La Frontière ou la République d’Aztlán
1969, Denver, Conférence nationale sur la libération de la jeunesse chicana (National Chicano Youth Liberation Conference )
« Dans l’esprit d’un peuple nouveau, conscient non seulement de son héritage historique, mais aussi de la brutale invasion « gringo », nous, les Chicanos habitants des terres du Nord de L’Aztlán d’ou nos de nos ancêtres viennent, revendiquons cette terre d’origine et célébrons la détermination de nos frères du soleil, et déclarons que l’appel du sang est notre pouvoir, notre responsabilité et notre inévitable destin »
« In the spirit of a new people that is conscious not only of its proud historical heritage but also of the brutal “gringo” invasion of our territories, we, the Chicano inhabitants and civilizers of the northern land of Aztlán from whence came our forefathers reclaiming the land of their birth and consecrating the determination of our people of the sun, declare that the call of our blood is our power, our responsibility, and our inevitable destiny »
extrait du Plan Spirituel d’Aztlan, 1969
Aztlán est le lieu mythique de l’origine du peuple aztèque. Dans la mythologie mésoaméricaine, les premiers hommes quittèrent Aztlán pour migrer – selon un présage divin – et se sédentariser dans le Sud, à Mexico. Encore aujourd’hui sa localisation reste incertaine et controversée. Le mythe a de l’écho au 16e siècle chez les protagonistes, et reste assez confidentiel sauf chez quelques chercheurs des civilisations précolombiennes. On note d’ailleurs qu ‘« Aztèque » en Nahual signifie « peuple d’Aztlán».
Les mythes ne connaissent pas les frontières et contre toute attente c’est aux États-Unis à Denver, qu’il réapparait à l’aube des années 1970, chez les mexicains-américains et notamment sous l’impulsion d’étudiants revendicatifs dans la période trouble du chicano movimiento. Ce mouvement – dans la même lignée que celui des blacks panthers – prône dans le texte cité plus haut, la légitimité de reconquérir l’ Aztlán, la terre mythique de leurs ancêtres. Le concept d’ Aztlán devient un symbole, l’image de la terre promise pour ces nationalistes américains. Le terme fait faussement référence aux territoires du Nord du Mexique annexés par les États-Unis en 1848 correspondant aujourd’hui à la zone frontalière (même si la localisation de l’ Aztlán est incertaine certains ont montré que les lieux ne concordent pas). Certains membres du mouvement proposent la création d’une nouvelle nation : « la Republica Del Norte » qui engloberait la quasi totalité des Etats Frontaliers entre le Mexique et les États-Unis.
Ce n’est pas nous qui avons traversé la frontière, c’est la frontière qui nous a traversée
proverbe Chicano
La comparaison entre les deux cartes souligne le problème principal que l’usage du mythe ne vient qu’illustrer : la question de la difficulté d’intégration culturelle des citoyens américains d’origine mexicaine, d’un côté de la frontière comme de l’autre. Mais peut-on encore parler d’intégration quand, dans certaines villes du Sud, plus de 50% de la population est d’origine hispanique ? Et cette autonomie territoriale, revendiquée et appuyée encore aujourd’hui, montre les limites de la cohabitation entre deux voire trois cultures ; Les cultures américaine, mexicaine et mexicaine-américaine comme synthèse des deux premières. Comment faire exister une culture quand elle dépend directement d’une autre, en l’occurrence de la culture américaine ? La question est délicate surtout quand la troisième génération d’immigrés est confondue avec les nouveaux arrivants. D’où surement le besoin de se définir en tant que groupe social et ethnique, de se donner un nom (Chicano) qui permet de se distinguer, de s’affirmer et devient un préalable au développement de cette nouvelle culture militante. Reste la question de la terre…
« Sans la terre, la relation qu’un homme crée avec la planète sera perdue, les vieilles coutumes et traditions tomberont sur le bas-côté, et ils seront comme des gitans errants sans territoire où ancrer leur esprit. »
Anaya, Rudolfo (1976) Heart of Aztlán page 3
SOURCE/https://d6ameriscape.wordpress.com/2013/05/07/la-frontiere-ou-la-republique-daztlan/



