Séisme pour Renault : le patron italien quitte le groupe. En cinq ans, il a transformé en profondeur le constructeur français, malgré le retrait de la Russie et l’échec de l’alliance avec Nissan.
Par Olivier Ubettalli – 15.06.25 – Le Point –
Lorsque Luca de Meo prend les rênes de Renault, en juillet 2020, dont il quittera la direction générale le 15 juillet 2025, le constructeur français est au plus mal. L’arrestation de Carlos Ghosn, fin 2018, a plongé le groupe dans une crise sans précédent, suivie du limogeage de son successeur, Thierry Bolloré. Le défi qui attend ce polyglotte italien, qui a relancé chez Fiat la 500 et fait de Seat une poule aux œufs d’or au sein de Volkswagen, semble insurmontable.
« J’en suis à un stade de ma vie où je me demande ce qui peut me motiver jusqu’à 65 ans. Il y a deux choses : d’abord, me retrouver dans des situations qui paraissent impossibles à résoudre ; ensuite, développer des organisations et créer des leaders »,
nous confiait-il en septembre 2020 pour sa première interview à la tête de Renault.
Six ans plus tard,le bilan est positif malgré quelques ratés. En dépit de son départ forcé de Russie, où il a abandonné sa pépite Lada, Renault a retrouvé de sa superbe.
Les nouveaux modèles de la Renaulution
Dès janvier 2021,de Meo lance son plan Renaulution, alors accueilli avec un certain scepticisme. Sa stratégie s’articule autour de trois axes :
l’assainissement financier, déjà commencé par l’ex-directrice financière Clotilde Delbos,
le renouvellement des modèles
la réinvention technologique.
Le renouveau produit est aujourd’hui spectaculaire. En l’espace de quatre ans, la gamme Renault a été métamorphosée.
La R5 électrique et le Scenic ont remporté le titre de voiture de l’année tandis que des modèles comme l’Austral, le Rafale et le Symbioz repositionnent la marque sur le segment premium. La part des véhicules des segments C et supérieur dépasse 40 % des ventes européennes en 2024, un niveau historique.
Luca De Meo, Directeur général de Renault.Photo LP / Fred Dugit
Face aux défis de l’électrification, Luca de Meo fait des choix pragmatiques.
Plutôt que d’investir massivement dans la production de batteries comme ses concurrents, il opte pour des partenariats stratégiques, notamment avec l’industriel sino-japonais AESC Envision qui s’installe à Douai (Nord), au cœur de l’ElectriCity. Une approche prudente. Il opère par ailleurs un chamboule-tout au niveau organisationnel en créant notamment Ampere, qu’il renoncera à introduire en Bourse.
Retrait forcé de Russie
Le mandat de l’Italien, dont le premier job de la carrière fut chez Renault, à la direction régionale de Milan, n’est pas exempt d’échecs. La guerre en Ukraine contraint Renault à céder ses activités russes, dont AvtoVAZ (Lada), entraînant une perte de 2,3 milliards d’euros.
La nouvelle alliance avec Nissan, censée être plus souple, n’a pas produit les résultats escomptés. Le constructeur japonais est aujourd’hui à la peine : il a revendu ses parts dans l’usine commune à Chennai, en Inde, et fait fabriquer sa nouvelle Micra électrique sur les chaînes de Renault à Douai.
Du côté de l’Alpine, notamment en Formule 1, la relance n’a pas encore porté ses fruits commerciaux.
« Avant, l’écurie F1 était considérée uniquement comme une ligne du coût. Aujourd’hui, c’est un actif qui vaut un milliard d’euros et qui est au cœur du projet de relance d’Alpine »,
nous affirmait Luca de Meo la dernière fois que nous l’avons croisé, fin mai 2024 à Dieppe, lors de la présentation de la nouvelle A390.
Du côté financier, les résultats sont au rendez-vous. En 2024, Renault affiche un chiffre d’affaires de 56,2 milliards d’euros (+ 7,4 %) et une marge opérationnelle record de 7,6 %, après 7,9 % en 2023.
Les successeurs pressentis
À son départ, Luca de Meo laisse un Renault transformé. Le groupe dispose d’une gamme moderne, d’une santé financière restaurée.
Sur le plan stratégique, Luca de Meo devait dévoiler son nouveau plan, Futurama. Le fera-t-il avant son départ ? Il est permis d’en douter.
Néanmoins, son successeur va hériter de défis majeurs :
atteindre 20 % de ventes électriques en 2025,
réussir la montée en gamme
et gérer la sortie définitive de l’alliance avec Nissan.
Pour lui succéder en interne, on pense à Denis Le Vot, en charge de Dacia, Fabrice Cambolive, patron de la marque Renault, ou Philippe Krief, à Alpine. Et pourquoi ne pas sortir de sa récente retraite Gilles Le Borgne, 63 ans, ex-directeur de la technologie et ancien numéro deux officieux du groupe ?
Par ailleurs, Wayne Griffiths, le PDG de Seat et Cupra qui avait succédé à Luca de Meo, a annoncé sa démission surprise en avril sans qu’il soit nommé ailleurs.
Quel que soit le prochain pilote de Renault, le redressement opéré par le dirigeant italien restera comme une spectaculaire « remontada ».