371- Brexit : Cameron veut le butter et l’argent du butter

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David Cameron le 19 février à Bruxelles. Il défend l’intérêt national avant tout.

David Cameron veut rester dans l’Union européenne, avec un accord satisfaisant les eurosceptiques britanniques. Voilà pourquoi le Brexit lui fait peur.

Toujours pas d’accord en vue. « Il n’y aura de deal que si nous obtenons ce que nous voulons pour le Royaume-Uni », a déclaré David Cameron ce vendredi depuis Bruxelles. Les négociations pour éviter un Brexit pourraient encore durer. Le Premier ministre britannique s’efforce de ramener à ses eurosceptiques de beaux trophées, sans lesquelles il ne peut y avoir de « oui » au futur référendum.

Au programme notamment: limiter les aides sociales aux travailleurs originaires d’autres pays de l’Union européenne, contrairement à l’égalité qu’impose les traités, et accorder au Royaume-Uni un droit de veto en matière de régulation financière, même quand il s’agit de décisions concernant la zone euro, à laquelle il n’appartient pas. Mais Cameron cherche malgré tout à éviter le Brexit, qui plongerait son pays dans l’inconnu. Quelques éclairages sur les conséquences qu’aurait cette sortie de l’Union européenne.

1. La fin du libre-échange avec l’Union

Le Royaume-Uni a une économie dynamique, deuxième derrière l’Allemagne en terme de PIB. Même s’il ne fait pas partie de la zone euro, il doit sa croissance à ses échanges avec l’Union européenne, qui sont venus relayer ceux qu’il entretenait avec ses anciennes colonies du Commonwealth. Selon Eurostat, 48,3% des échanges de biens – importations et exportations – ont lieu à l’intérieur de l’Union.

L’Union européenne permet le libre-échange, sans barrières douanières, dans un marché de plus de 500 millions de personnes, c’est-à-dire qu’elle permet de payer moins cher des biens importés. Selon une étude du think-tank Open Europe, les voitures pourraient coûter 10% plus cher. Les hausses pourraient même se monter à 20% pour la nourriture, les boissons ou… Le tabac. Sans compter les effets d’une probable dévaluation de la livre anglaise qui appauvrirait encore les consommateurs britanniques.

Les exportations britanniques souffriraient aussi d’un retour des barrières douanières. Dans une note d’étude sur les conséquences d’un Brexit, Bloomberg avertit que sans le libre-échange avec l’Union, le PIB par tête baisserait de 2%. Bien sûr, le Royaume-Uni fera en sorte de négocier de nouveaux accords de libre-échange avec ses partenaires européens, comme l’ont fait d’autres pays non-membres tels que la Norvège ou la Suisse. Mais il est peu probable qu’ils soient aussi avantageux que le marché unique.

2. Un Royaume désuni

Dire au revoir à l’Union européenne, c’est aussi prendre le risque de dire au revoir à l’unité du Royaume. En septembre 2014, les Ecossais se prononçaient à 55,3% contre l’indépendance. Nicola Sturgeon, la Première ministre écossaise, fait partie du camp indépendantiste, et ne conçoit pas Edimbourg en dehors de l’Europe. « Mon message à David Cameron est le suivant: ne créez pas les conditions d’un autre référendum sur l’indépendance », a-t-elle averti en juin dernier lors d’une réunion à Bruxelles. « L’Ecosse sortira du Royaume-Uni en cas de Brexit », assure à L’Express Jeremy Cliffe, chroniqueur à The Economist.

Pays voisin dont l’économie dépend de celle du Royaume-Uni, l’Irlande n’a elle aucun intérêt à un Brexit. Selon Open Europe, elle est perdante à tous les coups. Selon l’hypothèse la plus pessimiste, elle perdrait 3% de son PIB en 2030. Selon la plus optimiste, elle perdrait 1,1%. Privé de l’Ecosse, brouillé avec l’Irlande, le Royaume-Uni perdrait de son influence régionale.

3. Un pays isolé sur son propre continent

« La question du Brexit fait partie d’un plus grand débat sur l’Etat que doit être le Royaume-Uni », commente Jeremy Cliffe. « Doit-il être uni, doit-il être ouvert au monde? C’est une véritable crise d’identité. » Le Royaume-Uni ne fait pas partie de l’espace Schengen, mais la crainte de se retrouver réellement isolés par des frontières, si l’Union européenne discrimine les voyageurs britanniques, affole tous ceux qui font profession de les franchir.

Dans le Daily Express, un ex-patron de l’agence de voyage Tui explique par exemple qu’une sortie de l’Union européenne met la sécurité des touristes britanniques en danger. Il explique qu’après l’attentat terroriste de Sousse en Tunisie, la coopération des gouvernements européens par l’entremise de leurs consulats sur place a permis de faire un meilleur travail. Tandis que la patronne d’Easyjet a assuré que l’Europe unie avait permis de démocratiser le tourisme parmi les classes populaires.

4. La « relation spéciale » avec les Etats-Unis compromise

Les Etats-Unis, fidèles alliés, ne voient pas d’un bon œil l’euroscepticisme britannique, qui les prive de leur tête de pont en Europe. Dans une tribune, Richard N. Haass, ancien conseiller de George W. Bush, explique que la « relation spéciale » entre les deux pays serait mise à mal par un Brexit: « De mon point de vue, comme de celui de nombreux Américains, une sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne est indésirable, et même hautement indésirable ». Pourquoi? Parce que « le plus souvent, on peut compter sur lui pour défendre à Bruxelles des positions proches de celles des Etats-Unis ».

C’est d’outre-Atlantique que vient le rappel. Qu’il le veuille ou non, le Royaume-Uni est européen, et ne peut pas couper les ponts. « L’Europe n’intéresse pas David Cameron », regrette Jeremy Cliffe. « Mais grâce à cette renégociation, il vient de découvrir l’intérêt de nouer des alliances sur le continent


 

source : http://lexpansion.lexpress.fr/actualite-economique/brexit-les-quatre-consequences-que-cameron-doit-eviter_1765441.html


Pour les eurosceptiques britanniques, l’Europe coûte trop cher. Le Brexit aurait aussi un coût pour le Royaume-Uni, mais il reste difficile à évaluer, et l’avenir de David Cameron dépend des eurosceptiques.

Une âpre querelle de chiffres oppose au Royaume-Uni partisans et opposants au Brexit. Selon les premiers, la contribution annuelle au budget de l’Union européenne est une perte sèche pour les contribuables. Pour les seconds, elle donne accès à un marché unique qui fait économiser chaque année plusieurs milliers de pounds aux foyers britanniques.

Trop chère, l’Europe? Selon une tribune de Ian Begg, de la London School of Economics, les calculs faits pour évaluer son coût sont trompeurs. Ceux qui sont faits à partir de la contribution au budget de l’Union, de l’ordre de 17 milliards d’euros, ne prennent pas forcément en compte les subventions diverses reçues en retour. Nette, la contribution n’était que de 11 milliards en 2013. Soit « cinq fois moins que ce que coûte chaque année le paiement des intérêts de la dette nationale ».

 Un Brexit ne romprait pas les relations commerciales

Par contre, présenter le Brexit comme une catastrophe serait tout aussi trompeur. Pour faire des estimations sûres, il faudrait être capable de « donner les conditions qui seraient faites à un Royaume-Uni sorti de l’Union européenne », estime Ian Begg. En effet, seule la Manche sépare Albion du reste de l’Europe. Un Brexit ne romprait en rien les relations commerciales, qui se feraient en fonction de nouveaux accords. Et à l’heure du Tafta, le protectionnisme n’est vraiment pas à la mode.

Un accord défavorable au Royaume-Uni freinerait ses exportations et renchérirait ses importations, alors que 48,3% des échanges de biens ont lieu à l’intérieur de l’Union européenne, selon les chiffres d’Eurostat. D’après une étude du think-tank Open Europe citée par Ian Begg, le PIB britannique pourrait être en baisse de 2,2% en 2030 si les nouveaux accords étaient trop protectionnistes, mais pourrait aussi augmenter de 1,6% à la même échéance s’ils étaient favorables au libre-échange. Voilà pour les scénarios extrêmes. Selon les hypothèses « plus réalistes » d’Open Europe, la perte pourrait se limiter à 0,8% et le gain à 0,6%. Beaucoup de bruit pour presque rien, disait Shakespeare.

« Un Brexit n’aurait pas d’impact direct sur l’économie britannique en terme de croissance et d’emploi », reconnaît pour L’Express Catherine Mathieu, de l’OFCE. En effet, l’Union a déjà passé avec des voisins non-membres comme la Norvège ou la Suisse des accords de libre-échange. Elle en ferait probablement de même avec le Royaume-Uni, de peur de voir ses propres exportations pénalisées.

Bras de fer autour de la régulation du secteur financier

Le bras de fer mené actuellement autour de la régulation du secteur financier, qui pèse 8% du PIB britannique, peut avoir par contre de grandes conséquences économiques sur le reste de l’Europe. Si certains grands acteurs de la City, comme la banque HSBC, ont alerté sur le risque d’un Brexit, cela ne veut pas dire qu’ils apprécient la régulation européenne.

Les banques britanniques bénéficient déjà d’un statut dérogatoire. Au grand dam de la France, le président du Conseil européen Donald Tusk a proposé que la City puisse s’affranchir de certaines règles communes sur l’ensemble des acteurs de la finance, dont les agences de notation. Son texte a été amendé dans une deuxième version, mais les négociations ne sont pas terminées. « C’est l’Europe qui a le plus à perdre si elle n’est pas capable d’adopter une position forte sur la réglementation des systèmes financiers », avertit Catherine Mathieu.

Sur ce point comme sur celui de l’aide sociale aux migrants européens, le Premier ministre David Cameron essaye en effet d’obtenir le maximum avant son référendum, quitte à briser des règles fondamentales. « Les Britanniques ne sont pas entrés dans l’Union avec un projet politique, mais avec l’idée d’un marché libre », commente Catherine Mathieu. Pour le Royaume-Uni, il n’est pas question que l’Union devienne « toujours plus étroite », comme le prévoient les traités. Le risque, pour L’Europe, est d’obtenir un compromis trop faible. Et de perdre ainsi une bonne partie de son ambition.


 

source: http://lexpansion.lexpress.fr/actualite-economique/brexit-ce-que-le-royaume-uni-peut-y-gagner_1763894.html


 

Brexit : Cameron veut le butter et l’argent du butter

Béatrice Delvaux Mis en ligne jeudi 18 février 2016, 12h33

L’Union perdrait la face et sa crédibilité, si elle accordait à la Grande-Bretagne de modifier d’un trait de plume l’esprit du projet européen.

Toute l’Europe se penche sur un problème créé par un seul parti, dans un seul pays. Il s’agit certes de la Grande-Bretagne, mais on aurait pu décider de la renvoyer à ses interrogations existentialo-électoralistes, en lui signifiant une fois pour toutes que l’Europe, c’était à prendre ou à laisser, mais pas à mettre à sa mesure. Et lui signifier que c’en était fini du programme à la carte et d’une appartenance où on finissait par faire des exceptions la règle.

Mais l’Europe, c’est dans sa nature, n’aime pas le rapport de force. Ce qui vaut face à la Russie de Poutine, vaut aussi mutatis mutandis pour la Grande-Bretagne de Cameron. Les dirigeants européens ont donc accepté de s’asseoir à table avec les Britanniques. Or qui dit s’asseoir, dit négocier, et qui dit négocier, dit lâcher du lest et renoncer.

Le risque de donner des idées à d’autres

C’est un lourd précédent, que beaucoup prédisent dangereux. Accepter de négocier sur mesure, et cette fois, non dans le sens d’un élargissement, mais d’une marche arrière, risque de donner des idées à d’autres. On voudrait aujourd’hui faire en sorte qu’en cas de Brexit, tous les textes conçus à usage exclusif de la Grande-Bretagne soient jetés à la poubelle. Mais qui pourrait refuser à un pays équivalent de bénéficier du même traitement, s’il tentait aussi un référendum ?

Sur le fond, on pourrait considérer, pour certaines concessions sur table, qu’il n’y a pas « mort d’Europe ». Les Britanniques n’obtiennent sur certains points pas grand-chose, pas suffisamment en tout cas, pour peser à coup sûr, sur le référendum. Sur d’autres points, il en va tout autrement. L’Union perdrait ainsi la face et sa crédibilité, si elle accordait à la Grande-Bretagne de modifier d’un trait de plume l’esprit du projet européen.

Si Cameron ne veut pas d’un moteur qui aille dans le sens d’une « union toujours plus étroite », fort bien, mais il ne peut en priver les autres. La possibilité doit être laissée à ceux qui le souhaitent, d’aller de l’avant, vers plus d’intégration. La crise du « Brexit » pourrait être alors l’occasion d’acter non seulement un statut spécial pour la Grande-Bretagne, mais l’existence de deux types d’appartenance à l’UE, la version faible et la pleine. Cette Europe à deux vitesses pourrait être ensuite coulée dans les traités.

Dernier élément crucial : on ne peut donner aux Britanniques les armes leur permettant, tout en étant partiellement « hors » de l’Union européenne, d’en déterminer le cours. Or c’est leur volonté : avoir un pied dehors mais aussi dedans, histoire qu’on n’aille pas trop loin sans eux. C’est en cela que toute forme de droit de veto sur l’évolution de l’Union monétaire est à proscrire. On ne peut avoir le beurre et l’argent du beurre.


 

http://www.lesoir.be/1125189/article/debats/editos/2016-02-18/brexit-cameron-veut-butter-et-l-argent-du-butter