dans le passage aux véhicules électriques est lié à cette problématique stratégique. Par exemple : faut-il se lancer dans les gigantesques investissements en infrastructures pour les VE alors que c’est peut-être l’hydrogène qui est le vrai avenir ? Source : McKinsey, 11/2017[8] Source : Wikipedia[9] La solastalgie pourrait présenter des similitudes avec le syndrome des migrants de première génération. Source : The mental health and wellbeing of first generation migrants: A systematic-narrative review of review, ResearchGate, 08/2016[10] Source : Forget Disruption, This Is Revolution, Forbes, 13/02/2019[11] Sources : When Futurism Led to Fascism and Why It Could Happen Again, Wired, 18/04/2019 ; How Italian Futurism Influenced the Rise of Fascism, Artmejo, 18/11/2018[12] Si, si, le mot existe bien ! Source : Wikipedia[13] La génération « x » est aussi anonyme que son titre le suggère. Et pourtant, elle a tant à dire…[14] Officiellement, on considérait que la génération des babyboomers s’arrêtait à 1961… puis on a évoqué la limite de 1966. Aujourd’hui certaines articles parlent de babyboomers comme de personnes nées entre 1946 et 1973 (source : Le Monde, 18/01/2020) !!![15] Ce n’est pas LEAP – qui a organisé en 2015 le Sommet des Jeunes Leaders Euro-BRICS, sur le thème de l’avenir de la gouvernance, ou qui a travaillé pendant 8 ans avec l’association étudiante AEGEE-Europe, en clamant que la jeunesse devait être mieux (« mieux » est différent de « plus ») intégrée à la construction de l’avenir dont elle est l’actionnaire principal – qui dira le contraire. Mais c’est une démarche inter-générationnelle que nous prônons, où l’expérience des seniors doit ancrer les vœux des juniors. Et surtout, cette intégration des jeunes au projet de société ne doit pas être manipulatoire…[16] Source : The Crisis of Western Education and the Role of Philosophy, New Acropolis, 08/08/2014[17] Source : How Technology Changes Our Perception of Time, Thrive Global, 16/10/2017[18] Source : Komsomol, Wikipedia[19] « In the 1920s and 1930s, fascist parties promised young people … a divine mission–to be the leaders of a revolutionary movement that would purify the nation. » Source : Encyclopedia.com[20] Source : History, 29/08/2018[21] Nous sommes conscients que le mot « écologisme » est assez couramment employé pour faire référence à des courants verts modérés. Mais nous n’avons rien trouvé d’autre pour exprimer la notion d’idéologie de l’écologie. Si vous avez des idées… (climatisme existe déjà et veut dire tout autre chose. Source : Wikipedia)[22] Surfant sur la proposition de PacteClimatFinance de Pierre Larrouturou : « 1000 milliards d’euros pour sauver la planète ».[23] Source : A Fundamental reshaping of finance, BlackRock, 14/01/2020[24] Source : Time, 27/01/2020[25] Source : Green European Journal, 27/09/2019[26] Le biais « énergie » de l’auteur de cet article doit être noté. Néanmoins son point de vue est pertinent et argumenté, et rejoint de fait le nôtre sur les conséquences d’une dramatisation excessive des problématiques sous-jacentes réelles au changement climatique (« changement climatique » dont l’arrêt est un objectif désespérant contrairement à la « préservation de l’environnement »). Source : Forbes, 04/12/2019[27] On ne peut que saluer l’existence ces éco-labels. Cela dit, on voit à cet article que l’appât employé par la Commission européenne, ce sont les opportunités d’aide à l’innovation et non le souci de la planète. Si on combine tous ces indices anodins d’agendas déviés, on obtient un vaste mot d’ordre de mobilisation dans lequel le meilleur puis le pire viendra s’engouffrer. Source : Commission européenne[28] Source : Brighton Journal, 12/02/2020[29] Certaines bien malhonnêtement (source : TheGuardian, 26/06/2019) ; d’autres de plus en plus sincèrement (source : Financial Review, 14/02/2020).[30] La tendance à ne plus servir de bœuf dans les cantines répond-elle à un souci environnemental ou à budgétaire ? Source : VegNews, 14/11/2019[31] Référence à la nouvelle fantastique d’Allan Edgar Poe, la Chute de la Maison Usher. Source : Wikipedia[32] Source : ArtWiki[33] Le documentaire « La Paix Impossible » a réuni des documents de la période 1918-1925 pour rappeler ces douloureux souvenirs. Source : Libération, 18/11/2018[34] Témoin de son temps, Otto Dix, né en Allemagne en 1891, est associé aux courants artistiques Dada (expression du traumatisme de la 1ère guerre mondiale) mais aussi futuriste (courant artistique précurseur des régimes totalitaires qui déclencheront la 2ème guerre mondiale) ! Source : Collège Laurent Mourguet[35] Où l’accroissement démographique combiné à d’un accroissement d’activité humaine aboutit à une courbe exponentielle.[36] Source : The Block, 06/02/2020[37] On pourrait anticiper que l’argument « financement de l’économie verte » se combinera bientôt à l’objectif de taxation des géants de la new tech pour emporter le morceau.[38] Les régimes totalitaires du siècle dernier ont aussi construit les autoroutes et systèmes sociaux du XXème siècle.[39] Source : Wikipedia[40] Les nouvelles « avancées » en matière de marketing prédictif font froid dans le dos. Source : ClickZ, 27/01/2020[41] En 1929, les populations européennes se montaient à un demi-milliard. Aujourd’hui, le projet global de lutte contre le réchauffement climatique est sensé concerner 7 milliards d’individus.[42] Source : Obsoco, 14/10/2019[43] La liste qui suit n’est que l’embryon du livre entier qu’il faudrait pour décrire la société que nous anticipons.[44] Parmi les derniers coups de pouce à la sédentarisation des employés : le coronavirus en Chine. Source : MarketWatch, 11/02/2020[45] L’isolement social augmente, donnant lieu à des solutions de réalité virtuelle qui accroitront de fait l’isolement réel. Source : Rewind, 23/09/2019[46] Source : Technology is changing our relationship with nature as we know it, Quartz, 08/08/2017[47] Source : Anti-natalism: the birth of a tragedy, Oxford Student, 12/02/2020[48] La Chine ne va pas tarder à relancer la machine à bébés compte tenu des risques liés au rétrécissement et vieillissement de sa population. Source : NewYorkTimes, 17/02/2020[49] Sources : Farmers’ Review Africa, 16/01/2020 ; GrowingSpaces, 26/11/2018[50] Cet article de Foreign Policy (a priori un média sérieux) est un must read révélateur des risques démocratiques liés à l’implémentation de la version idéologique de l’agenda climat. Source : Democracy Is the Planet’s Biggest Enemy, Foreign Policy, 20/07/2019 |

https://geab.eu/decennie-2020-futurite-dune-crise-de-lavenir-au-totalitarisme/


