1/- Inauguration dimanche du canal de Panama élargi et rénové >26.06.2016
2/- EN IMAGES / VIDÉO > 27.06.2016
3/- Les chiffres clés du nouveau canal de Panama > 25.06.2016
4/- Centenaire du Canal de Panama, l’anniversaire oublié …> 15.08.2014
5- Le Chantier Canal Panama > 18 mai 2012

1/-Inauguration dimanche du canal de Panama élargi et rénové
Le nouveau canal de Panama, dont la version élargie et rénovée va être inaugurée dimanche après plus de huit ans de travaux, va faire entrer le fret maritime dans une nouvelle ère, a assuré samedi son administrateur, Jorge Luis Quijiano.
L’ouvrage, par lequel transite 6% du commerce maritime mondial, va doubler de capacité. Avec son canal élargi et approfondi, il va pouvoir désormais accueillir des cargos de classe Panamax capables de transporter jusqu’à 14.000 conteneurs.
M. Quijiano a souligné lors d’une conférence de presse que cette expansion allait ouvrir de nouvelles opportunités dans les secteurs de la logistique et de la réparation navale.
L’essentiel des travaux a été mené par le consortium Groupe uni pour le canal (GUPC). Son vice-président, Ilya Espino de Marotta, a précisé que le coût des travaux avait été de 5,43 milliards de dollars, soit un peu plus que le budget initial de 5,25 milliards.
Il a souligné lors de la conférence de presse que tout s’était plutôt bien passé étant donné la complexité des travaux pharaoniques à mener. « L’expansion du canal de Panama est l’un de ces projets qui n’arrivent qu’une fois par siècle », a commenté M. Espino de Marotta.
« C’est une étape majeure et c’est une vraie source de fierté que de faire partie de l’Histoire, qui débutera officiellement lorsque le porte-conteneur Andronikos, appartenant à l’armateur chinois Cosco Shipping, effectuera la traversée inaugurale du canal de Panama élargi », s’est-il félicité.
source/http://www.chine-informations.com/actualite/cn/inauguration-dimanche-du-canal-de-panama-elargi-et-renove_89396.html
2/-EN IMAGES / VIDÉO – Un porte-conteneur chinois s’est engagé dimanche dans le canal de Panama élargi pour une traversée inaugurale marquant le résultat de neuf ans de travaux qui ont permis à cette voie maritime de s’agrandir pour doper ses capacités commerciales.
Par Adrien Renouard – Mis à jour le 27/06/2016
Le 22 octobre 2006, les Panaméens ont approuvé par référendum l’élargissement du canal de Panama. Après neuf ans de travaux, il a été inauguré dimanche. Ce lien de 77 kilomètres entre les océans Pacifique et Atlantique sera accessible aux porte-conteneurs de 14.000 conteneurs.
– 77kilomètres: c’est la longueur du chenal emprunté pour la première fois en 1914.
– 9500: nombre de kilomètres pour relier New York à San Francisco en empruntant le canal de Panama. En passant par le Cap Horn, il fallait en parcourir 24.500.
– 24.000: nombre d’ouvriers ayant travaillé sur le chantier.
– 5% du commerce du commerce mondial l’emprunte.
– 366 m x 49 m: dimension des porte-conteneurs qui pourront l’emprunter. Ils pourront passer avec 14.000 conteneurs contre 5000 actuellement. Le premier d’entre eux, tiré au sort pour l’inauguration, sera l’Andronikos appartenant à la compagnie chinoise Cosco. Pour l’occasion, il sera rebaptisé Cosco Shipping Panama.
– 5,2 milliards de dollars: coût final de l’élargissement, soit un dépassement de budget de l’ordre de 1,9 milliard par rapport à l’appel d’offre remporté par un consortium GUPC où figurait notamment le groupe espagnol Sacyr.
– 14.000 bateaux transportant un total de 280 millions de tonnes de marchandise empruntent annuellement le canal.
– 10 heures: c’est la durée du franchissement du canal. Mais avec le temps d’attente, 26 heures sont nécessaires en tout.
– 26 mètres: altitude du point le plus haut niveau du canal
– 40 milliards de dollars: coût estimé d’un projet pharaonique concurrent imaginé par le Nicaragua. Il s’agirait d’un canal de 278 kilomètres dont le premier coup de pioche est prévu en 2020. Ce projet a accéléré l’élargissement du canal de Panama.
En 2014, à l’occasion de son centenaire, le canal de Panamá ouvrira ses nouvelles écluses aux post-panamax, ces immenses navires de fret qui ne pouvaient traverser l’isthme. Un chantier pharaonique sur lequel auront travaillé 20 000 hommes.
Par Charles Gautier – Mis à jour le 27/06/2016 à 14h44
4/- Centenaire du Canal de Panama, l’anniversaire oublié …
FIGAROVOX/HISTOIRE – Alors qu’on célèbre ce 15 août 2014, les 70 ans du débarquement en Provence, Bernard Meunier rappelle un autre anniversaire : le centenaire du Canal de Panama inauguré le 15 août 1914. Un projet initié par des entrepreneurs et ingénieurs français.
Bernard Meunier est Vice-président de l’Académie des Sciences
En ce mois d’août, personne en France ne fêtera le centième anniversaire de l’ouverture du Canal de Panama. Certains se souviendront d’une ou deux pages de leurs livres d’histoire au lycée mentionnant le scandale de Panama et les chèques touchés par de nombreux députés dans les années 1890, un peu avant l’affaire Dreyfus, mais peu pourraient dire combien les entrepreneurs et ingénieurs français ont été les initiateurs de la construction d’un canal gigantesque permettant de relier deux océans et qui, inchangé depuis un siècle, assure chaque jour le passage de plus de 40 bateaux de commerce. Quatre français ont joué des rôles essentiels dans le démarrage et la poursuite du plus grand chantier du monde pendant plus de trente ans, entre 1880 et 1914:
- Ferdinand de Lesseps,
- Gustave Eiffel,
- Adolphe Godin de Lépinay
- Philippe Bunau-Varilla.
Les deux premiers sont connus de tous, le troisième est connu de très peu de personnes et le quatrième de quelques historiens.
Panama n’est pas Suez ! Il faut creuser à travers la trace de la Cordillère, à plus de 100 mètres au-dessus du niveau de la mer, dans une zone tropicale infestée de moustiques, vecteurs de la fièvre jaune et du paludisme.
Ferdinand de Lesseps, le Grand Français, comme se plaisait à l’appeler de nombreux journaux après son formidable succès avec le creusement du canal de Suez, décide à plus de 70 ans de se lancer dans une nouvelle aventure:
- relier les océans Atlantique et Pacifique.
Sa passion d’entrepreneur l’emporte sur la sagesse. Il va se lancer avec fougue, en faisant semblant d’écouter les ingénieurs compétents, dans un projet de canal à niveau comme celui de Suez. Mais Panama n’est pas Suez! Il faut creuser à travers la trace de la Cordillère, à plus de 100 mètres au-dessus du niveau de la mer, dans une zone tropicale infestée de moustiques, vecteurs de la fièvre jaune et du paludisme. Le désert égyptien était chaud, mais plus sain et les reliefs inexistants.
Pour rassurer les investisseurs et donner une dimension internationale à cette entreprise qui allait faire la gloire de la France, De Lesseps organise un colloque à Paris, en mai 1879, avec 136 délégués représentant 22 pays. Différents projets sont discutés dont celui proposé par les américains, reliant les deux océans au Nicaragua. Le choix de De Lesseps se porte sur la zone de Panama, une province de la Colombie à cette époque.
Face au projet de canal à niveau soutenu par De Lesseps, deux ingénieurs sont en faveur d’un canal à écluses, Gustave Eiffel et Adolphe Godin de Lépinay.
- Le premier, mondialement connu pour la construction de ponts et de viaducs, maitrise la technologie pour mettre en œuvre des écluses de taille inusuelle. Il propose ses services, attiré par le prestige de cette entreprise, mais également conscient des difficultés du projet d’un canal à niveau. Ce centralien avait compris qu’il y avait beaucoup de millions de mètres cubes de terre et de roches à déplacer!
Dix années de travaux difficiles vont conduire au percement du canal, il sera inauguré le 15 août 1914. Les titres des journaux européens étaient occupés par d’autres évènements en ce même mois d’août. Ce même jour, les troupes allemandes livraient bataille pour prendre possession de la Meuse à Dinant.
- Le second propose non seulement un canal à écluses, mais surtout la création d’un lac artificiel en créant un barrage à Gatún, côté Atlantique, alimenté par une rivière à régime tropicale, le Chagres, qui s’est avéré ingérable dans le projet initial de De Lesseps qui devait croiser plus d’une dizaine de fois le cours de ce fleuve. De plus, la création de ce lac réduisait de plus de 70% les travaux d’excavation sur l’ensemble du parcours. Dans un plaidoyer détaillé, Godin de Lépinay, un X-Ponts ayant eu l’expérience de la construction de chemins de fer, dont un au Mexique, c’est-à-dire en zone tropicale avec ses «fièvres», demande aux délégués du colloque international de rejeter le projet de canal à niveau:
- «Le canal avec relèvement de plan d’eau est aussi plus rapide, il est plus facile à la navigation. Coûtant 500 millions de moins que le canal à niveau, il est le seul qui puisse rémunérer les capitaux. Enfin, et cela est le plus considérable pour moi, qui est fait exécuter des travaux dans l’Amérique tropicale, en réduisant les travaux insalubres à leur minimum, il épargne la vie de plus de cinquante mille hommes sacrifiés sans utilité dans l’exécution du canal à niveau.»
- Tout est dit dans cette explication de vote en mai 1879: l’échec du canal à niveau entrepris par de Lesseps, les maladies tropicales (fièvre jaune et paludisme) qui vont tuer plus de 25 000 personnes. La première société créée par de Lesseps va faire faillite, une seconde sera mise en place, ruinant au passage des dizaines de milliers de petits porteurs français, et «arrosera» la Chambre des Députés pour lever un emprunt à lots. En 1889, la Compagnie Universelle Interocéanique était mise en faillite.
Un quatrième français va offrir aux américains, sur un plateau d’argent, selon les propos du Président Théodore Roosevelt, la possibilité de reprendre la construction du canal en apportant la solution technique, le canal à écluses, celui de Godin de Lépinay, et la solution géopolitique en organisant l’indépendance du Panama!
Philippe Bunau-Varilla, un X-Ponts ayant travaillé pour la compagnie de De Lesseps connaissait tous les détails techniques et était convaincu de la nécessité de créer un lac artificiel pour réduire les travaux de creusement.
- Dès 1902, il anime une campagne de lobbying intense auprès du Congrès américain et du Président Roosevelt.
- En même temps, il réussit à convaincre le Président de la Colombie de céder le contrat du canal des français aux américains. Sans un vote négatif du Sénat colombien, tout se serait passé normalement! Qu’à cela ne tienne, en moins d’un an, Bunau-Varilla va être au cœur de l’organisation d’un coup d’état assurant l’indépendance du Panama le 3 novembre 1903.
- Il se fera nommer ministre plénipotentiaire de ce nouvel État et signera, tout seul avec le Secrétaire d’État John Hay , quinze jours après, le 18 novembre, un traité assurant aux États-Unis la souveraineté à perpétuité sur une bande d’une dizaine de kilomètres de part et d’autre du canal.
Dix années de travaux difficiles vont conduire au percement du canal, il sera inauguré le 15 août 1914.
- Les titres des journaux européens étaient occupés par d’autres évènements en ce même mois d’août.
- Ce même jour, les troupes allemandes livraient bataille pour prendre possession de la Meuse à Dinant.
- Quant à Godin de Lépinay, décédé en 1898, il ne verra pas l’achèvement du canal à écluses avec son lac artificiel.
- Personne ne lui rendra hommage, sauf un auteur américain, David McCullough, dans son livre «The Path Between the Seas» en 1977. Godin de Lépinay fera don à l’Académie des sciences de son domaine, situé sur les communes de Journet et Montmorillon dans la Vienne. En ce centenaire du canal de Panama, n’oublions pas ses compétences et sa lucidité d’ingénieur.
source/http://premium.lefigaro.fr/vox/histoire/2014/08/15/31005-20140815ARTFIG00140-centenaire-du-canal-de-panama-l-anniversaire-oublie.php
5/-Le Chantier Canal Panama au 18 mai 2012
Si, par on ne sait quel miracle, Ferdinand de Lesseps revenait au Panamá, il n’y comprendrait rien.
Le canal qu’il ne put achever, et dont le projet fut revendu aux Américains en 1904 pour 40 millions de dollars est, cent huit ans plus tard, toujours en chantier.
Pourquoi à Colón et Miraflores, les entrées Atlantique et Pacifique de «son» deuxième canal, des milliers d’ouvriers casqués, le regard barré par des lunettes noires et brûlés par le soleil, plantent-ils encore des forêts de métal, creusent-ils des abysses boueux, consolident-ils d’interminables labyrinthes, ou inspectent-ils, suspendus dans le vide, les flancs de parois vertigineuses?
Pourquoi des camions-citernes arrosent-ils sans cesse des nuages de poussière omniprésents?
D’où sortent ces grues gratte-ciel et ces monstres jaunes aux roues comme des aubes, qui transportent des pans entiers de montagnes et de collines pulvérisés à la dynamite?
Lesseps apprendrait, pour sa plus grande fierté sans doute, que le canal de Panamá est une troisième fois en travaux, victime cette fois de son succès.
- Les hommes qui se démènent sur les chantiers nord et sud de l’isthme relèvent tous un même défi: livrer en 2014 au gouvernement panaméen deux nouveaux jeux d’écluses permettant l’entrée de post-panamax, ces tankers et porte-conteneurs nouvelle génération longs de 366 mètres, larges de 49 mètres, d’un tirant d’eau de 15 mètres.
- Ils remplaceront à long terme l’armada internationale des anciens panamax, moins puissants en tonnage et peinant à transporter la production de plus en plus importante des pays émergents d’Asie vers les États-Unis. Ces bateaux-îles traverseront eux aussi l’isthme en dix heures, comme le fit pour la première fois, le 15 août 1914, le vapeur SS Ancon. C’est pour cela que la livraison des nouvelles écluses en 2014 est essentielle pour les autorités panaméennes, qui comptent commémorer avec faste les cent ans du canal.
Si l’on trouve quelques similitudes entre les travaux entrepris par Lesseps et ceux d’aujourd’hui, force est de constater que le monde et la technique ont incroyablement changé.
- Lesseps, qui débute ses travaux en 1881, embauche des ouvriers chinois, puis des Noirs de la Jamaïque et des Antilles pour venir à bout d’une cordillère qui barre la route entre les deux océans. Ils déblaieront 59 millions de mètres cubes de terre à coups de pioche, de petites grues fonctionnant à la vapeur et grâce à des wagonnets de mineurs. La nature, offensée peut-être, se vengera en «prélevant» 20.000 hommes décimés par la malaria, la fièvre jaune et d’innombrables accidents. Et les médecins n’arrangeront pas les choses en plaçant aux quatre pieds des lits de ces bagnards du progrès des bols d’eau pour repousser les reptiles, mais qui s’avéreront de véritables nurserys à moustiques!
Six ans plus tard, la construction du canal s’est enlisée et a coûté des sommes astronomiques.
- Lesseps, dépassé, ruiné, condamné à cinq ans de prison pour avoir fait perdre des fortunes à ses actionnaires, abandonne et meurt sénile en 1894.
- Les Américains prennent la relève. Les choses se passent mieux et beaucoup plus vite. Entre 1904 et 1914, 55.000 ouvriers achèveront le projet du comte et réduiront la Corte Culebra, cordillère centrale, de 95 à 26 mètres. On ne déplore «que» quelques milliers de morts. Les Américains achèvent avec méthode une brillante idée française à des coûts bien plus raisonnables.
Dimanche 22 octobre 2006: Martín Torrijos, élu président de la république de Panamá deux ans plus tôt, se frotte les mains. Il est arrivé au pouvoir avec une seule idée en tête: assurer la survie du canal en relevant le nouveau défi du transport lié à l’augmentation régulière du prix du pétrole. Permettre aux grandes compagnies internationales de transporter plus en dépensant moins. Et Torrijos a proposé un référendum aux Panaméens, qui, ce dimanche à 20 heures, ont répondu oui à 78 %.

D’hélicoptère, la vue est encore plus bluffante: sous nos yeux, des milliers d’hommes s’activent sur le plus grand chantier du monde. Crédits photo : Christophe LEPETIT
Le Cerro Paraíso est réduit par 15 tonnes d’explosifs
Les choses peuvent alors se mettre en place. Tous les projets, plans, idées, demandés depuis quelques années par les Panaméens aux plus grands groupes de BTP de la planète, sont analysés et relus dans les moindres détails les uns après les autres.
L’Autorité du canal de Panamá (ACP) fait finalement appel à des entreprises du Mexique, de Belgique, des États-Unis, du Costa Rica, d’Italie, d’Espagne et de France.
Les futurs chantiers ressembleront à celui de la tour de Babel au point que l’ACP est obligée de faire appel à CH2M HILL, un cabinet américain de pilotage, qui dépêchera sur place 33 personnes pour coordonner les travaux.
- Le cahier des charges établi par les Panaméens est tellement précis et strict (nouvelles écluses d’une durée de cent ans, règles de sécurité draconiennes liées à l’utilisation d’explosifs et de matériels hors normes avec inspections surprises, obligation de former et embaucher des Panaméens, etc.) que les chantiers se couvriront instantanément de caméras.
- Les travaux débutent en janvier 2007 par une immense explosion: le Cerro Paraíso, colline de 137 mètres, est réduit d’un tiers par 15 tonnes d’explosifs.
A partir de ce moment-là, tout le monde s’observera. Le canal surveille ses contractants pour détecter le moindre manquement, et les contractants filment leur environnement jour et nuit pour éviter toute mise en cause «inappropriée».
Rien d’étonnant si l’on sait que chaque jour de retard après la date officielle de remise des travaux serait facturé 300.000 dollars aux éventuels retardataires!
Car la facture promet d’être lourde: 5,25 milliards de dollars (4,1 milliards d’euros) dont 2,3 milliards de dollars seront avancés par cinq grandes banques internationales:
- la Banque européenne d’investissement,
- la Japan Bank for International Cooperation,
- l’Inter-American Development Bank,
- la Corporación Andina de Fomento
- l’International Finance Corporation.
Le reste sera financé par les recettes liées au passage des bateaux.

Depuis quelques années déjà, les bateaux qui franchissent les écluses sont à l’étroit. Crédits photo : Christophe LEPETIT
Et pour compliquer la tâche, les nouvelles écluses n’ont plus rien à voir avec les anciennes.
- Ce sont des bains géants bourrés d’électronique, imaginés pour faciliter l’entretien dans tous les cas de figure et surtout économiser l’eau.
- Chaque sas disposera d’un bassin de récupération permettant par pompage d’économiser jusqu’à 60 % de l’eau utilisée à chaque éclusage.
- Chaque jeu d’écluses disposera latéralement de neuf bassins pour retenir l’eau.
- L’effort entrepris est colossal: les anciennes écluses se remplissaient en huit minutes? Les nouvelles, bien plus grandes, se rempliront en dix seulement!
Les portes des écluses seront plates et pèseront chacune un tiers du poids de la tour Eiffel. Elles s’ouvriront en pénétrant dans la paroi de pierre, où elles pourront être réparées au sec. Les anciennes, incurvées et centenaires, qui ne pèsent que 730 tonnes, doivent être extraites des écluses en cas de dommage. Une opération – qui peut durer deux jours – invalide toute l’écluse et fait perdre beaucoup d’argent.
Chaque jour, sur les parois de ces nouvelles écluses, des dizaines d’hommes suspendus dans le vide inspectent le moindre mètre carré. Ici, il faut rebétonner ou grillager. Plus bas, au milieu des hommes, grues et pelleteuses interprètent un tango musclé réglé au millimètre. Seul endroit épargné par un climat tropical éreintant, les labyrinthes de béton qui canaliseront les millions de litres d’eau. Dehors, l’humidité rend tout compliqué, et il faut faire vite car la saison des pluies est annoncée . Vingt heures sur vingt-quatre, hommes et matériels de plus en plus crasseux essuieront des grains, pieds et socles dans des mares. La visibilité sera moins bonne, mais le droit à l’erreur tout aussi interdit. Compte tenu des enjeux financiers et politiques de l’élargissement, l’ACP s’est entourée des meilleurs spécialistes internationaux.

Immense réservoir naturel, le lac Gatún, indispensable au fonctionnement des écluses, sera approfondi de 45 cm. Crédits photo : Christophe LEPETIT
Ce sont des ingénieurs français de la Compagnie nationale du Rhône qui ont conçu le projet global des nouvelles écluses et les ont modélisées.
«Dans notre laboratoire de Gerland, se souvient Jean-Louis Mathurin, directeur de l’ingénierie, nous avons recréé «nos» écluses au 1/30e, installé un post-panamax à la même échelle pour être parfaitement en situation et étudier tous les problèmes susceptibles d’apparaître. Les Panaméens, extrêmement prudents, nous ont demandé une seconde maquette pour confirmer la viabilité de la première avant de donner le feu vert à sa construction. Dans ce type de travaux hors normes, aucune erreur n’est autorisée, car on ne peut pas «retoucher» les installations déjà construites.»
Si la construction, l’installation et la mise en fonction des écluses s’apparentent à des travaux herculéens, il ne faut pas sous-estimer le travail effectué en amont.
- Pour la préparation de l’accès des post-panamax aux nouvelles écluses et la navigation, les pelleteuses, excavatrices et camions auront lifté les abords du canal.
- Sur les 6,1 kilomètres de l’accès à l’écluse Pacifique, des centaines d’artificiers auront été obligés de «nettoyer» les 400 hectares truffés de munitions et d’explosifs d’un ancien champ de tir, laissés par les Américains à l’époque où ils exploitaient le canal.
- Le lac Gatún, immense réservoir naturel d’eau, doit être approfondi de 45 centimètres et pourra recevoir 200 millions de mètres cubes d’eau supplémentaires.
- La percée Gaillard, une tranchée de 12,5 kilomètres qui mène au lac, a été élargie de 152 à 192 mètres sur sa partie la plus rectiligne, puis approfondie elle aussi.
La technique n’est pas tout. La nature se rappelle chaque jour à l’ACP qui doit gérer, sous l’oeil critique des écolos, l’impact de l’élargissement sur la faune et la flore locales.
- Dès le début des travaux, des équipes spécialisées conseillées par des scientifiques courent après des crocodiles enragés de ne pouvoir s’opposer aux dents des bulldozers.
- Les paresseux délogés de leurs arbres, les tortues de leurs mares et les pythons des hautes herbes sont capturés en douceur et relogés dans une dizaine de parcs nationaux.
- Il en va de même pour la flore.
- Cinq cents hectares déboisés sont reboisés ailleurs.
Déplacer les montagnes génère parfois des surprises ; en août 2008, un chantier s’arrête soudain.
- Des paléontologues sont appelés à la rescousse car une équipe a découvert d’étranges ossements. Il s’agit des restes d’un petit chameau qui vivait dans la forêt tropicale panaméenne il y a 20 millions d’années. Un chameau de 60 centimètres, sans bosse, mais qui pose une question cruciale: si l’isthme est apparu il y a environ 3,5 millions d’années, comment se fait-il que des chameaux, vraisemblablement venus d’Amérique du Nord, vivaient au Panamá il y a 20 millions d’années?

D’une année sur l’autre, les bateaux de croisière, porte-conteneurs, pétroliers, de plus en plus nombreux à attendre l’autorisation de traverser l’isthme, patientent parfois plusieurs jours. Crédits photo : Christophe LEPETIT
«Tous ces travaux étaient devenus plus que nécessaires», explique-t-on dans les bureaux réfrigérés de l’ACP, à Panamá City. 90 % des marchandises du commerce international empruntent les voies maritimes, le mode de transport le plus sûr et le plus économique.
Comme l’affirmait déjà en 2007 Régis Menu, secrétaire général de l’Institut français de la mer,
«le coût moyen de plus de 20 tonnes de marchandises transportées en conteneur de 20 pieds de l’Asie vers l’Europe est pratiquement équivalent au prix du billet d’avion en classe économique pour un seul passager sur le même parcours. L’augmentation du coût de construction des navires observée actuellement, ainsi que celle du prix du pétrole pénalisent fortement les trop longs parcours maritimes».
Malgré cela, le développement des échanges de produits manufacturés, la demande de matières premières et le rôle croissant des économies d’Asie du Sud ont entraîné une forte croissance du transport maritime. Le commerce mondial de marchandises n’a jamais été aussi florissant, avec un accroissement moyen annuel de 5 %, du jamais-vu depuis trente ans (en 2005, il a progressé de 6,6 %).
Qui plus est, on comptait déjà fin 2011 une flotte mondiale de plus de 600 post-panamax, soit 37 % de bateaux qui ne peuvent pas encore utiliser le canal et qui empruntent par défaut des routes concurrentes: le canal de Suez ou la route «intermodale» trans-pacifique, espèce de «canal sec» traversant les États-Unis. Avec le réchauffement climatique, la route du nord (arctique) est à l’étude, même si son utilisation n’est pas pour demain. L’élargissement du canal était donc inévitable et devrait générer dès 2014-2015 un supplément d’intérêt pour le pays qui vit en ce moment un boom économique avec l’arrivée régulière d’importants investisseurs.
En 2014, si les travaux ne connaissent pas de retard, les Panaméens pourront se poser une fois de plus l’éternelle question à laquelle personne n’a jamais su répondre: le canal de Panamá ou le Panamá du canal?

C’est dans la salle de contrôle, située sur les hauteurs de Panamá City, que l’on régule le passage de dizaines de bateaux chaque jour. Crédits photo : Christophe LEPETIT
Le canal en chiffres
L’élargissement du canal de Panamá, c’est aussi une batterie de chiffres qui donnent le vertige. Si, à partir de 1881,
- Ferdinand de Lesseps a déblayé avec ses dizaines de milliers d’ouvriers 59 millions de mètres cubes de terre,
- et les Américains 153 millions entre 1907 et 1914,
- les équipes de 20.000 hommes sur le terrain entre 2007 et 2014 auront déplacé 150 millions de mètres cubes.
Les nouvelles écluses mesureront chacune 427 mètres de long sur 55 mètres de large pour une profondeur de 18,3 mètres, contre 304,8 mètres de long sur 33,5 mètres de large et 12,8 mètres de profondeur pour celles qui sont actuellement en service.
Les portes de ces écluses, véritables joyaux de technologie, afficheront 56 mètres de large, 31 mètres de haut pour une épaisseur de 10 mètres.
Sur les chantiers Atlantique et Pacifique, on dénombre 76 grues géantes, 88 bétonnières, 47 excavatrices et pelleteuses qui creusent puis remplissent chaque jour 107 camions de la taille d’une maison. Chacun de ces camions peut charger l’équivalent de 120 tonnes de rochers ou de terre.
Les voies spéciales d’accès au canal pour les post-panamax mesurent 6,1 kilomètres côté Pacifique et 3,2 kilomètres côté Atlantique.
Chaque sas des nouvelles écluses disposera d’un bassin de récupération d’eau permettant d‘économiser 60 % des 197 000 000 de litres d’eau utilisés à chaque éclusage.Le dragage du canal aura permis de retirer 40 millions de mètres cubes de terre.
SOURCE/http://premium.lefigaro.fr/international/2012/05/18/01003-20120518ARTFIG00416-voici-le-nouveau-canal-de-panam.php
