5877 – « Le prix juste de l’électricité.. c’est le prix qui reflète au mieux les coûts de production de l’électricité en France » – UFC – Que choisir –

Le Monde de l’Énergie ouvre ses colonnes à l’UFC-Que choisir, par la voix de son responsable du service étude et lobbying, Antoine Autier, pour relayer le point de vue de la première association de consommateurs de France sur les évolutions en cours du marché et des tarifs de l’électricité en France.

1

Le Monde de l’Énergie —La prise de parole du président de la République Emmanuel Macron sur les questions énergétiques vous a semblé problématique. Pourquoi ? 

Antoine AutierLe sujet sur lequel nous attendions des annonces du président de la République est le prix de l’électricité payée par les consommateurs. Si aucune annonce précise n’a été faite sur l’évolution de l’accise sur la consommation d’électricité, le président a laissé grande ouverte la porte à son augmentation, que n’a pas manqué de franchir le ministre de l’Économie en officialisant une hausse de la fiscalité sur l’électricité.
Cette hausse frappera tous les consommateurs, et occasionnera spécifiquement pour les abonnés aux tarifs réglementé de vente (TRV) une augmentation des factures de près de 10 %. La dynamique haussière se poursuit et grève de manière extrêmement forte le pouvoir d’achat des consommateurs. En ce qui concerne l’UFC-Que Choisir, un gel paraissait on ne peut plus justifié.
Pourquoi ? 
Le président a indiqué que quelle que soit la décision du gouvernement, les Français paieraient désormais un prix de l’électricité qui retrouverait la « norme ». L’UFC-Que Choisir conteste fermement cette idée de prix « normaux » de l’électricité aujourd’hui en France. Ils ne sont pas normaux, d’une part puisqu’ils atteignent des sommets inédits, et d’autre part car ils ne correspondent pas à la réalité des coûts de production de l’électricité en France.
Aujourd’hui, plus de la moitié du prix de la partie consommation de l’électricité du TRV est directement en lien avec les prix sur les marchés de gros, qui eux-mêmes dépendent des prix du gaz. Ce n’est absolument pas normal. Quand la France se vante, à juste titre, d’avoir un parc de production amplement décarboné, on peut tout de même considérer anormal que le prix du carbone affecte autant les tarifs de l’électricité payée par les consommateurs.

2

Le Monde de l’Énergie —Pourquoi estimez-vous qu’un relèvement du plafond d’Arenh permettrait de faire baisser le TRVE ? 

Antoine AutierLe relèvement du plafond de l’Arenh est une demande que porte depuis plusieurs années l’UFC-Que Choisir qui vise justement à davantage faire bénéficier les consommateurs de la compétitivité du parc nucléaire français. Le plafond de l’Arenh entraîne depuis plusieurs années un écrêtement des demandes des fournisseurs alternatifs qui se répercute sur les prix de l’électricité de tous les consommateurs, dont ceux aux TRV.
On peut parfaitement faire une analyse critique des mécaniques précises de l’Arenh, que ce soit sur le calibrage des demandes faites par les fournisseurs, ou encore le fait que les fournisseurs n’aient pas à obligatoirement en faire bénéficier leurs clients. Mais dans le schéma de régulation actuel, il est incontestable que le plafond de l’Arenh à 100 TWh a un effet inflationniste. C’est mathématique.


3

Le Monde de l’Énergie —Comment souhaitez-vous atteindre un « prix juste » de l’électricité en France ? Pourquoi combattez-vous l’indexation des tarifs de l’électricité sur les prix des marchés de gros ? 

Antoine Autier —Le prix juste de l’électricité, c’est le prix qui reflète au mieux les coûts de production de l’électricité en France. A minima, ce principe d’orientation vers les coûts devrait s’appliquer aux TRV. C’était la règle avant la mise en place de la loi NOME. Ça doit le redevenir.

4

Le Monde de l’Énergie —Au-delà de l’Arenh, vous contestez les choix de la fiscalité de l’électricité (TVA à taux plein, s’appliquant sur les taxes). Quels sont vos craintes fiscales avec l’incitation à l’électrification des usages, en particulier pour la mobilité individuelle ? 

Antoine Autier —L’UFC-Que Choisir n’est pas une association anti-fiscalité, en ayant bien en tête, comme tous, que la puissance publique a besoin de ressources fiscales pour financer les services publics ou encore l’hôpital. S’il est normal que de la fiscalité pèse sur la consommation, pour qu’elle soit acceptable, elle doit être raisonnable. Et force est de constater que cela n’est pas le cas pour l’électricité. Sans même prendre en compte les taxes et contributions dédiées qui s’appliquent sur la consommation d’électricité, on peut s’interroger sur le bienfondé d’une TVA à taux plein sur ce produit de première nécessité, et critiquer l’aberration fiscale consistant à assujettir à la TVA les autres taxes et contributions pesant sur l’électricité.
Dans un contexte où le Gouvernement ambitionne d’électrifier une part toujours plus importante des usages, rendre les consommateurs captifs d’une fiscalité très élevée sur l’électricité est particulièrement problématique.


5

Le Monde de l’Énergie —Que pensez-vous du nouveau mécanisme de fixation du prix de l’électricité proposé à l’automne par le gouvernement pour remplacer l’Arenh ? Pourquoi le contestez-vous ? 

Antoine Autier —Pour commencer, il y a un problème de méthode. Nous demandons depuis plusieurs années que l’ensemble des parties prenantes – dont les associations de consommateurs – soient sinon impliquées, au moins écoutées, dans le cadre de l’élaboration du cadre général de la régulation post-Arenh. Ça n’a absolument pas été le cas. Il s’est simplement agi d’un cadre négocié entre l’État et EDF. Autrement dit, l’État a négocié avec lui-même. Ce n’est ni sérieux, ni à la hauteur des enjeux, qui dépassent de très loin les seuls intérêts d’EDF.
On rappelle que dans le cadre de l’élaboration de la loi NOME, une commission ad-hoc (la commission dite « Champsaur ») s’était réunie pour faire des propositions pour proposer un cadre de régulation du marché de l’électricité en France. Composée d’experts, elle avait auditionné toutes les parties prenantes, dont les associations de consommateurs. Un fois la loi NOME votée, une nouvelle commission, toujours présidée par MR. Champsaur, a proposé une méthode de fixation du prix du nucléaire régulée. Dupliquer cette méthode aurait été la moindre des choses.
Ensuite, il y a bien entendu d’importants problèmes avec le projet qui a été élaboré et présenté. L’UFC-Que Choisir aura d’ailleurs l’occasion dans le cadre des débats parlementaires de faire, avec d’autres associations de consommateurs, des propositions précises visant à revoir le mécanisme général, et à minima de mieux paramétrer le dispositif envisagé. Les critères de fixation des seuils de captation devraient par exemple être strictement définis, et être en lien avec les coûts réels de production du nucléaire. Dans le chiffre qui a été initialement communiqué pour le premier seuil de captation (78 euros/MWh), on ne sait pas la part en lien avec la production du nucléaire existant, et celle ayant vocation à financer le renouvellement du parc.
En outre, nous pourrions légitimement discuter du principe même de la part visant à financer les investissements d’EDF dans de nouvelles centrales. Non seulement ça interroge sur les effets que cela aurait sur les incitations d’EDF à la maitrise des coûts et des délais, mais en plus il y a un réel questionnement sur le fait que les consommateurs puissent bénéficier sur le long terme d’une régulation du prix de l’électricité produit par un parc qu’ils auraient financé. Si dans leur consommation d’aujourd’hui, ils participent à construire le parc nucléaire qui fonctionnera demain et pour plusieurs décennies, il est impératif de s’assurer qu’ils bénéficieront sur toute la durée de vie de ce parc d’un tarif régulé. Aujourd’hui rien ne permet de l’assurer.


6

Le Monde de l’Énergie —Comment voulez-vous faire entendre la voix des consommateurs dans ces questions cruciales qui engagent l’avenir du pays sur le long terme ? 

Antoine Autier —La volonté de l’UFC-Que Choisir est d’être un interlocuteur incontournable et fiable pour les pouvoirs publics. Force est de constater que le gouvernement ne fait même pas semblant ne se moquer de ce que peuvent penser les consommateurs, et plus largement les corps intermédiaires, sur les questions énergétiques. Nous ne pouvons que le déplorer. Compte tenu de ce constat, nous faisons en sorte d’alerter le grand public, mais également les parlementaires, sur les écueils des propositions faites par le gouvernement.
Nous faisons parallèlement en sorte de mettre en place des actions concrètes permettant aux consommateurs de réaliser des économies que ce soit à travers nos campagnes « énergie moins chère ensemble », ou encore en proposant un comparateur gratuit des offres des fournisseurs l’énergie sur notre site.

https://www.lemondedelenergie.com/prix-juste-lelectricite-est-prix-qui-reflete-au-mieux-couts-production-lelectricite-en-france-ufc-que-choisir/2024/01/30/