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Primaires américaines : le grand chelem de Donald Trump dans le nord-est

Donald Trump a largement remporté les primaires républicaines dans les cinq États de l’est des États-Unis qui votaient ce mardi. Hillary Clinton est également la grande gagnante côté démocrate.
Trump et Clinton confirment. Le milliardaire a largement remporté les primaires républicaines dans les cinq Etats de l’est des Etats-Unis qui votaient ce mardi et Hillary Clinton est également la grande gagnante côté démocrate.
Trump a remporté les consultations de ce nouveau « Super Tuesday » en Pennsylvanie, dans le Maryland, le Connecticut, le Delaware et à Rhode Island avec une avance impressionnante de 30 à 40 points sur l’un ou l’autre de ses deux derniers rivaux républicains, Ted Cruz et John Kasich.
Côté démocrate, Hillary Clinton a gagné dans le Maryland, le Delaware et en Pennsylvanie, l’Etat qui délivrait le plus grand nombre de grands électeurs ce mardi, tandis que Bernie Sanders l’emporte à Rhode Island. Hillary Clinton a ainsi engrangé une avance quasi-insurmontable sur Bernie Sanders, qui aurait besoin de gagner environ 85% des délégués restants pour la surpasser.
Elle appelle désormais au rassemblement. « J’applaudis le sénateur Sanders et ses millions de partisans, grâce à eux nous allons relever le défi pour qu’il n’y ait plus d’argent opaque en politique, et pour réduire les inégalités », a-t-elle lancé. « Que vous souteniez le sénateur Sanders ou moi, ce qui nous rassemble est plus important que ce qui nous divise », a-t-elle ajouté.
Le front anti-Trump échoue
Comme les sondages le laissaient présager, Donald Trump n’a laissé aucun espoir à Ted Cruz et John Kasich, qui ont pourtant conclu ce week-end une alliance contre le magnat de l’immobilier pour tenter de l’empêcher d’atteindre les 1.237 délégués qui lui permettraient de décrocher l’investiture du Grand Old Party.
Fort de ces succès écrasants, le milliardaire et sa nouvelle équipe de campagne, mise sur pied dans la foulée d’une série de revers début avril, est plus que jamais favori pour obtenir l’investiture républicaine en vue de l’élection présidentielle de novembre prochain. Il totalise désormais 914 grands électeurs, selon le décompte de la chaîne CNN.
C’est donc un Donald Trump particulièrement détendu qui est apparu devant ses supporters dans son quartier général à New York. « Je tiens à remercier les médias qui m’ont traité de manière très honnête (…) depuis deux heures », s’est amusé l’ancienne vedette de la téléréalité sous les rires de l’audience.
La bataille se déplace maintenant dans des Etats a priori moins favorables au milliardaire, à commencer par l’Indiana dans une semaine. Pour l’homme d’affaires, l’important n’est pas seulement de gagner les primaires restantes: il lui faudra s’imposer avec un très fort pourcentage dans les 10 derniers scrutins, afin d’atteindre les 1.237 délégués et de ravir l’investiture de façon incontestable avant la convention de Cleveland, en juillet.
Toute la stratégie de ses poursuivants vise à l’arrêter avant le seuil fatidique, afin de provoquer un événement jamais vu depuis 40 ans: une convention d’investiture « disputée », lors de laquelle les délégués devront voter, autant de fois que nécessaire, afin de dégager une majorité absolue.
Wall Street se résigne à la nomination de Donald Trump en juillet

Après avoir financé plusieurs challengers, la communauté financière se prépare à la victoire de Donald Trump en juillet.
Wall Street a perdu sa boussole. Les financiers n’ont pas davantage anticipé la crise des « subprimes » que l’ascension des outsiders Donald Trump, Ted Cruz, ou même Bernie Sanders. « J’avais prédit que Trump aurait disparu du paysage après l’été, a récemment admis le financier et entrepreneur Anthony Scaramucci. Puis j’ai dit : après Thanksgiving. Et puis : après Noël. Mais je n’ai plus assez de jours fériés ! »
C’est évidemment la trajectoire du milliardaire qui inquiète le plus la communauté financière new-yorkaise. « L’image de Donald Trump avec son doigt sur le bouton nucléaire me laisse sans voix », avait lâché dès le mois de septembre le PDG de Goldman Sachs, Lloyd Blankfein. Mais comme le reste de l’establishment, Wall Street a massivement parié sur les mauvais chevaux : Jeb Bush , parti avec plus de 100 millions de dollars de financements, Marco Rubio et Scott Walker, qui se sont tous trois retirés de la course. Et Michael Bloomberg, qui ne s’est finalement pas décidé.
Absence d’alternative
Après les défections successives des candidats modérés, un front anti-Trump s’est organisé à Wall Street. Le fonds monté par les proches de l’ancien candidat républicain Mitt Romney y a levé de l’argent sans difficultés ces dernières semaines, notamment auprès de Paul Singer, le fondateur du « hedge fund » Elliott, ou de la famille de Joe Ricketts, le fondateur de TD Ameritrade. Paul Singer, légende de la finance américaine, se serait même engagé à tout faire pour bloquer Donald Trump. L’argumentaire déployé est simple : une victoire de Trump serait un désastre pour les marchés et l’économie. Même si son programme se résume pour l’instant à quelques phrases chocs. « La vision de l’économie de Trump, c’est du niveau maternelle, se désolait récemment le gérant de « hedge fund » Stanley Druckenmiller sur CNBC. Il raconte absolument n’importe quoi. »
Absence d’alternative à Trump
Reste que la communauté financière se trouve confrontée, comme les républicains eux-mêmes, à l’absence d’alternative crédible au milliardaire chevelu. Ted Cruz est perçu comme bien trop conservateur, et John Kasich comme n’ayant aucune chances. Beaucoup estiment en outre totalement vain de financer une contre-campagne, qui ne ferait que servir le camp adverse.
Car c’est bien Hillary Clinton qui devrait bénéficier de la situation. Malgré ses sorties anti-banques , la favorite a de nombreux soutiens et connexions dans l’industrie financière. Les 675.000 dollars que lui a versés Goldman Sachs pour ses discours continuent d’ailleurs de polluer sa campagne. Mais, comme le dit l’adage, Wall Street préfère toujours être du côté des vainqueurs.
http://www.lesechos.fr/infographie/intro-carte/resultats-primaires-caucus-US.html
Elsa Conesa
En savoir plus sur http://www.lesechos.fr/monde/elections-americaines/021850388362-wall-street-se-resigne-a-la-nomination-de-donald-trump-en-juillet-1214694.php?m7gyjyp497m4m7CW.99

Les primaires américaines expliquées en cinq minutes
Qui sont ces délégués que les candidats s’arrachent, comment votent-ils? Où en est-on des primaires, ce 27 avril?
1 Qui choisit les candidats à la présidentielle?
Tous les quatre ans, le Parti républicain et le Parti démocrate organisent pendant plusieurs mois, Etat par Etat, un système de présélection des candidats à l’investiture en élisant des délégués. Ces délégués s’engagent auprès d’un candidat, et sont élus
– via des caucus, un système où les sympathisants des partis se regroupent physiquement dans divers lieux (salles de sports…) autour des représentants des candidats de leur parti.
– via des primaires, des élections qui peuvent être ouvertes (tous les Américains peuvent voter) ou fermées (seuls les sympathisants ou militants participent).
2 Comment un candidat l’emporte-t-il dans son parti?
Chez les Démocrates comme chez les Républicains, le vainqueur est celui des candidats qui emporte la majorité des délégués de son parti.
Le nombre de délégués dans chaque Etat est fixé en fonction de la population et diffère selon les partis. Ainsi la Californie élira 546 délégués démocrates et 172 républicains le 7 juin, mais le Nouveau Mexique 43 délégués démocrates et 23 républicains.
La répartition des délégués varie. Ainsi les délégués républicains sont répartis de façon différente selon les Etats, soit avec une dose de proportionnelle («Winner-take-most» comme dans le New Jersey ou en Californie) soit au mode majoritaire («Winner-take-all» comme dans le New Jersey ou le Delaware).
Il faut 1237 délégués pour obtenir la nomination républicaine (majorité simple de 2472 délégués). Côté démocrate, il faut 2383 délégués pour gagner (majorité simple de 4765 délégués).
3 Quel rôle jouent les super-délégués?
Parmi leurs délégués, les Américains élisent aussi des «super-délégués», des responsables locaux de parti, qui ne s’engagent sur aucun candidat. Le jour de la Convention, qui désigne le candidat officiel, ils votent pour qui ils veulent, souvent pour le candidat qui est déjà en tête, pour augmenter sa représentativité.
Les républicains comptent 100 «super-délégués» (dont 54 rien qu’en Pennsylvanie), et les démocrates 712.
4 Où en est-on de cette course présidentielle, ce 27 avril?
Ce 27 avril, il reste 502 délégués républicains et 1206 délégués démocrates à élire.

Chez les démocrates, Hillary Clinton est toute proche du but.

5 Quand le choix définitif des candidats sera-t-il fait?
Les candidats officiels sont élus lors des Conventions des partis, qui rassemblent tous les délégués.
La Convention républicaine aura lieu du 18 au 21 juillet à Cleveland, dans l’Ohio. Celle des démocrates est organisée une semaine plus tard, du 25 au 28 juillet à Philadelphie, en Pennsylvanie.
Les Conventions ne font normalement qu’entériner officiellement le résultat des primaires, et servent à resserrer les rangs autour de l’heureux élu. Mais cette année est exceptionnelle. Le caractère très clivant de Donald Trump et la résistance inattendue de Bernie Sanders ont dynamité le déroulement habituel de la campagne.
6 Les Conventions sont-elles jouées d’avance?
Les délégués ont certes été élus en s’engageant pour voter pour un candidat précis. Cependant:
– Alors qu’au premier tour les délégués de la plupart des Etats se sont engagés à voter pour le candidat qu’ils ont soutenu («pledged delegates»), si aucun candidat n’est élu dès le premier tour, à partir du 2e tour plus de la moitié des délégués sont déliés de cet engagement et votent comme ils le veulent.
– Les superdélégués peuvent changer la donne.
– Des marchandages de dernière minute peuvent avoir lieu. Ainsi les délégués des candidats républicains qui ont quitté la course devront choisir de donner leur voix (9 délégués de Ben Carson, les 4 de Jeb Bush, et l’unique délégué de Carly Fiorina, Mike Huckabee et Rand Paul).
7 Donald Trump peut-il encore être stoppé?
Ted Cruz et John Kasich, les deux challengers de Donald Trump, ont annoncé ce week-end un pacte de non agression dans trois Etats. Leur but: empêcher Donald Trump de rassembler les 1237 délégués dont il a besoin pour être majoritaire, et provoquer pour la première fois depuis 40 ans une Convention ouverte, autrement dit où aucun candidat n’aura la majorité simple au premier tour. La plupart des délégués seraient ensuite théoriquement déchargés de leur engagement et pourraient voter pour qui ils veulent, jusqu’à ce qu’un candidat emporte la majorité. Une situation inédite qui selon des observateurs pourrait même faire ressurgir des candidats qui ont aujourd’hui jeté l’éponge.
Cette alliance entre en vigueur début mai. Ted Cruz aura le champ libre dans l’Indiana (57 délégués) et laissera l’Oregon (28) et le Nouveau Mexique (23) à John Kasich.
8 Bernie Sanders peut-il encore l’emporter?
Il reste 1206 délégués à répartir et il suffit que 224 d’entre eux soutiennent Hillary Clinton pour qu’elle obtienne la majorité; à l’inverse, Bernie Sanders devrait convaincre 1052 délégués pour l’emporter; un scénario totalement irréaliste. 
9 Les surprises possibles: le 40B
Dites 40B à un républicain qui suit de près le processus de nomination et vous le verrez frémir. Cet article avait été modifié lors de la Convention républicaine de 2012 pour empêcher Ron Paul de présenter sa candidature au premier tour du scrutin (qu’il n’avait aucune chance de gagner): il impose à un candidat d’emporter la majorité simple des délégués ET d’avoir remporté huit Etats au moins. Le chiffre était auparavant de cinq. Si elle est maintenue telle quelle, cette règle favorisera Donald Trump, seul candidat jusqu’ici à remplir ce critère. Le comité qui règle la Convention doit la réexaminer en juin.
10 Bonus: Election Day
L’élection présidentielle aura lieu le 8 novembre, elle aussi se réalise au suffrage universel indirect. Les citoyens votent pour des «grands électeurs» qui sont associés à un candidat. Leur nombre varie selon la taille des Etats (55 en Californie, 38 au Texas mais 3 dans le Colorado ou le Vermont).
Dans la plupart des Etats, le parti qui gagne à la majorité relative, remporte la totalité des «grands électeurs» de cet Etat (selon le principe du «Winner-take-all»). Au niveau fédéral, les 538 grands électeurs votent enfin pour le candidat qu’ils se sont engagés à soutenir.
C’est ce mode de scrutin indirect qui explique l’écart entre le vote populaire et le vote des grands électeurs, souvent très important. Un président américain peut même être élu sans la majorité des voix: en 2000, George Bush a obtenu 47.9% des suffrages contre 48.4% à Al Gore.
Catherine Frammery
Journaliste, Le Temps (Genève, Lausanne). Politique suisse, et aussi médias, France, Etats-Unis, Iran.
SOURCE/https://www.letemps.ch/monde/2016/04/26/primaires-americaines-expliquees-cinq-minutes

Au-delà du personnage, quel est le programme de Donald Trump?
Au-delà des slogans, Donald Trump articule au gré de la campagne sa vision politique parfois en porte-à-faux avec le credo du Parti républicain
1 Politique étrangère
Donald Trump apparaît comme l’antithèse de Barack Obama. Le monde, selon lui, est un jeu à somme nulle. On gagne ou on perd. Se présentant en grand négociateur, il est convaincu que l’administration Obama a été médiocre en concluant l’accord sur le nucléaire iranien avec Téhéran et cinq autres puissances. Sa stratégie serait d’annuler l’accord et d’imposer des sanctions jusqu’à ce que l’Iran plie aux conditions de l’Amérique. Il refuse la venue de tout réfugié syrien en Amérique et de musulmans «tant que l’administration ne sait pas ce qu’il se passe». Il salue la manière dont Vladimir Poutine dirige la Russie. Le maître du Kremlin le lui rend bien, qualifiant Trump de «brillant et talentueux». En Syrie, il est favorable à une zone d’exclusion aérienne. Au Moyen-Orient, mieux vaut avoir des autocrates au pouvoir que le chaos, estime-t-il, n’hésitant pas à faire l’éloge de Saddam Hussein qui «a tué des terroristes». Chercheur à la Brookings Institution, Thomas Wright estime que sa vision du monde n’est pas si incohérente qu’on veut bien le dire. Mais elle relève d’une vision du XIXe siècle. Pour Donald Trump, l’ordre international mis en place par les Américains ne profite pas aux Etats-Unis. Le candidat joue la carte isolationniste et nationaliste.
2 Politique intérieure
Donald Trump a fixé l’agenda des primaires républicaines en plaidant pour une politique sans concession envers les onze millions de clandestins vivant aux Etats-Unis qu’il veut expulser. Il veut construire un mur à la frontière mexicaine qu’il ferait payer au Mexique. Il promet d’abroger la réforme de la santé de Barack Obama, Obamacare sans avoir une alternative à proposer. Il promet de forcer l’industrie pharmaceutique à baisser le prix des médicaments. Héraut d’un populisme économique qui plaît à un électorat désabusé, le New-Yorkais ne veut pas, contrairement aux autres candidats républicains, toucher à Social Security (retraites). Dans les questions sociétales, il fut un temps, à la fin des années 1990, où il était favorable à l’avortement. Désormais, il se présente comme un pro-life. Il se distingue toutefois des autres candidats républicains. Il ne remet pas en question le financement public de la plus grande organisation de planning familial du pays, Planned Parenthood. Celle-ci offre des prestations de santé essentielles pour les femmes. Mais il refuse que les deniers publics servent à financer des cliniques de l’organisation qui pratiquent l’avortement.
3 Economie et commerce
Donald Trump ne cesse que répéter que l’Amérique ne gagne plus. Il promet de «battre la Chine, le Japon et le Mexique» en matière de commerce et d’imposer des taxes douanières très élevées si nécessaire. Il critique vertement les traités de libres-échanges dont celui de l’Alena entre le Mexique, le Canada et le Mexique. Il juge inacceptable le déficit commercial américain avec le Mexique qu’il chiffre à 58 milliards de dollars. Dans le domaine économique, le plus grand ennemi de Donald Trump, c’est toutefois la Chine. Depuis le «China shock» initié en 1991 qui a causé une désindustrialisation accélérée et des pertes d’emplois massives outre-Atlantique, le candidat républicain entend remettre Pékin dans le rang. Il ne s’embarrasse pas trop de considérations relatives à l’étroite imbrication des économies américaine et chinoise. A ses yeux, le Partenariat trans-pacifique conclu par l’administration de Barack Obama et onze autres pays de la région Asie-Pacifique est inacceptable. En refusant ce traité de libre-échange qui concerne un groupe de pays représentant 40% du commerce mondial et dont la Chine est pour l’heure exclue, il est en porte-à-faux avec l’élite du Parti républicain.
Lire aussi: Trump, candidat postmoderne, balaie les recettes politiques traditionnelles
4 Régulation et fiscalité
S’il est prêt à réduire les avantages fiscaux des hedge funds, Donald Trump qualifie de «désastre» la loi Dodd-Frank adoptée en réaction à la plus grave crise économique et financière depuis la Grande Dépression (2008-2009). Elle donne trop de pouvoir au régulateur. Il compte aussi faire pression sur les sociétés qui établissent leur siège social à l’étranger pour échapper à l’impôt (tax inversion), car l’Amérique, à ses yeux, perd des milliards en revenus fiscaux en raison de ces pratiques. En termes de fiscalité, il envisage de réduire l’impôt sur les sociétés à 15% maximum (35% aujourd’hui) et à un maximum de 25% (39,6% aujourd’hui) l’impôt sur le revenu. Il quadruplerait les déductions standards autorisées. Selon le Tax Policy Center de la Brookings Institution, un laboratoire d’idées de Washington, la réforme fiscale de Donald Trump induirait des pertes de recettes fiscales pour l’État fédéral de 9500 milliards de dollars lors de la première décennie et de 15 000 milliards lors de la décennie suivante. Sans coupes budgétaires substantielles, elle engendrerait une hausse de la dette américaine, se montant actuellement à 19 000 milliards, de 11200 milliards d’ici à 2026. D’ici à 2036, sans austérité massive, la dette augmenterait de 80% par rapport au PIB.
Stéphane Bussard



