1 –La Roumanie sur le point de rejoindre l’Europe de la normalité familiale ? Coulisses d’un référendum…
2 — Roumanie post-référendum … radiographie d’une société malade

7 octobre 2018 – Par Modeste Schwartz.VisegradPost
1 –La Roumanie sur le point de rejoindre l’Europe de la normalité familiale ? Coulisses d’un référendum…
Roumanie – Depuis les années 1990, l’hégémonie croissante de la galaxie Soros sur la société civile roumaine s’est traduite par une intensification continue de la propagande LGBT. Obtenant assez vite des mesures assez peu controversées à l’époque (comme la dépénalisation de l’homosexualité), la croisade LGBT a ensuite assez vite laissé tomber le masque de l’égalitarisme civique, pour s’atteler à la réalisation du reste de l’agenda LGBT :
un programme de rééducation anti-familiale et anti-religieuse de la population, qu’il devenait d’autant plus difficile d’ignorer que les effets de son triomphe en Europe de l’Ouest devenaient de plus en plus visibles. |
L’hostilité d’une grande majorité de la population roumaine à l’encontre de cette ingénierie sociale d’un genre nouveau explique que, en dépit de la soumission totale des élites politico-médiatiques roumaines des 30 dernières années aux dictats occidentaux, aucun gouvernement roumain n’ait eu le courage de s’attaquer aux réformes juridiques (institutionnalisation du « mariage gay », etc.) qu’implique cet agenda.
Entre temps, la contre-attaque s’organise : depuis 2013, un regroupement d’ONG majoritairement chrétiennes nommé Coalition pour la Famille [1] milite contre l’agenda LGBT ; |
En juin 2016, une manifestation à Bucarest contre le mariage homosexuel.[DANIEL MIHAILESCU / AFP]
en 2016, elle a rassemblé trois millions de signatures en vue d’un référendum d’initiative populaire sur la définition du mariage.
Le président Johannis, dont l’administration aurait dû traduire en actes cette volonté populaire, avait balayé la pétition d’un revers de la main, traitant au passage les signataires (au nombre desquels, certainement, de nombreux électeurs de droite qui… venaient de voter pour lui !) de « fanatiques religieux ».
Néanmoins, en septembre 2018, ce projet de référendum chassé par la fenêtre est revenu par la porte des chambres parlementaires, qui ont voté pour son organisation, laquelle est devenue effective :
le référendum va bien avoir lieu, ces 6 et 7 octobre 2018. |
Les électeurs roumains devront répondre par OUI ou NON à la question : « Souhaitez-vous que la définition du mariage figurant dans la Constitution précise qu’il intervient entre un homme et une femme ? ».
En cas de victoire du OUI, il sera à l’avenir, sinon impossible, du moins très difficile d’adopter en Roumanie des lois permettant, par exemple, le « mariage gay » – à moins de modifier à nouveau la Constitution, au prix d’un nouveau référendum.
A son tour, l’organisation du référendum a suscité l’apparition d’une nébuleuse politico-digitale hostile, rassemblée sous le hashtag #boicot, et dont le personnel est grosso modo celui du mouvement #rezist, dont nous avons déjà eu l’occasion de parler [2] [3].
Un jeune homme brandit un drapeau de la fierté gaie durant une manifestation contre les changements proposés à la constitution roumaine sur le mariage. Photo : Reuters/Inquam Photos
Ultra-minoritaire dans le corps social, le mouvement #boicot, conscient de l’impossibilité d’une victoire du NON, cherche, en appelant au boycott, à obtenir l’invalidation du référendum à défaut de quorum (à peu près six millions d’opinions exprimées, soit 30% du corps électoral, étant nécessaires à sa validation). Le contexte culturel roumain obligeant le lobby LGBT local à plus de franchise que ses équivalents occidentaux, on a ainsi vu une faune politico-culturelle généralement classée très à gauche embrasser avec frénésie l’allergie d’un Wolfgang Schäuble à l’expression de la volonté populaire.
Face au tsunami de désinformation lancé, depuis sa position d’hégémonie culturelle et digitale, par le mouvement #boicot, et naturellement repris à l’étranger par tous les canaux de la presse libérale/mainstream, il convient d’abord de tordre le cou à un certain nombre de contre-vérités :
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Indépendamment de son résultat, une partie du bilan du référendum peut d’ores et déjà être tirée.
En effet, la meilleure des campagnes déroulées en faveur de la participation et du vote OUI a probablement été la prévisible levée de boucliers du camp euro-libéral tout entier, et notamment la tragicomédie du lundi 1er octobre au Parlement européen, où tout l’appareil eurocratique semblait s’être donné pour mission de garantir, par son arrogance et sa malhonnêteté intellectuelle, une victoire écrasante à Liviu Dragnea non seulement au référendum, mais même aux européennes de 2019.
Liviu Dragnea, le président du parti actuellement au pouvoir en Roumanie, le Parti social-démocrate (PSD
De très nombreux roumains ont suivi, à la télévision et en ligne, ce rituel d’humiliation publique des cousins pauvres et arriérés de l’Est, dans lequel hollandais et allemands, jamais élus ou mal élus, s’emploient à apprendre les bonnes manières « démocratiques » à des gouvernements reposant sur des majorités parlementaires et électorales telles que l’Ouest n’ose plus en rêver.
Judith Sargentini speaks in plenary. [European Parliament
Et le référendum, qui n’était pourtant pas au menu, s’est invité au débat, l’ineffable Judith Sargentini déplorant à haute voix que les Roumains disposent, ce week-end, de deux jours (samedi et dimanche) pour voter.

Franciscus Cornelis Gerardus Maria Timmermans, dit Frans Timmermans, né le 6 mai 1961 à Maastricht, est un homme politique et diplomate néerlandais, membre du Parti travailliste
Quant au très digne Frans Timmermans, il a poussé la magnanimité jusqu’à reconnaître que la politique familiale est du ressort des États membres, mais uniquement pour aussitôt ajouter qu’il voyait, pesant sur ce référendum, le soupçon de vouloir « instrumentaliser politiquement la haine des minorités » ;
L’invité politique de 8h15 du 23 août 2017 : Nicolas Bay,
comme l’a ensuite fort justement remarqué Nicolas Bay du Rassemblement National français, l’eurocratie est toujours prête à respecter les prérogatives des États membres, mais à la condition implicite qu’elle ne servent qu’à produire des législations toujours plus libérales-libertaires.
Europarlamentarul PNL Traian Ungureanu
Du coup, en dépit de quelques défections de droite (comme celles de Traian Ungureanu et de Laurențiu Rebega, proche de Victor Ponta[9])
Victor Ponta
qui, a priori, devrait politiquement coûter assez cher à leurs auteurs en 2019, les eurodéputés roumains, toutes couleurs confondues, ont fait preuve d’une combativité sans précédent depuis l’adhésion de la Roumanie, et serré les rangs autour de la Premier ministre Viorica Dăncilă.
Viorica Dăncilă
Cette dernière, au lieu de s’excuser d’exister comme l’avaient toujours fait les Roumains à Bruxelles et Strasbourg, a défendu dignement, mais sans faiblesse, la souveraineté de son pays.
Comme Viktor Orbán quelques jours plus tôt, elle est sortie grandie de l’épreuve : à cette petite femme un peu timide, aux talents rhétoriques contestables, jusqu’ici vaguement méprisée même dans son propre camp, on octroie désormais des surnoms comme « la dame de fer roumaine ».
Commentant à son tour le débat depuis Bucarest, Liviu Dragnea, dans la déclaration la plus dure jamais faite par un leader PSD à l’encontre des institutions communautaires, a déclaré que « la Roumanie ne se laisserait pas mettre à genoux ».
Par conséquent, quand bien même rien dans l’histoire institutionnelle de ce référendum ne permet de le décrire comme une opération « partisane » de la coalition au pouvoir à Bucarest, on voit assez clairement les bénéfices politiques que Liviu Dragnea peut en tirer – à savoir, ceux-là mêmes que Viktor Orbán a précédemment tirés de la tragi-comédie « rapport Sargentini » : montrer aux tièdes de son camp, tentés par un retour à l’euro-soumission, le vrai visage de l’euro-impérialisme politico-culturel ; et exposer ses adversaires politiques (comme les sieurs Ungureanu et Rebega), trop mous face à l’ingérence occidentale, au soupçon de trahison des intérêts de la nation.
L’homme fort de la gauche au pouvoir en Roumanie Liviu Dragnea a remporté une victoire en étant confirmé à une écrasante majorité à la tête de son Parti social-démocrate (PSD)
Enfin, en rejoignant la Hongrie, la Pologne et la Slovaquie dans le camp des États institutionnellement opposés à l’agenda LGBT, Dragnea brûle les navires de l’euro-soumission roumaine, en rendant de plus en plus improbable toute réconciliation avec un Occident qui semble, ces temps-ci, avoir fait du libéralisme sexuel de marque LGBT sa nouvelle religion de facto.
Les eurocrates sont-ils conscients du danger de consolidation d’un front populiste de l’Europe post-communiste ?
Difficile à dire, tant ils semblent par ailleurs le favoriser par leur arrogance apparemment stupide. En revanche, l’attitude conciliatrice qu’ont adoptée lors du débat les membres occidentaux du Parti Socialiste Européen (dont le PSD fait partie), jouant le rôle du « bon policier » pendant que certains populistes occidentaux de droite (comme l’autrichien Harald Vilimsky) en rajoutaient dans la calomnie, semble suggérer qu’au moins certains d’entre eux ont compris que l’exploitation des vieux réflexes droite/gauche[10] – qui opposent potentiellement entre eux tchèques et polonais, hongrois et roumains, etc. – risque de fournir l’une des dernières chances de survie du navire euro-mondialiste.
Et en effet, la tentation de troquer en 2019 le rêve de l’émancipation nationale contre la menue monnaie d’une « prééminence au sein du PSE » est un motif récurrent du discours de certains analystes proches du PSD, exactement comme Viktor Orbán et les siens parlent (mais y croient-ils (encore) ?) de « retourner le PPE » dans un sens illibéral.
En 2019, n’en doutons pas, quelqu’un va duper, et quelqu’un va être dupé. Reste à savoir qui. |
1Laurenţiu Rebega, parlementaire européen roumain depuis 2014, a eu un parcours particulièrement surprenant, puisqu’il a successivement siégé dans le groupe socialiste au Parlement européen, puis à partir de 2015 dans le groupe ENL où se trouve le FN français, et a rejoint en avril 2018 le groupe conservateur ECR.
Liens
- https://en.wikipedia.org/wiki/Coali%C8%9Bia_pentru_Familie
- https://visegradpost.com/fr/2017/06/25/les-reseaux-plus-ou-moins-secrets-de-loccident-en-roumanie-objectif-canaux-et-resultats/
- https://visegradpost.com/fr/2017/11/08/a-force-de-chevaucher-la-lutte-anti-corruption-johannis-pourrait-bien-la-tuer/
- https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89glise_grecque-catholique_roumaine
- https://visegradpost.com/fr/2017/02/02/roumanie-revolte-certes-mais-de-qui-contre-qui/
- https://visegradpost.com/fr/2018/05/29/comment-visegrad-est-devenu-une-necessite-vitale-pour-la-hongrie-et-vice-versa/
- https://visegradpost.com/fr/2018/02/19/lecole-qui-humilie-les-roumains-et-la-soupe-qui-les-magyarise-grand-concert-de-propagande-imperiale-a-bucarest/
- http://plakatmagany.transindex.ro/marko-bela-ezuttal-nem-talalkozunk/
- https://visegradpost.com/fr/2017/06/21/roumanie-lautre-pays-du-coming-out/
- https://visegradpost.com/fr/2018/09/17/a-louest-rien-de-nouveau-et-a-lest/
source/https://visegradpost.com/fr/2018/10/07/la-roumanie-sur-le-point-de-rejoindre-leurope-de-la-normalite-familiale-coulisses-dun-referendum/
2 — Roumanie post-référendum … radiographie d’une société malade

Roumanie – Le samedi 6 et le dimanche 7 octobre derniers, un peu moins de 4 millions de citoyens roumains se sont déplacés jusqu’aux urnes pour se prononcer dans le cadre du référendum dit « référendum sur la famille », soit un peu plus de 20% du corps électoral officiel (pourquoi « officiel » ? – cf. ci-dessous).
Le dépouillement est encore en cours au moment où j’écris, mais, les partisans (de facto) du NON (et donc, implicitement, du « mariage gay ») ayant appelé au boycott, il est d’ores et déjà évident que la grande majorité des votants a opté pour OUI – en vain, puisque le quorum de 30% de participation n’a officiellement pas été atteint.
Grosse déception pour le camp du OUI, qui s’attendait à des résultats faramineux. Ce dernier, néanmoins, pourrait considérer que rien n’est perdu : tout observateur connaissant un tant soit peu la Roumanie sait bien qu’en cas de vote obligatoire, une grande majorité des abstentionnistes aurait elle aussi voté OUI, et qu’il s’agit donc avant tout d’un problème de mobilisation.
Et comme tous les partis parlementaires (sauf un) et toutes les églises (sauf une) avaient appelé à participer, le bilan politique de l’opération pourrait, lui aussi, être considéré comme nul – ce qui, bien entendu, n’empêchera pas le camp #rezist de la « société civile » sur fonds occidentaux de jubiler et d’appeler à la démission du gouvernement, mais aussi et surtout à son wet dream préféré : l’emprisonnement de Liviu Dragnea (auteur, rappelons-le, d’une loi sur les redevances gazières[1] qui gêne bien des multinationales).
L’ennui – et pas seulement pour le gouvernement ou pour Liviu Dragnea –, c’est que cette démobilisation n’est pas seulement ponctuelle, accidentelle. Elle est aussi structurale, et renvoie à des fissures profondes de l’édifice social roumain, lesquelles font à mon avis planer un doute sur l’avenir même de la Roumanie comme nation et comme État. |
Certes, le camp du OUI avait commis la plupart des erreurs tactiques qu’il était possible de commettre.
La campagne, trop courte, n’a probablement pas permis de toucher les couches culturellement les plus conservatrices de la société roumaine, couches rurales vivant dans un univers non-connecté et difficile d’accès, où, les sexualités « innovantes » restant (si elles existent) très discrètes, la plupart des électeurs potentiels n’ont probablement pas compris l’enjeu de la consultation.
Coupler le référendum aux prochaines élections aurait, au contraire, permis de s’assurer d’une bonne participation, tout en laissant à la pédagogie le temps d’agir
Sur ce point au moins (celui du calendrier), il faut probablement donner raison à l’opposition #rezist, qui accuse Liviu Dragnea d’avoir voulu instrumentaliser politiquement ce débat de société.
On a aussi relevé une certaine nonchalance de l’église orthodoxe, colosse immobile qui semblait aller à la bataille à reculons, et avant tout pour ne pas se laisser complètement déborder par l’activisme zélé des néo-protestants, qui ont été les véritables vainqueurs de ce scrutin : tous les départements (surtout nordiques) à forte participation (20% et plus) sont leurs départements de forte implantation, alors que beaucoup des départements de la queue du classement|2] sont (notamment au Sud-est) des départements « d’orthodoxie profonde » (comptant très peu de néo-protestants et pratiquement aucun uniate ou hongrois).
L’Église orthodoxe roumaine est une juridiction autocéphale de l’Église orthodoxe. Son Patriarche porte le titre d’« Archevêque de Bucarest, Métropolite de Munténie et Dobrogée, Locum Tenens de Césarée de Cappadoce, Patriarche de toute la Roumanie et président du Saint Synode, avec résidence à Bucarest ».
Telle est donc la première fissure structurale qui vient d’apparaître : véritable colonne vertébrale de la nation roumaine (qu’elle a historiquement contribué à former, bien plus que le jeune et fragile État roumain), l’église orthodoxe perd rapidement du terrain, et semble manquer soit des compétences nécessaires pour inverser cette tendance, soit de la volonté de le faire, soit des deux. |
Ce constat est d’autant plus angoissant que pour sauver la dynamique nationale, le politique, ici, ne semble pas appelé (comme, par exemple, en Hongrie ou en République Tchèque) à venir à la rescousse d’une conscience religieuse défaillante : ces départements du Sud-est qui ont boudé plus que d’autres le référendum sont un bastion du Parti Social-Démocrate au pouvoir, censé profiter politiquement d’une forte mobilisation.
Ils abritent même les fiefs personnels de Liviu Dragnea et de « sa » Premier ministre Viorica Dăncilă !
On se laisserait donc facilement tenter par la conclusion suivante : traumatisée par les politiques (à plus d’un titre) anti-sociales de l’ère Băsescu, la population roumaine ne veut pas d’un retour au pouvoir de la « droite », et soutient à ces fins mollement le PSD, considéré comme moins antipatriotique et moins néo-libéral que le reste du spectre politique ; mais le PSD, idéologiquement trop vague et communiquant mal, ne suscite pas de véritable adhésion émotive dans son électorat, et les fortes majorités électorales qu’il remporte reflètent plutôt la nullité de l’opposition[3] que son propre talent.
Mais il y a plus grave. Moralement démobilisée, la population roumaine est aussi en partie physiquement dispersée au-delà des frontières du pays, dans des proportions difficiles à évaluer (étant donné que beaucoup de ceux qui partent n’officialisent aucunement leur départ), mais qui dépassent très probablement les chiffres officiels – d’où les précautions de langage adoptées ci-dessus pour parler du corps électoral et du quorum. |
Presque 2,58 millions de Roumains, représentant presque 12% de la population totale du pays, ont vécu à l’étranger pendant plus d’un an, d’après l’Indicateur Social de la Fondation Friedrich Ebert.Le pourcentage des Roumains qui vivent et travaillent à l’étranger est presque double pour la tranche d’âge entre 25 et 40 ans, étant la période la plus active sur le marché du travail mais aussi en termes de fécondité. Ainsi, 1 Roumain sur 5 dans cette tranche d’âge vit et travaille à l’étranger. De plus, leurs enfants seront nés à l’étranger. Presque 5% des enfants roumains de moins de 4 ans vivent à l’étranger et le pourcentage s’élève à presque 8% pour la tranche d’âge de 5 à 9 ans. Selon l’étude, le pourcentage des Roumains qui vivent à l’étranger sur le long terme est plus élevé dans les régions urbaines (15,9%) que dans celles rurales (6,1%), probablement à cause du fait que beaucoup de gens de la campagne travaillent à l’étranger sur des contrats saisonniers. Le plus grand nombre de Roumains vivant à l’étranger se trouve dans la région du nord-est (Moldova/la Moldavie), à savoir 17,7% de la population dans cette région. Celle-ci est aussi la plus pauvre région de la Roumanie et une des cinq plus pauvres régions de l’Union Européenne, avec un PIB par habitant de seulement 36% de la moyenne de l’UE, d’après les données d’Eurostat. L’étude de la Fondation Friedrich Ebert repose sur les données officielles de l’Institut National des Statistiques (INS), et indique que la Roumanie compte au total 22,2 millions d’habitants et une population résidente de 19,6 millions d’habitants. |

En effet, le pourcentage de participation anormalement bas constaté dans certains départements très ruraux et culturellement conservateurs (comme Gorj, Vâlcea ou Sălaj) reflète très certainement moins un improbable glissement de terrain idéologique que le fait que les listes électorales y sont bourrées de citoyens dont certains n’ont plus mis les pieds au pays depuis des années, dont souvent les enfants grandissent – en Italie, Espagne, France ou Allemagne – sans apprendre le roumain, et qui ne sont ni actifs, ni contribuables en Roumanie, où leur statut sociologique de facto, en dépit de leur ethnicité, est celui de touristes.
Ce problème, qui affecte aussi d’autres pays de la région à forte émigration (Moldavie, Serbie, Bulgarie – dans l’ordre de gravité) touche aux racines même de l’État-nation territorial moderne, et appelle des solutions non moins radicales.
En effet, outre leur rôle de « perturbateurs statistiques » dans les questions de quorum, ces compatriotes-touristes posent aussi problème quand il choisissent de voter : comme souvent il n’ont pratiquement plus d’intérêts matériels sur place, leur choix électoral a tendance à être guidé par le seul critère de la compatibilité de tel ou tel programme avec la pérennisation de leur stratégie migratoire individuelle, c’est-à-dire, concrètement, avec le maintien de la Roumanie dans l’UE (plus, éventuellement, son entrée dans Schengen).
Et en effet, rien n’interdit de penser que, chez les parents restés au pays de ces « roumains de l’extérieur », la propagande en faveur du boycott – qui accusait, entre autre, ce référendum de vouloir « éloigner la Roumanie de l’Europe » – n’ait fait mouche ; non pas que les roumains de ces groupes sociaux (principalement ruraux, et souvent religieux) aient une quelconque sympathie pour l’agenda LGBT, mais dans leur vision encore largement tribale de l’existence, la pérennisation de leur stratégie de promotion sociale par l’émigration vers des pays à salaires plus élevés passe loin devant la protection institutionnelle de la famille, des jeunes générations et de la nation. D’où, par exemple, leur soutien indéfectible à des Gauleiters de l’eurocratie comme Klaus Johannis ou Traian Băsescu.
SOURCE CARTE / https://www.courrierinternational.com/grand-format/carte-cette-europe-qui-dit-non-bruxelles
En d’autres termes : indépendamment de leurs opinions politiques (à supposer qu’ils en aient), les « cueilleurs de fraises » (surnom donné aux migrants roumains) constituent, pour tout pouvoir roumain cherchant à s’émanciper de la tutelle néocoloniale de l’Occident, une cinquième colonne dotée d’une réelle capacité de nuisance.
A terme, la Roumanie devra choisir : ou bien devenir une nation extraterritoriale comme les Arméniens
(quoique a priori pas aussi bien située sur l’échelle internationale des fortunes commerciales),
ou bien renoncer au bois mort de ces cousins qui n’aiment leur patrie que pour mieux l’abandonner.
Une troisième solution, souvent discutée depuis que la Roumanie (pour des raisons tant démographiques qu’économiques) a rejoint le club des pays centre-européens sans chômage,
serait le « retour des exilés » ;
elle se heurte néanmoins au différentiel de revenus entre Occident et Roumanie, qui, tout en se réduisant, reste considérable, mais aussi (plus discrètement) au fait qu’une grande partie desdits « exilés » ont déjà été acculturés, et ne se sentent plus vraiment chez eux dans ce pays « rétrograde » qu’est, pour tout occidental, la Roumanie.
La dernière fissure dont je souhaite ici parler tient aussi à la définition de la nation.
Certains citoyens roumains (tziganes, hongrois, ruthènes, serbes etc.) ne sont pas ethniquement roumains. La plupart de ces minorités ethniques sont minuscules, et la minorité tsigane, numériquement considérable, est nationalement informe, sans identité unitaire.
Communes dans les lesquelles les Hongrois forment plus de 20 % de la population.
Mais l’une d’entre elle – la minorité hongroise – rassemble autour d’un million (officiellement davantage, pour les raisons mentionnées ci-dessus) de citoyens roumains de langue hongroise, pour la plupart aussi détenteurs d’un passeport hongrois, dotés d’institutions scolaires et d’une presse en langue hongroise.
Or ce référendum a donné l’occasion d’observer le comportement doublement anormal de cette minorité, dont le choix politique majoritaire (en l’occurrence : l’abstention), tout en la singularisant en Roumanie (les deux départements les plus hongrois sont aussi les deux derniers de la liste des statistiques de participation), l’oppose aussi idéologiquement au mainstream politique de la Hongrie actuelle (c’est-à-dire à l’illibéralisme de Viktor Orbán{4]).
Pour parfaire l’opacité de la situation, ajoutons que beaucoup de ces hongrois de Transylvanie qui – par libéralisme europhile et/ou haine viscérale d’un PSD allié au FIDESZ de Viktor Orbán – ont boycotté le référendum, sont les mêmes qui, en tant que citoyens de Hongrie, ont voté pour ledit FIDESZ en avril dernier (le contraire est arithmétiquement impossible, les taux – astronomiques – de vote FIDESZ et d’abstention au référendum étant à peu près les mêmes).
- Faut-il, donc, s’attendre à l’émergence, entre Roumanie populiste et Hongrie illibérale, d’une mini-Hongrie transylvaine LGBT, appelée à faire pendant à l’Écosse dans ce qui pourrait bien devenir « l’archipel des provinces d’outre-mer du IVe Reich métrosexuel » ?
- C’est ce dont certains intellectuels hongrois urbains de Cluj ou de Târgu-Mureș rêvent aujourd’hui à haute voix – mais leurs rêves ont-ils une assise réelle ?
Rien n’est moins sûr.
A vrai dire, en milieu rural et dans les petites villes, et surtout dans les tranches d’âge supérieures et dans les zones de peuplement magyarophone compact (Pays Sicule), la sensibilité d’un électorat plutôt conservateur à la propagande libérale confectionnée à Cluj tient surtout au fait que ces hongrois-là ne s’intéressent absolument pas à la vie politique roumaine et ne suivent pas les médias roumains ; or les libéraux europhiles jouissent d’une hégémonie médiatique totale au sein de la minorité hongroise de Roumanie.
La responsabilité de ce détournement d’avion réussi incombe donc pour partie à la naïveté des hongrois de Transylvanie, trop habitués au rôle gratifiant de minorité-victime chérie par les eurocrates : culturellement conservateurs, certains sont allés jusqu’à sciemment saboter un référendum dont ils approuvaient le principe, par pur ressentiment anti-roumain – s’imaginant probablement que, le jour où la majorité ethnique pourrait leur présenter la facture de cette stratégie suicidaire, Frans Timmermans viendra à leur secours à la tête d’une Panzerdivision.
Frans Timmermans
Mais elle incombe aussi, pour partie, au FIDESZ de Budapest, qui, depuis des années, non seulement ne lance aucun Kulturkampf pour reconquérir ces âmes transylvaines transformées en consciences cosmopolites par une longue promiscuité avec la galaxie Soros, mais s’emploie même à financer très généreusement une presse transylvaine magyarophone libérale jusqu’à l’os ; cette dernière, en contrepartie, met en sourdine la haine viscérale que lui inspire la Hongrie illibérale de Viktor Orbán, et oriente mollement le vote sicule vers les bulletins FIDESZ lors des élections hongroises, tout en se réservant le droit de l’orienter contre les alliés roumains du FIDESZ lors d’élections roumaines.
En d’autres termes : d’orienter l’opinion hongroise locale en faveur des pires ennemis de la Hongrie : la « droite » roumaine – mais surtout les marionnettistes occidentaux qui l’orientent depuis des décennies[5].
Tout en s’imaginant culturellement supérieurs à la majorité ethnique, les hongrois de la minorité reproduisent donc en réalité, à leur échelle, toutes les tares de cette dernière :
- apolitisme, désertion migratoire, déchristianisation (accompagnée d’une rechristianisation néo-protestante)
- et (s’agissant notamment de leurs élites politiques et culturelles) absence de toute vision cohérente susceptible de fournir une alternative à l’euro-mondialisme agonisant.
Majorité malade, minorité schizophrène : si ce beau cocktail explosif ne produit pas les effets (« à l’ukrainienne ») qu’on pourrait en craindre, ce sera, hélas, très probablement parce que la bataille prendra fin, avant même de commencer, faute de combattants – trop occupés à conduire des uber à Dublin et à récurer des toilettes à Hambourg.

Liens
- https://visegradpost.com/fr/2018/07/15/gaz-mer-noire-dragnea-etat-profond-roumanie/
- http://prezenta.bec.ro/referendum/country
- https://visegradpost.com/fr/2017/02/24/roumanie-hongrie-brouillage-ideologique-realites-nationales/
- https://visegradpost.com/fr/2018/07/30/discours-tusvanyos-buts-esquives-viktor-orban/
- https://visegradpost.com/fr/2017/06/25/les-reseaux-plus-ou-moins-secrets-de-loccident-en-roumanie-objectif-canaux-et-resultats/
source/ https://visegradpost.com/fr/2018/10/09/roumanie-post-referendum-radiographie-dune-societe-malade/

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