1544 – L’employé des pompes funèbres

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La victoire de Benoît Hamon à la « primaire » organisée par le parti dit socialiste est nette.
Mais elle se fait dans un contexte très détérioré. Cette « primaire » a réuni moins de personnes qu’en 2011, et bien moins de la moitié de celle des Républicains en novembre 2016. Cette victoire va donc très probablement accélérer la décomposition du dit parti. D’ores et déjà, un certain nombre de députés P « S » et de responsables se préparent à passer avec armes et bagages du côté d’Emmanuel Macron. Au-delà des manœuvres des uns et des autres, manœuvres sur lesquels ont peut porter un jugement politique mais aussi un jugement moral, nous assistons à la phase finale de l’agonie du parti crée à Epinay en juin 1971.
Cela présage de recompositions politiques importantes, voire décisives, dans les mois qui viennent.

par · 29 janvier 2017

Benoît Hamon, de gauche ? Vraiment ?

Cette victoire de Benoît Hamon est celle, avant tout, d’une politique de réseaux. Réseaux que l’intéressé a cultivés avec soin, et ce depuis de nombreuses années. Il faut se souvenir que Hamon entra en politique comme un « jeune rocardien », et qu’il y fréquenta alors un certain Manuel Valls.

Mais, surtout, Benoît Hamon s’est construit un personnage politique sur le mode « de gauche, mais pas trop ». Il n’hésite pas à reprendre des thèmes comme le « revenu universel » ou à piocher dans le programme de candidats plus à gauche que lui, comme dans celui de Jean-Luc Mélenchon où il a trouvé l’idée de « constitutionnaliser » les Biens Communs[1].

Il a, sur ce point, bien retenu la leçon de Guy Mollet, qui fut en son temps le fossoyeur de la SFIO, cet ancêtre du Parti dit socialiste, et selon qui ont prenait le pouvoir dans la social-démocratie par la gauche, mais que l’on l’exerçait par la droite

Alors, Benoît Hamon, de gauche ? Vraiment ?

Il faut ici se souvenir de ce qu’il disait en septembre 2009, quand fut présenté le « plan de relance » traduisant (en petite partie) dans les faits le fameux « discours de Toulon » de Nicolas Sarkozy[2].

Ce discours appelait à une « refondation » du capitalisme, et d’un capitalisme réglementé, mais au service du développement économique et social. Un beau discours, assurément, même si la pratique du gouvernement fut bien différente.

Or, quand François Fillon, à l’époque Premier-ministre, présenta son budget, Benoît Hamon l’attaque sur sa droite (et même son extrême droite) en prétendant que « la France était ruinée ».

J’écrivis à cette époque un texte sur le blog Marianne2[3], dont j’ai gardé le texte que je soumets au lecteur pour qu’ils voient l’incohérence profonde de Benoît Hamon. Ce n’était pas pour rien que j’avais intitulé ce texte « Benoît Hamon est-il idiot ? ». Il faut donc croire qu’avec quelques autres nous ne lui avons pas assez tiré les oreilles…

Texte publié en octobre 2009

« Benoît Hamon est-il idiot ? »

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On peut alors voir tout ce qui dans les positions récentes de Benoît Hamon relève de la posture, de l’artifice, de la combinaison et même de l’enfumage. Il n’a, d’ailleurs, nullement dérogé à ses habitudes, votant les textes les plus discutables, et même les plus réactionnaires (comme la « loi travail), de 2012 à aujourd’hui. Benoît Hamon espère récupérer les débris du courant incarné par Martine Aubry, d’où le soutien chaleureux de cette dernière à sa candidature, soutien qui a visiblement provoqué un orgasme chez le journaliste de Libération qui en a rendu compte[4]. Mais il s’est surtout engagé dans une politique ouvertement clientéliste. C’est ce qui explique dans une très large mesure ses positions, plus que douteuses, sur la laïcité[5], mais aussi certaines de ses pratiques à Trappes, dans sa circonscription. Céline Pina a décrit dans un ouvrage paru l’année dernière toutes les conséquences de cette forme de capitulation face aux organisations non pas musulmanes mais véritablement islamistes[6]. La victoire de Benoît Hamon rassemble donc dans un pot pourri des postures tout comme des pratiques qui sont largement condamnables. Mais, ceci ne doit pas nous étonner quand on mesure ce qu’il doit, mais aussi ce que lui coute l’alliance avec Martine Aubry qui, quand elle fut la première secrétaire à la suite d’un vote sur lequel plane aujourd’hui encore plus qu’un doute, avait couverte les pratiques elles aussi clientélistes de certains élus, en particulier dans Bouches-du-Rhône…On sait que cette affaire fut éclaircie, en 2011, par Arnaud Montebourg[7], qui fut menacé de mort et dûment protégé par la police.

Tout ceci indique ce qu’il faut penser de la candidature et du personnage joué par Benoît Hamon.

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Valls et les prébendiers

Est-ce à dire que son adversaire se soit mieux comporté ?

Si Manuel Valls a pu avoir une certaine cohérence sur ses choix – libéraux – en économie, choix qu’il avait défendus dans la « primaire » de 2011 où il avait récolté 5% des voix, il s’est durablement ridiculisé en proposant, dans le cours de la campagne de l’actuelle « primaire », d’abroger l’article 49.3 de notre Constitution après en avoir usé et abusé en tant que Premier-ministre[8].

C’est l’alcoolique qui présiderait une société de tempérance : « faites ce que je dits et non ce que je fais… »[9]. Si son discours sur la question de la laïcité a été plus ferme, et encore une fois plus cohérent, que celui de Benoît Hamon, il n’a pas donné de preuves qu’il voulait l’appliquer, et ce en particulier quand il fut le Premier-ministre.

Car, et c’est bien là le principal problème de Manuel Valls ; il doit apparaître comme un « homme nouveau » alors qu’il arrive épuisé à cette primaire par les années passées à Matignon. Il doit endosser l’héritage de François Hollande alors même que ce dernier est profondément rejeté par les électeurs. Et, de ce rejet, il est lui aussi touché. Il ne pouvait donc compter que sur une amnésie de ces derniers, et en particulier sur ses discours sur l’incompatibilité des « deux gauches » ou son action, et en particulier sur la trop fameuse « loi travail », et la répression qui l’a accompagnée.

Cependant, c’est dans sa réaction au résultat de cette « primaire » que la vérité de Valls se dévoile. Son « respect » du résultat ne l’empêche pas de dire qu’il se met en retrait. Ceci peut encore se comprendre.

Mais, nombre de ses soutiens au parti dit socialiste n’ont même pas attendu que les votes soient comptés pour annoncer leur ralliement au candidat des banquiers et de Bruxelles, on veut ici parler d’Emmanuel Macron.

Derrière l’indécent « droit de retrait » que ces élus prétendent invoquer[10], un droit qui est invoqué par des fonctionnaires dans des contextes autrement plus sérieux et dramatiques, en particulier dans l’Éducation Nationale et les Pompiers, se cachent des calculs politiciens.

On cherche tout simplement à sauver son poste et sa prébende. Ces ralliements sont politiquement significatifs de l’état de décomposition dans lequel se trouve le P « S », un parti qui est miné depuis de longues années par des pratiques de collusion et de clientélisme. Un parti qui a fait de sa « démocratie interne » un immense scandale, et une source inépuisable de plaisanteries.

On peut comprendre que des représentants politiques fassent le choix de quitter leur parti pour en rejoindre un autre. Mais, si c’est un choix et non un calcul, un simple principe démocratique voudrait alors qu’ils démissionnent de leurs mandats. Ils ont en effet été élu sous une étiquette partisane, et, s’ils veulent conserver leurs sièges, ils devraient en toute logique se représenter devant les électeurs.

Cependant, ici non seulement ces députés, sénateurs, maires, conseillers régionaux, n’envisagent nullement cela, mais ils disent ouvertement que si les électeurs de leur parti font un choix différent de ce qu’ils souhaitent, ils s’en iront avec armes et bagages, et surtout bagages, dont quelques indemnités bien juteuses.

On ne pouvait pas dévoiler de manière plus crue la réalité de cette « primaire » organisée par le parti dit socialiste. On voit ici à l’évidence qu’il s’agissait uniquement de faire avaliser par des électeurs un choix décidé dans l’entre soi et en petit comité. Seulement, quand les électeurs ne votent pas comme ils auraient dû le faire pour cette engeance politicarde, on casse la vaisselle et on quitte le navire. C’est éloquent quant au respect de la démocratie ! Pour tout dire, cela n’étonne plus. Après tout, les dirigeants du P « S » avaient bien collaboré avec Sarkozy pour voler aux français le résultat du référendum de 2005…

 

Benoît Hamon, candidat ou croque-mort ?

Il résulte donc de tout cela que désormais Benoît Hamon est dans la seringue, pris entre la pression que les « macronistes » vont exercer de l’intérieur comme de l’extérieur et son incohérence doctrinale, résultat de sa trajectoire politique, qui le soumet à son tour à la pression de Jean-Luc Mélenchon. Son espace politique risque de se réduire comme peau de chagrin. C’est donc le sort du parti « socialiste », et de son candidat, qui va se jouer dans les jours qui viennent.

Il est possible que les annonces de ralliement à Emmanuel Macron se multiplient.

Il n’est pas impossible qu’elles touchent même des ministres… Bien des hiérarques « socialistes » voudront sauver leurs sièges et leurs prébendes, ayant oublié depuis fort longtemps ce qui signifient et la décence et la dignité en politique. Mais, si ils partent, ils ne seront probablement pas les seuls. Dans ce cas en effet, il est bien possible qu’une partie des électeurs choisissent plutôt Mélenchon.

Le P « S » se viderait ainsi dans un double mouvement de départ, l’un dont parleront les médias qui en ce cas disserteront à perte de vue sur la nature et la signification de ces fameux « ralliements », et l’autre, bien plus silencieux mais bien plus significatif, qui concernerait alors les électeurs.

Si un tel futur devient réalité, Benoît Hamon se retrouvera dans le rôle d’un Gaston Deferre allant à l’élection comme l’animal de boucherie à l’abattoir.

Le mouvement pourrait d’ailleurs s’amplifier si la candidature de Jean-Luc Mélenchon continue de monter dans les sondages. Il apparaît en effet comme le seul capable de représenter une gauche véritable au second tour de la présidentielle. Car, ne nous y trompons pas ; avec une droite classique empêtrée dans les affaires de François Fillon, avec un Emmanuel Macron dont la vacuité se révèle de jour en jour et qui ne tient que par les médias[11], il y a une véritable porte qui est en train de s’ouvrir pour Jean-Luc Mélenchon. Ce serait alors la mort du parti né à Epinay en 1971, mais aussi l’assurance d’une recomposition majeure à gauche qui pourrait se faire, cette fois, dans la clarification.

 

Notes

[1] https://scinfolex.com/2017/01/25/hamon-veut-constitutionnaliser-les-biens-communs-pour-quoi-faire/

[2] http://www.lemonde.fr/politique/article/2008/09/25/le-discours-de-nicolas-sarkozy-a-toulon_1099795_823448.html

[3] http://www.marianne.net/Dette-Benoit-Hamon-n-a-rien-compris_a182319.html

[4] http://www.liberation.fr/elections-presidentielle-legislatives-2017/2017/01/28/martine-aubry-benoit-j-aurais-tellement-aime-te-serrer-dans-mes-bras_1544656

[5] http://www.liberation.fr/elections-presidentielle-legislatives-2017/2017/01/25/valls-hamon-deux-visions-de-la-laicite_1544101

[6] Sapir J., « Les salafistes et la République (recension de « Silence Coupable ») », note publiée sur le carnet RussEurope, 28 avril 2016, https://russeurope.hypotheses.org/4909

[7] http://www.lexpress.fr/actualite/politique/affaire-guerini-montebourg-cible-aubry_1028150.html

[8] http://www.europe1.fr/politique/on-ma-impose-le-493-dit-valls-qui-veut-le-supprimer-2943284

[9] Ce qui fait penser au sketch de Bourvil « L’eau ferrugineuse » : http://www.dailymotion.com/video/x2t9u3_bourvil-l-eau-ferrugineuse-sketche_news

[10] http://www.leparisien.fr/flash-actualite-politique/des-deputes-ps-envisagent-un-droit-de-retrait-en-cas-de-victoire-de-hamon-27-01-2017-6627099.php

[11] http://www.atlantico.fr/decryptage/pourquoi-penelopegate-pourrait-bien-etre-aussi-revelateur-talon-achille-emmanuel-macron-virginie-martin-2948039.html


source/ http://russeurope.hypotheses.org/5641