Asialyst – Cyrielle Cabot – 30/05/2020
(Source: Associated press) Un homme marche sur une route déserte, en périphérie de New Delhi, en Inde, en avril 2020
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Que nous apprend le coronavirus sur notre époque actuelle ?
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Comment pouvons-nous analyser cette crise sanitaire ?
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À quoi ressemblera le « monde d’après » ?
Pour l’écoféministe et militante indienne Vandana Shiva, la crise du coronavirus est une brutale conséquence de notre économie mondialisée et de la destruction de notre environnement. Selon elle, seule la décroissance et une économie en harmonie avec la nature pourront prévenir de futures nouvelles crises sanitaires.
EntretienVandana Shiva est une militante féministe et écologiste indienne. Elle est l’auteure de l’essai 1 % : Reprendre le pouvoir face à la toute-puissance des riches. elle s’attaque régulièrement aux « 1 % les plus riches de la planète », notamment les géants du numérique : Mark Zuckenberg, Bill Gates ou Jeff Bezos qu’elle considère comme « les nouveaux barons pillards ». Figure de proue de la lutte contre les OGM, elle a notamment reçu le prix Nobel alternatif en 1993.
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Peut-on considérer la crise du coronavirus comme une crise écologique ?
Avec le confinement général de la population, les niveaux de pollution de l’air ont fortement baissé partout, notamment en Inde. Cela peut-il, selon vous, aider à une prise de conscience dans la population ?
BRÉSIL le ministre de l’Environnement, Ricardo SallesQuelles leçons écologiques devons-nous tirer de cette période ?
- Dès que nous détruisons la biodiversité, dès que nous modifions ce cycle de la vie, cela nous mène à des crises inévitables.
- Dès que nous perturbons l’ordre de la nature, que nous participons au changement climatique et à l’extinction des espèces, nous devenons responsables de la famine, de la pauvreté, du chômage et du développement de nouvelles maladies.
- Cette pandémie n’est pas une catastrophe naturelle, c’est une catastrophe anthropogénique, causée par les activités humaines.
Nous devons donc, en urgence, réduire notre empreinte écologique, permettre à la Terre de se régénérer et à la biodiversité de se reconstruire. Si nous faisons cela, toutes ces crises interconnectées se résoudront.
La crise du coronavirus est-elle un brutal exemple des limites de notre système économique ?
C’est ce que j’évoque dans mon essai 1%, reprendre le pouvoir face à la toute-puissance des riches.
Nous ne sommes plus dans une économie mais dans une « déséconomie »

Comment percevez-vous cette période en Inde, plus précisément ?
Quels sont vos espoirs pour ce monde post-coronavirus ?
- J’ai lutté pour sauver ses sols et préserver la biodiversité.
- J’ai promu une agriculture écologique.
- J’ai passé ma vie à défendre les droits de Mère Nature.
À travers ce combat, j’ai défendu les droits essentiels des hommes et je continuerai à lutter pour cela. Aujourd’hui, cela va plus loin : je vais aussi me battre contre la colonisation de nos corps et de nos esprits.
De plus en plus, nous sommes réduits à des objets et manipulés par des machines. À la tête de cela, il y a ces 1 % les plus riches qui assoient leur contrôle partout. Je me suis battue toute ma vie pour la liberté de tous les êtres vivants, et c’est ce à quoi je continue à rêver.
Un dernier message ?
Comprenons qui nous sommes, comprenons ce que signifie être humain et renouons avec notre humanité. Sortons du contrôle des grandes entreprises qui ne vivent que pour le profit et le contrôle. Le coronavirus nous a montré que nous pouvons démondialiser. Alors créons des économies locales et durables. Nous sommes des membres de cette grande famille qui peuple notre terre. Cultivons notre amour pour elle, pour notre bien-être et notre liberté.
Cyrielle Cabot
Jeune journaliste diplômée de l’école du CELSA (Paris-Sorbonne), Cyrielle Cabot est passionnée par l’Asie du Sud-Est, en particulier la Thaïlande, la Birmanie et les questions de société. Elle est passée par l’Agence-France Presse à Bangkok, Libération et Le Monde.
