1- CATALOGNE OU LA RÈGLE DE TROIS –Guillaume Berlat…. LES GRANDES CONTRADICTIONS D’UNE SOI-DISANT DÉMOCRATIE !
2 – LE PATAQUÈS BACHAR AL-ASSAD – Ali Baba. … DES INGÉRENCES…QUI ONT RATÉ LEUR COUP !
3 – ENTRE SÉCURITÉ ET LIBERTÉ – Jean Daspry. … VIVRE SANS LIBERTÉS POUR CONTRER LE TERRORISME ???
4 – MORALISATION DE LA VIE PUBLIQUE : LES GAITÉS DE L’ESCARDRON – Guillaume Berlat. … LES ÉLUS FRANÇAIS … CHARITÉ BIEN ORDONNÉE …
5 – SARKOZY-KADHAFI : JE T’AIME MOI NON PLUS13 – Guillaume Berlat. … LES DONNEURS DE LEÇONS ASSASSINS !
6 – PALESTINE -– Alain Bittar.… LES NOUVEAUX « INDIENS » DU 21ème SIÈCLE !
1 – CATALOGNE OU LA RÈGLE DE TROIS
- Guillaume Berlat.
« Errarre humanum est, perserverare diabolicum ». Manifestement, dans cette période de « défaite de la pensée »1, le premier ministre espagnol, Mariano Rajoy ne semble pas faire exception à la règle. Il a lamentablement échoué dans son opération de reconquête de l’opinion publique catalane attirée par les sirènes de l’indépendance. Les élections anticipées du 21 décembre 2017 ont redonné une majorité au bloc indépendantiste grâce à une performance bien plus solide qu’attendu de la formation de Carles Puigdemont.
Depuis Bruxelles, où il vit en exil depuis fin octobre, le President destitué lance : « La République catalane l’a emporté sur la monarchie du 155 », en référence à l’article 155 de la Constitution espagnole, qui a permis à Madrid de placer la Catalogne sous tutelle et suspendre son exécutif régional. « Ces élections avaient été organisées pour être remportées par l’unionisme. Mais […] la majorité absolue de l’indépendantisme reste intacte », a-t-il insisté. C’est « un résultat que personne ne peut discuter », a-t-il martelé, alors que le référendum pour l’indépendance du 1er octobre, où le « oui » l’avait largement emporté, n’avait pas été reconnu par les autorités nationales2. Si l’on essaie de porter un regard objectif sur le trimestre écoulé – nous ne portons pas de jugement de valeur sur la démarche irrédentiste -, l’affaire catalane peut se résumer autour du chiffre trois.
TROIS DATES POUR L’INDÉPENDANCE
Le psychodrame (ce pourrait être l’affiche d’un match de football entre le Real de Madrid et le FC Barcelone) dont nous sommes aujourd’hui les témoins peut sommairement se réduire à trois dates symboliques dans le bras de fer qui oppose le chef indépendantiste catalan, Carles Puigdemont au premier ministre, Mariano Rajoy.
- Tout d’abord, le 1er octobre 2017, date du référendum organisée par la région de Catalogne contre l’avis de Madrid qui débouche sur la victoire des indépendantistes, même si le terme mérite d’être nuancé depuis cette date.
- Ensuite, c’est celle du 27 octobre, date à laquelle le gouvernement central de Madrid décide de mettre sous tutelle la région de Catalogne (mise en œuvre de l’article 155 de la constitution espagnole) et embastille les principaux responsables d’Ensemble pour la Catalogne, exception faite de ceux qui se sont envolés pour Bruxelles. L’autonomie de la région est suspendue, une première dans l’histoire de la démocratie espagnole.
- Enfin, le 21 décembre 2017, celle des élections organisées par le gouvernement central de Madrid pour contourner les résultats du 1er octobre 2017.
Résultat,
- le parti de Carles Puigdemont obtient 25% des voix et 37 députés.
- Le bloc indépendantiste obtient 70 sièges sur 135.
- Pour l’opposition, le parti Ciudadanos (née en 2006) fait une percée remarquée en remportant 37 sièges.
- Avec le PSC (parti des socialistes de Catalogne) et le PP (parti populaire), elle rassemble 57 sièges et 43,3% des voix.
- Podemos remporte 8 sièges.
TROIS CLAQUES POUR MARIANO RAJOY3
Avec un taux de participation de près de 80% contre 75% en 2015 (contrairement à ce que beaucoup d’experts avaient expliqué, cette poussée de la participation n’a pas mécaniquement profité aux partis unionistes), c’est le pire résultat possible pour le chef du gouvernement qui espérait une débandade en règle pour le parti de son ennemi juré, Carles Puigdemont.
Il signe un triple échec pour Mariano Rajoy.
- Tout d’abord, son épouvantail, l’indépendantisme, conserve la majorité absolue au Parlement catalan.
- Pire encore, son rival, Ciudadanos, devient la force la plus votée en Catalogne.
- Enfin, son parti, le PP, s’effondre, jusqu’à perdre son propre groupe parlementaire propre.
Ceci constitue un « immense succès » pour le premier ministre espagnol !
C’est le moins que l’on puisse dire. Son opération électorale organisée dans la plus grande précipitation lui revient à la figure par effet boomerang, se transforme en Berezina. Lui qui se présentait comme le garant de l’unité espagnole, le moins que l’on puisse dire est que c’est raté. Lui qui déclarait il y a quelques jours encore : « nous sommes du bon côté de l’Histoire »4. Il est toujours hasardeux de convoquer l’Histoire.
TROIS REVERS POUR L’UNION EUROPÉENNE
Du haut de son Aventin, de sa superbe, le machin européen porte une part de responsabilité dans le drame catalan et, cela, à trois titres.
- D’abord, depuis des décennies, l’Union européenne pratique une politique irresponsable de l’autruche face aux régionalismes en favorisant les nationalismes régionaux5.
- De plus, les eurobéats proposent de dépasser les États-nations pour mettre sur pied une Europe des régions. Manifestement, ils n’ont rien compris à ce qui se passe sur le continent (Cf. entrée de l’AFD au Bundestag et de ministres régaliens au gouvernement autrichien).
- Ensuite, l’Europe, qui proclame qu’elle défend des valeurs, se moque du principe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. En réalité, elle le foule aux pieds en contradiction avec ce qu’elle proclame6. Ce serait plutôt une défense des valeurs à géométrie variable.
- Enfin, dans l’affaire catalane, l’Union européenne et ses États membres privilégient la politique du chien crevé au fil de l’eau au lieu de favoriser le dialogue à travers une médiation discrète entre les deux frères ennemis. Ce faisant, elle favorise implicitement l’indépendantisme en Europe. Attendons de voir venir d’autres revendications dans les années à venir !
Quel gâchis ! Ces élections confirment la fracture de la Catalogne profondément divisée entre les partisans et les opposants à l’indépendance de la région.
- Comment le premier ministre affaibli qu’est Mariano Rajoy parviendra-t-il à réconcilier durablement la Catalogne avec elle-même et avec le reste de l’Espagne ?7
Rien n’est moins sûr. À l’issue du scrutin, Carles Puigdemont propose une rencontre avec Madrid qui lui est aussitôt refusée.
Plus encore, la crise catalane est une crise européenne : celle des États-nations devenus incapables de réduire les inégalités en leur sein et d’écouter leurs citoyens8. La verticalité du pouvoir a ses avantages mais aussi de multiples inconvénients. Comment parvenir un équilibre entre forces contradictoires, centripètes et centrifuges ? La crise catalane, c’est la règle de trois.
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1 Alain Finkielkraut, La défaite de la pensée, Gallimard, 1987.
2 Ludovic Lamant, Les indépendantistes catalans emportent à nouveau la majorité, http://www.mediapart.fr , 22 décembre 2017.
3 Isabelle Piquer, Le triple échec de Mariano Rajoy, Le Monde, 23 décembre 2017, p. 4.
4 Éditorial, Le pari perdu de Mariano Rajoy, Le Monde, 23 décembre 2017, pp.1 et 19.
5 Ghjiseppu Lavezzi, Que l’UE cesse sa politique de l’autruche face aux régionalismes, Le Monde, 22 décembre 2017, p. 19.
6 Ulrike Guérot, Plaidoyer pour une République européenne, Le Monde, 23 décembre 2017, p. 17.
7 Sandrine Morel, En Catalogne, les indépendantistes remis en selle face à Madrid, Le Monde, 23 décembre 2017, p. 2.
8 Gabriel Colomé/Gabrielle Siry Molina, L’indépendantisme a de beaux jours devant lui, Le Monde, 23 décembre 2017, p. 17.
2 – LE PATAQUÈS BACHAR AL-ASSAD
– Ali Baba.
S’il y a bien un dossier international sur lequel la diplomatie française devrait adopter un profil bas c’est bien sur le dossier syrien.
Tout le monde garde à l’esprit les erreurs invraisemblables de nos deux crânes d’œuf successifs à la tête du Quai d’Orsay
- qu’il s’agisse d’Alain Juppé avec la fermeture de notre ambassade à Damas
- ou de Laurent Fabius qui donnait trois mois de vie à Bachar Al-Assad en août 2012.
Résultat, la France s’est elle-même isolé en voulant pratiquer une diplomatie moralisatrice en lieu et place d’une diplomatie réaliste.
Et cela alors même qu’elle disposait d’atouts importants dans ce pays.
Au lieu d’attiser les flammes d’une guerre civile et régionale qui étrangle toute la population et qui déstabilise toute la région, elle aurait pu jouer le rôle de faiseur de paix.
Elle laisse le champ libre à la Russie qui, depuis son intervention en 2015, tient les clés d’une solution politique.
Depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron, on nous explique que la diplomatie française allait prendre le contre-pied de celle de François Hollande et de Laurent Fabius en parlant à tout le monde afin de se réintroduire dans le processus de négociation.
Après avoir gagné la guerre, il fallait gagner la paix.
Le langage d’Emmanuel Macron traduit quelques inflexions – au moins sémantiques – en ne faisant plus du départ de Bachar el-Assad une précondition du règlement.
Dans son entretien en marche à l’Élysée avec Laurent de la Mèche (17 décembre 2017), il calibre son propos : « la guerre contre l’EIIL sera gagnée d’ici mi-février », après la victoire « Bachar sera là, il faudra parler avec lui et ses représentants » et ce dernier « devra répondre de ses crimes devant son peuple, devant la justice internationale ».
C’est que l’on appelle trivialement montrer patte blanche pour avoir droit de cité à l’avenir. Et, voilà que son ministre de l’Europe et des affaires qui lui sont décidément étrangères se lance dans une polémique stérile avec Bachar el-Assad alors qu’il se trouve à Washington pour rencontrer son homologue, Rex Tillerson.
Le président syrien avait mal pris que la France l’accuse d’« obstruction » lors des derniers pourparlers de paix à Genève, affirmant qu’elle n’était « pas en position » de lui donner des leçons parce qu’elle avait été « le porte-étendard du soutien au terrorisme en Syrie dès le premier jour », une allusion à son appui à l’opposition et à sa dénonciation du régime. « Celui qui soutient le terrorisme n’a pas le droit de parler de paix et n’a même pas le droit de s’ingérer dans les affaires syriennes », concluait Bachar el-Assad.
De Washington, Jean-Yves Le Drian joue les vertus outragées : « D’abord, M. Bachar el-Assad ne me semble pas vraiment en situation de pouvoir affirmer une prise de position politique tant qu’il est dépendant de la Russie et de l’Iran. Ensuite, quand on a été le premier à libérer (de prison) les djihadistes de Daech, on ne donne pas de leçon. Et enfin, quand on a passé son temps à massacrer son peuple, on a généralement un peu plus de discrétion ».
Il conclut ainsi : « Ce qui est clair, a ajouté le chef de la diplomatie française, c’est que la France a été dès le départ dans l’action de la coalition contre Daech, et qu’aujourd’hui c’est la coalition qui a permis la victoire. Mais Daech n’a pas encore complètement perdu la guerre, donc il faut continuer le combat ».
Le 19 décembre 2017, Emmanuel Macron vient à la rescousse de son ministre, qualifiant
« d’inacceptables » les critiques de Bachar el-Assad. « Nous avons été cohérents depuis le début », en luttant contre un seul ennemi, « Daech », en Syrie, déclare-t-il après avoir reçu le secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg et le roi de Jordanie.
Mais, il s’empresse de dire qu’il va falloir travailler avec Bachar el-Assad, tenant ainsi compte de la réalité incontestable. Ceci relève de l’évidence si la France veut jouer un rôle dans la définition des paramètres de la paix.
- Comment travailler avec celui que l’on insulte alors qu’il faudrait lui tendre la main ?
Cette passe d’armes était aussi inutile que contreproductive.
À trop pratiquer le grand écart, Jupiter perd de son crédit international !
Au moment où le président de la République veut lancer une initiative sur la Syrie en 2018, le moins que l’on puisse dire est que Jean-Yves Le Drian aurait pu se dispenser de cette philippique déplacée. Massacrer son peuple, dit-il, mais il oublie les traitements dégradants et inhumains infligés par les groupes terroristes à ce même peuple et, en particulier, aux chrétiens.
Les guerres civiles ne sont jamais très propres. Elles sont des montées aux extrêmes.
Pour vaincre les Allemands en 1944-1945, la France a été dépendante des Américains, des Britanniques… mais aussi de l’URSS qui a soulagé le front de l’est.
De plus, les armes livrées par la France à l’ASL (armes défensives non létales ?) ont atterri dans les mains des groupes terroristes. C’est un fait objectif que nul ne peut contester.
- Enfin, de quelle légitimité la France dispose-t-elle pour intervenir en Syrie ?
- Ne s’agit-il pas d’un crime d’agression d’État passible, un jour prochain, de la Cour pénale internationale (CPI) sans parler de nos crimes contre l’humanité au Yémen ?
La diplomatie suppose un minimum de discrétion et d’humilité pour être efficace.
Ce qu’ignore notre diplomate au petit pied, passablement brut de décoffrage. Ce genre de bataille de chiffonniers ne grandit ni celui qui la mène, ni, pire encore, la diplomatie française qu’il représente. La diplomatie n’a rien à voir avec une cour d’école.
Elle veut arrondir les angles pour empêcher la paix par la force et par la guerre, pour favoriser la paix par le dialogue et par la coopération.
Il est vrai que le chef de la diplomatie est un amateur de loopings comme le note le volatil du 20 décembre 2017. En cette période de Noël, faisons preuve d’un minimum de charité chrétienne pour notre lorientais désorienté. Mettons sur le compte de la fatigue due à son âge ses écarts de langage !
Ceci étant dit, le chef de la diplomatie est également gagné par deux maux : le principe de Peter et le buzz médiatique (qui le conduit à faire des déclarations inopportunes pour tenter d’exister par rapport à Jupiter qui n’a de cesse de le marginaliser).
Faute de pratiquer un réalisme basé sur quelques principes, nous pourrions mettre au crédit de Jean-Yves Le Drian la mise au point d’une nouvelle forme de diplomatie (traditionnellement, celle des faibles et des impuissants), la diplomatie des chiffonniers.
En toute hypothèse, et ceci sur fond d’une guerre de cent ans entre Paris et Damas, tout ceci relève du plus grand pataquès sur le dossier syrien |
3 – ENTRE SÉCURITÉ ET LIBERTÉ –
– Jean Daspry.
Si je pratique la surenchère, c’est parce que je n’ai plus de temps à perdre » (Serge Gainsbourg). Et, c’est bien de surenchère quotidienne dont il s’agit en matière de lutte contre le terrorisme.
Un attentat, une nouvelle loi, une nouvelle structure.
C’est le concours Lépine des bonnes mais aussi, parfois, des mauvaises idées. Si l’on comprend la nécessité pour le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif de montrer qu’ils agissent pour assurer la sécurité des citoyens, il importe de mettre au bon endroit le curseur entre sécurité et liberté.
Or, au cours des derniers mois, des dernières années, on dépasse les bornes dans un pays qui prétend être un état de droit et qui s’autoproclame patrie des droits de l’homme.
Ce serait parfois la patrie de la violation des droits de l’homme tant les coups de canif aux grands principes du droit sont nombreux (accusations sur la base de notes blanches) et pérennes (prolongation de l’état d’urgence) comme nous l’a fait remarquer la Cour européenne des droits de l’homme, gardien du temple.
Nous limiterons notre propos à un seul sujet, celui de la consultation des sites djihadistes qui a agité et agite encore le landernau juridique du tout Paris et qui fait les délices du Conseil constitutionnel !9
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Comment résumer de la manière la plus simple et la plus claire la question qui est posée par les différentes versions de la loi antiterroriste ?
Le 10 février 2017, saisis par le biais d’une Question prioritaire de constitutionnalité (QPC), les Sages
jugent inconstitutionnel un article de cette loi du 3 juin 2016 qui entendait condamner à 30 000 euros d’amende la consultation de sites » provoquant directement la commission d’actes de terrorisme » sauf si elle était faite de bonne foi par des chercheurs, des enquêteurs ou des journalistes.
Perseverare diabolicum a-t-on coutume de dire.
Cette censure sèche ne décourage pourtant pas quelques sénateurs de revenir à la charge en proposant de la réintroduire la disposition litigieuse dans la version de la commission mixte paritaire (assemblé nationale/Sénat)10.
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Que nous dit une professeure agrégée de droit public ? Entêtement du Conseil constitutionnel ou acharnement du Parlement ?
Le Conseil se borne à reprendre sa jurisprudence antérieure, par laquelle il avait montré clairement sa volonté d’enterrer purement et simplement ce nouveau délit.
Comme d’habitude, on constate d’ailleurs une remarquable coïncidence entre la position exprimée par le Conseil d’État dans son avis préalable à la loi du 3 juin 2016 et la jurisprudence du Conseil constitutionnel…
Son avertissement n’a pas été entendu, tant il est vrai qu’une majorité des parlementaires de l’époque étaient prêts à voter une disposition mal écrite mais qu’ils espéraient payantes sur le plan électoral.
Nul n’a saisi le Conseil constitutionnel avant promulgation de la loi, et le contrôle de constitutionnalité ne pouvait donc intervenir que par une QPC, après les élections.
La bonne nouvelle, car il y en a une, est qu’en l’absence d’élection imminente, il est peu probable que le Parlement tente une troisième rédaction du délit de consultation habituelle de sites terroristes11.
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Dans quel monde mais surtout dans quel pays vit-on ?
Des parlementaires censés être ceux qui connaissent le mieux le droit constitutionnel, les grands principes du droit pour être en mesure de rédiger la loi
sont soit incompétents, soit inconscients… peut-être les deux.
Cela est d’autant plus inacceptable lorsque le sénateur (LR, Manche), président de la commission des lois à l’origine de cette formulation litigieuse, Philippe Bas est un ancien élève de l’ENA, brillant puisque sorti dans la botte au Conseil d’État.On aurait imaginé que cet ex-conseiller d’État avait une connaissance au-dessus de la moyenne du droit.
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La trop longue fréquentation des ors de la République au Palais du Luxembourg et l’aussi longue pratique des agapes n’aurait-elle pas contribué à faire perdre raison à ce notable ?
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Serait-il hors-sol, insensible aux libertés fondamentales (article 11 de la déclaration des droits de l’homme du citoyen de 1789 qui sanctifie « la libre communication de pensée et des opinions » comme étant « l’un des biens précieux de l’homme ») qui sont la marque de fabrique d’un état de droit ?
Heureusement que les Sages du Conseil constitutionnel veillent au grain12.
S’il est indispensable de disposer d’un socle normatif suffisant pour lutter efficacement contre le terrorisme, ceci n’est pas pour autant suffisant tant il importe de traiter en priorité le terreau du terrorisme (causes sociales, économiques, culturelles, religieuses, internationales…).
S’en prendre aux libertés fondamentales, c’est aussi donner raison aux terroristes qui souhaitent que la démocratie crée sa propre tombe.
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Est-ce vraiment cela que nous souhaitons pour notre pays qui se veut le phare de la liberté et de la démocratie ?
On cite souvent la phrase attribuée à Benjamin Franklin, l’un des pères fondateurs des États-Unis d’Amérique, justement : « Ceux qui sont prêts à abandonner une liberté fondamentale, pour obtenir temporairement un peu de sécurité, ne méritent ni la liberté ni la sécurité ». Entre sécurité et liberté, il faut choisir le bon équilibre ! |
9Franck Johannès, Consulter un site djihadiste ne suffit pas à être condamné, Le Monde, 16 décembre 2017.
10 Paule Gonzalès, Consulter les sites terroristes ne peut pas être un délit, Le Figaro, 16-17 décembre 2017, p. 10.
11 Roseline Letteron, Consultation habituelle des sites terroristes : saison 2, http://www.libertescheries.blogspot.fr , 17 décembre 2017.
12 H.L., Les « sages » repassent les plats, Le Canard enchaîné, 20 décembre 2017, p. 8.
4 – MORALISATION DE LA VIE PUBLIQUE : LES GAITÉS DE L’ESCARDRON
– Guillaume Berlat.
« Les feuilletons doivent être lus par petits bouts, dans les cabinets » (Journal 1893-1898, Jules Renard). Décidemment, le feuilleton de la moralisation de la vie publique n’en finit pas de nous livrer de nouveaux épisodes qui pourraient être lus dans des lieux d’aisance.
Aujourd’hui, nous poserons notre regard sur le Palais-Bourbon.
- Le lieu de la République où s’élabore la loi au nom du peuple français.
- Le lieu de la République où la morale devrait être un impératif catégorique.
- Le lieu où l’intérêt général devrait l’emporter sur l’intérêt particulier.
Mais, en France, il existe souvent un fossé entre la théorie et la pratique.
Nous ne reviendrons pas sur les turpitudes passées de nos élus à l’époque de la « République exemplaire » de François Hollande (Cahuzac, Thévenoud, Leroux…). Il est vrai que dans la course aux turpitudes, l’exécutif n’est pas en reste.
Nous nous contenterons d’évoquer les plus récentes qui sont autant de coups de canif portés à la récente loi sur la restauration de la confiance dans la vie publique.
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On interdit aux députés d’employer des membres de sa famille après le « Penelopegate ».
Qu’à cela ne tienne !
On contourne la règle si tôt posée en procédant à des recrutements croisés (A emploie des proches de B et vice-versa).
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On demande aux députés de justifier l’utilisation de leurs frais de représentation pour éviter les abus.
Qu’à cela ne tienne !
Comme le rapporte Le Canard enchaîné, la déontologue du Palais-Bourbon, Agnès Roblot-Troizier explique dans un rapport confidentiel qu’il sera « aisé » aux députés de se faire rembourser sur les deniers publics leurs « dépenses liées à la vie privée ».
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On demande aux députés de s’acquitter de l’impôt (qu’ils votent chaque année) comme tout citoyen français.
Thierry Solère
Qu’à cela ne tienne !
Le député rallié à la République en marche (arrière), Thierry Solère n’en fait qu’à sa tête, omet de déclarer ses revenus. Il fait l’objet d’une enquête préliminaire pour « fraude fiscale, blanchiment, corruption, trafic d’influence et recel d’abus de biens sociaux ». Au passage, nous apprenons que ce Tartuffe n’avait pas trouvé mieux de se renseigner sur les poursuites lancées contre lui en s’adressant au Garde des Sceaux, Jean-Jacques Urvoas au mépris du droit, de la morale.
Cela n’est pas tout. Au moment où le nombre de personnes vivant au-dessous du seuil de pauvreté explose un (e) député LREM ayant abandonné une situation professionnelle confortable dans le secteur privé comme cheffe d’entreprise) pour se lancer dans la chevauchée fantastique de Jupiter semble le regretter. Elle se plaint de la baisse de ses revenus, passés de 8 000 à 5 000 euros net par mois. « Je vais moins souvent au restaurant, je mange pas mal de pâtes, j’ai ressorti des vêtements de la cave » ajoute-t-elle
Sortez vos mouchoirs et organisez une quête pour cette malheureuse personne contrainte de se mettre au régime pâtes !
C’est tout simplement inacceptable, insupportable.
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À quand l’installation d’une annexe des Restos du cœur à l’Assemblée nationale ?
Tout ceci serait risible si le sujet n’était pas sérieux.
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Qu’en pensent tous ceux qui vivent au-dessous du seuil de pauvreté ?
Pour la petite histoire, nous apprenons que le président de la République, Emmanuel Macron (énarque, inspecteur général des Finances) fête ses quarante ans au château de François 1er à Chambord dont le nouveau président du Conseil d’administration vient d’être confié à Augustin de Romanet de Beaune (ex-patron de la Caisse des dépôts, actuel président des Aéroports de Paris).
Nous sommes pleinement rassurés en apprenant de son entourage que Jupiter financera cet hébergement sur ses « deniers propres »
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Sur quelle base et en acquittant la facture (de quel montant ?) à quelle entité ?
Vous ne le saurez pas. Quant à Édouard Philippe (énarque, conseiller d’État), nous apprenons que Matignon a affrété un avion d’un loueur privé afin de permettre au premier ministre de rentrer plus vite de sa visite en Nouvelle-Calédonie et d’éviter de terminer le voyage dans un appareil de l’État jugé trop inconfortable. Un vol à 350.000 euros et cela pour gagner deux heures. Celui de l’armée de l’air, qui l’avait conduit à Nouméa, ‘est revenu à Roissy, quasiment à vide.
Bonjour, le bilan carbone du premier ministre !
Quant à la très discrète ministre en charge des Affaires européennes, Nathalie Loiseau (ex-directrice de l’ENA), elle avait tout simplement sous-évalué de 400 000 euros son bien immobilier dans sa déclaration de patrimoine à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP).
Le bon exemple vient d’en haut. Le feuilleton est sans fin. La moralisation de la vie publique, ce n’est ni pour aujourd’hui, ni pour demain.
Elle ne sera effective et efficace que lorsque des citoyens comme vous et moi seront en charge de vérifier ce qui se passe réellement dans le temple de la démocratie qu’est le Palais-Bourbon et le Sénat pour nettoyer les écuries d’Augias… sans parler de l’Élysée et de Matignon (contrôlée par le Cour des comptes). Il est toujours délicat de demander aux premiers concernés de se contrôler. On ne peut être juge et partie à la même cause. C’est bien connu. Nous sommes encore loin de ce monde idéal au sein duquel les parlementaires français seraient au-dessus de tout soupçon.
D’ici là, ces heureux élus continueront à faire de la résistance à la moralisation de la vie publique. L’exécutif continuera à faire comme si de rien n’était. Les gaités de l’escadron.
5 – SARKOZY-KADHAFI : JE T’AIME MOI NON PLUS13
– Guillaume Berlat.
Incroyable mais vrai, tel pourrait être le titre, le sous-titre du récent ouvrage deux journalistes de Mediapart consacré aux relations tumultueuses entre Nicolas Sarkozy et le colonel Kadhafi14. Deux journalistes ; six ans d’enquête ; plus de quinze années de basse politique intérieure et de médiocre politique internationale ; des dizaines de protagonistes rencontrés ; des milliers de documents plus ou moins confidentiels consultés, le gratin de la Sarkozie, et parfois de la Chiraquie (ne l’oublions pas, lui qui ne fut pas un ange)15, mis en cause alors qu’une instruction sur les faits est toujours en cours : cela donne un ouvrage de 500 pages qui se lit comme un roman policier et qui vous prend tant l’intrigue déroule, tout au long de ses cinq grandes parties, ses révélations plus extravagantes les unes que les autres. Si cette enquête est appréciable sur le plan de la substance, elle est critiquable sur le plan de la méthode.
UNE ENQUÊTE APPRÉCIABLE SUR LA SUBSTANCE
Comme le souligne le critique judiciaire du quotidien Le Monde :
« il est difficile, en refermant le livre, d’avoir encore le moindre doute, le colonel Kadhafi a bien financé la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007, même si l’ancien président qui n’est pas poursuivi dans le dossier judiciaire, le conteste formellement »16.
Le récit que nous libre Fabrice Arfi et Karl Laske est glaçant.
En France, entre ce qui se dit sur la scène médiatico-politique et dans les coulisses, il y a un monde.
- Celui de l’exemplarité et de la probité proclamée urbi et orbi et celui de la magouille, des coups tordus, des petits arrangements entre amis, de la déraison d’État qui est pratiquée pour des raisons inavouables : faire gagner son poulain à l’élection présidentielle coûte que coûte.
La galerie des portraits participant à cette vaste escroquerie, ce scandale d’État est impressionnante :
- président de la République ;
- ministres bien sous tous rapports,
- hommes politiques intègres plus ou moins connus ;
- hauts fonctionnaires respectables (préfets, diplomates, policiers, militaires…) ;
- pseudo-experts à la petite semaine ;
- intermédiaires véreux fréquentant en toute impunité les allées du pouvoir,
- clans sulfureux et autres anonymes prêts à aller à la soupe…
C’est Dallas à la puissance mille.
Par tous les moyens, il faut financer de manière occulte la campagne de Nicolas Sarkozy en utilisant le levier libyen, à savoir le colonel Kadhafi qui veut s’acheter une conduite après avoir été mis au ban de la société (Cf. en particulier affaires des avions d’UTA et de la Pan Am ayant explosé en vol en Afrique et en Ecosse) en promettant la conclusion de contrats mirifiques avec la France (certains le seront, d’autres non) et, surtout, en « arrosant » régulièrement les nombreux émissaires français venus faire le voyage à Tripoli.
Le bouillant colonel est même convié à une mémorable visite d’État à Paris mais sera éliminé quelques années plus tard (quid de l’implication directe de la France dans ce qui apparait comme un assassinat ciblé ?).
-
Pour quelles raisons ?
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Un secret dérangeant pour Nicolas Sarkozy et ses affidés ?
Le moins que l’on puisse dire est que les coïncidences sont infinies et troublantes à tel point que l’on ne peut que s’interroger sur les véritables motivations des acteurs de cette macabre symphonie libyenne.
Nous laissons le soin au lecteur de découvrir la trame de l’intrigue et de se forger par lui-même une opinion toute personnelle sur la situation actuelle en Libye à laquelle nous avons contribué17.
UNE ENQUÊTE CRITIQUABLE SUR LA MÉTHODE
Si l’on évoque maintenant la question méthodologique, voire déontologique, c’est là que le bât blesse d’un point de vue du respect de l’état de droit et de la démocratie dans notre pays.
- D’abord, nous retrouvons la méthode de Mediapart. Pour Edwy Plenel et son équipe, la répétition d’un argument en fait une preuve irréfragable. S’il est vrai que de nombreux protagonistes de l’affaire évoquent l’existence d’une somme importante (dont le montant varie) qui aurait été versée en espèce par le colonel Kadhafi (ou en son nom) à Nicolas Sarkozy (via certains émissaires proche de lui) pour l’aider à accéder à la magistrature suprême, les deux journalistes ne nous apportent pas les « smoking guns », les indices matériels irréfutables.
Comme le souligne une magistrate à propos des affaires de harcèlement sexuel, fausser la situation ne sert pas à faire avancer une cause légitime. Le droit pénal est d’interprétation stricte : le doute profite à l’accusé quel qu’il soit comme le souligne Maître Dupond-Moretti (Cf. verdict de l’affaire Abelkader Merah).
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Ensuite, le livre paru chez Fayard viole en permanence le sacro-saint principe du secret de l’instruction.
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Comment se fait-il que les deux journalistes livrent les pièces d’un dossier pénal en cours d’instruction (comme ils le précisent hypocritement en exergue de leur ouvrage) contre plusieurs personnes impliquées dans cette affaire ?
Qu’il s’agisse d’auditions par ses services de police ou par des juges d’instruction nommément désignés !
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Qui sont ceux qui ont violé le secret de l’instruction (magistrats du siège, du parquet, greffiers, policiers, autres…) ?
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Ne devraient-ils pas être poursuivis pénalement ainsi que les deux journalistes, secret de sources ou non ?
Enfin, cet ouvrage tombe également sous le coup de la compromission du secret de la défense nationale par les références extrêmement précises qu’il donne de notes de la DST, de la DGSI, de la DGSE… et de télégrammes diplomatiques qui devraient valoir à leurs auteurs des poursuites disciplinaires (pour les fonctionnaires) sans parler d’éventuelles poursuites pénales. Ces faits sont constitutifs de délits punissables par le code pénal.
- Éclairer les citoyens sur ce qui se présente de plus en plus comme un « scandale d’État » est une chose.
- Violer les principes fondamentaux du droit reconnus par la Convention européenne des droits de l’Homme du Conseil de l’Europe (ratifiée en 1974 par la France) en est une autre.
Mediapart ne peut se présenter comme le parangon de vertu démocratique à longueur de tribunes, d’articles et de blogs… tout en ignorant les grands principes qui sont à la base, qui forment le socle fondateur de la démocratie, de l’État de droit et des droits de l’homme en France.
Il y a là une contradiction ontologique qui n’est pas acceptable. La fin ne justifie pas les moyens. La démonstration des deux journalistes aurait été plus convaincante si elle s’était pliée aux fondamentaux de la démocratie.
In fine, la relation entre Nicolas Sarkozy et feu le dictateur libyen est parfaitement résumée dans une chanson de Serge Gainsbourg : je t’aime moi non plus. |
13 Je t’aime moi non plus, chanson de Serge Gainsbourg, 1969.
14 Fabrice Arfi/Karl Laske, Avec les compliments du Guide. Sarkozy-Kadhafi, l’histoire secrète, Fayard, octobre 2017.
15 L’affaire libyenne atterrit en Chiraquie, Le Canard enchaîné, 15 novembre 2017, p. 3.
16 Franck Johannès, Retour effarant sur le financement libyen de la campagne Sarkozy, Le Monde, 17 octobre 2017, p. 20.
17 Jenna Le Bras, L’ombre de Kadhafi plane toujours sur le chaos libyen, Le Figaro, 16 octobre 2017, p. 16.
6 – PALESTINE –
– Alain Bittar.
Un parallèle troublant ! Les nouveaux Indiens …
Il semble que le gouvernement d’extrême-droite israélien s’inspire fortement de la manière dont les colons Européens, à la recherche de « la terre promise », se sont comportés avec les indiens d’Amérique (Les Américains natifs) qui ont été victimes d’une colonisation à outrance par des colons plus puissants et mieux armés…
ISRAEL – PALESTINE Le but final étant l’usurpation des terres. De la même façon qu’ils ont été divisés
on attend des palestiniens soit la soumission par la force, soit l’exil, soit la mort. |
Le vocabulaire se transforme chaque jour sous l’incroyable pression que l’idéologie sioniste impose à tous les médias. De Fedayins, de résistants (mots que l’on n’entend plus), à terroristes (les sauvages indiens), les Palestiniens qui résistent sont stigmatisés. Les pacifistes, les non-violents sont violemment réprimés. A la justesse de leur cause on entend de plus en plus de « Oui mais… »
Faudra-t-il attendre la « Victoire israélienne » pour que vingt ou trente ans plus tard on commence à réhabiliter le droit qu’avaient les palestiniens de résister…
SOURCE/ https://prochetmoyen-orient.ch/en-bref/