
par Damien Glez
Damien Glez est dessinateur-éditorialiste franco-burkinabè- 20.01.2016
À l’heure où les plus fortunés glosent au Forum économique mondial de Davos, l’ONG Oxfam souligne, dans un nouveau rapport, l’accroissement des inégalités dans le monde. Les 62 personnes les plus riches de la planète possèdent autant que les 3,5 milliards les plus pauvres, soit la moitié de la population mondiale…
C’est une lapalissade : les riches sont plus riches que les pauvres. Ce qui n’est pas une lapalissade, mais tend à devenir une banalité, c’est que les riches sont chaque année davantage plus riches que les pauvres. Et dans l’évaluation des pécules, l’Afrique ne tarde jamais à devenir le mètre étalon de l’indigence.
Les nouvelles statistiques de l’ONG Oxfam sont formelles : Mark Zuckerberg est plus riche que six États réunis, parmi lesquels cinq africains. La fortune du juste trentenaire fondateur de Facebook dépasse la somme des avoirs du Mali, du Botswana, du Rwanda, du Lesotho, du Malawi et des îles Fidji. Le plus alarmant est que les inégalités extrêmes s’accentuent. Selon Oxfam, les 1% les plus riches possèdent désormais davantage que les 99% restants.
Or, la fortune confère un pouvoir qui lui-même donne accès à la pérennisation de cette fortune, voire à son accroissement. À titre d’exemple, l’un des privilèges des plus aisés est de pouvoir biaiser les modèles économiques en leur faveur, tout en écartant leur richesse d’une production vertueuse. Les paradis fiscaux auraient ainsi permis de mettre à l’abri quelque 7 600 milliards de dollars stériles. Et le fossé entre les repus et les nécessiteux de se creuser inlassablement…
Bien sûr, toute statistique reste un prisme qui prête à débat. Y a-t-il des trompe-l’œil dans le rapport d’Oxfam ? Si c’est le cas, sont-ils de nature à remettre en cause l’interprétation politique qu’on en fait ? L’ONG prenant en compte les dettes individuelles dans son évaluation de la pauvreté, l’indigence de ceux qui, au Sud, n’ont accès qu’à de rares crédits étudiants ou immobiliers est, d’un certain point de vue, sous-évaluée.
Si l’Occidental moyen est sujet à un surendettement fatal à la structure de ses comptes personnels, il n’en reste pas moins que son assiette est mieux garnie que celle du ressortissant d’un pays lui-même qualifié de « pauvre ». Il y a certainement de la fierté à mourir de faim sans rien devoir à personne, mais ça ne calme pas l’appétit…
Chacun voit statistique à sa porte. Comme les Africains qui constatent que la grande majorité du milliard d’individus arrachés à la dèche se situe en Inde et en Chine…
À l’inverse, en se concentrant sur les inégalités, et donc sur la notion de répartition, ce rapport ne considère guère l’accroissement global de la richesse. Si un « pauvre » lambda s’enrichit à un rythme inférieur à celui de l’enrichissement d’un « riche » lambda, le pauvre est moins pauvre, même si le fossé s’est creusé entre les deux lambda. Les appréciations diverses du nouveau rapport d’Oxfam sont moins une question de mauvaise foi de l’ONG que de thème retenu.
Au-delà de la notion d’inégalité, les auteurs ne nient pas qu’en vingt ans, la croissance économique a permis de faire sortir près d’un milliard d’individus de l’extrême pauvreté. Mais chacun voit statistique à sa porte. Comme les Africains qui constatent que la grande majorité du milliard d’individus arrachés à la dèche se situe en Inde et en Chine…
source : http://www.jeuneafrique.com/295512/societe/inegalites-2016-pauvres-pauvres/
Pauvreté et inégalités en Afrique : la Banque mondiale fait un encourageant état des lieux

Dans un nouveau rapport, la Banque mondiale suggère que l’incidence de la pauvreté en Afrique pourrait être inférieure à ce qu’indiquent les estimations et que la région n’affiche pas de croissance systématique des inégalités.
Dans « Poverty in a Rising Africa » (La pauvreté dans une Afrique en plein essor), un rapport rendu public ce vendredi, la Banque mondiale annonce des résultats à rebours des discours généralement répandus au sujet de l’Afrique.
« Selon les estimations les plus récentes de la Banque mondiale, écrit l’institution internationale dans un communiqué, le pourcentage d’Africains pauvres a chuté de 56 % en 1990 à 43 % en 2012″. Selon l’institution internationale ce recul du taux de pauvreté pourrait d’ailleurs « être plus important qu’escompté, lorsqu’on réexamine la qualité et de la comparabilité des données utilisées ».
Pour autant, rappelle la Banque mondiale, cette nouvelle encourageante « ne doit pas masquer le fait que le nombre de pauvres a augmenté », en raison de l’accroissement de la population. Selon « le modèle le plus optimiste », l’Afrique compte 330 millions de pauvres en 2012, contre 280 millions en 1990.
C’est dans les pays fragiles que la réduction de la pauvreté est la plus lente, mais l’écart entre le niveau de la pauvreté dans les milieux urbain et rural est en recul sur le continent.
La Banque mondiale note également que les « indicateurs non monétaires de la pauvreté » se sont améliorés : les taux d’alphabétisation chez les adultes ont gagné quatre points de pourcentage depuis 1995 et les disparités entre les sexes ont été réduites. Sur la même période, l’espérance de vie a augmenté de six ans, et la prévalence de la malnutrition chronique chez les enfants de moins de cinq ans a baissé de six points de pourcentage, pour s’établir à 39 %.
Pas de hausse systématique des inégalités
Sur le plan des inégalités en Afrique, la Banque mondiale reconnaît que la situation est « complexe ». « Sept des dix pays les plus inégalitaires au monde sont situés en Afrique, et principalement en Afrique australe », écrit l’institution internationale.
« Si l’on exclut ces pays, et en tenant compte des niveaux de PIB, les inégalités ne sont pas plus élevées en Afrique qu’ailleurs », écrit toutefois l’institution internationale.
Les données des enquêtes menées auprès des ménages ne montrent pas une hausse systématique des inégalités dans les pays africains, tandis que l’on assiste toutefois à une augmentation du nombre de personnes très fortunées.
Obtenir de meilleures données
L’institution internationale se garde toutefois d’un enthousiasme excessif et souligne bien au contraire les efforts qui restent à faire. « Bien que les données montrent une diminution de la proportion d’Africains vivant dans l’extrême pauvreté, des obstacles majeurs persistent, compte tenu de la croissance démographique rapide que connaît cette région du monde », avertit Kathleen Beegle, chef de programme à la Banque mondiale et coauteur du rapport.
Aussi, malgré « une amélioration significative des taux de scolarisation, la qualité de l’instruction est souvent très médiocre et plus de deux adultes sur cinq sont encore analphabètes », rappelle l’institution internationale, qui appelle en outre au renforcement des données sur la pauvreté en Afrique.
Seuls 25 pays d’Afrique subsaharienne sur 48 ont conduit au moins deux enquêtes auprès des ménages entre 2003 et 2012. Afin d’aider à y remédier, la Banque mondiale a annoncé le 15 octobre que les pays les plus pauvres, notamment africains, recevront un appui pour réaliser des enquêtes sur les ménages tous les trois ans.
>> Découvrez la version complète du rapport de la Banque mondiale [Anglais]
Sommet des Nations unies : Éradiquer la pauvreté, oui, mais avec quel argent ?

Après les Objectifs du millénaire, l’ONU présente ses Objectifs de développement durable. Un plan ambitieux qui doit être adopté du 25 au 27 septembre à New York, et dont le financement s’annonce complexe.
C’est un chantier titanesque que l’ONU ouvre, du 25 au 27 septembre à New York, dans le cadre de sa 70e session. Il s’agit pour les 193 pays membres d’adopter les 17 Objectifs de développement durable (ODD) destinés à « construire un monde libéré de la pauvreté, de la faim, de la maladie, du besoin ; un monde de respect universel des droits de l’homme et de la dignité humaine ; un monde dans lequel l’humanité vit en complète harmonie avec la nature », selon le document préparatoire, qui fixe 2030 comme échéance.
À vrai dire, l’ONU ne part pas de zéro. En 2000, elle s’était déjà fixé huit Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) qui devaient améliorer le sort des plus défavorisés de la planète entre 1990 et 2015. Ils n’ont pas tous été atteints, notamment en Afrique, mais ont contribué à mobiliser les efforts de la communauté internationale.
L’objectif n°1, réduire de moitié la population vivant avec moins de 1,25 dollar par jour, a été un succès.
L’objectif n°1, réduire de moitié la population vivant avec moins de 1,25 dollar par jour, a été un succès, puisque ce nombre est tombé de 1,9 milliard en 1990 à 836 millions en 2015. En revanche, l’accès à l’éducation pour tous n’a pas été réalisé : il reste 57 millions d’enfants non scolarisés. De même, la mortalité infantile avant 5 ans a baissé de 90 à 43 décès pour 1 000 naissances, et la mortalité maternelle a diminué de 45 %, mais sans atteindre les objectifs fixés. Les résultats ont également été insuffisants en matière d’égalité des sexes, de maîtrise des grandes épidémies ou d’émissions de gaz à effet de serre.
Un texte ambitieux
Les ODD que votera le 27 septembre l’Assemblée de l’ONU reprennent ces OMD, mais ils les élargissent et les universalisent. Ils ambitionnent de mener de pair la lutte contre la pauvreté et la défense de l’environnement. Fini la division entre les riches du Nord et les pauvres du Sud : tous les pays sont concernés parce qu’ils comptent tous, dans leur population, des catégories laissées pour compte (1 milliard d’êtres humains ne mangent pas à leur faim) et parce qu’ils sont tous menacés par le réchauffement climatique.

« Le texte de l’ONU est très ambitieux, mais il présente des incohérences, analyse Christian Reboul, responsable études et plaidoyer en matière de financement du développement chez l’ONG Oxfam France. D’abord, il n’est pas contraignant pour les États. Ensuite, les financements qu’il prévoit ne sont pas à la hauteur des enjeux des ODD, alors que c’est au plan financier que tout se jouera. Il n’y a qu’à voir les atermoiements de la France en matière d’aide au développement ou de taxe sur les transactions financières… »
De fait, quand les experts additionnent les besoins d’infrastructures, de santé, d’éducation, d’agriculture, d’industrialisation, de réformes et de protection de l’environnement, ils montent jusqu’à 4 500 milliards de dollars par an (environ 3 970 milliards d’euros). Or à Addis-Abeba, en juillet, lors de la troisième Conférence sur le financement du développement, les responsables se sont contentés de souhaiter une enveloppe de 2 500 milliards…
L’aide publique demeure indispensable, mais elle plafonnera à 150 milliards de dollars, ce qui est une goutte d’eau, commente Bertrand Badré
Quand on cumule l’aide publique au développement (135 milliards de dollars en 2014), l’argent envoyé chez eux par les émigrés (de l’ordre de 440 milliards), les dons et les prêts des organismes multilatéraux, on parvient à 1 000 milliards de dollars disponibles par an. C’est beaucoup, mais insuffisant, affirme le rapport « From Billions to Trillions : Transforming Development Finance » élaboré par la Banque africaine de développement, la Banque asiatique de développement, la Banque européenne pour la reconstruction et le développement, la Banque européenne d’investissement, la Banque interaméricaine de développement, le FMI et la Banque mondiale.
« L’aide publique demeure indispensable, mais elle plafonnera à 150 milliards de dollars, ce qui est une goutte d’eau, commente Bertrand Badré, directeur financier de la Banque mondiale. Il nous faut chercher ailleurs l’argent nécessaire. Nous devons mobiliser l’impôt et l’épargne locale, mais aussi nous engager sereinement avec le secteur privé, qui n’est certes pas dans une démarche charitable mais doit contribuer à créer richesse et emplois. »
Quels moyens pour appliquer les ODD ?
Parmi les pistes explorées par la Banque mondiale figure le Global Infrastructure Facility, une plateforme qui projette de réunir les institutions multilatérales et de nombreux fonds privés afin de partager les risques des chantiers de routes, de barrages ou de réseaux électriques. « Car le problème n’est pas le manque d’argent, mais la confiance », poursuit Bertrand Badré, qui juge le mécanisme des assurances contre les catastrophes naturelles ou les épidémies très efficace, lui aussi, pour corriger les effets néfastes de celles-ci sur la croissance.
En investissant 1 million d’euros dans l’amélioration d’une administration fiscale, nous avons fait rentrer 100 millions dans les caisses d’un État, se félicite Angel Gurría
En matière de mobilisation des ressources domestiques, l’impôt occupe une place centrale. « Comment justifier que les riches ne paient pas d’impôt grâce aux paradis fiscaux et que les multinationales s’y soustraient en transférant leurs bénéfices dans des zones où ceux-ci ne sont pratiquement pas taxés, alors qu’il n’est question partout que d’austérité, de chômage et de faible croissance ? » rugit Angel Gurría, le secrétaire général de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), qui a reçu du G20 mission de corriger ces dérives.
Cible n°1 : les paradis fiscaux. Grâce aux États, de plus en plus nombreux, qui acceptent d’échanger automatiquement leurs informations sur les mouvements de fonds, l’évasion fiscale commence à être contenue. « En investissant 1 million d’euros dans l’amélioration d’une administration fiscale, nous avons fait rentrer 100 millions dans les caisses d’un État, se félicite Angel Gurría. De 2009 à 2014, les membres de l’OCDE et du G20 ont récupéré ainsi 37 milliards d’euros. »
Cible n°2 : les multinationales. Lors du prochain G20 Finances, le 8 octobre à Lima, le secrétaire général de l’OCDE devrait obtenir le feu vert pour les contraindre peu à peu à contribuer au financement sinon du meilleur des mondes, du moins de celui où l’ONU veut que personne ne soit « laissé de côté ». Il reste quinze ans pour atteindre cet objecti
