6912 – UE – Europe… l’impasse Von der Leyen – Par Guillaume Duval – 02.06.25 – Sauvons l’ Europe

Europe… l’impasse Von der Leyen

Le 1er juin dernier se terminaient les six premiers mois du second mandat d’Ursula von der Leyen à la tête de la Commission européenne.
Ces six mois ont fait redescendre de son piédestal une Présidente de la Commission qui, en décembre dernier, paraissait pourtant prête à incarner l’Union européenne, à l’intérieur de ses frontières comme à l’extérieur, comme aucun de ses prédécesseurs depuis Jacques Delors.
Depuis 2019, Ursula von der Leyen a montré en effet un réel savoir-faire pour concentrer les pouvoirs entre ses mains, assurer sa propre survie politique et se mettre en scène efficacement pour apparaître comme la voix de l’Europe sur tous les dossiers. Et en juillet dernier, elle avait été nettement mieux reconduite dans ses fonctions par le Parlement européen que pour son premier mandat.
Thierry Breton
Elle était parvenue ensuite à remodeler la Commission européenne à sa main. Notamment en se débarrassant du Commissaire français Thierry Breton qui avait osé lui tenir tête.
Stéphane Séjourné
Elle a embobiné Emmanuel Macron en lui promettant un grand portefeuille s’il laissait tomber Breton pour, au final, n’offrir à Stéphane Séjourné, qu’un portefeuille plus réduit encore que celui que Thierry Breton gérait jusque-là.
Elle a aussi habilement divisé les dossiers confiés à ses vice-présidents pour s’assurer qu’aucun d’entre eux ne puisse jamais prétendre agir dans un domaine important sans avoir besoin de s’en référer à elle. Du grand art.
Mais cette position de force n’était qu’apparente. Ursula von der Leyen, « reine de l’Europe », n’était en réalité qu’un colosse aux pieds d’argile. Parce qu’elle n’a su jusqu’ici ni renforcer les moyens dont les institutions européennes disposent, ni accroitre la cohésion et la capacité d’action de l’Union.

Des plans aux noms ronflants sans financements réels

Du côté de l’argent, « le nerf de la guerre »,
Elle ne s’est pas battue en effet pour renouveler l’opération Next Generation EU et emprunter de nouveau de façon significative à l’échelle européenne afin de faire face à Poutine et aux conséquences de la guerre en Ukraine.
Elle ne s’est pas battue non plus pour dégager de nouvelles ressources propres pour financer l’Union et sortir des discussions de marchands de tapis entre Etats européens.
Elle n’a rien engagé enfin pour accroitre significativement le budget de l’Union au cours du prochain cycle budgétaire européen qui démarre en 2028. Moyennant quoi, celui-ci risque d’être plus réduit encore que les précédents, du fait notamment du remboursement des emprunts de Next Generation EU.
Pour masquer ce manque persistant de moyens, Ursula von der Leyen a misé à fond sur la communication, multipliant les plans aux noms ronflants affichants des dizaines de milliards d’euros de dépenses :
  • RePower EU pour faire face à la crise énergétique causée par la guerre contre l’Ukraine,
  • le Global Gateway pour faire pièce à la Belt and Road Initiative chinoise,
  • ReArm Europe pour relancer la défense européenne…
Mais dès qu’on creuse un peu, on se rend compte qu’il n’y a sinon rien, du moins pas grand-chose derrière ces plans en matière d’argent frais supplémentaire.
Ces plans Potemkine sont devenus la signature de l’action d’Ursula von der Leyen.
 La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, à Bruxelles, 

 

Dans le cadre de ReArm Europe, le dernier en date, le programme SAFE de 150 milliards d’euros qui vient d’être adopté n’est ainsi constitué que de prêts qui devront donc être remboursés par les Etats membres. Autrement dit, le seul plus que SAFE apporte est la différence entre le taux d’intérêt auquel l’Union peut emprunter avec ceux auxquels les Etats le feraient seuls. Dans la plupart des cas, celle-ci est minime. Et les pays où elle ne l’est pas sont ceux qui sont déjà surendettés. La capacité de ce programme à doper réellement les investissements dans la défense en Europe risque donc d’être très limitée.

Des conséquences inquiétantes sur la défense européenne

Combiné à la faiblesse des ressources disponibles au niveau de l’Union, l’atlantisme exacerbé d’Ursula von der Leyen a placé l’UE dans une position d’extrême fragilité face au renversement d’alliance opéré par Donald Trump au profit de Vladimir Poutine sur le dossier ukrainien. Il a laissé l’UE quasiment sans voix sur ce dossier essentiel pour son avenir.
Le Lituanien Andrius Kubilius a été désigné mardi 17 septembre au nouveau poste de commissaire à la Défense et à l’Espace de l’Union européenne (UE), un portefeuille central alors que Bruxelles cherche à se réarmer face à la menace russe.

Les seules réactions européennes substantielles enregistrées depuis le début 2025 sur le dossier ukrainien ont été le fait d’une “coalition d’Etats volontaires” comprenant plusieurs pays de l’Union mais agissant totalement en dehors du cadre des institutions européennes.
Pour son second mandat, Ursula von der Leyen avait tenu en particulier à nommer un Commissaire européen à la défense Andrius Kubilius bien que la Commission n’ait dans les Traités aucune compétence dans ce domaine. Les derniers mois ont montré à quel point cette ambition était vide de toute substance réelle : si une défense véritablement européenne doit (enfin) voir le jour, cela se fera selon toute vraisemblance sans passer par la case Commission européenne.
Bref, du côté du « nerf de la guerre » comme on dit, Ursula von der Leyen a soigneusement évité depuis cinq ans d’engager la moindre bataille qui aurait permis de renforcer les moyens dont dispose l’Union pour mener les politiques plus ambitieuses qu’impose désormais la combinaison d’un environnement géopolitique plus dangereux et de l’aggravation de la crise écologique.

Green Deal… de l’espoir à la désillusion écologique

Le Green Deal aurait pu et dû être l’acquis majeur du premier mandat d’Ursula von der Leyen. Là aussi, faute pour la présidente de la Commission d’avoir mené bataille pour accroitre les moyens dont dispose l’Union, ce paquet législatif s’est traduit essentiellement par des normes contraignantes supplémentaires et une énergie plus coûteuse avec un prix du carbone élevé.
Faute de budget, l’UE a été incapable de soutenir via des subventions significatives la transition verte comme l’ont fait les États Unis avec l’IRA ou la Chine avec ses soutiens publics massifs au solaire ou à l’éolien. Une approche qui, sans surprise, a suscité un backlash important dans l’opinion européenne. Du coup, « Ursula von der Leyen 2 » n’a rien trouvé de plus urgent que de défaire ce que « Ursula von der Leyen 1 » avait fait dans ce domaine.
En engageant un ambitieux programme de dérégulation sociale, environnementale, numérique… tous azimuts, la présidente de la Commission fait certes une fois de plus la preuve de sa grande capacité à assurer sa propre survie politique en épousant le nouvel air du temps impulsé par Elon Musk et Javier Milei, mais elle démontre aussi à quel point elle est dépourvue de toute vision cohérente et d’un projet structurant pour l’UE et son avenir.


Quant aux intrusions d’Ursula von der Leyen dans le champ de la politique étrangère de l’Union, elles ont été le plus souvent contre-productives. Elle a choisi en particulier très vite de s’aligner sur l’agenda « forteresse Europe » de l’extrême droite en matière de migrations, contribuant ainsi à nous aliéner les peuples de l’autre rive de la Méditerranée et de l’Afrique. Ce que l’Union uropéenne a lourdement payé dans toute l’Afrique et en particulier au Sahel.

Une proximité désormais assumée avec l’extrême droite

Le mémorandum d’entente entre l’UE et la Tunisie a été signé par la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, la Première ministre italienne, Giorgia Meloni, le Premier ministre néerlandais, Mark Rutte, ainsi que le président tunisien, Kaïs Saïed, à la mi-juillet. [EPA-EFE/FILIPPO ATTILI/CHIGI PALACE PRESS OFFICE]

Bras dessus-bras dessous avec la première ministre italienne d’extrême droite Giorgia Meloni, elle a ainsi passé seule des deals honteux, et largement illégaux, avec la Tunisie de Kais Saied ou l’Egypte d’Abdel Fattah El Sissi, distribuant sans condition des dizaines de milliards d’euros à des dictateurs pour qu’ils empêchent les migrants de partir de leurs pays. Cela sans consulter ni le conseil, ni le collège des commissaires, ni aucune autre instance européenne.
Ursula Von der Leyen
C’est surtout sa politique au sujet du conflit à Gaza qui a eu des effets désastreux pour l’Union européenne. Sa visite à Jérusalem le 13 octobre 2023 et le soutien inconditionnel qu’elle apporté à ce moment-là au gouvernement d’extrême droite de Benyamin Netanyahu, ont eu des répercussions très négatives. Même si elle est devenue elle-même plus discrète par la suite sur ce dossier, Ursula von der Leyen a tout fait depuis un an et demi pour empêcher que la Commission ne fasse pression sur le gouvernement de Benjamin Netanyahu, bloquant les initiatives du HR/VP Josep Borrell qui souhaitait que l’UE prenne ses distances avec le gouvernement israélien.
 Le haut représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Josep Borrell, lors d’une conférence de presse à Bruxelles, le 8 avril 2024. KENZO TRIBOUILLARD / AFP

Ce parti pris pro Netanyahu a considérablement nui aux intérêts de l’Europe. Non seulement dans le monde musulman, mais aussi en Amérique Latine, en Afrique Subsaharienne et en Asie.
avec Netanyahu
Le double standard criant des Européens entre la guerre déclenchée par Poutine et de celle de Gaza a beaucoup affaibli en particulier le soutien à l’Ukraine dans de nombreux pays du Sud et abondamment servi la propagande du Kremlin.
Au moment où l’Europe démocratique est menacée à la fois à l’Est par l’impérialisme de Vladimir Poutine et à l’Ouest par l’autocrate Donald Trump, l’action de la présidente de la Commission dans le domaine de la politique extérieure a donc aggravé notre isolement.
Bref, les succès personnels d’Ursula von der Leyen à la tête de la Commission n’ont pas contribué à rendre l’Union européenne plus forte et plus résiliente.


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