2102 – Corée du Nord & La « provoc » Étasunienne

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Note d’Actualité n°479
Cotée du Nord – États-Unis – Risque de guerre nucléaire ?

Kim Jong-un, le « cher leader » nord-coréen, souhaite doter son pays d’une force nucléaire militaire capable de frapper n’importe quel point du globe afin d’affermir son régime.

A ce titre, il n’a pas une volonté d’hégémonie mondiale, sa politique étant défensive face à la volonté affichée des Etats-Unis de le faire renverser. Mais pour lui la meilleure défense, si ce n’est pas l’attaque, c’est au moins la provocation.

Le peuple nord-coréen qui, dans son immense majorité, n’a pas accès à des informations venant de l’extérieur et qui n’a jamais connu d’autre société que celle forgée par la dynastie du clan Kim, ressent une « légitime fierté » dans la posture de son leader qui n’hésite pas à défier les plus puissantes nations décrites comme agressives et injustes.

L’escalade verbale qui a lieu en ce moment entre le président Donald Trump et Kim Jong-un inquiète au plus haut point d’autant que les deux dirigeants ont la réputation d’être imprévisibles, particulièrement en matière de politique étrangère.

L’armement nucléaire nord-coréen

Sur le plan purement technique, la Corée du Nord est loin de bénéficier aujourd’hui d’une force de frappe opérationnelle capable de frapper les Etats-Unis voire l’île de Guam. Et pourtant, elle a bien procédé depuis 2006 à cinq essais de bombe A (à fission) et peut-être à un essai d’une bombe H (à fusion), bien que ce dernier reste sujet à controverses. La puissance de ces essais serait de six à vingt kilotonnes.

Le problème réside dans le fait qu’après avoir réalisé une charge nucléaire, il faut la « militariser », c’est-à-dire la rendre transportable sur un vecteur : obus, bombe, missile ou fusée. Pour cela, il faut qu’elle soit d’une taille et d’un poids réduits adaptés au vecteur choisi.

Le plus difficile et de la « durcir » pour qu’elle soit en mesure résister aux contraintes imposées par le vecteur, particulièrement s’il s’agit d’un missile intercontinental (exposition à des températures extrêmes, vibrations, etc.). Pour prendre un exemple, après l’explosion de la première bombe atomique (A) française « Gerboise bleue » à Reggane (Sahara) en 1960, il a fallu quatre ans pour transformer ce « cube » d’un mètre de côtés en une charge adaptée sous une bombe lisse armant les premiers Mirage IV. L’essai avait délivré une puissance de 70 kilotonnes.

Bien que les services de renseignement américains laissent entendre que la Corée du Nord ait pu installer une charge nucléaire sur des missiles, il est plus probable qu’ils l’ont adapté sur des bombes lisses ou sur des missiles de portée intermédiaire de type Scud. Ces armes, si elles sont opérationnelles, mettent en danger la Corée du Sud et, à un degré moindre, le Japon. Mais au temps de la Guerre froide, il existait aussi des « mines nucléaires » transportables à dos d’homme. Il n’est pas exclu que les Nord-Coréens aient développé ce type d’arme qu’ils pourraient introduire clandestinement par voie maritime en Corée du Sud. Pour cela, ils bénéficient d’une flotte de sous-marins de poche performants qui peuvent débarquer des agents opérationnels sur les plages de leur voisin sudiste. Ces mines nucléaires pourraient ensuite être convoyées et dissimulée dans des grandes villes désignées comme objectifs. Cette technique a inspiré la rédaction du best seller Le Cinquième cavalier (1980) de Larry Collins et Dominique Lapierre.

Selon diverses estimations, la Corée du Nord pourrait ainsi détenir une soixantaine de charges nucléaires. Seulement, il est difficile de savoir s’il ne s’agit pas de propagande venant du régime ou même des Américains qui ont habitué le monde à leurs « exagérations » quant à l’estimation des capacités militaires de leurs adversaires (URSS puis Irak).

Enfin, toujours sur le plan technique, un missile intercontinental qui est doté d’une seule ogive nucléaire solidaire de son lanceur est parfaitement interceptable par les systèmes de défense antimissiles américains car il est aisément détectable par les différents systèmes de surveillance et son parcours peut être anticipé. Même un tir en salve peut être paré. La technologie que ne possède pas la Corée du Nord est celle des têtes multiples (de trois à cinq) qui sont libérées dans l’atmosphère pour cibler chacune un objectif différent. De plus, il est peu probable que Pyongyang ait atteint un niveau sophistiqué de guidage terminal. Les quatre missiles Hwasong-12 (KN-17) qui devraient viser Guam à partir de la mi-août – si l’on en croit les déclarations du « cher leader » -, seront très vraisemblablement équipés de têtes inertes et s’abîmeront un peu au hasard dans les eaux internationales au large de l’île. Ce qui sera alors intéressant de voir, c’est la réaction du Japon – qui devrait être survolé – et des Etats-Unis. Tenteront-ils une interception qui, si elle échoue, montrera des « failles » dans le dispositif anti-missiles, ce qui renforcera la position de Pyongyang ? S’ils ne font rien, ce sera aussi un camouflet politique !

Il reste aussi la possibilité que la Corée du Nord mette en œuvre une bombe qui explose à très haute altitude (entre 30 et 80 kilomètres) au dessus du Japon, que l’on appelle « arme à impulsion électromagnétique » (Electromagnetic pulse EMP). Cela brouillerait tout l’électronique nippon provquant de nombreux dégâts au sol et dans les airs : communications interrompues, circuits électriques endommagés, etc. Mais les EMP sont considérées comme des armes de destruction massive et cela entraînerait vraisemblablement une riposte de la part des Etats-Unis.

Que peut faire Washington ?

Une ou plusieurs explosions nucléaires survenant dans un pays voisins allié des États-Unis entraînerait une réplique immédiate d’autant qu’ils ont des boys (souvent accompagnés de leurs familles) qui y servent en permanence et qui feraient partie des victimes. Les plans de frappes nucléaires sont certainement déjà dans les plans de guerre concoctés par le Pentagone. Il est même vraisemblable que les coordonnées des objectifs à traiter sont déjà entrées dans les mémoires des missiles des sous-marins et autres B-52 aptes à intervenir sur zone dans les plus brefs délais.

Dans le scénario décrit plus avant, il n’y aurait plus de Corée du Nord même si ce sont principalement des objectifs militaires qui seraient visés (Hiroshima était un objectif « militaire »). Un conflit nucléaire laisserait les dirigeants (et les populations) de la planète dans la sidération la plus totale. Et surtout, comme c’est la Corée du Nord qui aurait été l’agresseur et que son anéantissement serait venu en riposte, aucune puissance nucléaire – chinoise ou russe en premier lieu -, ne réagirait militairement. Pékin a évoqué cette possibilité en assurant que la Chine resterait alors neutre.

Une deuxième option est inquiétante. Quand Donald Trump déclare que les États-Unis pourraient déclencher « le feu et la colère comme le monde n’en n’a jamais connu », à quoi fait-il allusion ? La doctrine militaire américaine ne s’interdit pas l’option de « première frappe préventive » pour parer une menace jugée sérieuse. Il en avait déjà été question avec l’Iran. Les forces armées américaines sont en mesure d’effectuer des frappes mixtes classique/nucléaire sur les sites de développement et de déploiement des armes nord-coréennes avec, à la clef, des pertes collatérales extrêmement importantes qui se compteraient en des dizaines de milliers de morts même si les armes actuelles sont d’une très grande précision et que leur puissance peut être réglée en fonction de l’objectif à détruire. A noter qu’enterrer des installations, même profondément, est illusoire pour leur sécurité car des armes à pénétration existent déjà et la puissance de l’explosion détruit tout dans un rayon extrêmement important. Mais rien ne dit que les services de renseignement américains ont localisé toutes les installations nord-coréennes qui représentent un danger pour eux. De plus, Kim Jung-un a à sa disposition en guise de représailles d’autres armes de destruction massive, chimiques et bactériologiques, sans compter son armée de 1,1 million d’hommes[1] dont l’artillerie classique[2] peut écraser Séoul (dix millions d’habitants) sous un déluge de feu.

Ce scénario apocalyptique a heureusement peu de chances d’avoir lieu car à ce moment là, les réactions des autres puissances nucléaires mondiales seraient imprévisibles. Si les Américains décident d’employer en premier l’arme nucléaire contre un pays jugé par eux comme dangereux pour leurs intérêts vitaux, qu’est ce qui empêcherait le Pakistan de faire de même avec l’Inde (et inversement) ou Israël de frapper l’Iran qui se trouve dans un cas un peu similaire à celui de la Corée du Nord ? De plus, le Président des États-Unis, même chef suprême des armées, ne peut déclencher le feu nucléaire seul. Il existe un certain nombre de verrous de sécurité à franchir et il faudrait pour cela que toute la chaîne hiérarchique impliquée dans cette action soit d’accord.

Moscou et Pékin proposent leurs bons offices pour faire baisser la tension. Encore faut-il qu’ils soient entendus !


  • [1] Plus un million de réservistes mobilisables rapidement.
  • [2] 8 300 affûts d’artillerie lourde plus 2 200 lance-roquettes multiples.

SOURCE/ http://www.cf2r.org/fr/notes-actualite/coree-du-nord-etats-unis-risque-de-guerre-nucleaire.php


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Corée – les manœuvres de la discorde

Par Cyrille Pluyette – Mis à jour le 21/08/2017

Dans un climat plus tendu que jamais, le régime de Pyongyang fustige les exercices militaires conjoints américano-coréens qui ont débuté lundi sur la péninsule.

Correspondant à Pékin


Les exercices militaires menés conjointement par Séoul et Washington risquent-ils de mettre le feu aux poudres alors que la tension est à son comble entre les États-Unis et la Corée du Nord? Ces manœuvres annuelles, qui ont démarré lundi et doivent durer onze jours en Corée du Sud, ont provoqué comme à chaque fois la fureur de Pyongyang. Mais elles interviennent cette année dans un climat plus explosif que jamais. Kim Jong-un, le dictateur nord-coréen, et Donald Trump, le président américain, se sont en effet lancé des invectives d’une violence inouïe, se promettant mutuellement un déluge nucléaire.

La réaction nord-coréenne sera scrutée avec attention par la communauté internationale, qui redoute une escalade avec l’imprévisible président américain, dont les conséquences seraient incalculables. Peu après l’édition de 2016, le pays le plus fermé de la planète avait procédé à son cinquième essai nucléaire, le dernier en date.

Perfectionner la coordination des commandements

L’héritier de la dynastie communiste a commencé à faire monter la pression en juillet en testant deux missiles intercontinentaux (ICBM), qui semblent capables d’atteindre le continent américain. Piqué au vif, Donald Trump a menacé en retour de répandre «le feu et la colère» sur le royaume ermite. Ce à quoi Kim Jong-un a réagi en promettant de tirer une salve de missiles vers l’île américaine de Guam, dans le Pacifique. L’impétueux dirigeant a toutefois suspendu son projet, le temps d’observer l’attitude «stupide» des «Yankees». Mais il n’hésitera pas à appuyer sur le bouton si ces derniers «persistent dans leurs actions irresponsables et dangereuses».

Baptisé «Ulchi Freedom Guardian» (UFG), ces exercices sont destinés, selon les deux alliés, à défendre le Sud contre une attaque nord-coréenne. L’objectif est de perfectionner la coordination entre les commandements des armées. Mais, Kim Jong-un est persuadé que Washington et son allié préparent l’invasion de son pays. Les moyens déployés ont de quoi impressionner: 50.000 soldats sud-coréens et 17.500 militaires américains. L’essentiel de l’entraînement est toutefois fondé sur des simulations par ordinateur de situations de combat, menées dans un vaste bunker. Cette session d’été annuelle est donc moins spectaculaire que celle menée en mars, avec des tirs réels et des déplacements de chars.

Le «Maréchal» nord-coréen vit d’autant plus mal ces «jeux de guerre» qu’il serait tétanisé par la peur depuis qu’il a appris que les États-Unis et la Corée du Sud se prépareraient à l’éliminer en cas de besoin. Kim aurait réduit ses apparitions en public et ne se déplacerait plus que la nuit, dans des voitures appartenant à des subordonnés, d’après un député sud-coréen s’appuyant sur un rapport des services secrets de son pays. Selon le Bookings Institute, un accord secret signé fin 2015, entre Séoul et Washington, privilégie, en cas de guerre avec le Nord, des «frappes préventives sur des cibles stratégiques» et «des raids de décapitation pour exterminer les leaders». Durant les exercices de mars, des membres des forces spéciales américaines se seraient pour la première fois entraînées à une telle mission.

Reculer serait faire preuve d’un manque de fermeté

Sans surprise, la Corée du Nord a fustigé les manœuvres du jour. Elles visent «à déclencher une guerre nucléaire à tout prix dans la péninsule coréenne», a tonné lundi l’agence officielle de presse nord-coréenne KCNA, dénonçant l’hostilité des «maniaques» du conflit. De son côté, Pékin, le principal allié de Pyongyang, considère aussi que ces exercices «ne favorisent pas la baisse des tensions actuelles». Pour le géant communiste la solution à la crise passe par l’arrêt des exercices militaires conjoints en Corée du Sud d’un côté, et par un gel des essais nucléaires nord-coréens de l’autre.

Mais ce scénario a été rejeté par les Américains. «À Washington, une école de pensée, à laquelle semble adhérer l’Administration Trump, estime que reculer sur les exercices militaires traduirait une preuve d’un manque de fermeté face à un leader nord-coréen indigne de confiance et l’encouragerait à l’escalade», souligne Benjamin Habib, professeur à l’université La Trobe, en Australie. Mais d’autres experts pensent que «ces manœuvres constituent une provocation inutile et qu’il est possible de modifier le lieu et l’envergure des exercices», souligne Zhao Tong, chercheur au Carnegie-Tsinghua Center for Global Policy, à Pékin. Une première porte de sortie consisterait à réduire la portée des vols de bombardiers B-1B qui survolent la péninsule et mettent en rage Pyongyang en échange de la promesse nord-coréenne de ne pas cibler Guam, proposent certains. Pas sûr toutefois que cela convainque le président américain.

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SOURCE/ http://premium.lefigaro.fr/international/2017/08/21/01003-20170821ARTFIG00218-coree-les-manoeuvres-de-la-discorde.php