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Plusieurs milliers de personnes ont été victimes de la guerre en Ukraine au cours des huit dernières années, une nouvelle «défaite de l’humanité» en effet. Chaque jour d’avance sur celui où les armes se tairont sauve des vies humaines. Toutes les parties en présence devront donc œuvrer en direction d’un résultat positif rapide des négociations entre la Russie et l’Ukraine. Mais ils sont toujours nombreux à vitupérer contre cette guerre avec des intentions apparemment belliqueuses. C’est notamment le cas en Allemagne. |
Actuellement chaque jour, nos médias abondent en textes et images sur la guerre en Ukraine. Abstraction faite de quelques médias Internet ou de petits journaux indépendants, on constate qu’il ne s’agit généralement guère d’informations en quête de la vérité ou même d’efforts en faveur de la paix, mais qu’il s’agit plutôt de présenter la politique russe – et en particulier son président – sous le pire jour possible tout en blanchissant l’action des États de l’OTAN.
L’une des priorités consiste à accuser la Russie de violations flagrantes du droit international et du droit international humanitaire.1
Cela n’encourage que ceux dont le but est une poursuite manifeste d’escalade du conflit. Officiellement, le langage prône la paix tandis que l’OTAN et l’UE déclarent la guerre hybride à la Russie. De quoi s’agit-il?
«La guerre hybride ou la conduite de la guerre hybride décrit l’application mixte et flexible de moyens de conflit réguliers et irréguliers, symétriques et asymétriques, militaires et non militaires, employés ouvertement et en camouflage, dans le but d’effacer entre les états le seuil de guerre et de paix, opposition que le droit international tente de distinguer.»
C’est ce que dit Wikipedia, en décrivant ainsi exactement ce que font actuellement les pays de l’OTAN, les pays de l’UE, d’autres pays alliés aux Etats-Unis – et malheureusement même la Suisse. C’est jouer dangereusement (ce n’est pas un jeu!) avec le feu.
Après ces remarques qui s’imposent face aux attitudes prévalant sur le plan international (au moins en Occident), celles qui suivent porteront sur l’Allemagne.
Pas de zones d’exclusion aérienne
ni de forces de maintien de la paix …
Olaf Scholz chancelier allemand,
Le 23 mars Olaf Scholz, chancelier allemand, s’est longuement exprimé lors du débat au Bundestag sur le budget du chancelier et de la chancellerie fédérale. A cette occasion, il s’est exprimé de la sorte:
«J’entends bien sûr les voix de ceux qui réclament une zone d’exclusion aérienne ou des forces de maintien de la paix de l’OTAN en Ukraine. Aussi difficile que cela puisse être, nous ne céderons pas à cela. En près de 80 ans d’histoire d’après-guerre, nous avons réussi à éviter l’inimaginable: une confrontation militaire directe entre notre alliance de défense occidentale, l’OTAN, et la Russie.
Il faut en rester là. De nombreux citoyens sont très inquiets, car ils comprennent que c’est précisément ce qui se cache derrière des termes tels que ‹zone d’exclusion aérienne› et ‹forces de maintien de la paix›. Jour après jour, je reçois des centaines de lettres et de courriels inquiets.
Partout où l’on parle avec les citoyens, on rencontre tôt ou tard la question suivante: y aura-t-il une guerre, même chez nous? A cette question, il n’y a qu’une seule réponse: L’OTAN ne sera aucunement belligérant. Nous sommes d’accord avec nos alliés européens et les Etats-Unis sur ce point. C’est un impératif de bon sens. Toute attitude divergente serait irresponsable.»
Et le chancelier allemand d’y ajouter, un moment plus tard:
«Nous poursuivrons toute tentative dans le but que la paix règne à nouveau sur notre continent.»
Pour conclure en citant le dicton fameux de Willy Brandt: «Sans aboutir à la paix, tout est vain («… ohne Frieden ist alles nichts»).
Jusque-là, tout va bien.
… mais qu’en est-il des livraisons d’armes
et de la guerre économique?
Le 7 février 2022, on pouvait encore lire sur la «Deutsche Welle» (DW), la chaîne publique allemande diffusant à l’étranger:
«Le gouvernement fédéral rejette les demandes de livraison d’armes de l’Ukraine. Raison invoquée: par principe, l’Allemagne n’envoie pas d’armes de guerre dans les régions en crise.»
(Souligné par km.) Or, le chancelier allemand vient d’affirmer, s’adressant directement et en public à Volodymyr Zelensky:
«Monsieur le Président Zelensky, l’Ukraine peut compter sur notre aide. Depuis le début de la guerre, l’Allemagne fournit à l’Ukraine des armes blindées et antiaériennes, des équipements et des munitions. L’Union européenne fournit en outre un milliard d’euros d’aide militaire.»
N’est-il pas très probable que les livraisons d’armes à l’Ukraine prolongent la guerre?

Dans le discours du chancelier allemand du 23 mars 2022, on tombe sur le passage qui suit:
«En collaboration avec nos partenaires internationaux, nous avons imposé des sanctions qui n’ont pas d’équivalent. Pendant des mois, nous les avons préparées dans les moindres détails pour qu’elles touchent les personnes ciblées, pour qu’elles soient efficaces. […] Et nous le voyons: les sanctions sont en effet une réussite.
L’économie russe vacille, la bourse est en grande partie fermée, la monnaie s’est effondrée, les devises manquent, les entreprises étrangères quittent le pays par centaines. Mais ce n’est que le début. Beaucoup des conséquences les plus dures n’apparaîtront que dans les semaines à venir. Nous voilà donc dans un effort constant de rendre plus efficace encore l’impact de nos sanctions.» (Souligné par km.)
Aujourd’hui, dans les pays de l’OTAN et chez ceux qui partagent les mêmes orientations, on parle en toute franchise de «guerre économique» contre la Russie. Est-ce donc cela qui servira la paix?
L’Allemagne face au réarmement massif
Au cours des cinq prochaines années, l’Allemagne veut débloquer 100 milliards d’euros de plus que prévu au budget de l’armement. Dans l’avenir, les dépenses destinées à l’armement seront durablement augmentées à plus de 2% du produit national brut (PNB) (somme représentant pour l’année 2022, plus de 70 milliards d’euros au lieu des 50 milliards d’euros prévus jusqu’à présent, donc les dépenses de l’armement dépassent celles réservées à l’armement russe).
Enfin et surtout: le dialogue entre les deux pays ainsi que les échanges culturels avec la Russie et les Russes ont été largement interrompus du côté allemand tandis que les contacts interpersonnels deviennent de plus en plus difficiles.
Comment peut-on sérieusement aspirer à la paix tout en menant, activement et en même temps une guerre hybride? Et ceci sans avoir été soi-même attaqué, sans avoir été menacé d’attaque, sans obligation d’alliance (à laquelle les membres de l’OTAN doivent se conformer)? C’est aussi pour cette raison que la rhétorique allemande actuelle sur le réarmement (martelant constamment «la Russie nous menace!») est tout sauf honnête.
La Yougoslavie et la Russie
quand-les-forces-de-lotan-dont-la-france-bombardaient-la-republique-federale-de-yougoslavie-avec-des-munitions-a-uranium-appauvrie
Une fois déjà, en 1999 – l’Allemagne a participé à une guerre d’agression contraire au droit international – celle de l’OTAN contre la République fédérale de Yougoslavie. A l’époque, la guerre d’agression fut étiquetée d’«intervention humanitaire».
Parallèle significative: à l’époque également, aucun Etat membre de l’OTAN n’avait été menacé ou attaqué. Mais de graves crimes ont également été reprochés aux dirigeants politiques et militaires de la République fédérale de Yougoslavie.

Le ministre allemand des Affaires étrangères de l’époque – Joseph Fischer (Les Verts) voulait «éviter un nouvel Auschwitz». Dans les étages directeurs des agences de relations publiques de l’OTAN, on a trinqué au champagne après le succès de ce genre de propagande.2 Il n’en reste pas moins que la Russie d’aujourd’hui est capable de se défendre bien mieux que la République fédérale de Yougoslavie de l’époque.
Est-ce là, la raison pour laquelle les bombes de l’OTAN ne sont pas encore tombées sur Moscou comme sur Belgrade en 1999?
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