3099 – Greenwashing fiscal

par c481 – Agoravox – samedi 1er décembre 2018 –

La fiscalité prétendûment « verte » suscite un rejet croissant, dont le mouvement des gilets jaunes n’est peut-être que la partie émergée.

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Face à cette grogne sociale, le pouvoir exécutif semble jouer la carte du pourrissement.

Il espère un affaissement du soutien populaire aux gilets jaunes, peut-être sur le fond (en raison de la multiplication des revendications, de plus en plus hétéroclites), mais surtout sur la forme
(je pense notamment aux blocages, qui ne sont clairement pas le moyen d’action le plus judicieux ; contrairement aux opérations péages gratuits, moins gênantes pour l’économie – et après tout, la privatisation des autoroutes à un prix dérisoire a été le résultat d’un long travail de lobbying des grandes entreprises du BTP).

Quoiqu’il en soit, le pari du président est à double tranchant, car il existe à mon sens un rejet bien plus massif encore de la forme employée par l’exécutif lui-même, qui persiste à s’enferrer dans ses mensonges.

En effet, il faut être bien naïf pour ignorer l’opération de « greenwashing » à laquelle se livre le gouvernement, au risque de décrédibiliser l’écologie…

Si cette dernière était son souci réel, l’argent récolté servirait à financer la transition énergétique ; or 85% des taxes supplémentaires ne serviront qu’à renflouer les caisses de l’État !

Cependant, le président refuse par principe de céder.

Il a en mémoire ses prédécesseurs devenus impuissants après avoir cédé face à la rue…

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Il oublie que les gilets jaunes ne sont pas un mouvement corporatiste.

Il oublie aussi que dans une bonne négociation, il faut laisser un « os à ronger » à la partie d’en face : dire « je vous entends, mais je ne change rien » ne fait que radicaliser les positions.
Il parle de courage, mais il s’agit plutôt de rigidité : réexpliquer sa position (sans la modifier d’un iota) ne suffira pas à convaincre par miracle ses contradicteurs.
Il existe peut-être un juste milieu, entre la retraite en rase campagne, et un entêtement qui confine au mépris.

S’il avait vraiment le courage dont il se pare, il assumerait la réalité budgétaire.

 

En effet, il comptait sur la croissance économique (et donc des recettes fiscales) pour compenser ses cadeaux fiscaux (réforme de l’IS : 3,5 milliards par an ; et surtout la suppression progressive de la taxe d’habitation : 20 milliards par an à l’horizon 2022 ; etc.).
Or, les recettes fiscales étant inférieures aux prévisions, il y a un « trou » dans le budget de l’État… Trou qu’il a choisi de combler en détournant les surtaxes, initialement sensées financer le développement des alternatives au pétrole sur un mode bonus-malus (là, nous avons plutôt un malus tout court).
Que le président assume la réalité budgétaire ! Pour financer la réduction et la suppression de certains impôts, il n’a pas d’autre choix que d’en augmenter d’autres. Si ce n’est pas le carburant, ce sera autre chose. A moins d’annuler la suppression de la taxe d’habitation…

Une telle franchise ne réglerait assurément pas le conflit, mais elle aurait au moins le mérite de rendre le débat plus franc.

Le plus navrant dans cette crise, c’est que cette augmentation des taxes ne permettra aucunement de réduire le réchauffement climatique…

La France a émis en 2014 moins de 2% des émissions mondiales de CO2 ;

  • l’Union Européenne (France incluse) environ 9%…
  • Le cumul Chine+USA+UE+Inde+Russie+Japon, 70% !
Pour être efficaces, nous devons donc agir collectivement à l’échelle mondiale. Nous en sommes loin. Nos efforts seront vains si nous sommes seuls à les faire ! Qu’importe, pour le gouvernement, c’est le symbole qui compte.

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En forçant un peu le trait, la France d’en haut prend l’avion pour partir en vacances, et elle demande à la France d’en bas de payer son carburant plus cher pour sauver la planète… Au passage, le transport aérien est exonéré de taxes sur les carburants et de TVA…

Admettons, va pour le symbole…

  • L’augmentation des taxes incitera-t-elle réellement nos concitoyens à réduire leurs déplacements ?

On peut en douter étant donné la faible élasticité-prix de la consommation de carburant. Les foyers aisés, ou qui roulent peu, ne changeront pas leur comportement. Quant aux foyers modestes et roulant beaucoup, ces taxes pourraient théoriquement les inciter à rouler moins… Toutefois, s’ils bénéficient réellement de mesures compensatoires, alors cet effet sera annulé.

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Par ailleurs, nous en revenons toujours à la même question : quelle alternative propose-t-on aux automobilistes ?

Celui qui répond la voiture électrique (vaste fumisterie) se met le doigt dans l’œil. Un véhicule électrique n’a de sens qu’à condition d’être alimenté en continu, sans batteries
(ces dernières étant bourrées de métaux lourds, polluants, rares et chers) ;
et encore, à condition que l’électricité utilisée soit verte
(en France, les ENR représentent moins de 5% de l’électricité produite ; elles ne permettront pas dans un futur proche de démultiplier la production d’électricité).

Quant à passer du diesel à l’essence… Faut-il rappeler que l’essence génère 20% de CO2 de plus que le diesel, à kilométrage égal ?

 

Dans son discours du 27 novembre, notre président a (assez maladroitement) essayé de jouer sur la corde sensible, en brandissant l’argument des particules fines…

Ignore-t-il le cas des villes portuaires comme Marseille, saturées de particules fines rejetées par les navires, qui brûlent un mazout lourd extrêmement polluant mais néanmoins très peu taxé ?

Ignore-t-il que les automobiles ne sont responsables que de 25% des émissions de particules PM10 en Ile de France (étude Airparif 2012) ?

Et encore, sur ces 25%,

  • seuls 15 proviennent de la combustion,

  • les 10 autres provenant de l’abrasion des freins, des pneus, et de la chaussée.

Les 75% restants proviennent des poids lourds (camions, autobus, etc), du transport aérien et fluvial, du chauffage urbain, et des industries.

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Bien sûr, il est souhaitable de réduire la dépendance de la France aux énergies fossiles, pour des raisons écologiques, mais aussi économiques (nous importons 99% de nos hydrocarbures, ce qui déséquilibre gravement notre balance commerciale).

Mais ce souhait ne doit pas servir de paravent à une politique fiscale injuste socialement et totalement incohérente.

Surtout, une véritable politique de sortie du pétrole ne peut être envisagée sans le développement à grande échelle d’une alternative crédible… On attend toujours que le gouvernement nous la présente.

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source/ https://www.agoravox.fr/auteur/c481