6454 – Au Parlement européen, les députés français divisés sur la vente du Doliprane – Clara Bauer-Babef – 18.10.24 – Euractiv –

Au Parlement européen,
les députés français divisés sur la vente du Doliprane
Sanofi pourrait céder sa filiale Opella, qui commercialise notamment le Doliprane, au fonds d’investissement américain CD&R ou au français PAI Partners.  [godongphoto/Shutterstock]

Clara Bauer-Babef – Journaliste Santé – 18.10.24 – Euractiv


Si la possible vente de l’emblématique Doliprane par Sanofi n’en finit plus de susciter des polémiques en France, l’affaire trouve un écho plus mesuré au Parlement européen, alors que certains eurodéputés français se félicitent de l’opération.
Sanofi, le géant de l’industrie pharmaceutique française, pourrait céder sa filiale Opella, qui commercialise notamment le Doliprane, au fonds d’investissement américain CD&R ou au français PAI Partners.
Face au tollé suscité par la vente de son médicament phare, le laboratoire pharmaceutique a voulu se montrer rassurant.


« Je garantis pour les Français du Doliprane en pharmacies » et la « pérennité des emplois et des sites sur plusieurs années »,
a ainsi déclaré la présidente de Sanofi France Audrey Duval, jeudi (17 octobre) sur RTL.
Mais à Bruxelles, où les enjeux de souveraineté industrielle européenne font partie des priorités de la nouvelle mandature, la pilule passe mal chez certains eurodéputés français.
Lauent Castillo
« Sanofi envoie un message très désagréable après le rapport Draghi », estime Laurent Castillo, membre des Républicains (LR) et du Parti populaire européen (PPE).
Publié début septembre, le rapport Draghi, du nom de l’ancien président de la Banque centrale européenne (BCE), fustige le décrochage économique de l’Europe face aux États-Unis et à la Chine, et presse la nouvelle Commission de réarmer le continent du point de vue industriel.
« Peut-être que c’est économiquement plus intéressant pour Sanofi, mais cette vente adresse un signal inquiétant pour les souverainetés industrielles française et européenne », poursuit l’élu de droite.
Le Doliprane, le médicament le plus vendu en France, est loin d’être le plus rentable pour le laboratoire pharmaceutique. Sur les 2,15 euros que coûte une boîte, « seuls » 75 centimes reviennent à Sanofi.
Alors que le gouvernement a demandé à Sanofi un bilan des aides publiques perçues ces dix dernières années, Laurent Castillo estime que le laboratoire a une responsabilité en termes de production, de souveraineté et d’emplois. « C’est du donnant donnant », argumente-t-il.
Christophe Grudler.
De son côté, Christophe Grudler, eurodéputé Renaissance (Renew) préfère relativiser, rappelant que le Doliprane est une marque, et que le médicament, le paracétamol, est lui « dans le domaine public ».
« Le Doliprane n’est ni une production européenne, ni une production unique. Rien n’empêche monsieur tout le monde de produire du paracétamol. Il n’y a pas d’attaque stratégique sur l’industrie européenne, » développe-t-il.
L’élu de la commission de l’industrie (ITRE) y voit au contraire une opportunité pour Sanofi de rester compétitif sur le marché mondial de l’innovation thérapeutique.
« Je comprends les inquiétudes, mais si Sanofi a besoin d’argent pour investir dans la recherche, ils font bien de réaliser cette vente, » soutient-t-il, contrairement à nombre de ses homologues au Parlement.
« Le paracétamol est un médicament vieillissant. Cette vente peut être un mal pour un bien. Si l’on réinvestit sur de nouvelles productions, pour avoir un coup d’avance sur la compétition mondiale, cela vaut le coup, » résume Christophe Grudler.

La Commission européenne interpellée

D’autres eurodéputés ont quant à eux pris l’initiative d’interpeller l’exécutif européen.
L’eurodéputé Thomas Pellerin-Carlin
L’eurodéputé Thomas Pellerin-Carlin (Place publique, S&D) estime que la Commission devrait analyser l’impact de cette opération sur l’industrie européenne.
« La DG GROW [Direction générale du marché intérieur et de l’industrie, ndlr] doit être capable de suivre les enjeux de l’industrie pharmaceutique de manière très fine et d’avoir une vision sur l’ensemble de la chaine de valeur, tant du côté français que du côté européen, » appuie-t-il.
Également enseignant à SciencesPo, Thomas Pellerin-Carlin estime par ailleurs que, lorsque qu’une entreprise, ou une filiale dans le cas de Sanofi, passe sous giron américain, ses activités en France deviennent secondaires.
« L’entreprise américaine General Electric a supprimé 360 postes à Saint-Nazaire en septembre. L’enjeu, c’est l’exposition aux investissements étrangers, » alerte-t-il.
Manon Aubry (LFI, The Left) a de son côté demandé à la Commission européenne, par le biais d’une question écrite, quelles mesures elle comptait mettre en œuvre pour empêcher la vente de la filiale.

la ministre de la Santé Geneviève Darrieussecq

En France, la ministre de la Santé Geneviève Darrieussecq a expliqué mercredi (16 octobre) vouloir certaines garanties, dont l’assurance que le Doliprane restera produit sur le territoire français et que les stocks seront toujours suffisants pour assurer les besoins de la population. Affaire à suivre.

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