Le président du Venezuela Nicolas Maduro a ordonné samedi la saisie des usines «paralysées par la bourgeoisie» et l’emprisonnement des entrepreneurs accusés de «saboter le pays», après avoir décrété la veille l’état d’exception, tandis que l’opposition a mis en garde contre un risque d’«explosion».
1/- Le chavisme survivra-t-il à la crise politique et économique du Venezuela ?
2/- Venezuela: le président ordonne la saisie des usines «paralysées par la bourgeoisie»
3/- Inflation, pénurie alimentaire, coupures d’électricité… Six questions pour comprendre la crise au Venezuela
4/- Olivier Compagnon : «La remise en cause du capitalisme n’a pas eu lieu chez Chávez ou Lula»
5/- A qui appartient l’or noir au large du Venezuela?
6/- Grand pays producteur de pétrole, le Venezuela est au bord de la faillite
1/- Le chavisme survivra-t-il à la crise politique et économique du Venezuela ?
Nicolas Maduro vient notamment d’annoncer une augmentation du salaire minimum de 30%. Cette mesure répond-t-elle à la crise économique et sociale que connait le Venezuela ? Quel bilan tirer des premiers mois d’exercice partagé du pouvoir entre le régime chaviste et l’opposition ? Un scénario semblable à celui qui se joue actuellement au Brésil est-il envisageable ?
L’augmentation du salaire minimum répond à la nécessité d’un rattrapage économique, le Venezuela étant l’un des pays du monde – peut-être le pays du monde – qui connait le taux d’inflation le plus élevé. C’est un taux à trois chiffres qu’il est difficile à mesurer mais qui se situerait selon certains observateurs autours de 700 %. Il y a donc un fossé qui existe entre la réalité des prix et les capacités qui sont données à ceux qui détiennent un salaire minimum. Cela permet aussi de mesurer l’ampleur de la crise que connait le Venezuela.
Concernant les relations entre l’opposition et le gouvernement chaviste, il n’y a pas de partage du pouvoir mais une coexistence. Les élections présidentielles, qui ont eu lieu avant les élections législatives, ont porté au pouvoir le président Nicolas Maduro, qui se présente comme l’héritier de Hugo Chavez et qui s’appuie sur le Parti socialiste unifié du Venezuela (PSUV). Au mois de décembre de l’année dernière, les élections législatives ont vu la coalition de l’opposition l’emporter.
Le Venezuela, comme l’Allemagne, le Brésil ou les États-Unis, a un régime présidentiel, et donc un président qui peut être censuré, avec un pouvoir législatif qui lui est totalement opposé. Le bras de fer entre les deux pouvoirs a été immédiat, chacun essayant de déstabiliser l’autre sans chercher des formes civilisées, constitutionnelles de cohabitation. Les deux autorités ont inscrit leur action politique dans le cadre d’une tentative d’expulsion, ou du moins de réduction de l’influence de l’autre, et dans une bataille de légitimité.
Quant à la possibilité d’un scénario brésilien, certes l’objectif est le même mais le cheminement est différent. À la différence du Brésil, la constitution vénézuélienne telle qu’adoptée après l’élection de Chavez, permet, sous réserve d’un nombre suffisant de signatures validé par la Commission électorale nationale, d’organiser un référendum révocatoire des principales autorités élues dont l’autorité présidentielle. L’opposition avait déjà utilisé en 2004 cette faculté constitutionnelle à mi-mandat du président Chavez mais avait alors perdu son pari. À cette époque, le contexte économique était différent puisque les prix du pétrole étaient trois à quatre fois plus élevés qu’aujourd’hui. Le président avait été adoubé dans la mesure où les retombées économiques de la manne pétrolière étaient redistribuées à la population, particulièrement dans son segment le plus défavorisé. Ce n’est plus le cas aujourd’hui dans la mesure où les programmes sociaux sont maintenus avec de grandes difficultés et alors que le Venezuela, monoproducteur de pétrole, a beaucoup moins d’argent qui rentre dans les caisses de l’État et dans l’économie du pays, ce qui est à l’origine de la crise actuelle.
Peut-on considérer que le secteur privé, la spéculation et des puissances étrangères, comme les États-Unis, sont impliqués dans une « guerre économique » visant la déstabilisation du Venezuela ? Le chavisme y survivra-t-il ?
C’est l’argument qui est avancé le plus souvent par le président Maduro. C’est un argument classique dans les rivalités politiques que de chercher un bouc émissaire. Il est vrai que le Sénat des États-Unis, à majorité républicaine, a voté la prolongation de sanctions visant un certain nombre de personnes proches de Nicolas Maduro. Pour autant, cela ne répond pas à une intention du président Obama mais à la situation de cohabitation et de majorité républicaine.
Compte tenu de la situation de crise, de pénurie, des approvisionnements particuliers à Caracas et des trois niveaux de changes du dollar, les tentatives individuelles de sortie de crise s’appuient beaucoup sur la corruption, voire la contrebande avec la Colombie. Le système économique ne fonctionne plus car tout un chacun essaie de s’en tirer à sa façon. Il y a de la petite corruption avec des vols et des détournements de marchandises dans les supermarchés, revendus dans la rue. Mais on ne peut pas dire que cela réponde à un plan organisé ou à une sorte de complot. On assiste à un dysfonctionnement global de l’économie.
Comment le Venezuela en est-il arrivé à importer du pétrole des Etats-Unis ? Alors que le pays se rapproche de la Grèce et accentue sa dépendance aux prêts et investissements chinois, quelles sont les conséquences géopolitiques de la situation économique que connait actuellement le pays ?
Le Venezuela, en dépit des discours radicaux du président Chavez et de son successeur Nicolas Maduro, a toujours eu comme partenaire économique principal les États-Unis. Le pétrole vénézuélien a comme client traditionnel les États-Unis et la société pétrolière d’État vénézuélienne dispose d’intérêts importants (raffineries, stations-services) aux États-Unis. Le problème du Venezuela était d’essayer de diversifier son économie. Le pays s’est donc tourné vers la deuxième puissance économique mondiale, la Chine, qui est devenue un partenaire stratégique du Venezuela.
Mais quel que soit le partenaire recherché, le problème du Venezuela est avant tout sa dépendance au seul produit pétrolier autour duquel son économie tourne depuis un siècle. L’économie pétrolière a tué l’économie réelle et productive, ce qui existait auparavant, y compris l’agriculture vénézuélienne.
Désormais, le Venezuela importe son alimentation pour l’essentiel de la Colombie. Le Venezuela est devenu dépendant du pétrole : lorsqu’il se vend bien l’économie fonctionne et il n’y a pas de troubles politiques mais, lorsque la valeur du pétrole chute, le Venezuela entre en crise.
- En 1989, c’est ce qui s’était passé et cela s’était terminé par des combats de rue et par l’utilisation des forces armées contre les manifestants protestant contre les pénuries et l’augmentation des prix.
- On se retrouve face au même scénario avec un gouvernement différent. Quoi que dise l’opposition, à supposer qu’elle arrive à renverser le gouvernement par des moyens légaux, elle se retrouvera face aux mêmes problèmes et difficultés que n’ont pas réussi à surmonter les gouvernements vénézuéliens successifs, c’est-à-dire diversifier l’économie du pays pour ne pas être totalement dépendant de la production pétrolière.
Sur l’aspect géopolitique, la question se pose car si le Venezuela n’est pas une grande puissance, sa force de frappe pétrolière lui avait permis, avant et après Chavez, en période faste, d’essayer de se constituer un réseau d’amis fondé sur le pétrole, c’est-à-dire l’Alliance bolivarienne pour les Amériques (ALBA) et PetroCaribe. Le Venezuela, en échange d’un pétrole vendu à un prix inférieur à celui du marché, bénéficiait d’autres satisfactions, en particulier de la part de Cuba, tels des médecins, des entraîneurs sportifs, des conseillers en matière de sécurité ou encore le financement de Telesur, un média qui se voulait être le concurrent de CNN Amérique Latine. Tout ce système est complètement déstabilisé et le Venezuela n’est plus en mesure de le faire fonctionner comme il le faisait dans les années 2005-2010.
2/- Venezuela: le président ordonne la saisie des usines «paralysées par la bourgeoisie»
Le président du Venezuela Nicolas Maduro a ordonné samedi la saisie des usines «paralysées par la bourgeoisie» et l’emprisonnement des entrepreneurs accusés de «saboter le pays», après avoir décrété la veille l’état d’exception, tandis que l’opposition a mis en garde contre un risque d’«explosion».
«Dans le cadre de ce décret en vigueur (…), nous prenons toutes les mesures pour récupérer l’appareil productif qui est paralysé par la bourgeoisie (…) Quiconque veut arrêter (la production) pour saboter le pays devrait partir et ceux qui le font doivent être menottés et envoyés à la PGV (Prison générale du Venezuela)», a déclaré M. Maduro devant des milliers de ses partisans dans le centre de Caracas.
«Usine arrêtée, usine remise au peuple !» (…) Vous allez m’aider à récupérer toutes les usines paralysées par la bourgeoise», a-t-il poursuivi.
Nicolas Maduro a par ailleurs annoncé avoir ordonné pour le 21 mai «des exercices militaires nationaux des Forces armées, du peuple et de la milice pour nous préparer à n’importe quel scénario» envisageable.
Il a à cet égard assuré que son homologue colombien Alvaro Uribe avait «appelé à une intervention armée», au cours d’une rencontre à Miami avec des dirigeants de l’opposition vénézuélienne. Y était aussi présent Luis Almagro, le secrétaire général de l’Organisation des Etats américains (OEA), dont il affirme qu’elle est au service des Etats-Unis qu’il soupçonne de vouloir «en finir avec les courants progressistes en Amérique latine».
Vendredi, le président socialiste vénézuélien avait annoncé qu’il décrétait l’«état d’exception et d’urgence économique» afin de «neutraliser et mettre en échec l’agression extérieure».
L’opposition a de son côté averti samedi du risque d’«explosion» au Venezuela si elle ne parvenait pas à organiser un référendum pour révoquer le chef d l’Etat.
«Si vous verrouillez la voie démocratique, nous ne savons pas ce qui peut se passer dans ce pays. Le Venezuela est une bombe qui peut exploser à tout moment», a lancé le chef de l’opposition Henrique Capriles, appelant «tout le peuple à se mobiliser» pour obtenir le renvoi de M. Maduro.
Il s’exprimait devant des milliers de personnes venues manifester dans l’est de Caracas à l’appel de la coalition d’opposition de la Table pour l’unité démocratique (MUD), majoritaire au Parlement.
– ‘Empêcher le référendum’ –
Le décret sur l’état d’exception, qui n’a toujours pas été publié, étend et proroge «pour les mois de mai, juin, juillet» un précédent «décret d’urgence économique», en vigueur depuis la mi-janvier et qui expirait samedi.
Il «sera étendu constitutionnellement pendant l’année 2016 et certainement pendant l’année 2017 afin de récupérer la capacité de production du pays», a ajouté le chef de l’Etat qui n’a pas précisé si l’état d’exception impliquait une restriction des droits civils.
Cette mesure a été prise pour «déstabiliser le pays et empêcher le référendum», a pour sa part dénoncé l’opposition.
L’«urgence économique» autorise le gouvernement à disposer des biens du secteur privé pour garantir l’approvisionnement des produits de base, ce qui, selon ses détracteurs, ouvre la voie à de nouvelles expropriations.
Le Venezuela, dont les réserves de pétrole sont les plus importantes du monde, est touché de plein fouet par la chute des cours du brut, dont il tire 96% de ses devises.
Il a enregistré en 2015 une hausse des prix de 180,9% et un recul du PIB (de 5,7%), pour la deuxième année consécutive.
S’ajoutant à l’effondrement économique, il est en proie à un bras de fer entre un gouvernement chaviste (du nom du défunt président Hugo Chavez, 1999-2013) et un Parlement aux mains de l’opposition.
La crise politique s’est accentuée depuis que l’opposition a collecté début mai 1,8 million de signatures en faveur du référendum pour révoquer Nicolas Maduro, qu’elle souhaite organiser d’ici à fin 2016.
La question du calendrier est cruciale : si le référendum survenait avant le 10 janvier 2017 et si le «oui» l’emportait, le Venezuela irait droit vers de nouvelles élections.
Mais à partir du 10 janvier, tout référendum couronné de succès ne conduirait qu’à une chose : le remplacement de M. Maduro par son vice-président Aristobulo Isturiz, membre du même parti.
– ‘Coup d’Etat’ –
Elu en 2013 pour un mandat de six ans, Nicolas Maduro est aujourd’hui très impopulaire puisque, d’après un récent sondage, 68% des Vénézuéliens souhaitent son départ et l’organisation de nouvelles élections.
Il accuse quant à lui l’opposition de vouloir perpétrer un «coup d’Etat», à l’image de ce qui, assure-t-il, s’est produit au Brésil, où la présidente de gauche Dilma Rousseff a été écartée du pouvoir par le parlement dans l’attente de son procès en destitution.
Selon le Washington Post, des responsables des services de renseignement américains estiment que le gouvernement vénézuélien pourrait être renversé par une insurrection populaire cette année.
Les Etats-Unis considèrent avoir peu d’influence sur le cours des événements au Venezuela et redoutent par dessus tout un effondrement de ce pays, écrit ce quotidien, qui fait état de la déception américaine face à une opposition vénézuélienne indisciplinée et divisée.
3/- Inflation, pénurie alimentaire, coupures d’électricité… Six questions pour comprendre la crise au Venezuela
Le Venezuela est frappé par une sécheresse sévère et une grave crise économique depuis plusieurs semaines. L’opposition souhaite organiser un référendum pour révoquer le président Nicolas Maduro.
Chute des cours du pétrole, pénurie alimentaire, coupures d’électricité, pression de la rue… Depuis plusieurs semaines, le Venezuela traverse une crise politique et économique explosive. Dans tout le pays, l’opposition recueille des signatures afin d’organiser un référendum contre le chef de l’Etat, Nicolas Maduro, de plus en plus sous pression. Francetv info revient sur cette situation en six questions.
J’ai entendu parler de coupures d’électricité, de magasins vides, de fonctionnaires non payés… Que se passe-t-il au Venezuela ?
Depuis plusieurs semaines, les Vénézuéliens vivent un rationnement programmé. Lundi, le gouvernement a décrété une coupure d’électricité de quatre heures par jour dans les dix États (sur 24) les plus peuplés du pays, à l’exception de la capitale Caracas, et ce pendant quarante jours. Un changement de fuseau horaire de 30 minutes a été mis en place pour profiter au maximum de l’énergie solaire, et de nouveaux jours fériés ont été crées afin de réduire les frais de l’État.
Le président Nicolas Maduro a ordonné que les fonctionnaires ne travaillent plus que deux jours par semaine, les lundis et mardis. Les classes sont également suspendues le vendredi pour les élèves de la maternelle au lycée. Les plus gros consommateurs d’énergie, comme les hôtels, doivent pourvoir eux-mêmes à leurs besoins en électricité neuf heures par jour.
En conséquence, les centres commerciaux sont contraints de réduire leurs horaires d’ouverture et les files d’attente s’allongent devant les magasins. Les produits de première nécessité se font de plus en plus rares, rendant la situation de plus en plus tendue. Des émeutes ont éclaté ces derniers jours dans la deuxième ville du pays, Maracaibo.

Au Parlement, les députés et employés ont appris qu’ils ne seraient pas payés ce mois-ci. « Il n’y pas d’argent pour payer les salaires car le gouvernement ne nous envoie pas les fonds », a expliqué le président de l’institution.
Sur les réseaux sociaux, les hashtags #MaduroEsOscuridad (« Maduro c’est les ténèbres ») et #LaCorrupcionNosQuitoLaLuz (« La corruption nous a supprimé la lumière ») sont repris en masse, et les habitants de la province accusent le gouvernement de privilégier la capitale. (« Aujourd’hui, le #Venezuela a été paralysé pendant 4 heures à cause d’un gouvernement inefficace. Ça suffit ! »)
Mais pourquoi l’État veut-il réduire la consommation d’électricité ?
Depuis 2007, le secteur électrique du Venezuela est nationalisé. Le président de l’époque, Hugo Chávez, souhaitait ainsi « réorganiser le secteur pour augmenter l’efficacité des sources de production d’énergie », rapporte Mediapart. Une instance d’Etat est créée, chargée de mettre en œuvre les activités de transmission et de distribution de l’électricité.
Or, de nombreux habitants dénoncent depuis un réseau délaissé par l’État : l’abandon progressif de l’entretien et des investissements provoquent des coupures régulières. Certains experts déplorent l’état des infrastructures et le problème de dépendance à l’énergie hydraulique, détaille RFI.
La principale installation hydroélectrique du pays, la centrale de Guri, fournit 70% de l’énergie du pays, mais le niveau d’eau se trouve anormalement bas depuis le passage du phénomène climatique El Niño. C’est « presque une tragédie environnementale et nous devons adapter notre mode de vie », a plaidé Nicolas Maduro.

La sécheresse est donc responsable de la crise ?
Pour les autorités, la principale raison de cette crise énergétique est le climat. Entre 2015 et 2016, El Niño a provoqué une grave sécheresse dans le pays et donc une baisse importante des réserves hydrauliques, indique le journal El Nacional (en espagnol).
Mais pour l’opposition, qui contrôle le Parlement, El Niño n’est pas la raison. La crise énergétique s’expliquerait par le manque d’investissements sur le réseau électrique et le fiasco du plan lancé en 2010 par Hugo Chávez pour diversifier les ressources. « Un plan atteint par de nombreux détournements et des lourdeurs bureaucratiques », indique Libération.
Selon un rapport du Fonds monétaire international (FMI), les graves problèmes rencontrés par le secteur énergétique au Venezuela sont liés au manque d’infrastructures, mais aussi à la conjonction climatique.
Quelles sont les autres raisons ?

« Le problème de fond du Venezuela, c’est la monoculture pétrolière », indique à francetv info Jean-Jacques Kourliandsky, chercheur à l’institut de relations internationales et stratégiques et spécialiste de l’Amérique latine. Le Venezuela tire en effet plus de 96% de ses revenus de l’or noir, mais la crise pétrolière de 2014 a durement atteint l’économie du pays.
« Le pays n’a pas anticipé la baisse du cours du pétrole, la chute de la demande chinoise… Et n’a jamais cherché à diversifier son économie », décrit le chercheur. « Résultat, il est incapable de nourrir son pays. Il importe tout sans avoir les fonds nécessaires. » Les programmes sociaux dans l’éducation ou la santé ont du mal à se maintenir. Un système de contrebande s’est installé aux frontières. « Il y a une pénurie de devises. Des échanges au noir avec la Colombie se développent et provoquent de nombreuses tensions aux frontières. »
Selon le FMI, les revenus liés au pétrole sont ainsi passés de 80 milliards de dollars en 2013 à 20-25 milliards en 2015, reprend La Tribune. Alors le pays « fait tourner la planche à billets » – c’est-à-dire que la banque centrale du pays crée de la monnaie – provoquant une importante inflation. Après avoir atteint 180,9% en 2015, l’institution table sur une inflation de 700% en 2016, rappelle La Tribune.
En février, à la suite d’un décret présidentiel, le tribunal suprême de justice (la plus haute institution judiciaire du pays) a déclaré le pays en « état d’urgence économique ». D’une durée de soixante jours, cette mesure est censée améliorer la lutte contre la crise du pays en conférant davantage de pouvoir au président.
Quelle est la part de responsabilité du gouvernement ?

À la crise énergétique s’ajoute une grande instabilité politique. En décembre, l’opposition MUD (Mesa de la unidad democratica) a remporté les élections législatives. Cest la première fois depuis 1999 que le président socialiste doit composer avec un Parlement d’opposition.
« Depuis, l’opposition tente par tous les moyens de destituer le président, qu’elle accuse de dilapider l’argent du pétrole, d’avoir détérioré la situation économique et d’être corrompu », précise Jean-Jacques Kourliandsky. Depuis la mort d’Hugo Chávez en 2013 et l’élection de son héritier Nicolas Maduro, le chavisme rencontre une certaine désaffection de la part des Vénézueliens, notamment « à cause du manque de charisme du leader, des tiraillements internes au régime (…) d’une plus grande visibilité de la corruption, d’une augmentation de la violence criminelle et de la répression politique », explique Libération.
Jeudi 28 avril, l’opposition a accentué la pression sur Maduro en votant au Parlement une motion de défiance contre le ministre de l’Alimentation, Rodolfo Marco Torres, accusé d’être à l’origine des pénuries du pays. En quelques jours, l’opposition a récolté près d’un million de signatures, huit fois plus que les 195 721 signatures nécessaires (soit 1% de l’électorat) requises par le Conseil national électoral pour pouvoir passer à l’étape suivante : le référendum.

A quoi doit-on s’attendre dans les prochaines semaines ?
Certains observateurs craignent que le pays ne bascule dans le chaos ou dans la dictature. Le journal suisse Le Temps pointe un accaparement des pouvoirs par l’exécutif, une censure des médias et une vague de nationalisation des entreprises depuis l’arrivée de Nicolas Maduro au pouvoir.
« Il y a actuellement environ une centaine de prisonniers politiques dans les prisons vénézuéliennes. Il y a plusieurs cas de torture avérés », renchérit Maria-Corina Machado, opposante du pouvoir, à L’Obs. Nicolas Maduro « viole la démocratie, restreint les libertés individuelles. 85% de la population aspire aujourd’hui au changement. Il faut les entendre (…) Or ce gouvernement n’a aucune intention de changer quoi que ce soit. »

L’opposition espère pouvoir mener à terme son référendum contre le président, mais rien ne dit qu’il aboutisse à une révocation. « Chávez a aussi fait face à une procédure de destitution en 2004, qui n’a pas abouti pour autant », analyse Jean-Jacques Kourliandsky. « C’est classique dans ce pays : l’exécutif se sert de ses pouvoirs pour contenir la crise, et l’opposition use de toutes les possibilités de la Constitution pour le renverser. »
Pour le journal vénézuelien d’opposition Tal Cual (en espagnol), le chavisme s’est lentement mué en autocratie dictatoriale. « Reste à savoir quelle place aura l’armée dans cette histoire, si elle jouera un rôle d’arbitrage ou pas », précise Jean-Jacques Kourliandsky. « L’histoire du pays est traversée par des tentatives de coups d’Etat et de crises. Il y a toujours un risque que ça se reproduise. »
4/- Olivier Compagnon : «La remise en cause du capitalisme n’a pas eu lieu chez Chávez ou Lula»
Olivier Compagnon, directeur de recherches à Sciences-Po, explique que le modèle exportateur de matières premières a subsisté en Amérique du Sud, notamment au Venezuela ou au Brésil.
Professeur d’histoire contemporaine à l’université Sorbonne nouvelle-Paris-III et directeur à Sciences-Po de l’Institut des hautes études sur l’Amérique latine, Olivier Compagnon a dirigé, avec Marie-Laure Geoffray, l’annuaire Amérique latine 2015-2016 (1) qui vient de paraître. [Photo DR]
La gauche latino-américaine est souvent présentée comme divisée entre un courant modéré et une branche radicale. Que pensez-vous de ce distinguo ?
Je me méfie de cette vision qui a longtemps été celle des États-Unis : d’une part, une gauche vertueuse, celle au Chili de Ricardo Lagos puis Michelle Bachelet, qui ne remettait pas en cause le modèle néolibéral dans lequel avait basculé l’Amérique latine dans les années 70 et 80 ; d’autre part, une gauche qu’il fallait combattre parce qu’elle réactivait le vieux mythe révolutionnaire, avec au premier rang le Venezuela et son «socialisme du XXIe siècle», proclamé par Hugo Chávez lors du fameux discours de janvier 2005 à Porto Alegre.
Pourquoi cette opposition entre modérés et radicaux vous paraît-elle inopérante ?
Parce qu’elle oublie de nombreuses nuances. Le Brésil est souvent classé dans la gauche radicale, alors que lors des deux mandats du président Lula, la politique de redistribution sociale n’a pas remis en cause le capitalisme. J’irai plus loin : cette remise en cause n’a pas eu lieu non plus dans le Venezuela de Chávez puis de Maduro, ou dans l’Equateur de Rafael Correa. Ce dernier avait promis de ne pas exploiter le pétrole dans le parc naturel protégé de Yasuni, par respect des populations indigènes. Il est finalement entré dans les politiques extractivistes en se mettant à dos ces mêmes indigènes qui l’avaient soutenu.
Pourquoi cette incapacité à rompre avec le système capitaliste ?
Essentiellement parce qu’il repose sur des formes de dépendance séculaires. Chávez n’a pas cherché à mettre fin à la mono-exportation pétrolière, et a très peu contesté le rôle des entreprises étrangères. En 2005-2006, il avait pourtant tous les atouts en main : la stabilité politique après sa victoire lors du référendum sur sa révocation, les pouvoirs exécutif et législatif, un prix du baril très élevé. Il y avait là une occasion historique de rompre avec la dépendance, de développer les secteurs industriel et tertiaire, comme le Brésil, l’Argentine ou le Chili dans les années 40 à 60. Il ne l’a pas fait, restant dans une logique rentière.
Pourquoi le Venezuela est-il différent ?
Le modèle d’exportation des matières premières non transformées y est toujours en vigueur. Le Venezuela exporte son pétrole brut, dont il ne raffine qu’une petite part. Pire encore, à la fin des années 90, quand les cours des matières premières s’envolent, on assiste dans plusieurs pays à la «reprimarisation» de l’économie : la part des secteurs industriel et tertiaire diminue car les plus gros bénéfices se trouvent dans le soja, le pétrole ou le gaz. Cette logique rentière de l’Amérique latine s’inscrit dans les cycles économiques longs, qui déterminent à leur tour des cycles politiques.
Sommes-nous à la fin d’un cycle de gouvernements de gauche ?
Il est trop tôt pour le dire. Il faut d’abord rappeler que l’arrivée au pouvoir de ces gouvernants de gauche est née d’une réaction généralisée, à l’échelle du continent, avec des exceptions comme la Colombie, à la mutation néolibérale. Cette contestation a d’abord mené à des vagues de protestations violentes, comme le «Caracazo» en 1989 au Venezuela, puis l’Argentine de 2001. De là, on est passé à une crise de la représentation politique, fondée sur le constat que voter pour la social-démocratie ou pour la démocratie chrétienne aboutissait aux mêmes politiques économiques. Troisième facteur : l’émergence d’outsiders politiques, dont Chávez est l’incarnation.
Les politiques de gauche en Amérique du Sud se sont donc limitées à un rééquilibrage dans le partage des richesses ?
Pas seulement, mais c’est une constante, avec des différences. Il faut observer l’ampleur de ces redistributions. Certaines ont été plus ambitieuses que d’autres, quand le cours des matières premières le permettait, jusqu’au début des années 2010. Le Venezuela l’a fait massivement à travers les «misiones» [les missions bolivariennes, ensemble de programmes sociaux, ndlr] et les résultats ont été visibles en termes d’indice de développement humain, de baisse des taux de pauvreté. Dans le même temps, le Chili a infiniment moins investi dans un état social des services, notamment en matière d’éducation, le domaine qui est le grand échec de Bachelet.
La droite a dénoncé ces politiques, parlant d’«assistanat»…
C’est tout le débat sur la nature de la redistribution. La droite a critiqué les politiques sociales d’urgence, mais une politique d’urgence est-elle condamnable par principe ? Lula disait en substance, dans sa campagne en 2001, que la priorité était qu’on ne meure plus de faim au Brésil. Et il a développé et étendu les bénéfices de la «Bolsa Família» (aide alimentaire). La question importante est de savoir si ces politiques ponctuelles peuvent faire émerger non pas un Etat providence, notion datée et eurocentrée, mais un Etat social qui pense la redistribution dans le temps long. Qui permette la mise en place des systèmes de retraites ou de santé pérennes pour l’ensemble de la société. Le péronisme en Argentine, l’Estado Novo de Vargas au Brésil, ont multiplié les politiques sociales mais pas sur un mode universel. Elles ont été pensées de façon sectorielle : pour les cheminots, les chauffeurs de bus, les mineurs…
Pourquoi ce choix ?
La réponse renvoie à une autre constante de la politique en Amérique latine : le clientélisme. L’action politique est déterminée par le donnant-donnant. Au Venezuela, dans les barrios [«bidonvilles»], les «misiones» n’étaient jamais aussi actives qu’à la veille des élections. Rompre avec ces pratiques est complexe car le clientélisme va au-delà du politique, c’est un mode de relation sociale hérité de la colonisation, de la féodalité ibérique. C’est une limite structurelle à la construction d’un Etat social capable de penser la redistribution de façon non conjoncturelle, non sectorielle.
Peut-on créditer la gauche d’avoir inclus dans le débat politique des populations qui en étaient éloignées ?
C’est indéniable. Le Venezuela était un pays d’abstention politique, en raison du divorce entre la représentation politique et la population. Les mécanismes de démocratie participative créés par le chavisme n’ont certes pas influé sur la prise de décision au niveau national. Mais les conseils communaux ont permis à une population coupée du politique de s’exprimer sur des enjeux locaux, ce qui s’est traduit par une forte participation électorale nationale. Il y a eu une repolitisation de l’espace public, un réinvestissement dans le débat et les manifestations. Ce dont a aussi bénéficié l’opposition, comme on l’a vu au Venezuela et au Brésil.
(1) Ed. la Documentation française, 19,50 €.
5/- A qui appartient l’or noir au large du Venezuela?
Exxon Mobil a découvert un important gisement pétrolier à quelques kilomètres des côtes vénézuéliennes. Or cette zone maritime n’est techniquement pas la propriété du Venezuela, mais celle du pays voisin, la République coopérative de Guyana… et ravive un différend séculaire.
A première vue, on pourrait croire que le miracle attendu par le président vénézuélien Nicolás Maduro s’est finalement produit. Exxon Mobil a récemment annoncé la découverte d’un important gisement pétrolier ainsi que le forage de son premier puits offshore dans le Stabroek Block, une zone maritime située à quelques kilomètres des côtes vénézuéliennes. Bien que les détails demeurent obscurs, certaines estimations considèrent que cette nouvelle réserve de pétrole pourrait frôler les 1,5 milliard de barils. C’est potentiellement une aubaine de taille pour Caracas, à l’heure où la compagnie pétrolière nationale, la PDVSA, se bat pour faire face à un prix du brut très bas et une économie au fond du trou.
Il y a juste un hic: le Stabroek Block ne se trouve pas, techniquement parlant, au Venezuela – en tout cas pas d’après les cartes étrangères. Le territoire contesté dans lequel la zone se situe – la Guayana Esequiba – représente en réalité près des deux tiers du pays voisin, la République coopérative du Guyana, peuplée de quelque 800’000 habitants.
A l’origine colonie hollandaise nommée Essequibo, le Guyana fut rendu à l’Angleterre à l’occasion de la signature du Traité anglo-hollandais de 1814, sans qu’aucune frontière ne soit cependant clairement établie à l’ouest. Comme à leur habitude, les Britanniques ont défini leur propre frontière, s’octroyant un complément de territoire d’environ 48’000 km2. Le Venezuela n’a pas apprécié la plaisanterie.
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En rouge, la Guayana Esequiba et en jaune, la zone maritime de gisements pétroliers sur laquelle lorgne le Venezuela.
Aujourd’hui, pour beaucoup de Vénézuéliens, la région perdue de «l’Esequibo vénézuélien» demeure une injustice historique encore ressentie comme une vive douleur. Connue comme le «territoire à récupérer», cette vaste zone rappelle le temps où de grandes puissances humiliaient des Etats plus faibles – d’autant qu’un arbitrage international a par la suite attribué la majeure partie du territoire à l’Angleterre en 1899, dans des circonstances douteuses.
Ce différend séculaire pourrait appuyer le discours d’un Hugo Chávez qui prônait l’anti-impérialisme – et ce fut d’ailleurs un temps le cas. Mais lorsque le prix du brut a flambé au début des années 2000, les ambitions de Chávez ont dépassé les frontières pour devenir mondiales. Plutôt que de prendre le risque de s’aliéner son petit voisin antillais, qu’il essayait plutôt de courtiser en lui fournissant de grandes quantités de pétrole à bas prix, Chávez s’est mis à ignorer le problème malgré l’insistance de ses pairs vénézuéliens.
En 2004, il a même déclaré publiquement que le Venezuela n’interférerait pas si le Guyana décidait d’offrir aux multinationales pétrolières des concessions à exploiter et les infrastructures qui vont avec, dans la région précisément contestée. Une telle déclaration allait à l’encontre de la politique vénézuélienne menée depuis l’indépendance du Guyana dans les années 1960. Même si la déclaration de Chávez n’avait légalement aucun caractère contractuel, le gouvernement du Guyana s’est depuis appuyé la magnanimité du défunt «Comandante éternel» pour justifier le développement de nouveaux projets sur le fameux territoire.
Tout cela place Maduro dans une position délicate: doit-il poursuivre l’approche conciliante de son mentor et tenir sa promesse, ou tenter de miser sur le capital émotionnel alimenté par le sentiment d’injustice pour stabiliser son gouvernement en plein marasme?
Après tout, des générations de Vénézuéliens ont grandi en entendant ces histoires de territoires annexés illégalement par des puissances étrangères. La politique de Chávez d’un rapprochement avec le Guyana prêtait à controverse, même pour Maduro. Avec une cote de popularité descendue à 28% – son point le plus bas –, Maduro peut difficilement se permettre d’être considéré comme le président ayant définitivement renoncé à ce territoire et à la manne pétrolière qui va avec, alors que son peuple souffre actuellement d’importantes pénuries et d’une inflation à trois chiffres.
Bien qu’il semble peu probable que Caracas soit en position de profiter de cette découverte, un conflit envenimé pourrait servir d’écran de fumée pour détourner les regards de la misère qui sévit à l’intérieur du pays, et tout élan de ferveur nationale en découlant pourrait même aider à sauver la tête de Maduro de plus en plus sous pression de l’opposition.
Comme tout patchwork post-colonial, l’Amérique latine a encore son lot de conflits territoriaux et d’injustices historiques qui couvent.
- La Bolivie accuse le Chili de ne pas avoir accès à la mer;
- le Guatemala réclame la moitié, quand ce n’est pas la totalité du Belize (selon qui gouverne);
- et le conflit le plus célèbre de tous est celui qui oppose l’Argentine à l’Angleterre au sujet des îles Malouines.
A travers tout le continent, de telles problématiques sont souvent considérées comme des points de ralliement nationaux, car une intensification du conflit peut permettre de booster une cote de popularité en berne et de détourner l’attention de la population d’autres problèmes. Mais une telle stratégie ne va cependant pas sans risques.
En 1981, le dictateur militaire argentin Leopoldo Galtieri a dû faire face aux mêmes problèmes que ceux que rencontre actuellement Maduro, y compris une inflation galopante et une censure internationale pour non-respect des droits de l’homme. En laissant le conflit dégénérer au sujet des Malouines, Galtieri a un temps créé un regain de fierté nationale qui l’a rendu très populaire, mais l’a amené par la suite à une guerre désastreuse avec l’Angleterre, précipitant sa chute et son emprisonnement.
Une escalade trop forte du conflit risque de faire passer le Venezuela pour un état brutal.
Le Venezuela, qui n’a, depuis son indépendance, connu aucune guerre avec un état voisin, ne suivra pas le même chemin que l’Argentine avec le territoire d’Esequibo, mais l’escalade du conflit peut prendre d’autres formes. Lorsque le problème du forage d’Exxon au Guyana est réapparu au début 2015, le ministre vénézuélien des Affaires étrangères Delcy Rodriguez a envoyé un courrier à Exxon, leur demandant de stopper leurs activités. Le courrier est resté sans réponse, à l’exception de la demande expresse du gouvernement guyanien pour que le Venezuela cesse toute ingérence.
Le Venezuela a surenchéri en publiant un avertissement en forme de menace adressé au Guyana dans un journal local, déplorant l’attitude unilatérale du Guyana et assurant que Caracas «se réservait le droit de mettre en œuvre toutes les actions diplomatiques nécessaires en accord avec le droit international», afin de préserver sa souveraineté de la zone contestée d’Esequibo.
Cette menace n’ayant pas non plus produit l’effet escompté, Maduro a poussé le bouchon plus loin encore en publiant un décret officiel le 26 mai 2015, dans lequel il assurait le contrôle militaire du Venezuela sur ses eaux territoriales jusqu’au Surinam. Il visait à clouer le bec du Guyana – en tout cas sur le papier –, pour lui faire payer le prix de son impertinence.
Ce n’était que des mots. Le Guyana a flairé le bluff et en a même rajouté une couche, en dénonçant une tentative «d’annexion» de la part du Venezuela, annulant les vols intérieurs vers Caracas et demandant une intervention de l’ONU pour contraindre à trouver une solution judiciaire définitive au problème.
Depuis, Maduro a légèrement fait marche arrière en introduisant discrètement le 8 juin un nouveau paragraphe dans son décret, clarifiant le fait que le Guyana ne se trouverait pas véritablement «piégé», dans la mesure où «certaines zones maritimes» leur seront ouvertes une fois qu’un accord éventuel aura été trouvé.
Une escalade trop forte du conflit risque de faire passer le Venezuela pour un état brutal. Lors d’un incident largement médiatisé en 2013, le Guyana avait déclaré que «l’Armada bolivienne» avait expulsé d’une zone maritime contestée un bateau d’exploration d’une compagnie pétrolière basée au Texas, engendrant ainsi une condamnation massive de la part de la communauté internationale.
Tandis que les petits états proches, aux Antilles, ont tendance à se rallier à la cause de l’un des leurs, Maduro risque de détruire ce qui reste de la cohésion régionale que Chávez avait construite au fil des ans. Même Cuba, le plus proche allié du Venezuela, est opposée à des mesures drastiques contre le Guyana.
En outre, Exxon la pernicieuse – que Maduro accuse de monter la crise en épingle afin de saboter la révolution socialiste au Venezuela – a certes un intérêt financier énorme dans le projet Stabroek, mais il n’en reste pas moins que 25% des intérêts financiers dans cette affaire sont détenus par une filiale de la Compagnie pétrolière nationale chinoise. La survie du régime de Maduro dépend grandement du bon vouloir de Pékin (et de ses prêts réguliers).
Face à un tel casse-tête, Maduro va sans doute revenir à la stratégie qu’il maîtrise le mieux, attendre, en espérant un miracle. Peut-être que le Guyana changera d’avis et demandera à être annexé suite à la glorieuse révolution bolivienne.
Peut-être que la compagnie Exxon pétrie de remords décidera contre toute attente de renoncer à tous ces milliards potentiels, simplement pour se racheter de son passé capitaliste. Ou peut-être que le Venezuela découvrira la mythique cité d’or d’El Dorado que la légende dit cachée quelque part dans la jungle à l’est du pays. Voilà qui résoudrait tous les problèmes de Maduro – à condition, évidemment, qu’elle ne se trouve pas du côté guyanien.
Traduit de l’anglais par Céline Laurent-Santran pour ulyces.co d’après l’article «An Oil Strike in No Man’s Land», paru dans Foreign Policy.
http://www.sept.info/petrole-exxon-mobil-qui-appartient-lor-noir-au-large-du-venezuela/
6/- Grand pays producteur de pétrole, le Venezuela est au bord de la faillite
Frappé de plein fouet par le contre-choc pétrolier de 2014, l’État vénézuélien a vu ses recettes en devise baisser vertigineusement, et son PIB fondre (© Reuters)

