18-10-2018 – Le Ministère des affaires étrangères de la Fédération de Russie
Question 1: La Russie, surtout ces derniers temps, fait l’objet d’accusations de la part de pays et de médias occidentaux:
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Sergueï Lavrov: J’ai beaucoup de mal à répondre à cette question de manière sérieuse parce que toutes les preuves nous sont fournies par les médias. Et malgré tout le respect dû aux médias, à la profession de journaliste, nous, en tant que personnes sérieuses, nous ne pouvons pas examiner des problèmes concrets qui sont assénés en accusant la Russie de tous les péchés mortels sans que soient mises en œuvre les règles de droit qui ont été conçues spécialement pour ce genre de cas.
Vous avez mentionné des accusations qui remontent à six mois, et tout récemment des accusations pour des faits «d’il y a quatre ans» ont encore été ressorties, en l’occurrence à propos de la mort de M. Glouchkov, l’ancien vice-président d’Aeroflot, qui se trouvait à Londres où il avait obtenu l’asile politique. Cette mort est à nouveau un motif de préoccupation pour les autorités britanniques et des spéculations sont déjà apparues selon lesquelles la Russie est impliquée dans son décès parce que peu de temps avant sa mort il avait déclaré vouloir parler de ses liens avec les services secrets et de ce que les services secrets avaient l’intention de faire en Grande-Bretagne et dans d’autres pays occidentaux. Si bien que six mois, ce n’est pas la limite.
Nous sommes prêts à affronter toutes sortes de provocations bien plus conséquentes mais notre réponse est très simple : si on nous parle par voie de presse alors nous répondrons, nous aussi, par les médias.
Nous allons répondre de manière concrète et correcte. Correcte, ça signifie que nous allons poser des questions absolument claires :
- pourquoi ne pas faire intervenir, par exemple dans le cas que vous avez mentionné, le mécanisme de la Convention sur l’interdiction des armes chimiques ?
Il y est dit clairement que tout pays-membre de la Convention qui a des questions à poser à un autre pays-membre doit entrer en dialogue direct et professionnel avec ce pays.
Cela n’a pas été fait. De plus, quand nous avons envoyé la demande d’entraide judiciaire sur les affaires criminelles de notre service d’enquête au service britannique équivalent, notre demande est restée sans réponse pendant plusieurs mois.
Il y a quelques jours nous avons eu une réponse officielle selon laquelle, pour des raisons de sécurité nationale, la Grande-Bretagne ne peut pas nous fournir de réponse sur l’affaire en question et sur le sort de citoyens de la Fédération de Russie.
Même en prenant en compte le fait que Sergueï Skripal a la double nationalité, puisqu’il n’a pas seulement la nationalité russe mais qu’il est également ressortissant britannique, Ioulia Skripal est citoyenne russe à 100%. Et toutes les conventions internationales imposent à Londres de remplir ses obligations et de nous permettre d’accéder à Ioulia Skripal.
Aucun contact ne nous est accordé, de plus nous n’avons aucune réponse à une question concrète, pas à une question confuse du genre « très probablement », « personne d’autre n’avait de motif ou de raison », alors que notre question est concrète :
- « Où se trouve Sergueï Skripal ?
- Où se trouve Ioulia Skripal ?
- Pourquoi les gens de leur famille n’ont-ils pas le moyen de les approcher ?
- Pourquoi ne leur accorde-t-on pas de visa ? », et bien d’autres choses très concrètes.
Si bien que si nos collègues occidentaux ont clairement l’intention de nous faire sortir de nos gonds en usant de cette hystérie, alors ça veut dire qu’ils lisent mal les livres d’Histoire. Si ce n’est que de l’esbroufe et si cette soi-disant crise de rage politique passe naturellement quand ils auront dit tout ce qu’ils ont à dire, alors nous les attendons toujours sur le plan juridique pour une discussion sérieuse, professionnelle, sans propagande.
Question 2:
Le président français Emmanuel Macron a montré, contrairement à son prédécesseur, un souhait authentique de revigorer les rapports entre nos deux pays.
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Sergueï Lavrov: Il me semble que l’intention qui se manifeste chez les autorités françaises actuelles mérite d’être soutenue dans la mesure où ça concerne les relations avec la Russie.
Nous entendons bien évidemment aussi un certain nombre d’invectives accusatrices de la part de Paris, notamment à l’égard de nos médias, cela concerne Sputnik, RIA Novosti, RT France – qui ont été pratiquement interdits au palais de l’Élysée – et d’autres structures officielles en France.
Nous entendons des critiques à notre égard, selon lesquelles nous ne faisons rien pour surmonter telle ou telle crise, mais en même temps nous voyons que le président Macron et son équipe sont intéressés à renforcer le dialogue avec nous.
Ce dialogue se développe de façon variée, nous sommes complètement ouverts à la coopération, mais il arrive parfois que de bonnes intentions commencent à se réaliser avant de se bloquer.
D’ailleurs, vous avez mentionné le président Hollande : après le terrible attentat de Nice, le 14 juillet 2016, le président Hollande a pris l’initiative de se rendre en Russie pour rencontrer le président Poutine et un accord a été pris qui m’a paru tout-à-fait sincère en matière de mesures très concrètes pour lutter contre le terrorisme, y compris dans la région de la Méditerranée dans le contexte de la crise syrienne.
Cependant, au bout de quelques jours cet élan a disparu et aucune coopération pratique ne s’est mise en place avec la France à ce moment-là.
Aujourd’hui nous sommes prêts à toute forme de coopération en matière de lutte antiterroriste et dans tout autre domaine.
Je mentionnerai la Syrie, nous avons des échanges bilatéraux, au niveau des ministères des Affaires étrangères, des conseillers diplomatiques des présidents, et nous soutenons ce canal de communication qui est assez utile et qui permet l’échange d’informations, de mieux nous comprendre.
Il y a eu l’initiative humanitaire commune des présidents Poutine et Macron, de l’aide humanitaire française a été envoyée dans la Ghouta orientale par un moyen de transport russe et distribuée à ceux qui étaient dans le besoin. Pour l’instant il s’agit d’initiative isolée mais nous sommes prêts à des choses plus actives.
Et, évidemment, nous avons des relations très étroites avec la France dans le cadre du règlement de la crise ukrainienne s’agissant de la stricte application des accords de Minsk, qui sont le fruit du travail en commun des dirigeants russe, français, allemand et ukrainien.
Il est question de se rencontrer à nouveau dans le format Normandie, il y a déjà eu deux sommets, l’un à Paris en 2015, l’autre à Berlin en 2016, nous sommes pour qu’un troisième sommet se tienne. Naturellement il faut faire un bon travail de préparation pour que les dirigeants des quatre pays ne ressentent pas de malaise à propos de la non-réalisation des accords précédemment conclus. Ces décisions, ce n’est pas qu’elles soient sur du papier – nous voudrions les faire figurer sur du papier – mais pour l’instant, elles restent en l’air, notamment en ce qui concerne la séparation des forces et des moyens dans trois localités de la zone de conflit.
Président Russe Vladimir Poutine & Président Allemand (2017) Frank-Walter Steinmeier
Ces décisions restent bloquées, d’ailleurs fermement, par les autorités de Kiev. Il s’agit aussi de la mise en forme de la formule dite Steinmeier qui est censée énoncer les paramètres d’octroi par l’Ukraine d’un statut spécial à ce territoire, ce qui, encore une fois, a été validé à Paris puis confirmé à Berlin.
Dès que nous avancerons dans ces deux directions, conformément à ce que les dirigeants ont convenu, nous serons d’accord pour tenir un sommet. Nous avons avec la France beaucoup d’autres formes de coopération, vous savez que peu après son élection le président Macron a invité le président Poutine, leur rencontre s’est déroulée à Versailles, en 2017, et à l’issue de cet entretien l’intérêt de normaliser et de développer les relations a été confirmé, et un accord a été conclu pour la création du dialogue de Trianon.
Délégation française au Forum Gaidar 2018 pour le Dialogue de Trianon
C’est un format très important, un format qui permet à la société civile, aux associations, aux ONG, aux scientifiques, aux politologues d’échanger régulièrement.
Il fonctionne déjà, beaucoup de rencontres sont organisées et, autant que je sache, il connaît un grand succès auprès des milieux de la société civile en Russie et en France. Malheureusement, pour le moment, les relations plus officielles entre nos gouvernements, nos Parlements, ne sont pas aussi actives que celles des sociétés civiles. Nous ne parvenons toujours pas à reprendre les travaux de la commission intergouvernementale de coopération économique et commerciale. Elle est dirigée par les Premiers ministres russe et français et il y a longtemps qu’elle ne s’est pas réunie.
Cependant l’organisme au niveau des ministres de l’économie qui prépare les réunions de cette commission intergouvernementale a déjà renoué contact. Bien sûr, nous considérons que ce serait bien qu’une grande structure telle que la grande commission interparlementaire reprenne ses travaux.
Le président Macron a plusieurs fois fait part de son intérêt pour cette question, nous partageons complètement cette disposition d’esprit et j’espère que tous les problèmes qui demeurent à l’ordre du jour – dans les relations bilatérales et multilatérales – ils existent et ils sont complexes – pourront être résolus si telle est la volonté de nos deux présidents, et une telle volonté existe.
Question 3: J’ai une question très simple : sur l’Iran, sur la Syrie, sur l’Ukraine, trouvez-vous que la politique française est trop alignée sur celle des États-Unis ? |
L’Allemagne, la Chine, la France, la Grande-Bretagne et la Russie, signataires de l’accord sur le nucléaire iranien de 2015, se sont réunis à Vienne en présence du chef de la diplomatie iranienne Javad Zarif, le 6 juillet 2018. REUTERS/Leonhard Foeger
Sergueï Lavrov: Ce n’est pas ainsi que je m’exprimerais, parce qu’en particulier, dans le cas de l’Iran, la France comme la Russie, la Grande-Bretagne, l’Allemagne, la Chine, et l’Iran lui-même, s’en tient à l’accord sur le programme nucléaire iranien.
Un travail très intensif est en cours au niveau des pays que j’ai énumérés, c’est-à-dire les auteurs de cet accord moins les États-Unis qui s’en sont retirés, donc un travail intensif de la troïka européenne, de la Russie, de la Chine et de l’Iran pour maintenir cet accord, désormais sans les États-Unis, et il est nécessaire de développer des mécanismes qui permettraient de garantir tout ce qui a été convenu, y compris les avantages économiques pour l’Iran qui va remplir ses obligations dans de nouvelles conditions.
Outre quantité de problèmes techniques, il existe des procédures financières, bancaires, et elles sont en cours de traitement. J’espère beaucoup que les menaces proférées par Washington qui non seulement s’est retiré de l’accord sur le nucléaire iranien mais exige aussi des autres pays qu’ils cessent de participer à cet accord, qui est l’un des plus importants de ces dernières années… J’espère que ces menaces n’auront pas d’effet sur les entreprises européennes.
J’ai entendu dire que certaines entreprises européennes, notamment françaises, avaient quitté le marché iranien. Nos collègues, à Berlin, à Paris confirment l’attachement des gouvernements allemand et français à cet accord, et disent qu’ils ne peuvent pas forcer les entreprises à rester en Iran si elles ont des intérêts bien plus considérables aux États-Unis. Nous le comprenons.
En revanche, les gouvernements peuvent et doivent faire tout leur possible pour proposer aux entreprises des alternatives. À l’heure actuelle nos collègues des services financiers, des banques centrales et d’autres structures travaillent à cette question.
Par conséquent, ici, je ne vois pas de convergence entre les positions de la France et des États-Unis, de même que je n’en vois pas entre Paris et Washington sur une série d’autres questions, comme par exemple l’accord de Paris sur le climat, dont les États-Unis se sont aussi retirés.
De même qu’ils se sont retirés d’une importante organisation dont le siège est à Paris : l’UNESCO. Ce n’est pas non plus un bon exemple de convergence d’intérêts entre les États-Unis et la France, ici ils divergent.
En ce qui concerne la Syrie, il existe ici certainement beaucoup plus de points de convergence dans le traitement de cette crise, pas seulement entre la France et les États-Unis, mais disons entre l’Europe et les États-Unis. On voit agir le groupe fondé à l’initiative du président Macron et intitulé Groupe restreint sur la Syrie qui comprend des pays tels que la France, les États-Unis, la Grande-Bretagne, l’Allemagne, la Jordanie, l’Arabie saoudite et l’Égypte, si je me souviens bien, oui, et ce groupe, en fait, agit sur la base de positions que nous ne partageons pas et qui sont très proches de celles de Washington.
Sans considérer les formes que prennent ces positions, à telle ou telle étape, en gros, elles consistent à parvenir à un changement de régime à tout prix et à faire en sorte que le processus politique s’achève obligatoirement par un changement de régime, ce qui ne s’inscrit pas dans la résolution 2254 de l’ONU que nous voulons respecter et qui suppose un principe très simple :
seul le peuple syrien doit décider du sort de son pays et de son propre sort.
Cette résolution suppose, comme vous le savez,
- la mise en place d’une nouvelle Constitution,
- la tenue d’élections sous le contrôle de l’ONU,
- des élections auxquelles tous les Syriens peuvent participer, et ainsi de suite.
Bien sûr, nous ne pouvons pas être d’accord avec les actions des membres de ce groupe restreint, surtout de ses membres occidentaux, s’agissant de l’usage des armes contre le gouvernement syrien, contre les sites et installations gouvernementales, sous le prétexte que Damas aurait utilisé des armes chimiques, un prétexte qui n’a jamais été étayé par des faits. Ce qui s’est passé le 14 avril quand la France, la Grande-Bretagne et les États-Unis ont bombardé des sites prétendument liés à la production d’armes chimiques en Syrie, cela s’est produit quelques heures avant la visite prévue d’inspecteurs de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques.
Vous le saviez, vos autorités le savaient parfaitement, tout le monde le savait.
Dans une telle situation, lorsque des inspecteurs sont sur le point d’arriver et de mener une enquête indépendante, si trois pays occidentaux ont décidé de bombarder précisément ce territoire, alors je ne vois pas d’autre explication que, sachant que les accusations contre Damas sont fausses, vous avez procédé à ce bombardement – pas vous personnellement, bien sûr, pardonnez-moi de m’exprimer ainsi – vos autorités officielles ont entrepris ce bombardement pour brouiller les pistes.
Depuis, comme je l’ai déjà dit, sur la Syrie, nous nous efforçons d’établir un dialogue, nous ne sommes pas contre les échanges, même avec ceux qui ne partagent pas notre avis ou ont un avis que nous ne partageons pas… La Russie est en Syrie à l’invitation officielle des autorités légales, les pays occidentaux n’ont pas cette invitation, mais le président Macron a avancé l’idée que ce Groupe restreint entre en contact avec le groupe d’Astana : Russie, Turquie et Iran.
Nous sommes prêts à de tels échanges mais au préalable, avant de commencer à discuter sérieusement, il faut s’entendre sur la base de discussion, et cette base ne peut être que la résolution 2254 de l’ONU, qui identifie les priorités, et ce sont les positions des Syriens eux-mêmes et les processus que doivent mener les Syriens eux-mêmes.
On ne peut pas résoudre les problèmes importants dans le dos du gouvernement et de l’opposition, ainsi que de la société civile de la Syrie.
(g-d) Le ministre ukrainien des Affaires étrangères Pavlo Klimkin et ses homologues français Jean-Yves Le Drian, allemand Heiko Maas et russe Sergueï Lavrov
Concernant l’Ukraine – j’ai déjà évoqué ce sujet – il y a un groupe de contact dans le cadre duquel le gouvernement et l’opposition, avec l’appui de l’OSCE et de la Russie, doivent s’entendre sur des mesures concrètes afin de mettre en œuvre les accords de Minsk.
Et puis, il existe le Format Normandie, où sont représentés la Russie, la France, l’Allemagne et l’Ukraine. Il est censé accompagner le travail du groupe de contact. Dans le cadre de ce format, nous avons une coopération assez étroite, bien qu’il n’y ait pas eu de sommet depuis longtemps, depuis déjà deux ans. Néanmoins, experts et ministres coopèrent au sein de ce format, y compris la Russie et la France, et il me semble que nous nous comprenons mieux désormais.
Question 4: Les médias traditionnels occidentaux restent muets sur la crise humanitaire très importante au Yémen. Alors que certains pays, y compris la France, fournissent des armes à l’Arabie saoudite, la presse est muette sur les victimes, comme c’était le cas à Mossoul et Raqqa où les pertes au sein des populations civiles ont été énormes. En même temps, la situation lors de la libération d’Alep Est où la Russie avait organisé des couloirs humanitaires a été présentée comme la principale catastrophe de cette région. Comment expliquez-vous ce deux poids deux mesures ? |
Sergueï Lavrov:C’est facile. En un mot, c’est de la propagande, une propagande déloyale. Vous avez évoqué le Yémen. Il y a un certain temps, un représentant de l’ONU, le secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires a qualifié la situation au Yémen de plus grande catastrophe humanitaire contemporaine.
Nous participons aux efforts visant à apaiser le sort du peuple yéménite, nous y livrons régulièrement de l’aide humanitaire.
Ce n’est pas facile, étant donné que les combats y continuent. Nous avons réussi plusieurs fois à nous mettre d’accord avec la coalition, notamment avec l’Arabie saoudite qui dirige la coalition, et nous avons effectué ces vols humanitaires.
Nous allons continuer à le faire. Nous savons que la coalition continue de mener les hostilités, mais qu’elle octroie en même temps au peuple yéménite une assistance humanitaire assez importante. Tout cela est utile, mais il faut mettre fin à la guerre.
Martin Griffiths, Envoyé spécial des Nations Unies pour le Yémen, informe la presse sur les consultations de paix de Genève, au Palais des Nations. 5 septembre 2018.
L’envoyé spécial de l’ONU pour le Yémen Martin Griffiths a, à mon avis, des idées très nobles, nous voulons l’aider.
A présent l’objectif clé est de mettre fin aux combats, de trouver un accord sur le fonctionnement du port d’Hodeïda, autour duquel les combats sont les plus intenses, et de passer dans les meilleurs délais au processus politique.
Celui-ci, malheureusement, n’avance pas à cause de désaccords concernant le lieu des réunions et la façon de s’y rendre, ce qui ne répond pas au caractère aigu du problème.
Nous allons promouvoir par tous les moyens la nécessité de laisser de côté tout ce qui n’est pas prioritaire et de réunir les parties autour de la table de négociations sans aucune condition préalable.
te 47 —
En ce qui concerne les autres situations, vous avez notamment mentionné Raqqa et Mossoul. Là, personne ne s’est préoccupé des mesures spéciales supplémentaires visant à minimiser les risques pour la population civile comme nous l’avons fait à Alep.
A Alep, nous avons créé des couloirs humanitaires, c’est ce que nous avons aussi fait dans la Ghouta orientale, nous avons pris des mesures supplémentaires de sécurité le long de ces couloirs humanitaires, nous nous sommes mis d’accord avec les membres de l’opposition sur le fait que les habitants qui voulaient sortir par ces couloirs aient cette possibilité.
Les combattants qui voulaient partir pour ne pas participer aux hostilités ont eux aussi eu cette possibilité.
Les médias occidentaux, et certains médias régionaux, ont fait beaucoup de tapage, annonçant qu’une épuration ethnique se déroulait, qu’on chassait les gens du foyer auquel ils étaient habitués. Je peux vous rappeler que depuis, des centaines des milliers d’habitants d’Alep sont revenus et continuent à revenir.
Toute l’infrastructure de base y a été reconstruite, comme la vie quotidienne. La même chose se passe dans la Ghouta orientale.
Pendant les combats pour la libération d’Alep-Est, l’un des sujets des lamentations de nos collègues occidentaux, était celui de la pénurie de médicaments. Ils avaient des exigences constantes : sécuriser le passage des convois médicaux, fournir des instruments médicaux.
Il y avait pas mal de raisons pour soupçonner qu’en plus des idées humanitaires sincères, ces exigences s’expliquaient par le désir de fournir du matériel médical, des instruments chirurgicaux et des médicaments nécessaires afin de traiter des combattants.
Et quand Alep-Est a été libérée, les représentants de l’Organisation mondiale de la Santé de Damas s’y sont rendus et ils ont déclaré publiquement qu’une quantité énorme de médicaments de première nécessité, ainsi que des stocks importants y avaient été découverts.
Il n’y avait donc absolument pas de pénurie de médicaments à Alep.
Comment acheminer des kits d’aide médicale à Alep
Quant à Raqqa et Mossoul, personne n’y a créé de couloirs humanitaires, personne n’a vraiment pensé à faire en sorte que les habitants puissent partir en sécurité, et revenir après. C’est seulement maintenant que les habitants commencent à revenir petit à petit, et jusqu’à récemment on y trouvait encore des cadavres non enterrés depuis des mois, des mines non neutralisées, comme nos militaires l’ont fait à Alep et dans la Ghouta orientale.
Encore une fois, nous appelons, bien sûr, l’ONU à examiner la situation de la population civile à Raqqa et dans d’autres endroits, mais nous ne partons jamais du principe : «Vous recourez à la propagande concernant Alep et nous vous répondrons dans le cas de Raqqa».
Nous voulons que la situation dans son ensemble, dans toutes les parties de la Syrie, soit présentée d’une manière objective à l’ensemble de la communauté internationale.
Question 5: Je vais revenir sur Alep et sur la Ghouta.
Depuis 2015, à chaque étape de la guerre en Syrie, la Russie a été accusée de faire usage d’une supériorité aérienne écrasante contre les populations civiles au sein desquelles se trouvait la rébellion. En tant que diplomate, regrettez-vous qu’il ait fallu tant de morts pour parvenir à mettre un terme ou presque au conflit et finalement revenir à la situation de 2011 avec Bachar el-Assad au pouvoir et un pays en ruines ? |
Sergueï Lavrov: Vous savez, toute personne normale ne peut pas prendre à la légère une situation où des civils périssent. Ça concerne toutes les pertes en vies humaines en général, et surtout les pertes civiles.
Dans toutes les conventions sur le droit international humanitaire, dont font partie la Russie, la France et la majorité des autres pays du monde, il y a une obligation : faire tout le nécessaire pour éviter les risques pour la population civile.
Entre autres, ces conventions contiennent une exigence catégorique disant qu’il faut
- prévenir les bombardements des objets civils, tels que les écoles, les hôpitaux, les quartiers résidentiels,
- et prévenir même les bombardements des objets à double usage, si l’on soupçonne que des civils peuvent s’y trouver.
Si vous êtes sincèrement intéressé par la façon dont l’humanité, la civilisation occidentale et notre civilisation satisfont à ces exigences, il faudrait revenir un peu en arrière.
Le siège de l’OSCE à Vienne
Compte tenu du fait que nous sommes Européens, membres de l’OSCE, je commencerai dès l’année 1999, quand l’OTAN a bombardé la Yougoslavie.
Là, aucune distinction n’a été faite qu’il s’agisse d’objets civils ou à double usage.
Ils ont bombardé le Ministère de la défense et l’état-major général – mais je dois rappeler qu’ils ont aussi bombardé un pont ferroviaire au moment où un train de passagers le traversait.
Et encore une chose qui est très proche de votre profession : la tour, le centre de télévision de Belgrade a été démoli par les bombardements otaniens.
bombardements otaniens de la Yougoslavie
AJOUT sans a priori > En 1999, pendant 11 semaines, l’Otan a bombardé la Yougoslavie. Cette opération a fait 2.500 morts. Il ne s’agit là que d’un préjudice direct. Les avions de l’Otan ont largué près de 15 tonnes d’uranium appauvri sur le territoire serbe. Il en résulte 5.500 cas de cancer enregistrés pour un million d’habitants, la Serbie arrive de nos jours en première position en Europe par le nombre de décès dus au cancer.
Vous savez pourquoi ? Parce qu’il «diffusait de la propagande trompeuse».
Alors, quand on dit à nos médias aujourd’hui que nous ne sommes pas des sources médiatiques, comme on l’a entendu dire à Paris, mais un instrument de propagande, cela évoque des souvenirs.
Voilà. Donc je suis tout à fait d’accord avec vous : n’importe quelle guerre, que ce soit dans l’ex-Yougoslavie ou en Libye qui a également été bombardée par l’OTAN dirigée par la France.
l’argent libyen de Sarkozy
Le président Sarkozy était le principal instigateur de cette opération qui a été réalisée en violation de la résolution du Conseil de la sécurité.
Tout ce que la résolution obligeait de faire, c’était d’établir une zone d’exclusion aérienne au-dessus de la Libye, pour que les avions de Kadhafi ne puissent pas y voler – et rien de plus. Et il faut dire que ses avions n’y volaient pas.
Mais malgré tout ça, on a commencé à bombarder la Libye.
A l’époque, les militaires français déclaraient ouvertement en 2011 qu’ils fournissaient des armes aux adversaires de Kadhafi, même si la Libye était soumise à un embargo sur tous les types d’armes.
Et maintenant, on a ce que l’on a en Libye :
- une catastrophe humanitaire colossale,
- un déplacement des réfugiés et des migrants en Europe,
- un déplacement de bandits et de terroristes en Afrique noire avec aussi des armes françaises.
Laurent Fabius
Je me souviens d’une histoire qu’il m’est impossible d’oublier : peu après que l’OTAN a démoli la Libye avec ses bombardements, les terroristes se sont dirigés vers le sud, et à ce moment-là, Laurent Fabius m’a appelé, il était à l’époque ministre des Affaires étrangères.
La France était préoccupée par la menace qui planait sur le Mali, où se trouvait le contingent français, selon l’accord avec Bamako, et depuis le Nord du Mali, du côté des Touaregs, avançaient des méchants de toute sorte, pour occuper la capitale du Mali.
La France voulait que son contingent au Mali obtienne l’approbation du Conseil de sécurité de l’ONU pour lutter contre cette menace terroriste.
Laurent m’a appelé et m’a demandé de ne pas nous y opposer. J’ai répondu que non seulement on n’allait pas se prononcer contre cela – au contraire, qu’on allait l’appuyer, du fait que c’était une tâche véritablement importante, s’agissant d’une menace terroriste.
Mais il faut garder à l’esprit, lui ai-je dis, que vous allez réprimer les activités des gens que vous avez armés en Libye. Il a ri et m’a dit : « C’est la vie. » Et il faut dire quand-même que « c’est la vie » ce n’est pas de la politique.
Évidemment, c’est le principe du deux poids, deux mesures.
Quant à la Syrie, je vais le souligner encore une fois, même si j’en ai parlé dans ma réponse à la question précédente – on a fait tout notre possible afin d’assurer la sécurité de la population civile lors des opérations de libération d’Alep-Est et de la Ghouta orientale, comme lorsqu’on a réglé le problème de la zone sud de désescalade qui a été créée par la Russie, les États-Unis et la Jordanie, en consultation avec Israël, vu la proximité du plateau du Golan, et là-bas, l’opération s’est passé sans conséquences humanitaires notables.
L’ONU a renouvelé sa surveillance de la mise en place de l’accord de désengagement sur le plateau du Golan ; les deux lignes de cessez-le-feu, Alpha et Bravo, ont été rétablies.
L’armée syrienne et l’armée israélienne y sont déployées, comme cela a été établi et conclu en 1974 déjà. C’est toujours de cette façon-là qu’il faut agir.
Nous ne savons rien de ce qui se produit dans d’autres provinces syriennes – notamment les Américains qui s’installent pour longtemps sur la rive orientale de l’Euphrate, ils y ont construit unilatéralement une zone de 55 kilomètres de rayon dans la région d’al-Tanf.
A l’intérieur de cette zone, se trouve le camp de réfugiés d’al-Roukhban auquel il n’y a pas d’accès car personne ne peut garantir qu’on puisse y accéder en sécurité, sans le risque d’être attaqué par des bandits qui se sentent bien à l’aise dans cette zone américaine, y compris des membres de Daesh.
Et à propos, on obtient de plus en plus de preuves que ces derniers sont transportés par les Américains depuis la Syrie vers l’Irak et vers l’Afghanistan.
Ce sont des faits inquiétants. Nous avons fait une demande à ce sujet auprès des structures internationales appropriées et également aux Américains.
Cela nous préoccupe. Surtout parce que cela s’inscrit dans de le cadre des soupçons de plusieurs analystes sur le fait qu’on essaie de faire de l’Afghanistan la nouvelle place d’armes de l’État islamique. Des membres de Daesh s’installent notamment dans le Nord du pays, qui se trouve à proximité immédiate de l’Asie centrale, près de nos alliés et partenaires stratégiques. C’est une question extrêmement grave, alors on va chercher à tirer les choses au clair.
Question 6: Il y a eu les manœuvres militaires russo-chinoises récemment, qui ont été assez impressionnantes, qui ont été relayées dans tous les médias internationaux et qui posent nécessairement quelques questions.
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Sergueï Lavrov :Vous savez, sur notre blason il y a un aigle bicéphale, et la Russie, cela a été prédéterminé par notre destinée, notre histoire, par les succès de nos prédécesseurs occupe le territoire qu’elle occupe actuellement.
La Russie n’a jamais pu se permettre le luxe de se tourner vers l’Europe et de tourner le dos à l’Asie, ou inversement. Évidemment, sur le plan culturel la Russie fait partie de la civilisation européenne. Elle a énormément contribué à l’héritage de la civilisation européenne, dont cette civilisation est fière : il s’agit des compositeurs, des poètes, des écrivains, des peintres, des artistes… A propos, beaucoup d’artistes russes ont vécu et travaillé en France. Nous avons beaucoup de choses en commun : ce sont nos cultures, le mélange des cultures, des idéaux et beaucoup d’autres choses.
Khabarovsk. Russia.
Dans les meilleurs moments, quand la Russie et l’Union européenne organisaient régulièrement des sommets, et l’un de ces sommets – je pense que c’était en 2007 ou 2008 – a eu lieu à Khabarovsk.
A l’époque, José Manuel Barroso était le président de la Commission européenne. Quand la délégation de l’Union européenne est arrivée à Khabarovsk, alors que ses membres se promenaient le soir sur les quais, ils étaient tous surpris par le fait qu’après avoir volé pendant 10 heures depuis Moscou, ils se sont retrouvés dans une ambiance européenne.
Vladivostok et d’autres villes situées dans la partie orientale de notre pays donnent la même impression.
A l’époque de l’édification de la Russie en tant que puissance asiatique, puissance eurasiatique, elle est toujours restée un pays partageant la culture européenne.
Sans aucun doute, nous avons beaucoup d’exemples de l’influence de la culture asiatique sur notre code génétique, par exemple, l’héritage des Huns : beaucoup de nos chercheurs ont étudié l’influence des tribus de l’est sur cet espace géopolitique.
En conséquence, aujourd’hui, la Russie est un pays multinational et multiconfessionnel : disons que nos musulmans habitent dans certains territoires de la Fédération de Russie depuis des siècles, ce ne sont pas des nations importées.
Mais pour revenir à votre question plus concrètement, nous avons eu des périodes difficiles dans nos relations avec la Chine dans les années 1950-1960 ou au début des années 1970.
Et puis, ces deux grands pays ont compris, grâce à la sagesse de leurs dirigeants, qu’il fallait profiter des avantages de notre voisinage : nous avons beaucoup d’éléments complémentaires dans nos économies, dans nos approches de la résolution des problèmes régionaux et internationaux.
Depuis ce temps-là nos relations ont commencé à s’améliorer de manière permanente. A partir de l’an 2000, nous avons signé des documents qui qualifient ces relations de « relations de coopération stratégique et partenariat universel ».
Entre la Russie et la République populaire de Chine, il n’y a eu jamais de relations telles que celles que nous avons aujourd’hui.
Au milieu des années 2000, nous avons définitivement résolu une dispute territoriale, signant un accord à l’issue de négociations qui ont duré pendant plus de 40 ans.
Pour notre pays, compte tenu de sa situation géographique, il serait irréfléchi, imprévoyant, d’ignorer ces avantages qui existent à l’est, ainsi qu’à l’ouest.
Il est à noter qu’en vertu de certains facteurs objectifs – notamment, la plupart de nos citoyens habitent dans la partie européenne de notre pays, l’industrie et l’agriculture y sont plus développées tandis que, en général, l’Extrême-Orient est moins développé que la partie européenne de la Russie – il y a plus de possibilités de faire des affaires dans la partie occidentale de la Fédération de Russie.
D’autant plus que tout près, nous avions beaucoup de partenaires de longue date avec qui nous avons développé des relations depuis plusieurs décennies, et même avec beaucoup d’entre eux depuis des siècles.
Donc, cela est dû à
- une situation géographique et économique plus pratique,
- des infrastructures plus pratiques, car dans la partie européenne de la Russie l’infrastructure est beaucoup plus développée.
Mais en parallèle, nous avons très bien compris – et le président Poutine en a parlé dès les premières années de sa présidence – qu’il était nécessaire de créer à l’Extrême-Orient des conditions qui attireraient les gens, pour qu’ils veuillent s’y rendre, travailler, s’installer, fonder des familles.
- Pour cela, il faut y créer des infrastructures économiques, sociales, culturelles et de transports nécessaires.
Notre État s’en occupe, mais ce n’est pas facile parce que le travail à faire est très considérable, les tâches sont colossales. Mais les progrès sont évidents.
Vladivostok bénéficie du statut de port franc pour 70 ans , stipule une loi adoptée en troisième et dernière lecture par la Douma d’État, le 6 juillet 2015
Et pour stimuler le développement de ces régions de la Fédération de Russie, nous avons adopté un nombre d’initiatives législatives, nous avons institué un « port franc » à Vladivostok et facilité l’obtention des visas électroniques, nous avons introduit un système d’avantages pour ceux qui veulent y déménager, y compris l’obtention de terrains gratuits, ainsi qu’un nombre d’autres avantages.
Bien sûr, nous nous en occupons, je le répète, depuis une vingtaine d’années.
Mais quand les relations avec l’Europe ont connu certains problèmes à cause des sanctions et de certains autres processus politiques, quand les échanges commerciaux ont commencé de diminuer fortement – en 2013, nos échanges commerciaux étaient d’environ 440 milliards de dollars, et l’année passée, malgré la croissance par rapport à l’année 2016, ce n’était que 217 milliards, donc, la moitié du niveau qu’on observait il y a trois ans – bien évidemment, nous nous sommes mis à chercher des moyens pour compenser la réduction des volumes de cette coopération économique mutuellement avantageuse.
En ce qui concerne la Chine, tout comme l’Inde et, dans une certaine mesure, le Japon et la Corée, les opportunités n’ont cessé d’augmenter, car, durant cette période, ces pays ont renforcé leurs capacités de manière considérable, ils ont exprimé leur intérêt pour nos marchandises.
Il ne s’agit pas seulement des ressources énergétiques,
- mais aussi de la coopération dans le domaine spatial,
- de l’énergie atomique,
- des industries de la construction aéronautique,
- de la construction d’automobiles et dans beaucoup d’autres domaines.
Donc, il n’y avait aucune prédisposition politique ou pré-programmation. C’est simplement une réponse concrète aux conditions qui existent aujourd’hui, visant à développer les liens économiques de manière la plus efficace. Rien de plus.
Nos relations avec les pays européens se rétablissent très vite. Je ne peux pas dire que c’est le cas de nos relations avec la Commission européenne, mais c’est ce qu’on observe dans les relations avec beaucoup de pays européens.
La Commission européenne, pour autant que je la comprenne, est prisonnière de ce que vous appelez la « solidarité », le « consensus », quand un petit groupe de pays qui ne veulent pas avoir de bonnes relations avec la Russie forcent tous les autres à garder profil bas.
Mais je suis sûr que, grâce aux intérêts nationaux qui sont de plus en plus évidents dans le cadre de la discussion sur l’avenir de l’Union européenne, la réforme évoquée, y compris par le président Macron, reflètera le consensus d’une autre manière, où la minorité ne puisse plus bloquer les intérêts de la majorité, mais qu’ils trouvent un juste milieu.
La position de l’Union européenne à l’égard de la Russie ne se fondera pas toujours sur le plus petit dénominateur commun, le dénominateur le plus négatif. Je pense que la politique de l’Union européenne à l’égard de la Russie ne sera pas toujours largement – et parfois même essentiellement– déterminée par l’État qui quitte l’Union européenne.
Question 7: L’Europe est préoccupée par les prochaines élections européennes. Le risque de la radicalisation de l’Europe et de l’arrivé au pouvoir de l’extrême-droite fait la une des journaux. La Russie se voit souvent accusée, sinon d’avoir de la sympathie, de soutenir directement les forces d’extrême-droite en Europe. Est-ce que vous pouvez nous donner la position de la Russie à ce sujet ? |
Sergueï Lavrov: C’est une vision quelque peu erronée. C’est faux parce que ceux qui pensent cela et ceux qui expriment de tels discours connaissent mal la nature de notre peuple.
Notre peuple est très compatissant, accueillant sans être rancunier. Je ne veux pas rappeler des exemples historiques, mais le fait de notre réconciliation avec l’Allemagne est largement connu.
Pour le moment, presque rien ne sépare notre peuple du peuple allemand, sauf quelques petits jeux politiques qui n’ont rien à voir avec le peuple.
Pour parler franchement,
- quand on nous propose des relations constructives,
- quand on nous propose d’examiner des questions d’intérêt commun
- et quand nos partenaires sont prêts à une telle coopération équitable et sur la base du respect mutuel,
- d’un point de vue personnel je ne serais pas vraiment intéressé par les visions politiques de cette personne-là.
Si cette personne représente une force politique qui existe dans le cadre juridique légal, si cette personne ne viole par les lois de son pays ni le droit international, alors pourquoi cette personne devrait devenir infréquentable ?
A cause du simple fait que cette personne reflète des approches qui ne s’inscrivent pas dans le mainstream européen contemporain ? Alors ce ne serait pas démocratique.
Personne ne sait ce que sera le mainstream dans un certain nombre d’années.
Et peut-être les personnes marginales d’aujourd’hui, les populistes comme on les appelle, vont créer le nouveau mainstream à l’avenir. Personne ne le sait.
Et ensuite la démocratie c’est la démocratie.
Jörg Haider, leader de l’extrême droite autrichienne
Quand en l’an 2000 en Autriche il y a eu des élections parlementaires remportées par le parti de Monsieur Haider, qui était considéré par toute l’Europe comme populiste, prônant des valeurs inadmissibles pour la politique libérale, c’était tout de même le résultat de l’expression de la volonté démocratique du peuple autrichien.
Il a pourtant été forcé de démissionner.
Et si l’on parle de la démocratie sur le plan universel, en 2007 les Américains voulaient organiser des élections dans la bande de Gaza, en Palestine. Mais beaucoup disaient qu’avant d’organiser des élections il fallait s’assurer que toutes les forces politiques partageaient la même vision de ce processus et donc on a proposé de reporter ces élections.
Condoleezza Rice
Condoleezza Rice était à l’époque secrétaire d’État et elle a insisté sur l’organisation de ces élections, quasiment seule. Les élections ont été organisées, et c’est le Hamas qui a gagné.
Tout de suite les Américains les ont déclarées illégitimes même si tous les observateurs internationaux qui étaient présents ont dit que tout s’était déroulé dans les règles.
Ici, ce qui est important c’est de ne pas fixer d’objectifs artificiels.
Avec nos collègues français, italiens, les collègues provenant d’autres pays européens et avec nos partenaires régionaux, nous essayons de régler la situation en Lybie.
Nous avons beaucoup apprécié ce que le président Macron a fait en mai lorsqu’il a invité les quatre acteurs principaux du peuple libyen à Paris.
Participant à une conférence internationale sur la Libye sous l’égide des Nations unies à l’Elysée à Paris, le chef de l’Etat tunisien, Béji Caïd Essebsi, défendu son idée d’une “solution consensuelle et inclusive inter-libyenne qui respecte l’unité, la souveraineté et l’intégrité territoriale de ce pays, loin de toute ingérence dans ses affaires intérieures”.
Ils ont pu arriver à une entente. Ils ont posé le jalon du 10 décembre comme la date des élections en Libye. Malheureusement, l’entente trouvée à Paris n’est pas pleinement réalisée et il en résulte que ces forces principales libyennes ne peuvent pas arriver à un accord sur les modalités de fonctionnement de ce futur système politique.
Et dans ce contexte, selon plusieurs experts, il est très risqué d’organiser des élections.
En Libye aussi, comme au Yémen où nous appuyons l’envoyé spécial de l’ONU, nous appuyons les activités de M. Salam qui essaye de trouver des approches qui tiendront compte des positions de toutes les forces politiques avant qu’elles puissent se rendre aux urnes en toute conscience et en ayant des obligations mutuelles.
Question 8: Sous la présidence Trump, les États-Unis ont tourné le dos à des accords internationaux, notamment celui de Paris sur le climat et celui de Vienne sur le nucléaire iranien auquel vous avez consacré énormément de temps. En conséquence, avec un allié si imprévisible, et même si l’Europe traverse une crise, de nombreuses voix se élèvent pour réclamer une Europe plus autonome, notamment une défense plus indépendante. Comment verriez-vous l’émergence d’une Europe forte ? |
Sergueï Lavrov:Vous savez, c’est une question à adresser tout d’abord à l’Europe. Nous avons toujours dit – et c’est vraiment notre position, pas seulement des paroles – que nous sommes intéressés par une Europe unie, forte, prévisible.
En une Europe qui décide elle-même de son avenir, qui désigne elle-même ses partenaires et prend des décisions sur ses actions vis-à-vis des autres partenaires.
Je ne peux pas dire que maintenant l’Europe donne l’impression d’être autonome. Peut-être que les leaders européens s’en rendent compte et, par conséquent, cherchent à discuter de cette situation et à comprendre quelle est la place de l’Europe dans le monde contemporain.
Surtout quand le centre de développement économique se déplace désormais vers les régions d’Asie et du Pacifique.
On parle donc de la compétitivité de l’Europe, de la préservation des valeurs civilisationnelles, et nous considérons que l’initiative du président Macron pour la réforme de l’Union européenne ou plutôt pour le lancement d’une discussion sérieuse sur la réforme de l’UE reflète ces recherches.
Nous voudrions être également au courant de l’évolution de ces discussions, nous voudrions recevoir un briefing de nos collègues lors de nos prochains contacts pour comprendre comment ils voient cela.
Pour l’instant, il paraît que ces idées reposent sur une structure en cercles concentriques : il y aurait plusieurs catégories de membres – il y aurait une union monétaire, la plus intégrée, avec même un ministère des finances commun, une banque centrale commune.
Le deuxième cercle sera moins intégré, et le troisième sera représenté par les partenaires qui ne sont pas encore prêts à faire des pas sérieux.
On n’entend pas uniquement parler de l’économie et des finances, mais aussi de la sécurité. Les chefs d’États, y compris le président Macron, comme d’autres leaders européens, affirment ouvertement que l’Europe ne peut plus compter sur les seuls États-Unis en ce qui concerne sa sécurité. Je le dis d’un point de vue tout-à-fait neutre, je constate ce qui est déclaré dans les capitales européennes. C’est le droit de l’Europe. Il y a l’OTAN. Emmanuel Macron a dit que l’OTAN allait subsister dans tous les cas, c’est un fait acquis. Mais l’Europe veut, ou doit vouloir d’après lui, augmenter son autonomie dans le domaine de la sécurité et de la défense.
- Je ne sais pas comment cela sera formulé concrètement et comment cela sera harmonisé avec les obligations envers l’Alliance atlantique ?
Je vois et j’entends qu’à l’OTAN les Américains accordent une grande importance à ce sujet et promeuvent très activement ce qu’on appelle le Schengen militaire, soit l’idée d’arranger l’infrastructure européenne de sorte que les armements lourds puissent atteindre notre frontière plus vite.
Voilà ce que signifie en gros le Schengen militaire : toutes les manœuvres que mène actuellement l’OTAN dans les pays baltes, en Pologne, en Roumanie et dans d’autres pays, le déploiement des contingents allemand, canadien, anglais, français aussi je crois, dans les pays baltes comme en Pologne.
Et bien sûr l’idée de nos collègues polonais d’inviter une division américaine sur leur territoire, ce serait une violation de l’Acte fondateur Russie-OTAN qui interdit directement le déploiement de forces de combat considérables sur le territoire des pays de l’OTAN d’Europe centrale et orientale à titre permanent.
Tout cela représente des processus très intéressants. Nous allons les suivre car cela affecte directement notre sécurité. Il y a beaucoup d’idées. D’ailleurs en parlant des initiatives du président Macron, il a récemment proposé l’initiative européenne d’ingérence, qu’il a justifiée par la nécessité d’envoyer parfois des contingents – qui, d’après sa description, représentent ce qu’on appelait avant les corps expéditionnaires, même si ce n’est pas le terme qu’il a employé – dans les points chauds.
Les envoyer vite, sans attendre la décision non pas uniquement du Conseil de sécurité de l’ONU, mais même celle de l’OTAN ou de l’Union européenne.
Il s’agit donc d’un groupe de combat autonome qui agirait, apparemment tout d’abord en Afrique, d’après ce que j’ai compris. Je ne sais pas à quel point c’est réalisable, mais le fait que ce genre d’idées existent confirme que pour l’Union européenne le temps est venu de trouver des réponses aux questions impliquant sa sécurité. Je le redis : nous allons suivre cela attentivement.
Nous voulons une Union européenne forte et indépendante. Et nous voulons que les questions de sécurité en Europe ne soient pas une affaire réglée dans les couloirs entre l’Union européenne et l’OTAN, car il s’agit de notre continent commun, nous avons des frontières communes et on nous a promis beaucoup de choses quand nous avons retiré nos troupes d’Europe et quand l’OTAN s’est élargi.
Question 9: Ces menaces, ces manœuvres militaires à l’Est qui impliquent tous les pays que vous avez évoqués… Est-ce que selon vous nous sommes à la veille potentiellement d’une Troisième Guerre mondiale ? |
Sergueï Lavrov :Je pense que tout le monde sera assez raisonnable pour ne pas aller jusque-là.
Nous sommes quand même préoccupés par l’absence totale de dialogue professionnel entre les militaires russes et ceux de l’OTAN. Le Conseil Russie-OTAN dont le travail a été gelé par nos partenaires occidentaux s’est réuni à peu près trois fois durant ces dernières années sans produire aucun résultat.
Réunion du Conseil Otan-Russie
L’initiative de redémarrer ces réunions appartenait à l’OTAN, mais on nous a dit : «Nous voulons une réunion pour discuter de l’Ukraine.» J’essaie de rester poli, mais cela ne veut dire qu’une seule chose : qu’on voulait utiliser le Conseil Russie-OTAN comme un instrument supplémentaire servant à nous accuser de tous les péchés mortels et comme encore un moyen de satisfaire les caprices de nos voisins ukrainiens qui rêvent que les sanctions deviennent encore et encore plus dures, que la Russie soit toujours sous le feu des critiques.
Nous avons participé à ces discussions, comprenant que nous devions également discuter de l’Afghanistan, ce que nous avons fait, de la lutte contre le terrorisme et d’autres problèmes plus concrets que la crise ukrainienne que l’on garde artificiellement pour faire plaisir aux nationalistes radicaux et néo-fascistes ukrainiens.
Mais en plus de ces rencontres au niveau des représentants permanents, presque toutes les formes de coopération Russie-OTAN sont gelées,
même en Afghanistan où on effectuait avec succès un projet avec des hélicoptères, un programme de formation de spécialistes pour lutter contre le trafic de drogue en Afghanistan, pour lutter contre le terrorisme, et bien d’autres choses. Et le dialogue entre militaires a été complètement gelé.
chef d’état-major général, M. Guérassimov
De temps à autres, notre chef d’état-major général, M. Guérassimov discute au téléphone
le général Scaparrotti
avec le général Scaparrotti, mais ce n’est pas ce qu’il faut dans la situation actuelle, quand les risques d’incident involontaire s’accroissent. Un exemple récent : en Estonie un chasseur espagnol a par accident tiré un missile air-air. Dieu merci, il est tombé sans tuer personne mais s’il était tombé sur notre territoire et pas sur le territoire estonien ? C’était tout près.
C’est pourquoi un dialogue professionnel constant s’impose.
Et pour le moment, l’OTAN fuit ce dialogue. C’est dû en grande partie au fait que les lois américaines qui ont été adoptées pour imposer des sanctions à la Russie interdisent au Pentagone de coopérer avec le ministère russe de la Défense. Évidemment, sans les États-Unis, personne ne fait rien à l’OTAN. Regardez cette situation.
Je crois que c’est bête de rester otages des caprices du législateur américain.
En fin de compte, en Syrie, ils ont trouvé un moyen de commencer à travailler avec nous et continuent de travailler sur ce qu’on appelle le deconflicting pour éviter des affrontements. Avec l’OTAN, s’agissant du territoire européen que nous partageons, il n’y a rien de semblable.
En revanche, accumuler des armements à nos frontières, cette idée de moderniser l’infrastructure de transport en Europe de façon à ce que les armes lourdes américaines, et peut-être pas seulement américaines, mais aussi d’autres pays de l’OTAN, puissent parvenir plus facilement à notre frontière, les manœuvres militaires ouvertement provocatrices, évidemment pas les nôtres avec la Chine en Sibérie, mais en Ukraine, en Géorgie, dans la mer Noire…
L’Ukraine veut aussi inviter l’OTAN à faire des exercices dans la mer d’Azov, mais ils ne pourront pas y accéder, parce que notre traité avec l’Ukraine exige un accord mutuel pour le passage des navires militaires en mer d’Azov.
Mais c’est ce qu’ils veulent. Et on les incite activement à le faire. Et tout cela se passe, avec en toile de fond, la nouvelle doctrine nucléaire des États-Unis selon laquelle le seuil de l’emploi des armes nucléaires est abaissé radicalement et des charges nucléaires de très faible capacité sont créées.
La Russie et la Chine encerclées par une ceinture de conflits.
L’intention d’en faire un possible moyen de guerre est évidente. Cela va saper le concept de tous les accords qui existent, selon lequel ce sont des armes de dissuasion, d’endiguement mutuel, mais pas du tout une arme pour faire la guerre.
Or, ces charges de faible capacité sont pratiquement décrites comme des armes nécessaires pour faire la guerre dans cette nouvelle doctrine nucléaire. Depuis l’époque soviétique dans nos relations avec les Américains il y a eu, je crois, deux déclarations sérieuses qui constataient que la guerre nucléaire ne pourrait être gagnée par personne et donc, qu’elle ne pouvait pas avoir lieu. Dans les conditions actuelles, ce ne serait pas mal de réaffirmer cette thèse.
Question 10: Le patriarcat orthodoxe ukrainien a décidé de tourner le dos à Moscou et de prendre son indépendance par rapport à Moscou. Cela a une signification politique importante.
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Sergueï Lavrov : Vous savez, le patriarcat ukrainien n’a pas tourné le dos à l’Église orthodoxe russe car l’Église orthodoxe d’Ukraine du Patriarcat de Moscou s’oppose aux provocations du patriarche Bartholomée avec le soutien direct et public de Washington.
Le but de cette provocation est d’utiliser deux Églises non-canoniques, schismatiques, l’Église orthodoxe d’Ukraine du Patriarcat de Kiev et l’Église autocéphale ukrainienne. Ces Églises n’ont jamais été reconnues par aucune Église orthodoxe, mais pour procéder à cette provocation, le patriarche Bartholomée a récemment convoqué le Saint Synode à Constantinople, les a reconnues en tant que canoniques et a levé l’anathème visant les deux hiérarques qui dirigent ces deux Églises schismatiques.
La majorité des Églises orthodoxes autocéphales se sont déjà indignées.
Église orthodoxe autocéphale
Je ne pense pas que ce soit simplement une réaction de quelques jours, je pense qu’il s’agit d’un problème qui va durer.
L’idée est claire : faire un pas supplémentaire pour détacher l’Ukraine de la Russie non pas uniquement sur le plan politique mais aussi sur le plan spirituel.
Quand en Ukraine on adopte des lois privant les langues des minorités des droits dont elles jouissaient jusqu’à présent, c’est un pas dans la même direction. Très récemment, en plus de la loi que j’ai citée, une autre loi a été promulguée en première lecture. Elle s’appelle «Loi sur le fonctionnement de la langue ukrainienne en tant que la langue d’État».
Cette loi établit que tout l’enseignement en Ukraine, dans les écoles, à l’université, doit se faire en ukrainien. Les langues des minorités nationales peuvent être acceptées à l’école maternelle et à l’école élémentaire – soit les quatre premières années d’école – alors qu’une exception peut être faite pour l’anglais et les autres langues de l’Union européenne. Cela signifie que la seule cible est la langue russe parlée par la majorité écrasante des citoyens ukrainiens. Et pour beaucoup d’entre eux, c’est leur langue maternelle.
Nous avons demandé à M. Désir, représentant français de l’OSCE pour la liberté des médias, nous avons demandé aux organismes du Conseil de l’Europe ce qu’ils en pensaient et s’ils ne voulaient pas faire en sorte que cette loi n’aille pas au-delà la première lecture.
Nous verrons quelle sera leur réponse. Et en ce qui concerne l’intrusion dans la vie de l’Église… D’ailleurs, j’ai oublié de dire que la Constitution de l’Ukraine indique directement qu’il faut protéger le russe et les autres langues des minorités nationales. Donc ici il s’agit même d’une question du ressort de la Cour constitutionnelle. En ce qui concerne les problèmes de l’Église, l’intrusion dans la vie de l’Église est interdite par la loi en Ukraine comme en Russie et – je l’espère – dans tout autre État normal.
Le représentant américain en Ukraine, Kurt Volker
Mais
- quand l’envoyé spécial américain pour les relations avec les Églises salue ouvertement la décision de Bartholomée,
- quand Monsieur Volker qui est nommé par les États-Unis pour aider à régler la situation en Ukraine en se fondant sur les accords de Minsk déclare ce qu’il déclare par rapport à ces processus-là, on voit le bout de la queue du diable.
Et des gens qui ne peuvent pas nous fournir un seul fait pour appuyer leurs accusations infondées qu’on s’ingère dans les affaires internes de quelqu’un, se comportent comme si c’était normal.
Je ne parle même pas du fait que les ambassadeurs américains dans les pays comme la Macédoine, le Monténegro, la Serbie, devant les caméras… Ce n’est même pas la peine de citer l’Ukraine, ce pays est dans le fond dirigé depuis l’extérieur, tout le monde le sait.
Donc, on a assez de questions, y compris pour en discuter au Forum de Paris sur la Paix.
J’espère beaucoup que ces processus extrêmement négatifs qui se déroulent, quand la culture de dialogue, la culture de la négociation, la culture de la diplomatie cèdent la place à l’absence de culture, aux diktats et au chantage grossier, ne passeront pas inaperçus auprès des organisateurs du Forum de Paris sur la Paix.
Peut-être que c’est une discussion qu’il faut encore évaluer. Nous n’avons pas encore d’informations précises sur la façon dont cela sera structuré, quel sera l’agenda concret, mais nous attendons avec intérêt de savoir comment ce sera organisé et comment ce sera perçu par la société européenne.
Quant aux événements dédiés au 100e anniversaire de la fin de la Première Guerre mondiale, nous avons reçu l’invitation et nous y participerons, c’est sûr.
Question 11: Au niveau du président Poutine ? |
Sergueï Lavrov : C’est au Kremlin de répondre à cette question, parce que la participation du président Poutine à tel ou tel évènement est annoncée par son service de presse.
Question 12: Je voudrais revenir sur la question d’Idleb. Je voulais savoir : le président Bachar el-Assad a déclaré que la situation à Idleb n’était que temporaire, d’abord
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Sergueï Lavrov:Tout d’abord, cet accord est vraiment temporaire. Cette histoire prendra fin uniquement lorsque le pouvoir du peuple syrien sera rétabli en Syrie et que tous ceux qui se trouvent sur le sol syrien – surtout ceux qui n’y ont pas été invités – quitteront ce territoire.
Tout le monde comprend cela. Concernant la mise en œuvre des accords de Sotchi : ils sont appliqués, la zone démilitarisée est en train d’être créée autour du périmètre de cette région à Idleb et les armes lourdes sont retirées de cette zone.
Nos partenaires turcs œuvrent activement avec l’opposition, la convaincant de coopérer et cette coopération existe. Nous allons suivre cela de près.
Je ne suis pas d’accord avec vous sur le fait qu’Idleb est la dernière région de Syrie en difficulté. Sur le territoire syrien, il y a d’énormes étendues, à l’est de l’Euphrate, où se produisent des évènements complètement inacceptables. Les États-Unis essayent d’utiliser ces territoires à l’aide de leurs alliés syriens – tout d’abord, les Kurdes – pour créer un quasi-Etat.
Question 13: Qui sont encore contrôlés par Daesh… |
Frappes à At-Tanf: les États-Unis intéressés par le contrôle du pétrole + Base USA illégitime à Al-Tanf
Sergueï Lavrov: Non, la présence de Daesh sur ces territoires est limitée. Comme je vous l’ai déjà dit, les djihadistes de Daesh sont présents dans la région d’Al-Tanf qui a été créée par les États-Unis de manière illégitime – leur présence est totalement illégitime – mais cette région a en plus été créée unilatéralement.
Et selon nos informations – qui sont aussi connues par d’autres pays – les Américains transportent petit à petit des djihadistes de l’État islamique en Irak et en Afghanistan.
Mais sur ces territoires les États-Unis essayent, de manière totalement illégale, de créer un quasi-Etat, ils essayent de faire tout leur possible afin d’y créer les conditions pour que leurs protégés aient une vie normale, ils y créent des organes de pouvoir, destinés à remplacer les autorités légitimes de la République arabe syrienne, et favorisent activement le retour des réfugiés dans ces territoires, ainsi que leur réinstallation,
tandis que ni les États-Unis, ni la France, ni d’autres pays occidentaux ne veulent créer les conditions pour le retour des réfugiés sur les territoires contrôlés par le gouvernement légitime de la Syrie avant, comme nous le disent les pays occidentaux, le début d’un processus politique crédible.
La question est la suivante : pourquoi sur la rive est de l’Euphrate contrôlée par les États-Unis et leurs partisans locaux, il n’est pas nécessaire d’attendre le début d’un processus politique crédible ?
Il ne peut y avoir qu’une seule réponse : ils cherchent à y créer des territoires qui deviendront le prototype d’un nouvel État probable :
ce sera peut-être un nouveau jeu dangereux avec le Kurdistan, avec l’idée de créer un « grand Kurdistan ».
Ce n’est pas exclu, parce que les États-Unis, en général, essayent de maintenir une situation tendue dans cette région, pour que personne ne puisse se calmer. Dans des eaux aussi troubles, il leur est beaucoup plus facile de pêcher pour trouver ce qu’ils cherchent.
Cela n’a jamais mené à rien de bon et quand on nous dit que quelqu’un agit contre la volonté des États-Unis, souvenons-nous de l’Irak, de cette éprouvette du pauvre Colin Powell et, le plus important, l’annonce par George W. Bush en mai 2003 de la victoire de la démocratie en Irak, à bord d’un porte-avion.
- Qu’est-ce qui se passe en Irak aujourd’hui ?
- En Libye, on a aussi annoncé l’effondrement du dictateur. Hillary Clinton a suivi son assassinat en direct et s’en est réjouie. Qu’est-ce qui se passe aujourd’hui en Libye ?
On a cherché à faire la même chose en Syrie. Donc, l’aménagement de cette région et d’autres régions sur le modèle américain n’est pas vraiment un exemple à suivre.
SOURCE/http://www.mid.ru/fr/foreign_policy/news/-/asset_publisher/cKNonkJE02Bw/content/id/3377331