5169 – Se libérer du vieil ordre économique mondial par Solidarite et progres

La rédaction – lundi 24 octobre 2022

Les événements de ces deux dernières semaines confirment l’émergence d’un nouvel ordre économique mondial, porté par une révolte grandissante contre « l’ordre fondé sur les règles » dicté par l’Occident – qu’il faudrait plutôt qualifier de « désordre d’un système au bord du krach ». Pendant ce temps, face à l’incompétence clinique des dirigeants, les peuples se lèvent aux quatre coins de l’Europe.

Un nouveau mouvement non-aligné en gestation

https://www.humanite.fr/sites/default/files/styles/amp_metadata_content_image_min_696px_wide/public/legacy/2013-03-04xi-jinping.jpg?itok=aOjDxTB0  Xi Jinping Président de la Chine


Dans le « Sud global », le refus de se laisser entraîner dans l’affrontement géopolitique avec la Russie et la Chine s’affirme, tandis qu’un nouveau mouvement non-aligné en gestation aspire à mettre fin au nouveau colonialisme, marqué par le sous-développement et l’apartheid technologique sous quelque prétexte que ce soit. Le président chinois Xi Jinping l’a exprimé ainsi le 16 octobre lors d’un grand discours : « Le monde se trouve à nouveau à la croisée des chemins de l’histoire, et sa voie future sera décidée par tous les peuples du monde ». Autrement dit, pas seulement par les puissants.

Quelques jours auparavant, des responsables de 27 nations s’étaient réunis à Astana, au Kazakhstan, pour le sommet de la Conférence pour l’interaction et les mesures de confiance en Asie (CICA), qui regroupe la Chine, l’Inde et la Russie, en plus de 23 autres pays d’Asie et d’Asie du sud-ouest. Le président Poutine, soutenu en cela par d’autres intervenants, a déclaré à cette occasion que « le monde devient véritablement multipolaire et l’Asie, où se renforcent de nouveaux centres de pouvoir, y joue un rôle majeur, sinon le rôle clé. (…) Les pays asiatiques sont les moteurs de la croissance économique mondiale. »

Certains alliés traditionnels de Washington et de Londres, tel que l’Arabie saoudite et la Turquie, rompent eux-mêmes les rangs. Malgré les pressions et menaces de la part de l’administration Biden, Riyad a en effet opté pour une réduction de la production de pétrole par l’OPEC+ voulue par Moscou. De son côté, le président turc Erdogan s’efforce de négocier avec Poutine la fin du conflit ukrainien et a récemment commandé des systèmes de défense antimissile à la Russie.

Le système de Wall Street et de la City au bord du krach

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Pendant ce temps, le système financier et monétaire mondial vacille. « L’année prochaine va être douloureuse, a déclaré le 11 octobre à CNBC Pierre-Olivier Gourinchas, économiste en chef du FMI. Il y aura de forts ralentissements et beaucoup de difficultés économiques ». Axel van Trotsenburg, l’un des directeurs de la Banque mondiale, a abondé dans le même sens, constatant que « l’extrême pauvreté augmente à nouveau » et que « 47 % de la population mondiale vit dans la pauvreté. C’est donc très clair, les gens souffrent ».

https://internationalworldofbusiness.com/wp-content/uploads/2019/10/CPC.jpg  Axel van Trotsenburg – l’un des directeurs de la Banque mondiale


Le Fonds monétaire international lui-même reconnaît l’échec du système dominant à réduire la pauvreté et à favoriser la paix. Son Rapport sur la stabilité financière mondiale, publié le 11 octobre, est sans appel : « Le pire est encore à venir, et pour beaucoup de gens, 2023 ressemblera à une récession », en raison d’un « environnement de stabilité financière inhabituellement difficile ».

https://static.lpnt.fr/images/2022/09/29/23674751lpw-23674776-article-jpg_9048624_1250x625.jpg  Liz Truss – Angleterre


Parmi les multiples détonateurs du krach, l’on trouve la « crise obligataire britannique » aggravée par le projet de budget de Liz Truss, qui l’a contraint à démissionner, et qui a sérieusement impacté non seulement les fonds de pension et les banques britanniques, mais aussi le marché obligataire américain et certaines banques suisses, pour ne citer que les cas les plus visibles.

La réduction d’impôts pour les riches proposée par Liz Truss a accéléré la chute de la valeur des gilts (emprunts d’État) britanniques déjà provoquée par la hausse des taux, entraînant à son tour une vague d’appels de marge sur les garanties déposées par les fonds de pension. La Banque d’Angleterre a réagi en injectant 65 milliards de livres en quelques jours et en ouvrant des instruments repo à court et long terme pour les banques. La tempête ne s’est calmée qu’après l’abandon total de la politique gouvernementale annoncée par la Première ministre, qui lui a offert un répit de très courte durée.

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Malgré la marche arrière du gouvernement britannique, les rendements des gilts sont restés élevés, comparés aux niveaux d’avant crise. Et les obligations d’entreprises et d’État américaines en pâtissent également. En effet, pour répondre aux appels de marge, les fonds britanniques en ont vendu massivement, à tel point que Janet Yellen, la secrétaire au Trésor de Joe Biden, a mis en garde contre un dangereux problème de liquidités sur le marché obligataire américain.

Les banques centrales tentent d’appuyer sur l’accélérateur tout en freinant en même temps – ce qui ne peut pas fonctionner. La réalité est que le système ne peut plus être sauvé. Mais les élites transatlantiques semblent complètement aveugles, comme le montre l’attribution du prix Nobel d’économie 2022 à l’ancien président de la Fed, Ben Bernanke, principal responsable de la vague hyperinflationniste actuelle.

Les gouvernements occidentaux fragilisés

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Seule une mise en faillite ordonnée, impliquant une réforme de type Glass-Steagall (séparation des banques de dépôts et des banques d’affaires), permettra de neutraliser le secteur spéculatif et de mettre en place un système de crédit destiné à financer une reprise de l’économie physique. Sans cela, la colère sociale face à l’inflation et la récession ne peut que s’accroître et mettre les gouvernements au pied du mur.

Ainsi, tandis qu’une partie majoritaire du monde est déjà en train de construire un système économique complètement nouveau, en Europe et aux États-Unis, de plus en plus de secteurs de la population s’insurgent contre « ces politiques qui détruisent les bases matérielles de l’existence de la plupart des gens », comme l’a fait remarquer Helga Zepp-LaRouche lors de la conférence de l’Institut Schiller du 15 octobre.

Le 18 octobre, la France a connu une journée de mobilisation et de grève nationale contre l’inflation galopante, faisant suite à plusieurs semaines d’actions dans les raffineries de pétrole et à une manifestation de dizaines de milliers de personnes le 16 octobre à Paris contre la vie chère. En Allemagne, une importante vague de protestation se développe, et des actions ont été entamées en Italie pour dénoncer notamment le danger de guerre et la politique de sanctions. Dans toute l’Europe occidentale, des mobilisations sont en cours, impliquant également les agriculteurs, qui sont pratiquement condamnés à disparaître au nom d’un « Green Deal » insensé.

Comme l’ont montré la chute de Mario Draghi en Italie, et celle, fulgurante, de Liz Truss au Royaume-Uni, le système occidental est un colosse aux pieds d’argile — les pieds étant représentés par les gouvernements qui vacillent et tombent sous la pression des peuples qui réclament un vie et un travail dignes d’êtres humains.

Jacques Cheminade


Soulignant dans son dernier Éclairage la nécessité de faire se lever en France un nouveau « bloc populaire », Jacques Cheminade l’affirme :

Tous les pouvoirs du monde sont aujourd’hui fragilisés, à commencer par ceux que nous subissons en Europe. (…) C’est le temps pour que de nouveaux leaderships émergent ; pas ceux d’homme ou de femmes providentiels (…), mais celui de chacun d’entre nous, patriotes et citoyens du monde.


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