5791- France Agricole – Deux articles « Souveraineté Alimentaire » & «La Coopération Agricole » – 12 & 15 Déc.23 –


1- Souveraineté alimentaire – « il faut réarmer nos capacités de production » – par Delphine Jeanne – 12.12.23 – Terre-net –
Dominique Charg, prsident de la Coopration agricole

 

 


 

Delphine Jeanne |  12 décembre 2023  à 17:25  
Pour la première fois, le congrès des Coopératives agricoles a lieu en région, à Dijon, les 13 et 14 décembre, autour d’une thématique centrale : les attentes des jeunes générations et les solutions pour y répondre. Dominique Chargé – président de la Coopération agricole, détaille les enjeux de l’évènement et les principaux défis à relever pour les coopératives, entre capacités de production, compétitivité, et transition écologique.


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Terre-net – Pourquoi organisez-vous pour la première fois un congrès décentralisé ?
Dominique Chargé  Nous sommes des entreprises des territoires, des entreprises agricoles, du monde rural, et dans notre démarche d’action collective, il y avait donc un intérêt à décentraliser de temps en temps notre congrès en région, afin de rappeler cette attache au territoire et à la diversité régionale.
Ce congrès répond à une double ambition, celle d’aller sur les territoires, au cœur de ce que sont nos moyens de production, et de traiter ces problématiques de souveraineté alimentaire, de transition écologique, de renouvellement de génération, de compétitivité des filières, et de capacité à restaurer notre souveraineté sur les territoires. Pour une première, c’est déjà une réussite en termes d’inscriptions puisque nous avons fait le plein, avec plus de 600 inscrits.
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Ces deux jours seront l’occasion de revenir sur la grande consultation menée auprès des jeunes par la Coopération agricole depuis le début de l’année. Quelles en sont les principales conclusions ?
Nous avons voulu aller vers les jeunes pour écouter, entendre leurs propositions et surtout comprendre leur perception de l’agriculture et de l’alimentation aujourd’hui. Plus de 800 jeunes ont été rencontrés sur six territoires, afin de construire une réflexion collective qui doit nous conduire, à l’occasion du congrès, à formuler une réponse appropriée aux attentes renvoyées par les jeunes.
Nos propositions seront bâties autour de cinq axes : le désir du local, l’attractivité des métiers de la chaîne alimentaire, l’accès à l’alimentation, notamment pour les étudiants qui ont exprimé leur inquiétude vis-à-vis de la précarisation, la santé globale, et la reprise collective du pouvoir sur notre alimentation.
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Concrètement, comment répondre à ces attentes diverses ?
Dans la perception qu’ont les jeunes, il existe un décalage entre les attentes vis-à-vis de leur alimentation, et leur compréhension de la nécessité de maintenir une production sur les territoires. Nous devons travailler à un rapprochement de l’assiette et du contenu, pour avoir une production agricole qui répondent à la diversité et à la complexité de ces attentes, au niveau de la qualité mais aussi du prix, ce qui pose la question de nos capacités de production. Or, elles sont en déclin dans toutes les filières. On importe 30 % de la viande qu’on consomme, 50 % des volailles, alors que ce sont des produits qui ne répondent pas à nos standards de production.
100.000 exploitations ont disparu en France entre 2010 et 2020, soit 27 exploitations par jour.
En raison de l’inflation, les Français privilégient davantage les choix d’entrée et de moyenne gamme. Ce sont précisément des catégories qu’on ne produit plus suffisamment en France. Avoir des chaînes de production alimentaire en capacité est devenu une question prioritaire, mais cela nécessite de réarmer nos capacités de production et de transformation, alors que nous en avons massivement perdu sur 20 ans : 100 000 exploitations ont disparu en France entre 2010 et 2020, soit 27 exploitations par jour. Sans compter que 50 % des agriculteurs vont cesser leur activité dans 10 ans, et un tiers d’entre eux n’a pas de solution de reprise.
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Quels sont les principaux enjeux auxquels les coopératives sont confrontées aujourd’hui ?
On a bien vu, sur les quatre, cinq dernières années, que notre chaîne alimentaire était beaucoup plus fragile que ce qu’on imaginait. Tout ce qu’on avait bâti dans un monde stable, surabondant, a été remis en cause par trois bouleversements, le Covid, la guerre en Ukraine, et le changement climatique. Il faut donc que l’on se repose la question de ces enjeux de souveraineté alimentaire, en matière de capacité de production, de compétitivité, dans un contexte de transition écologique.
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Quels sont les atouts des coopératives dans ce défi ?
Les coopératives fonctionnent de la production jusqu’au consommateur, sur l’ensemble de la chaîne alimentaire. Elles sont donc en capacité répondre à la complexité des demandes : le local, mais aussi l’alimentation de l’ensemble des Français et des Européens, et d’apporter des solutions sur la restauration de la capacité de production, des alternatives en accompagnant notamment les agriculteurs dans la mise en œuvre des transitions, mais aussi organiser les filières agricole et agroalimentaire pour répondre au besoin de souveraineté alimentaire. Leur spécificité est également d’être un modèle non délocalisable, sans objectif de rentabilité des capitaux à court terme.
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Ces rencontres vous ont-elles aussi donné des clés pour susciter l’engagement des jeunes au sein des coopératives ?
On voit ce désir de participer dans un débat collaboratif, à la co-construction d’une alimentation. L’attractivité de nos métiers de l’agroalimentaire, de nos exploitations, et la détection des jeunes en capacité d’exercer des responsabilités demain dans l’organisation constituent des questions prioritaires. Chaque coopérative fait fonctionner une commission, met en place une démarche spécifique d’abord pour accompagner les jeunes dans leur installation sur le plan technique et, très souvent, financier. Cela permet aussi de les réunir pour leur faire découvrir la coopérative et leur donner envie de s’engager dans différents organes, différents métiers, jusqu’à les intéresser à la gouvernance. On doit réfléchir, aussi, à des solutions nouvelles pour accompagner les jeunes dans les démarches d’installation, pour l’accès aux capitaux, au foncier, afin qu’ils puissent dégager un revenu de leur activité.
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Quels sont les freins à lever face aux enjeux que vous avez identifiés ?
Les freins aujourd’hui sont dans la capacité, pour les agriculteurs, à répondre à ces différents enjeux de souveraineté alimentaire, c’est-à-dire l’enjeu de choc de compétitivité et de simplification. On demande une mise en cohérence des politiques publiques avec les objectifs de souveraineté, transition écologique, et renouvellement des générations. Or tous les jours, la France perd des capacités de production au profit des importations qui ne répondent pas à nos standards. Il faut accompagner l’investissement dans les outils de production, donner les moyens de produire, c’est-à-dire aussi, donner accès à l’eau, ne pas nous priver de solutions, diminuer la contrainte administrative. Ce sont des leviers importants. Il faudrait également une diminution de la controverse sociétale autour de nos métiers.

https://www.terre-net.fr/cooperatives-agricoles/article/859700/souverainete-alimentaire-il-faut-rearmer-nos-

capacites-de-production


15 déc. 2023
Le Congrès de La Coopération Agricole 2023 a marqué un tournant significatif dans son histoire en se déroulant de manière décentralisée pour la première fois, à Dijon, les 13 et 14 décembre. Avec la participation du ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, et de 610 congressistes, l’événement a mis en lumière les aspirations de la jeunesse en matière d’alimentation, s’imposant ainsi comme un rendez-vous majeur des enjeux de l’agroalimentaire français.

2- Le gouvernement sera-t-il aux côtés de la Coopération Agricole ? Par Kévin Bertin – REUSSIR.FR –

Lors de son congrès à Dijon, la Coopération Agricole s’est inquiétée de la perte de compétitivité de la France dans l’agriculture et l’agroalimentaire. Du côté de Marc Fesneau, peu d’annonces.

la Coopération Agricole 1 Dominique Chargé, président de la Coopération Agricole a réclamé davantage de soutien au ministre de l’Agriculture.© La Coopération Agricole (X)

Publié le 15 décembre 2023 – Par Kévin Bertin
Les 13 et 14 décembre, La Coopération Agricole organisait son congrès annuel au Palais des Congrès de Dijon, en huis clos. La Coopération Agricole est une fédération professionnelle, porte-voix de 2100 coopératives, qui emploient 200 000 salariés et représentent un chiffre d’affaires consolidé de 100 milliards d’euros.

« Un véritable plan pour la souveraineté alimentaire française »

En ouverture, le 13 décembre 2023, devant Marc Fesneau, ministre de l’Agriculture, et près de 600 congressistes, son président Dominique Chargé avait un message clair : il faut davantage protéger les entreprises et établir un « véritable plan pour la souveraineté alimentaire française ».
« En vingt ans, dans le classement mondial des pays exportateurs de produits agricoles et agroalimentaires, la France a chuté du 2ème au 6ème rang. »
« En vingt ans, dans le classement mondial des pays exportateurs de produits agricoles et agroalimentaires la France a chuté du 2ème au 6ème rang », déplore-t-il dans le discours transmis à la presse. « Plus inquiétant encore, l’assiette des Français est de plus en plus composée d’une alimentation d’entrée de gamme produite hors de nos frontières, selon des méthodes bien éloignées des exigences que nous imposons à nos agriculteurs, à notre agriculture et à nos entreprises. » 

La France n’a plus les moyens de produire du cœur de gamme

Dominique Chargé a également expliqué, chiffres à l’appui que 30% des élevages français ont disparu en 10 ans, que les importations de viande ont augmenté de 22% entre 2017 et 2022 et que la moitié des fruits et légumes consommés chaque année en France étaient importés, tout comme le tiers de la viande. « Je pense aussi à l’inflation et à la stigmatisation des prix de l’alimentation dans les discours politiques et médiatiques qui se font le porte-voix de la course aux prix bas menée par la grande distribution (…) Aujourd’hui, le consommateur se tourne vers des produits moins chers, importés, parce que nous n’avons plus en France la possibilité de produire cette alimentation cœur de gamme qui correspond à ses attentes. »

Un déséquilibre commercial au profit de la grande distribution ?

Dominique Chargé a également reproché au gouvernement son accélération du calendrier des négociations commerciales : « La suractivité dans ce domaine n’a généré et ne générera, que de la complexité, de l’insécurité et un déséquilibre dans le rapport de force, qui accroît le pouvoir de la grande distribution, conduisant à l’approvisionnement de l’ensemble de la chaîne de production alimentaire. »

Les 4 leviers pour booster la compétitivité française

Rappelant la phrase du président de la République, Emmanuel Macron, « déléguer notre alimentation à d’autres est une folie », Dominique Chargé a envisagé plusieurs leviers pour booster la compétitivité : l’innovation (avec les NBT, les controversées Nouvelles techniques de sélection des plantes), une révolution culturelle (en soutenant le principe de « croissance juste » et non de « décroissance), le consensus écologique (avec des objectifs de planification écologique atteignables, réalistes et avec des moyens adaptés) ou encore de la cohérence au niveau de l’Union Européenne. « La directive européenne prévoyant un taux d’imposition minimum de 15% pour les entreprises réalisant plus de 750 millions d’euros de chiffre d’affaires était supposée toucher les géants du numérique mais elle impacte aussi nos entreprises coopératives françaises. » « Nous voulons faire gagner la France alimentaire », promet le président de La Coopération Agricole.

Pas de grandes annonces rue de Varenne

En face, le ministre de l’Agriculture a d’abord usé de câlinothérapie : « Les coopératives sont au cœur de la chaîne de valeurs qui doit retrouver son équilibre », puis il a rappelé les questions et les enjeux de la planification écologique : production de biomasse, réduction des phytos et optimisation des besoins en eau.
Si aucune grande annonce nationale n’a été faite, Marc Fesneau a tout de même décidé d’intervenir localement pour régler le problème des retards subis par les agriculteurs et agricultrices de la région Bourgogne-Franche-Comté dans le versement des aides du Feader (Fonds européen agricole pour le développement rural). Une compétence fraîchement transférée à la Région.

Ukraine : un sujet qui fâche ?

Lors de son discours, Dominique Chargé a fait part des inquiétudes de ses adhérents quant à une possible entrée de l’Ukraine dans l’Union Européenne une fois la guerre terminée. « A elle seule, l’Ukraine correspond quasiment aux capacités de production des 10 derniers pays intégrés. Il est fort probable que dans l’émotion (…) les questions agricoles et agroalimentaires ne soient pas prioritaires. Cela entraînerait en l’état actuel un effet ravageur sur l’ équilibre européen. »
Hélas, le ministre de l’Agriculture n’a pas abondé dans son sens : « L’Ukraine est la bienvenue dès lors qu’on en fait un allié et non un concurrent. Nous avons besoin des Ukrainiens pour constituer, avec eux, une grande puissance agricole européenne vis-à-vis des Russes. »

https://www.reussir.fr/lesmarches/le-gouvernement-sera-t-il-aux-cotes-de-la-cooperation-agricole