1/ Convention de l’AdCF : les élus dénoncent les « coups de griffe » portés à l’intercommunalité 30/10/2019
2/ Engagement et proximité : un texte sensiblement étoffé après son passage au Sénat 23/10/2019
3/ Engagement et proximité : le Sénat campe sur ses positions sur le transfert des compétences eau et assainissement 11/10/2019
4/ Engagement et proximité : parité, compétences locales… les premiers arbitrages du Sénat 11/10/2019
1/ Convention de l’AdCF : les élus dénoncent les « coups de griffe » portés à l’intercommunalité 30/10/2019 |
Publié leparThomas Beurey, Projets publics, à Nice pour Localtis dans Organisation territoriale, élus et institutions
La version du projet de loi « Engagement et proximité » votée par le Sénat provoque une levée de boucliers de la part de l’Assemblée des communautés de France (AdCF).
A l’ouverture de sa 30e convention nationale, qui se tient à Nice, l’association a sonné l’alarme. La ministre de la Cohésion des territoires a tenté de rassurer : le gouvernement ne cautionnera aucun « détricotage » de l’intercommunalité.
La copie que le Sénat vient de rendre sur le projet de loi « Engagement et proximité » ne plaît guère aux présidents d’intercommunalité, qui sont réunis du 29 au 31 octobre, à Nice, pour la 30e convention de l’Assemblée des communautés de France (AdCF). Parmi les dispositions ajoutées par la Haute Assemblée, qui portent à une centaine le nombre des articles du projet de loi, « trop concernent l’intercommunalité », a déploré ce mercredi Jean-Luc Rigaut, le président de l’association, devant les quelque 1.600 congressistes. « Stop à l’inflation ! », a-t-il lancé.
Parmi les mesures du projet de loi, celles qui renforcent le pacte de gouvernance dans son principe – en généralisant la conférence des maires, par exemple – conviennent à l’AdCF. En revanche, certains détails du futur pacte agacent.
Une majorité des 193 présidents de communautés et métropoles, que l’AdCF a interrogés ces dernières semaines, se disent ainsi défavorables aux dispositions visant à ce que les maires engagent directement des dépenses de la communauté, ou exercent l’autorité fonctionnelle sur ses agents.
« Vingt ans de coopération intercommunale sont visés »
Selon l’AdCF, d’autres dispositions de la version sénatoriale du projet de loi portent « des coups de griffe » à l’intercommunalité.
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Suppression du transfert obligatoire aux intercommunalités de la compétence en matière d’eau et d’assainissement,
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compétence en matière de zones d’activités économiques déclarées d’intérêt communautaire,
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remise en cause des compétences optionnelles…
Eric Kerrouche
Les sénateurs n’ont pas fait « dans la dentelle ». Au contraire, ils ont tapé fort « avec le marteau », note l’un d’eux, le sénateur socialiste des Landes Eric Kerrouche, qui a fait partie du conseil d’administration de l’AdCF.
Jean-Luc Rigaut
« Ce ne sont plus les supposés irritants de la loi Notr qui sont visés, mais carrément vingt ans de coopération intercommunale », considère le président de l’association. Qui croit connaître l’origine de ces « mauvais coups ». « A l’approche de chaque élection municipale ou sénatoriale, certains s’imaginent qu’il est encore payant de s’en prendre aux intercommunalités, de les caricaturer en affreuses cannibales de communes, ou en cause première du blues des maires », avance-t-il. « L’intercommunalité dérange, elle bouscule des habitudes et des petits pouvoirs », pointe également Jean-Luc Rigaut, le président du Grand Annecy.
Pour l’AdCF, il est hors de question de revenir sur une carte de l’intercommunalité, qui, d’ailleurs, ne semble pas si incohérente aux yeux des présidents de communautés et métropoles.
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86% des présidents que l’association a interrogés, jugent « satisfaisant » ou « plutôt satisfaisant » le périmètre de leur intercommunalité.
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Seulement 3% le considèrent comme « trop vaste ».
L’autre « ligne rouge » fixée par l’AdCF concerne les compétences.
Le Sénat l’aurait outrageusement dépassée, estime l’association. Alors, en assemblée générale, mercredi, elle a décidé de proposer « dès la semaine prochaine à tous les présidents d’intercommunalité d’adopter une résolution nationale qui sera adressée à tous les parlementaires et au gouvernement ».
Il s’agit de réexprimer la volonté des « élus de France » que soit respectée une phase de « stabilité », après plusieurs années marquées par la réforme territoriale. Le président de l’AdCF en tire des conséquences pour le projet de loi « Engagement et proximité » : celui-ci doit « demeurer centré sur son objectif initial », à savoir « faciliter l’engagement dans la vie publique locale ».
Eau et assainissement
Jacqueline Gourault
La réponse du gouvernement à l’inquiétude exprimée par l’AdCF ne s’est pas fait attendre. Il « s’opposera très fermement à toute volonté de ‘détricotage de l’intercommunalité' », a réaffirmé la ministre de la Cohésion des territoires, Jacqueline Gourault. Qui a refusé toute « démutualisation des compétences ».
Ce sera en particulier le cas sur l’eau et l’assainissement. L’exécutif a trouvé un « équilibre (…) raisonnable » sur le sujet, a jugé la ministre, présente à Nice ce mercredi.
Emmanuelle Wargon
Emmanuelle Wargon, la secrétaire d’État auprès de la ministre de la Transition écologique et solidaire, qui intervenait elle aussi lors de la convention, a considéré que la gestion de ces enjeux « se fait mieux au niveau intercommunal ». Les représentants d’intercommunalité ont applaudi. Peu avant, un édile local avait exprimé un certain agacement sur le « yoyo » législatif, faisant remarquer que les élus de sa communauté sont désormais formés pour cette compétence.
Jean-Luc Rigaut Président de l’AdCF
Devant la presse, le président de l’AdCF s’est dit « rassuré à cet instant » par « l’esquisse de réponse » apportée par les deux membres du gouvernement.
Le Premier ministre était attendu aux alentours de 18 heures au Palais des congrès de Nice, alors qu’il y a encore quelques jours, sa participation n’était pas confirmée. Son intervention devant les présidents d’intercommunalité pourrait être porteuse de précisions, par exemple sur certains des amendements que le gouvernement défendra lors de la discussion à l’Assemblée nationale concernant le projet de loi Engagement et proximité. Un texte sur lequel les députés de la commission des Lois se pencheront le 6 novembre. L’examen en séance débutera quant à lui le 18 novembre.
2/ Engagement et proximité : un texte sensiblement étoffé après son passage au Sénat |
Publié lepar Thomas Beurey / Projets publics pour Localtis dans Organisation territoriale, élus et institutions
Ce mardi 22 octobre, un vote quasi-unanime est venu clore deux semaines d’examen dans l’hémicycle du Sénat du projet de loi Engagement et proximité.
Mathieu Darnaud (LR).
Quelque 50 heures de travaux que la Haute assemblée a mises à profit pour élaborer « une boîte à outils qui permettra aux élus d’exercer leurs compétences au plus proche de nos concitoyens », selon le rapporteur, Mathieu Darnaud (LR).
En commission, les sénateurs avaient donné le ton, en adoptant près de 136 amendements, dont certains, en particulier, revenaient sur la loi Notr du 7 août 2015 sur l’organisation territoriale, tant décriée. En séance, ils ont continué sur leur lancée, faisant passer le texte de 32 à 123 articles.
Après le coup d’envoi des travaux en séance, le 8 octobre, le Sénat a généralisé la conférence des maires et renforcé la place des femmes dans les intercommunalités.
Il a, aussi, poursuivi le travail entamé en commission destiné à rééquilibrer les compétences locales en faveur des communes.
En matière d’eau et d’assainissement, il a donné corps à la suppression du transfert obligatoire de la compétence à l’intercommunalité, une option qu’il préfère de loin à la possibilité de délégation de la communauté vers une commune, promue par le gouvernement.
La Chambre Haute a aussi donné une base légale à la tarification sociale de l’eau pour les plus démunis.
Les questions liées à la parité dans les collectivités locales ont dominé la discussion au début de la deuxième semaine (à partir du 15 octobre). A la clé, de petits pas : dans les communes de plus de 1.000 habitants, les listes présentées pour l’élection des adjoints seront composées alternativement d’un candidat de chaque sexe.
Au cours de cette seconde semaine d’examen, les sénateurs ont été particulièrement prolixes, adoptant des amendements dépassant parfois largement les conditions d’exercice des mandats locaux ou les pouvoirs de police des maires. Localtis passe en revue l’ensemble de ces dispositions.
Gouvernance
• Pour pallier la crise des vocations, les conseils municipaux seront « réputés complets » même si le scrutin municipal n’a pas désigné un nombre suffisant de conseillers municipaux. Cette règle sera valable pour les élections générales et partielles. Ainsi, le conseil municipal d’une commune de moins de 100 habitants où les candidats ne seraient pas assez nombreux, pourrait fonctionner avec un minimum de 5 conseillers municipaux (contre une obligation de 9 aujourd’hui) et le conseil municipal d’une commune dont la population est comprise entre 100 et 499 habitants avec un nombre de conseillers municipaux de 7 (alors que la loi fixe aujourd’hui à 11 le nombre des conseillers des communes de cette strate).
• L’élection du remplaçant d’un maire ou d’un adjoint sera possible lorsque le conseil municipal est incomplet, mais dans des proportions limitées. Aujourd’hui, un conseil municipal incomplet doit être renouvelé intégralement avant qu’il ne soit procédé à l’élection du maire ou d’un adjoint. A l’avenir, ce ne sera plus le cas si le conseil municipal n’a pas perdu plus de 10% de ses membres (arrondi à l’entier supérieur). Dans l’année précédant le renouvellement général des conseils municipaux, il ne sera procédé à la réélection du conseil municipal (en vue de l’élection du remplaçant du maire ou d’un adjoint) que si le conseil municipal a perdu le tiers ou plus de ses membres.
• Au sein des syndicats mixtes constitués exclusivement de communes et EPCI et de ceux composés uniquement d’EPCI, l’EPCI pourra être représenté par tout conseiller municipal d’une commune membre (et non par tout habitant de l’EPCI, option qui avait été choisie par la commission des Lois).
Parité
• Lors de l’élection des adjoints dans les communes de plus de 1.000 habitants, les listes devront être composées alternativement d’un candidat de chaque sexe. Actuellement, la loi impose seulement que, pour cette élection, « l’écart entre le nombre des candidats de chaque sexe ne soit pas supérieur à un ». Au début de la discussion du projet de loi, le Sénat a décidé que la proportion de femmes au sein des exécutifs des EPCI sera « au moins équivalente » à leur proportion au sein de l’assemblée communautaire.
Conditions d’exercice des mandats locaux
• La garantie obligatoirement souscrite dans un contrat d’assurance par la commune pour le maire et les élus concernés par la protection fonctionnelle, couvrira également le conseil juridique et l’assistance psychologique.
• Tout élu local aura le droit de faire valider les acquis de l’expérience acquise dans le cadre de son mandat.
• En cas d’élection à la fonction de maire ou d’adjoint, un bénéficiaire de l’allocation adulte handicapé (AAH) sera assuré de conserver la totalité de son allocation.
• Les conseillers communautaires qui sont en situation de handicap pourront se faire rembourser les frais de déplacement, d’accompagnement et d’aide technique engagés à l’occasion des déplacements effectués dans le cadre de leur mandat (la possibilité existe déjà pour les conseillers municipaux).
• L’accès au télétravail est facilité pour les conseillers municipaux dont l’emploi (quel que soit le secteur) est compatible avec ce mode de travail.
• Les communautés de communes comportant le chef-lieu d’un département ou d’un arrondissement, ou d’un canton, de même que celles qui comportent au moins une commune classée station de tourisme, pourront voter une majoration de la durée des crédits d’heures au bénéfice des membres de l’assemblée communautaire.
Formation des élus locaux
• Au cours de la première année du mandat, dans l’ensemble des communes, les conseillers municipaux ayant reçu une délégation, recevront une formation (aujourd’hui cette obligation de formation ne concerne que les communes d’au moins 3.500 habitants).
• Le suivi par les élus locaux de formations en vue de leur réinsertion professionnelle est facilité. La vocation des formations financées à partir des budgets locaux est élargie à cette fin.
• Les ordonnances sur la formation des élus devront prévoir des dispositions facilitant l’accès à la formation lors du premier mandat.
• Le volume de formation prévu dans le futur compte personnel de formation (CPF) des élus locaux sera au moins égal à celui dont ils bénéficient dans le cadre du droit individuel à la formation (DIF).
• Il sera précisé dans le code de l’éducation que les chargés d’enseignement qui dispensent des cours aux étudiants, peuvent être titulaires d’une fonction élective locale.
Indemnités de fonction
• Un maire qui cessera totalement son activité professionnelle pourra bénéficier d’une indemnité de fonction majorée de 40%. En cas de cessation partielle, son indemnité pourra être augmentée de 20%. Mais à condition que l’enveloppe globale des indemnités allouées aux membres du conseil municipal soit respectée.
• Les conseillers municipaux délégués des communes de moins de 100.000 habitants pourront bénéficier de majorations d’indemnités de fonction (à l’instar de leurs collègues des communes de plus de 100.000 habitants).
• Le conseiller municipal qui siège à la commission d’appel d’offres et à la commission de délégation de service public pourra bénéficier d’une indemnité spécifique.
• Un membre du conseil d’administration d’un centre de gestion de la fonction publique territoriale qui, sans faire partie du bureau, a obtenu une délégation, pourra bénéficier d’une indemnité.
Pouvoirs de police du maire
• Le pouvoir dont dispose le maire pour faire exécuter des travaux d’élagage et d’entretien aux abords des voies communales est étendu aux abords des voiries sur lesquelles il exerce un pouvoir de police de circulation, notamment les voies départementales.
• La rédaction de l’article 15 du projet de loi a été précisée pour que les maires ne puissent pas infliger une amende de 500 euros aux sans-abris installés sur la voie publique ou le domaine public. L’association Droit au logement avait exprimé des craintes au regard de la rédaction du projet de texte initial.
• Les communes pourront ramener de 120 à 60 jours la durée annuelle maximale de location de meublés touristiques proposés par des particuliers sur des plateformes telles que Airbnb (sur cette mesure, voir notre article du 18 octobre 2019).
• Le maire peut demander au préfet le pouvoir de fermeture d’un débit de boisson ou d’un établissement de vente d’alcool à emporter, lorsque celui-ci ne respecte pas la règlementation en vigueur.
• Le maire qui procède à l’extinction de l’éclairage public durant la nuit ne pourra pas voir sa responsabilité mise en cause en cas d’accident au moment où l’éclairage public est éteint.
• Lorsque le maire a infligé une amende, le délai conféré au contrevenant pour formuler des observations, est réduit de 15 à 10 jours. Le délai de mise en demeure est raccourci d’autant.
• Le délai d’exécution de l’arrêté qui est pris par le maire pour faire supprimer un dispositif d’affichage publicitaire non conforme est raccourci de 15 à 5 jours.
• Lorsqu’une collectivité territoriale est propriétaire d’un domaine public fluvial, l’exécutif de cette collectivité pourra engager des poursuites à l’égard d’une personne qui contreviendra aux règles applicables à cet endroit.
Sécurité
• En cas d’activation du système d’alerte et d’information aux populations (SAIP), le préfet transmettra « sans délai » aux maires concernés « les informations leur permettant d’avertir et de protéger la population ».
• Au moins une fois par an, le chef de la circonscription de sécurité publique présentera devant le conseil municipal de chaque commune de sa circonscription l’action de l’Etat en matière de sécurité et de prévention de la délinquance pour la commune concernée.
Urbanisme, environnement
• Les missions relevant de la gestion des milieux aquatiques et de la prévention des inondations (Gemapi) pourront être déléguées aux syndicats de communes ou aux syndicats mixtes jusqu’à fin 2020. En l’état du droit, cette possibilité offerte par la loi Fesneau-Ferrand du 30 décembre 2017 doit s’achever le 31 décembre 2019.
• Les services d’eau potable pourront intervenir en faveur de la gestion et de la préservation de la ressource dans laquelle est effectué le prélèvement d’eau pour la production d’eau destinée à la consommation.
• La possibilité pour les communes de bénéficier de cessions à titre gratuit de terrains par des personnes bénéficiant d’autorisations de construire refait son apparition (ces dispositions avaient été supprimées parce qu’elles avaient été censurées en 2010 par le Conseil constitutionnel).
• L’État devra informer le maire du dépôt de toute demande d’autorisation de défrichement dans sa commune.
• Les gardes champêtres sont compétents en matière de déchets au titre du code pénal. Ils le seront aussi en vertu du code de l’environnement.
Fonction publique territoriale
• Les comités techniques des communes seront obligatoirement consultés dans le cadre de la création d’une commune nouvelle.
• Dans le cadre de la réduction du nombre de délégations régionales du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) prévue par la loi de transformation de la fonction publique, les modalités et le calendrier de la mise en place des conseils d’orientation auprès de ces délégations sont précisés.
Divers
• Dans le cadre de la tenue du fichier des élus et des candidats, le préfet ne pourra attribuer une nuance politique aux candidats des communes de moins de 3.500 habitants qui n’auront pas choisi d’étiquette politique.
• Le maire pourra autoriser la célébration de mariages dans « tout bâtiment communal » situé sur le territoire de la commune, sans avoir à en demander l’autorisation au Procureur de la République.
• Le cadre dans lequel un département peut venir en aide à des entreprises, en cas de catastrophe, est assoupli.
• Le Conseil national d’évaluation des normes (CNEN) aura pour mission d’évaluer « l’impact juridique » des projets de normes applicables aux collectivités territoriales (en plus de l’impact technique et financier de celles-ci). Lorsque le Conseil national émettra un avis défavorable avec recommandations sur tout ou partie d’un projet de texte, le gouvernement devra se justifier s’il ne modifie pas ce dernier.
• Les syndicats de communes sont autorisés à devenir actionnaires de l’Agence France locale, créée pour financer les investissements des collectivités.
• La promotion des collectivités territoriales sur internet, notamment les réseaux sociaux, est rendue plus transparente.
• La métropole de Lyon pourra passer des conventions de prestations de services avec d’autres collectivités territoriales, ou avec des établissements publics de coopération intercommunale.
3/ Engagement et proximité : le Sénat campe sur ses positions sur le transfert des compétences eau et assainissement |