Donald Trump sous le feu des attaques

VIDÉO – À quelques heures de nouveaux scrutins dans plusieurs états, les quatre candidats à l’investiture des Républicains débattaient jeudi soir à Detroit. L’occasion pour Rubio et Cruz de pilonner, violemment, le milliardaire, et pour le quatrième larron, John Kasich, de se poser en «seul adulte» de la bande.
Les loups étaient lancés contre Donald Trump ce jeudi soir sur Fox News. À la mi-journée, Mitt Romney, l’ancien candiat républicain, battu en 2012 par Barack Obama, avait lancé une offensive brutale pour l’abattre, le traitant d’«imposteur et d’escroc» et disant qu’il n’avait «ni la compétence ni le jugement» pour être président. C’était le signal de la grande bataille que l’establishment avait décidé d’orchestrer contre le milliardaire qui caracole en tête de la primaire républicaine, dans un ultime effort pour lui barrer la route. Lors du débat télévisé qui s’est tenu à Detroit, les attaques ont redoublé, provenant essentiellement des sénateurs Marco Rubio et Ted Cruz. John Kasich, seul autre candidat à rester en piste, se tenant à l’écart de l’empoignade. La question demeure de savoir si cette violente offensive paiera dans les urnes.
Marco Rubio a été particulièrement agressif, accusant Trump de ne pas avoir de programme, et d’éluder les sujets. Disant que Donald Trump avait attaqué tout le monde, il a affirmé qu’il méritait d’être attaqué à son tour et a redoublé d’efforts sur la question de l’université Trump, un établissement qui fait l’objet d’une procédure judiciaire de la part de 5000 anciens étudiants qui se plaignent d’avoir payé pour un enseignement qui ne valait pas tripette. «Le problème est que Donald Trump veut répéter cette fraude avec le peuple américain», a dénoncé Marco Rubio.
Donald Trump s’est défendu comme il a pu, affirmant qu’il gagnerait ce procès, mais on le sentait un peu atteint, fatigué. Les injures ont fusé: «Petit Marco». «Gros Donald». Trump s’est étonné que Marco Rubio l’ait attaqué sur la taille de ses petites mains, notant qu’il avait l’air de sous entendre que «d’autres choses» étaient petites… «Tout va bien», a-t-il dit, sous entendant qu’il en avait dans le pantalon, une remarque choquante chez un candidat présidentiel, qui ne lui aura sans doute pas profité… «La seule personne qui puisse arrêter Donald Trump est Trump», a réagi un électeur sur Twitter.
Un débat agressif au niveau parfois affligeant
Ted Cruz a lui aussi beaucoup attaqué Trump, pour souligner qu’il n’avait pas de conviction et qu’il changeait d’avis. La journaliste Megan Kelly, qui était extrêmement préparée et n’a pas cédé un pouce de terrain aux candidats sur les questions, a enfoncé le clou, citant trois exemples de changement de position de Trump. Ce dernier s’est défendu en expliquant que la situation avait changé entre ses différentes interventions et qu’un certain niveau de «flexibilité» était nécessaire chez un décideur. Il a aussi clairement dénoncé le Ku Klux Klan, après la polémique qui avait entouré son retard à désavouer un ancien patron du KKK, David Duke, dimanche dernier. Au fur et à mesure que le temps passait – le débat aura duré plus de deux heures – Donald Trump a toutefois semblé fatigué des attaques de Rubio et les questions des journalistes, répondant par de courtes phrases, paraissant presque dégoûté.
Le niveau agressif et parfois affligeant du débat a été dénoncé par John Kasich, qui a affirmé qu’il était «le seul adulte sur scène». Il a effectivement fait une bonne prestation, s’efforçant de jouer sur le contraste avec les autres, et revenant encore et encore sur ses états de service, au Congrès et comme gouverneur de l’Ohio. «Je suis le seul qui ait vraiment de l’expérience», a-t-il martelé. Interpellé pour avoir exprimé une certaine réticence sur les unions homosexuelles, il a appelé, sous les applaudissements, au respect des uns et des autres. «J’aurais préféré que l’on garde le mariage entre un homme et une femme, a-t-il dit à propos de la décision de la Cour Suprême. Mais si un photographe ne veut pas photographier un mariage gay, pourquoi le couple ne va-t-il pas ailleurs, pourquoi un procès?» «Les Américains doivent réapprendre à se respecter», a-t-il dit. Clairement, c’était une manière de faire entendre une musique différente et de prendre date avec les électeurs, pour se poser en recours dans le cas d’une convention négociée.
Primaires américaines : Donald Trump, cible de toutes les attaques chez les républicains
Le Monde.fr avec AFP | 04.03.2016 à 05h54 • Mis à jour le 04.03.2016 à 09h30 | Par Gilles Paris (Washington, correspondant)

Une nouvelle fois, Donald Trump s’est retrouvé au centre de la scène lors du onzième débat opposant les candidats à l’investiture républicaine pour la présidence des Etats-Unis, jeudi 3 mars au soir. Ce débat était organisé par la chaîne conservatrice Fox News, à Detroit (Michigan).
Le magnat de l’immobilier s’est retrouvé au centre de la scène comme au centre des attaques dirigées contre lui par les deux sénateurs Ted Cruz et Marco Rubio, sous le regard du gouverneur de l’Ohio, John Kasich. Désireux d’apparaître comme « l’adulte » de la course, ce dernier s’est gardé de prendre part aux empoignades du trio.
Largement distancé par M. Trump, qui fait plus que jamais figure de favori de la course républicaine, la voix fragilisée par la succession de réunions électorales, M. Rubio s’est montré le plus agressif dans les premières minutes du débat. « Petit Marco », a rétorqué le milliardaire avec un mépris évident. Le milliardaire s’est senti en position assez favorable pour assumer de nombreux changements de position et une « flexibilité » rompant avec les formules à l’emporte-pièce assenées auparavant.
« Il y a une différence entre la flexibilité et le fait de dire aux gens ce qu’ils veulent entendre pour les amener là où on veut », a rétorqué M. Rubio. Le sénateur de Floride a tenté d’instruire le procès en incompétence de l’homme d’affaires en utilisant notamment l’action de groupe intentée contre une école de commerce créée par le passé par le magnat de l’immobilier. « Il a fait des promesses qu’il n’a pas tenues, c’est la même chose pour cette élection, il fait des promesses qu’il n’entend pas tenir », a-t-il assené.
Quand Trump finançait la campagne d’Hillary Clinton en 2008
Campé à la gauche du milliardaire, le sénateur du Texas Ted Cruz a harcelé pour sa part M. Trump en lui demandant avec insistance, mais en vain, de rendre publique l’enregistrement gardé confidentiel d’un entretien avec les éditorialistes du New York Times à propos de sa politique d’immigration.
M. Cruz soupçonne M. Trump d’avoir indiqué qu’il était prêt à la modifier alors que ses propositions radicales expliquent en bonne partie sa popularité auprès des électeurs républicains. M. Cruz a également rappelé au souvenir de M. Trump les quatre chèques versés au profit de la campagne pour l’investiture démocrate de Hillary Clinton, en 2008. « Vous l’avez fait parce que vous jugiez qu’elle ferait une bonne présidente, comment pourriez-vous soutenir le contraire [cette année s’il était investi par le Parti républicain] ? », s’est interrogé M. Cruz.
Égrenant avec un luxe de détails ses victoires et les sondages qui lui sont favorables, comme il aime à le faire dans ses réunions politiques, M. Trump n’a pas semblé véritablement touché par les critiques. Fidèle à lui-même, il est revenu sur une attaque portée par M. Rubio les jours précédents. « Il a parlé de mes mains en sous-entendant que, si elles étaient petites, autre chose devait être petit. Je vous garantis qu’il n’y a aucun problème », a lourdement insisté le milliardaire.
Interrogés par les journalistes de Fox News en fin d’émission, MM. Cruz et Rubio ont d’ailleurs assuré qu’ils soutiendraient M. Trump si ce dernier devait remporter la course à l’investiture.
Impensable. L’entrée d’un Berlusconi made in US à la Maison Blanche est désormais envisageable. On avait mal mesuré le désarroi des américains face aux inégalités. Peut-on imaginer un monde dirigé par Trump et Poutine ?
Un super macho, vulgaire, sexiste et presque caricatural d’un côté. Une femme qui incarne par son élitisme, de façon presque parfaite, tout ce que déteste une partie de l’électorat américain de l’autre. Sauf surprise de dernière minute, hautement improbable désormais, Donald Trump et Hillary Clinton seront donc les candidats de leurs partis respectifs, lors des élections présidentielles du 8 novembre prochain. Une présence attendue pour la seconde, l’équivalent d’un coup de tonnerre pour le premier
Comment en est-on arrivé là et Donald Trump pourrait-il vraiment succéder à Barack Obama à la Maison Blanche ? Sur le papier, la démographie joue contre lui. Pour l’emporter, Hillary Clinton doit rallier à sa cause 80% des voix de l’électorat « non-blancs », et au moins 40% de l’électorat « blanc ». Or 80% des Afro-Américains, des Hispaniques, sans parler des américains de confession musulmane, feront probablement tout pour faire barrage à l’homme qui veut construire des murs et fait campagne sur la peur de « l’Autre ». Par contre, obtenir au moins 40% de l’électorat « blanc » peut se révéler plus difficile qu’il n’y paraît pour Hillary Clinton.
Vu d’Europe, l’élection de Barak Obama était l’illustration du rêve américain, alors que celle – que l’on ne saurait plus totalement exclure de Donald Trump – apparaîtrait comme une anomalie, un dérapage, sinon une dérive mortelle de la démocratie américaine. Mais pour de nombreux américains, Donald Trump est lui aussi, à sa manière, provocatrice et vulgaire, une autre illustration du rêve américain. Il n’est pas, contrairement à ce qu’il avance en permanence, un homme qui s’est fait tout seul. C’est un héritier. Mais Donald Trump n’a-t-il pas démultiplié avec un sens inné de la publicité et un parfait mauvais goût, la fortune qu’il avait acquise de son père?
Il est bien sûr trop tôt de parler de Donald Trump comme on pourrait le faire d’un empereur du Bas-Empire Romain, d’un Bonaparte ou d’un Mussolini, sans évoquer la personnalité politique contemporaine dont il semble le plus se rapprocher, Silvio Berlusconi, l’ancien premier ministre d’Italie. Certains vont même jusqu’à faire référence à Adolphe Hitler, une comparaison très excessive bien sûr, mais qui touche du doigt une des clés du succès de Donald Trump. Il dit à des citoyens américains, déstabilisés, nostalgiques d’une époque de grandeur et de certitudes : « comptez sur moi, je vais vous protéger, je ne crains rien, ni personne ».
Par quel enchaînement le parti républicain se verra-t-il sans doute représenter demain par un homme qui pour beaucoup de ses membres les plus riches et éduqués, ne peut apparaître que comme le fossoyeur du GOP (Grand Old Party), celui qui va condamner les républicains à une troisième défaite d’affilée aux élections présidentielles? L’explication tient comme toujours à la rencontre entre un homme et des circonstances. Il existe aujourd’hui comme une adéquation entre l’évolution d’une partie significative des classes moyennes blanches au sein de la société américaine et l’émergence d’un homme qui a su catalyser leur mélange de colère, d’humiliation et de peur. « Les petits blancs » n’ont jamais accepté, jamais « digéré » la présence à la Maison Blanche d’un président noir. Ils n’ont pas été associés aux bénéfices du retour de la croissance, dans une société toujours plus inégalitaire. Et les attentats de San Bernardino, sans oublier ceux de Paris, ont constitué pour eux comme autant de piqûres de rappel, face à leur peur du terrorisme. Leurs peurs d’être envahis par leurs voisins mexicains, d’être ruinés par la compétition asiatique, sinon tués par les plus fanatiques, se sont traduites dans l’expression d’un soutien au candidat le plus radical, le plus anti élites politiques qui soit. Je plaide ici coupable. Je n’ai pas saisi l’étendue et la profondeur de cette colère. Je ne reconnaissais pas « mon Amérique » dans les gesticulations et les outrances d’un provocateur et d’un affabulateur. Si Donald Trump n’est pas, (pas encore?), l’incarnation de l’Amérique nouvelle, il ne peut pas non plus être simplement considéré comme une aberration, une excroissance folle au sein du système politique américain. Pendant des décennies le parti républicain a joué avec le feu, encourageant ou laissant se développer en son sein toutes les déviances, même celles qui pouvaient mettre en danger sa légitimité et sa crédibilité. Au delà des dérives du parti républicain, il y a celles du système politique dans son ensemble. Aux Etats-Unis aussi, « Trop c’est trop ».
Mais reconnaître la responsabilité des élites en place dans la montée en puissance de Donald Trump est une chose, envisager avec une forme de satisfaction morbide, qu’il puisse être le prochain président des Etats-Unis, en est une autre. Certes Hillary Clinton est vulnérable, en dépit de sa résilience personnelle incontestable. On ressent à l’égard de sa personne comme une forme « d’absence d’envie ». Elle fait partie du paysage politique depuis si longtemps, et son image est brouillée.
Le 8 Novembre 2016 les Américains devront choisir entre l’émotion négative qui les porte vers Donald Trump et la raison qui les pousse à voter pour le candidat de l’expérience et de la compétence, Hilary Clinton.
L’élection de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis marquerait une coupure brutale dans l’histoire des Etats-Unis et au delà du monde. Qui, à l’heure du retour de la guerre froide, peut sans frémir, penser que le destin de l’humanité pourrait dépendre demain de deux hommes aussi imprévisibles sinon impulsifs l’un que l’autre : Trump et Poutine. Et le système économique mondial résisterait-il aux mesures protectionnistes, défendues par Donald Trump ?
Le problème est que ces considérations influeront très peu sur le choix d’américains qui vivent plus que jamais dans leur propre bulle.
Dominique Moisi
Dominique Moïsi
